(Photographie : plains flora)
Comprendre la politique de gestion du comportement de l’école où l’on enseigne
Idéalement, et c’est une condition par exemple à la mise en œuvre efficace du soutien au comportement positif, la gestion du comportement pensée sur le papier doit correspondre à celle constatée sur le terrain. Si des écarts existent et sont mis en évidence, ils devraient être objectivés et le système devrait être ajusté pour les résorber.
Toutefois, dans de nombreuses écoles, la gestion du comportement au quotidien diverge de ce qui est pensé sur le papier, en fonction de la classe, de l’enseignant ou du personnel encadrant. La politique d’une école en matière de gestion du comportement peut se vouloir positive et transparente sur le papier, mais être floue et inégalement mise en œuvre sur le terrain. Elle peut ne pas être forcément respectée sur le terrain où peut coexister une grande diversité de pratiques.
Dans ces situations, un nouvel enseignant sera tiraillé entre une politique inapplicable et inappliquée telle qu’elle est décrite et le besoin de gérer ses classes pour enseigner normalement et efficacement. Cela peut l’amener à développer une interprétation fonctionnelle de la politique en gestion du comportement, en tâchant de comprendre et d’imiter comment les enseignants qui s’en sortent se comportent dans les faits.
Pour bien comprendre quelle est la politique sur le terrain, un nouvel enseignant devrait aller voir les enseignants expérimentés qui s’en sortent avec leurs classes et avec les élèves les plus compliqués.
Ce qui est important c’est de comprendre quelles sont les attentes comportementales explicites de ces enseignants et leur manière de les partager et de les maintenir. Il importe également de voir quelles transgressions correspondent à des perturbations mineures ou majeures et la manière attendue d’y répondre.
Lorsque la politique de gestion du comportement sur le papier est floue, il reste quand même imprudent de créer son propre règlement intérieur. Il est important de partir du mode de fonctionnement et de la culture de l’école, quitte à faire quelques ajustements justifiés par la suite. Il faut comprendre ce qui marche déjà et l’adopter.
La politique de comportement d’une école doit orienter le comportement de tout enseignant. Souvent, elle ne dira pas ce qu’il faut faire dans toutes les situations, mais elle donnera des lignes directrices face à l’éventail des comportements perturbateurs susceptible d’être rencontré.
S’entraîner à appliquer la politique de gestion du comportement de l’école où l’on enseigne
Connaître et respecter la politique de gestion du comportement de l’école et le montrer aux élèves permet de se faire reconnaitre comme un membre intégral de la communauté éducative.
Cette identification va rendre les sanctions nécessaires plus acceptables et acceptées par les élèves fautifs. C’est d’autant plus important lorsqu’on est un nouvel enseignant dans une école, car les élèves en connaissent souvent bien plus sur la thématique que nous.
Certaines pratiques peuvent être préparées et scénarisées, ce qui peut nous aider à régir mieux et plus efficacement en les mobilisant. Parmi ces stratégies que nous pouvons anticiper, nous trouvons le fait de :
- Enseigner explicitement un comportement.
- Rappeler le comportement attendu.
- Renforcer spécifiquement les comportements attendus.
- Récupérer l’attention des élèves lorsque nécessaire.
- Intervenir face à une perturbation mineure en respectant le continuum prévu.
- Avoir un temps d’échange avec un élève pour discuter de son comportement.
- Exclure un élève du cours en respectant le protocole en cas de perturbation majeure.
Nous pouvons nous préparer ou même nous entraîner dans le cadre d’une formation en gestion de classe, par le biais de jeux de rôle. Toutefois, l’épreuve du réel restera inédite. Cependant, la partie prévisible de la gestion du comportement n’est pas le comportement des élèves, c’est le nôtre. Nous pouvons prévoir et réfléchir à notre façon de réagir, par une pratique délibérée, ce qui nous permet de ne pas devoir improviser maladroitement.
Nous pouvons contrôler notre comportement avec l’acquisition de tels scénarios et dans ces situations typiques et le rendre plus fluide sous forme d’une routine maîtrisée.
Éviter l’installation de perturbations mineures par la clarté et l’explicitation des attentes
Les perturbations mineures en classe se traduisent par des pertes nettes de temps d’enseignement et d’apprentissage. La difficulté vient du fait qu’elles peuvent être endémiques dans certaines classes ou le devenir.
Une raison peut être des défaillances au niveau de la politique de gestion du comportement au sein d’une école. Une autre peut être le manque de clarté de l’enseignant qui ne définit pas précisément ses attentes et ne pose pas clairement les limites. Il ne peut dès lors les partager auprès de ses élèves et en assurer une mise en œuvre efficace.
