jeudi 30 janvier 2025

La malédiction de la connaissance

Un professeur de mathématiques qui se passionne pour l’algèbre et le calcul infinitésimal depuis des années peut avoir du mal à expliquer les bases de sa discipline à un groupe d’élèves qui découvrent le sujet. Il risque de sauter des étapes, ou d’utiliser des termes et des expressions abstraites qui laisseront ses élèves perplexes. 

(Photographie : Nanjo Toshiyuki)





C’est une manifestation de la malédiction de la connaissance. Les connaissances d’une personne plus experte contaminent systématiquement les estimations qu’il posera sur les connaissances d’autres personnes plus novices que lui.



La malédiction de la connaissance en contexte scolaire


Un expert, par exemple un enseignant, peut expliquer des contenus de son domaine à de purs novices, tels que le sont des élèves par définition. Il court alors le risque de générer de la confusion chez eux au lieu de clarifier leur pensée. 

Cette confusion ressentie par le novice n’est pas due au fait que l’expert ne sait pas de quoi il parle. En réalité, il le sait probablement trop bien. Il est victime d’un biais cognitif courant connu sous le nom de malédiction de la connaissance.

Une fois que nous avons acquis une connaissance particulière, celle-ci tend à biaiser, ou à contaminer, notre capacité à raisonner à partir d’une perspective moins informée dans le domaine.

D’une certaine manière, les enseignants encore peu expérimentés ou abordant une matière qu’ils maîtrisent, mais n’ont jamais enseignée peuvent parfois avoir de la difficulté pour enseigner à des novices que sont leurs élèves. Ils peinent à se mettre à leur place.

La malédiction de la connaissance est un biais cognitif qui survient lorsqu’une personne, communiquant avec d’autres personnes, suppose inconsciemment que les autres ont les mêmes connaissances ou la même facilité que lui pour comprendre

Un enseignant expert ne se souvient plus des difficultés qu’un élève tel qu’il l’a été peut rencontrer lors de l’apprentissage d’une nouvelle matière. 

La malédiction de la connaissance implique qu’il pourrait être potentiellement inefficace, voire nocif, de réfléchir sur la façon dont les élèves visualisent et apprennent des contenus d’apprentissage en se référant au point de vue de l’enseignant. En réalité, nous n’avons pas d’autre choix que de tester l’efficacité des méthodes auprès d’élèves tout en tenant compte des apports de la recherche.

L’enseignant maîtrise déjà la connaissance qu’il cherche à transmettre. La manière dont cette connaissance est spontanément ou intuitivement présentée, qui semblera en tout point claire et limpide pour lui n’est peut-être pas la meilleure pour ceux qui ne sont pas déjà familiarisés avec celle-ci.



Les conséquences négatives de la malédiction de la connaissance


La malédiction de la connaissance peut contaminer les idées de l’enseignant sur ce que pensent et comprennent ses élèves. Cela peut avoir des conséquences réelles, tant pour la qualité de l’enseignement que pour les élèves qui tentent d’apprendre.

Cela peut amener les élèves à se sentir découragés, voire frustrés, lorsque les explications les dépassent. Ils peuvent commencer à douter de leur capacité à comprendre la matière, ce qui peut conduire à un désengagement. 

D’un autre côté, l’enseignant peut se sentir déconcerté à propos des raisons pour lesquelles son explication apparemment claire ne passe pas. Ce décalage peut créer des obstacles à l’apprentissage et à la communication et, dans certains cas, mettre à mal les relations.

Ce mécanisme participerait au développement de l’impuissance apprise chez certains élèves. Ils sont amenés à constater avec désarroi leur incapacité à suivre le raisonnement énoncé par un enseignant qui ne parvient pas à correctement évaluer leurs difficultés. Cela fausserait pour les élèves l’évaluation de la complexité réelle des contenus. 

Il existe différentes pistes d’explication issue de la recherche sur ce qui cause la malédiction de la connaissance. Nous allons les passer en revue.



Malédiction de la connaissance et hypothèse de l’inhibition


Une première hypothèse pour expliquer la malédiction de la connaissance est l’inhibition. Les individus ont des difficultés à inhiber ou à supprimer complètement le contenu de leurs propres connaissances lorsqu’ils essaient de raisonner à partir d’un point de vue d’un novice.

Les experts peuvent présenter un ancrage sur leurs propres connaissances et ne parviennent pas aisément à s’ajuster de manière adéquate aux perspectives des novices.

Cette hypothèse s’accompagne de modèles d’ancrage et d’ajustement de la prise de perspective. Les personnes s’ancrent initialement dans leur propre perspective et s’en éloignent par la suite en s’ajustant, constatant la difficulté des novices. L’ancrage est égocentrique et automatique, mais l’ajustement nécessite un effort d’inhibition et un suivi de la perspective d’autrui, ce qui prend du temps.

L’hypothèse de l’inhibition est à mettre en lien avec le biais rétrospectif.