Une dimension vient de la précision du langage. Demander le calme par exemple ne signifie pas la même chose que demander le silence. Le calme n’est pas une limite nette alors qu’elle le devient lorsque l’on parle de silence. La difficulté de demander le silence est de devoir agir s’il n’est pas respecté. Par contre, des chuchotements peuvent se produire dans une classe calme, ce qui impose des contraintes plus faibles, mais ne permet pas le même niveau de qualité du climat d’apprentissage. La notion de calme en classe est subjective, celle du silence ne l’est pas.
Par conséquent, lorsqu’un enseignant demande le calme alors qu’il souhaiterait le silence, il est à la fois démissionnaire et il apporte de la confusion à ses élèves. Certains élèves trouveront la classe calme et d’autres non, ce qui est un facteur de tension, de frustration et de division. Le besoin de silence de l’enseignant et de bon nombre d’élèves qui souhaitent pouvoir se concentrer sur les apprentissages ne seront pas rencontrés sans que personne n’y puisse rien. La définition du calme reste en effet relative.
Si nous demandons le calme, mais qu’à certains moments nous intervenons pour avoir le silence, nous manquons de cohérence par rapport à nos attentes. La limite n’est pas nette.
Si nous voulons le silence, nous devons l’énoncer, l’expliquer, l’obtenir et le maintenir.
Une situation voisine concerne un attendu en classe selon lequel, durant un cours, les élèves ne doivent pas se lever de leur chaise sans permission. Si un enseignant intervient alors qu’un élève se déplace durant un cours, il est incohérent s’il n’a jamais partagé cette règle de manière explicite précédemment.
Une autre situation similaire est le fait d’exiger des élèves de lever le doigt et d’attendre que l’enseignant leur donne la parole pour poser une question ou pour y répondre. Si l’enseignant ne relève pas et tolère de temps à autre une telle prise de parole non autorisée, il est incohérent.
La clarté facilite l’adoption d’un comportement positif par les élèves et la gestion du comportement par l’enseignant. La clarté permet de définir les comportements qui seront encouragés et ceux qui seront contestés.
Être proactif et assertif dès les premières perturbations mineures
Comme c’est souvent le cas en matière de gestion du comportement, la gestion des perturbations mineures est plus efficace si elle est proactive et assertive. Elle l’est bien moins lorsqu’elle est réactive ou incohérente.
La gestion des perturbations mineures comporte une grande part de prévention et d’anticipation. Préciser clairement et explicitement les attentes est le principal facteur d’efficacité face à elles.
Nous devons préparer le partage et l’enseignement des règles et attentes comportementales en classe. Nous devons également anticiper notre manière de réagir lorsque les perturbations mineures se manifestent effectivement.
Imaginons qu’après un temps de travail collectif où les élèves ont pu échanger et collaborer sur la réalisation de tâches nous souhaitons passer à un enseignement simultané et piloté par l’enseignant.
Nous signalons, clairement, selon le mode approprié et convenu que nous attendons d’obtenir rapidement l’attention de tous vers nous.
Pour clarifier le processus, nous pouvons accompagner cette transition d’un compte à rebours. Silence dans 5, 4, 3, 2, 1 et zéro.
Imaginons que nous avons demandé le silence, très clairement, et que nous ne l’avons pas obtenu.
Dans ce cas, nous constations que les attentes ne sont pas satisfaites. Nous répétons alors la demande et avertissons la classe des conséquences pour les élèves concernés si elles ne sont pas maintenant respectées.
Si les élèves se taisent immédiatement, nous pouvons les remercier. Si le silence n’est pas obtenu, nous leur proposons un choix, soit garder le silence, soit le premier que l’enseignant remarque occupé à parler reçoit une sanction.
Si un élève parle à ce moment-là, il reçoit la conséquence prévue dans notre politique de comportement sans contestation possible.
Des attentes claires qui ne sont pas suivies d’effets lorsqu’elles ne sont pas satisfaites risquent de miner la confiance des élèves dans notre capacité à gérer leur comportement.
Si nous n’agissons pas alors que certaines perturbations mineures se manifestent, nous manquons d’assertivité. Certains élèves commenceront à croire que ce que nous demandons n’a pas d’importance. Un bon usage de la clarté demande de bien connaître les élèves et les situations.
Clarté des avertissements et des conséquences pour les perturbations mineures
Clarté des avertissements
Les élèves doivent savoir clairement où mène un avertissement, même si cela a été explicité au départ. Cela impose pour l’enseignant de respecter les principes suivants :
- Utiliser le langage de la politique de comportement de l’école dans chacune de ses interventions.
- Après un premier rappel de la règle, il s’agit d’introduire le comportement de l’élève comme un choix, soit il se comporte bien, soit il assume les conséquences. Nous donnons aux élèves de l’autonomie et de la responsabilité de leurs décisions de comportements adoptés.
- Nous sommes clairs sur les conséquences. Exemple : Soit tu gardes le silence et tu écoutes, soit tu continues à parler aux autres, dans ce cas tu obtiendras un rapport écrit qui mènera à une heure de retenue si c’est le troisième.
- Si l’élève n’obtempère pas, nous lui disons qu’il a choisi d’obtenir la conséquence prévue, car il bavarde au lieu d’être engagé sur le travail à réaliser.
Il est fondamental d’assurer un suivi sans faille des avertissements dans le continuum, sans quoi on se décrédibilise.
Clarté des conséquences
Il est fondamental d’assurer un suivi sans faille des rapports ou des conséquences données. Il faut dès lors être également absolument clairs pour l’élève quand ils sont donnés et pourquoi ils sont donnés.
Une ligne rouge à ne pas laisser passer est de laisser les élèves contester les avertissements, les rapports ou les conséquences. Nous ne devons pas nous laisser entraîner dans de longues discussions sans intérêt à leur sujet.
Souvent, les élèves qui vont contester sont ceux pour qui nos interventions sont entièrement légitimes et justifiées. Ils veulent contester et défier l’autorité parce que c’est une seconde nature chez eux et qu’ils pensent qu’ils sont dans leur bon droit.
Il ne faut pas entrer dans leur jeu et leur dire que notre décision est arrêtée et que nous ne voulons pas de discussion, quels que soient leurs arguments.
Il faut couper court et ne pas leur laisser la satisfaction d’essayer de s’opposer publiquement à nous. Nous ne devons laisser aucun doute sur notre position. Au besoin, nous pouvons leur proposer d’en discuter après le cours, tout en affichant la même fermeté à ce moment-là.
L’objectif des conséquences est de désamorcer la situation plutôt que de l’aggraver. Elles doivent être prévisibles, symboliques et représenter une contrainte juste suffisante pour rendre l’adoption du comportement attendu plus intéressant que la perturbation.
L’idée est que la plupart du temps l’élève évite la sanction ou le rapport et abandonne rapidement la perturbation pour le comportement attendu, cela aussi longtemps que celle-ci soit mineure.
Un bon pilotage du continuum lors des interventions permet d’améliorer le comportement avec un minimum de sanctions.
Établir une conséquence pour une perturbation mineure
Lors du suivi du continuum d’interventions dans le cas d’une perturbation mineure.
Il est utile :
- De bien suivre le vocabulaire et la politique de l’école en lien avec la gestion du comportement.
- De ne marquer aucune émotion et de rester calme et maître de la situation. Si nous nous sentons tendus, il est préférable de ne pas déclencher une interaction avec l’élève concerné et de temporiser le temps de retrouver notre calme.
- De ne pas entrer dans le jeu d’une tentative de contestation ou de justification lancée par les élèves concernés.
- Lorsqu’il s’agit d’une conséquence et non d’un avertissement, il est utile de postposer à la fin du cours son établissement précis. Il n’est pas utile de passer du temps en classe avec l’ensemble des élèves pour partager sur ce sujet avec l’élève concernée.
- En postposant, lorsque cela est possible, nous donnons à l’élève la possibilité de se calmer avant de discuter de son comportement et nous échappons à l’influence des spectateurs.
Lors de la rencontre ultérieure avec l’élève, nous nous contentons d’expliquer clairement la conséquence.
Par exemple : « Tu as continué à bavarder malgré mes deux avertissements, tu as choisi d’avoir la conséquence prévue. »
Si nous en avons la possibilité, à ce moment-là ou par la suite, il est utile de parler du comportement de l’élève, de discuter avec lui de la manière dont il a dérangé le bon fonctionnement du cours. Nous lui posons des questions pour l’aider à comprendre ce qui est attendu de lui et pourquoi.
Une telle conversation n’est pas possible durant un cours. Elle doit avoir lieu après, car nous devons enseigner et prendre en compte les autres élèves. De plus face à ses camarades de classe, l’élève aurait à protéger sa face.
Agir face aux perturbations majeures
Les perturbations majeures constituent une ligne rouge à ne pas franchir pour un élève. Elles peuvent correspondre à certains comportements singuliers préidentifiés à l’échelle de l’école. Elle peut être due à la répétition de perturbations mineures face auxquelles les interventions prévues ne donnent aucun résultat.
Certains comportements ne peuvent être ignorés. L’impolitesse directe, la provocation et toute autre forme de violence doivent par exemple être sanctionnées. L’élève doit être exclu du cours et pris en charge par un membre du personnel spécialisé dans cet accompagnement. De même si l’élève bavarde sans arrêt sans tenir compte des sanctions et des remarques, nous pouvons considérer qu’il s’agit d’une perturbation majeure.
Exclure est une démarche significative et suppose que l’élève soit pris en charge de manière effective ensuite par quelqu’un de compétent.
Pouvoir exclure un élève quand son comportement est problématique peut permettre à l’enseignant de poursuivre le cours normalement avec le reste de la classe.
C’est la politique de gestion du comportement à l’échelle de l’école qui doit dicter quand et comment un élève doit être renvoyé. De nouveau, l’exclusion doit être un processus établi dans lequel l’enseignant contrôle ses émotions. Elle ne doit pas mener à une contestation de l’élève concerné. Si l’élève refuse de partir, il s’agit de faire appel à un soutien supplémentaire externe pour venir prendre l’élève en charge.
Promouvoir un comportement positif par le renforcement
Comme l’écrit Fiorella (2020), le sentiment d’accomplissement lié à la réception d’un renforcement positif est généralement supérieur au fait de compter sur des récompenses externes attendues. De simples compliments peuvent jouer un rôle important dans le changement d’habitude si sa réception est incertaine ou inattendue.
Selon Lavecchia et ses collaborateurs (2016), les jeunes réagiront mieux aux récompenses immédiates qu’aux récompenses lointaines ou futures.
Une remarque positive sur un comportement attendu que l’élève a fait l’effort d’adopter est le principal moyen de le motiver à poursuivre. Le renforcement positif est donné sur le moment, en réponse à un comportement, et il n’a pas besoin d’être planifié, mais d’être gratuit.
Si le renforcement positif apparait naturellement pour les apprentissages, il peut demander un certain effort à l’enseignant pour concerner également le comportement
Pour être authentique, le renforcement positif doit :
- Être (ou paraître) spontané.
- Être spécifique, lié à des aspects du comportement que l’élève a appris
- Souligner le progrès dans l’adoption de ce comportement
- Se concentrer sur la création d’un sentiment positif.
Nous devons veiller à ne pas féliciter les élèves pour des comportements qu’ils adoptent déjà par défaut et qui ne témoignent pas d’un effort ou de progrès de leur part.
De même, ces comportements soulignés doivent être en lien avec nos attentes comportementales en classe.
Au lieu de se concentrer sur les élèves perturbateurs dans le domaine des interactions liées à la gestion de classe, l’enseignant se concentre sur les élèves dont le comportement est bon et sur ceux qui s’améliorent. Il identifie les comportements qu’il souligne positivement.
Utiliser le pouvoir de l’identité
La motivation intrinsèque, assimilable à une motivation autonome, est la motivation à agir qui vient de l’intérieur de nous-mêmes, par opposition à une réponse à une récompense à une contrainte extérieure, assimilable à une motivation contrôlée.
Selon James Clear (2018), la forme ultime de motivation intrinsèque devient possible lorsqu’une bonne habitude devient une partie intégrante de notre identité. L’identité est un puissant facteur de motivation pour agir ou non.
Les écoles sont confrontées à une bataille difficile pour créer une identité axée sur les bonnes habitudes de l’apprentissage plutôt que sur la séduction de l’approbation sociale.
Le langage que nous utilisons est un outil performant pour créer une norme identitaire. Les écoles très performantes développent leur propre langage ainsi qu’un ensemble de routines bien ancrées.
Nous sommes motivés par le soutien mutuel et l’engagement envers les autres. L’utilisation du langage, dans ce sens, favorise donc la création d’une identité partagée.
À ce titre, un enseignant individuel n’aura pas le pouvoir d’une approche globale définie à l’échelle de l’école.
Toutefois, l’usage du langage par l’enseignant est une voie à envisager pour résoudre progressivement les problèmes de comportement et de motivation dans la classe.
Si le respect des règles est un premier objectif pour l’enseignant, il y a un horizon au-delà du respect des règles : l’engagement.
Il est peu probable que le renforcement positif, les conséquences ou les retenues à elles seules permettent d’obtenir l’engagement que nous souhaitons de la part des élèves. Ce qui importe est de façonner l’identité d’un élève pendant qu’il est dans notre classe en rapport avec les contenus enseignés.
Cela ne signifie pas que nous devrions appliquer une étiquette à un élève jusqu’à ce qu’il y croie. La démarche doit être authentique et demande beaucoup de tact pédagogique.
Les étiquettes sont susceptibles d’être dangereuses dans un cadre éducatif. Le langage de l’identité ne doit pas être confondu avec celles-ci.
Mis à jour le 26/02/2025
Bibliographie
Peter Foster, what do new teachers need to know ?, David Fulton, 2023
Fiorella, L. (2020). The science of habit and its implications for student learning and wellbeing. Educational Psychology Review, 32, 603–625.
Lavecchia, A.M., Liu, H., and Oreopoulos, P. (2016). Behavioral economics of education: Progress and possibilities. In E.A. Hanushek, S. Machin and L. Woessmann (eds), Handbook of the Economics of Education (Vol. 5, pp. 1–74). Elsevier.
James Clear, (2018). Atomic Habits. Penguin.
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