Le biais rétrospectif a été mis en évidence par Fischhoff (1975). Il s’agit d’un biais cognitif portant sur le fait que la connaissance du résultat d’un événement donne l’impression que celui-ci est davantage prédictible qu’il ne l’était en réalité.

Les recherches menées par Fischhoff ont révélé que des individus ne savaient pas que leur connaissance du résultat influençait leurs réponses. De plus, même s’ils le savaient, ils ne parvenaient pas à ignorer ou à vaincre les effets du biais. En effet, les participants à l’étude n’ont pas pu reconstituer précisément leur état d’esprit antérieur moins bien informé, ce qui est directement lié à la notion de malédiction de la connaissance.

Selon Fischhoff, cette piètre capacité de reconstitution est due au fait que le participant reste ancré dans l’état d’esprit rétrospectif généré par la réception de la connaissance. 

Une personne dotée d’un certain niveau de connaissance ne peut pas reconstituer avec précision la façon dont réfléchit une personne dépourvue de cette connaissance. Il peut s’agir d’une autre personne ou de soi-même à une époque antérieure.

Birch (2005) suggère qu’il existe « d’importantes similitudes entre les résultats de la malédiction de la connaissance chez les adultes et les résultats des fausses croyances chez les enfants ». Un exemple de limitation des fausses croyances chez les enfants peut être démontré en posant le scénario suivant à un enfant :  

Une personne, Jeanne, laisse ses clés sur la table de la cuisine et sort pour travailler dans le jardin. Son mari, Michel, pendant qu’il fait le ménage, déplace les clés vers le porte-clés. Lorsque Jeanne revient, où cherche-t-elle ses clés ? 

Les enfants de moins de 4 ans pensent que Jeanne va chercher les clés dans le porte-clés.



Malédiction de la connaissance et hypothèse de la fluidité


Une autre hypothèse pour interpréter la malédiction de la connaissance fait appel à la fluidité du langage et de la pensée.

Les explications qui impliquent une mauvaise attribution de la fluidité se concentrent sur l’aisance et la facilité avec lesquelles l’information vient à l’esprit. Il existe une tendance à mal attribuer les sentiments subjectifs de fluidité associés à des éléments familiers à une facilité objective ou à une prévisibilité de l’information à communiquer. 

Birch et ses collaborateurs (2017) ont mené trois expériences menées auprès d’un total de 359 étudiants de premier cycle. Ils apportent la première preuve que les processus d’attribution erronée de la fluidité sont suffisants pour induire la malédiction du biais de connaissance. 

Le fait que certaines connaissances soient fluides pour nous tend à nous faire considérer spontanément qu’elles sont communes et répandues. 

La malédiction de la connaissance survient lorsque nous nous familiarisons avec un sujet et que notre cerveau commence à considérer certaines informations comme allant de soi. Nous avons mobilisé et utilisé la matière tant de fois qu’elle devient une seconde nature. 

Leur but n’est jamais de semer la confusion, que du contraire. Cependant, leur cerveau est tellement câblé pour fonctionner à un niveau avancé qu’ils oublient ce que c’est que d’être un débutant. Nous sommes persuadés que l’information est plus facile qu’elle ne l’est (Birch et coll., 2017). 

Dans ce mécanisme, la résolution des estimations des connaissances d’un novice peut ne pas s’améliorer. L’expert peut interpréter la fluidité des questions des novices et des réponses qu’il leur fournit comme indiquant que les autres connaitront maintenant les réponses. Les experts peuvent utiliser et interpréter la fluidité des réponses de manière inappropriée. Les estimateurs ne sont pas incapables d’inhiber les influences de la fluidité, mais attribuent mal les implications de cette fluidité. 

Cette hypothèse est plus problématique dans ses implications, car l’ajustement n’est pas nécessairement naturel pour l’expert. Se mettre au niveau du novice n’est pas forcément à la portée de chaque expert. 



Malédiction de la connaissance et hypothèse du manque d’indices sur les connaissances d’autrui


Tullis et ses collaborateurs (2023) ont exploré comment le fait d’avoir des connaissances avancées dans un domaine nuit à la précision des jugements sur les connaissances des novices. La question ne viendrait pas du fait que les experts se fient trop à leurs propres expériences, mais qu’ils manquent d’indices diagnostiques sur les connaissances des novices.

Ces données suggèrent que la facilité à répondre à des questions qui leur paraissent futiles n’est pas à l’origine de déficiences dans la résolution des jugements sur les connaissances d’autrui. 

Un manque d’indices sur les connaissances d’autrui ou une mauvaise utilisation d’indices sur les connaissances d’autrui entraîne des inexactitudes dans la résolution des estimations des connaissances d’autrui. La théorie de l’utilisation des indices de la prise de perspective postule que l’estimation des états mentaux des autres est un processus inférentiel. Au sein de celui-ci, les gens déduisent des jugements sociaux à partir d’une variété d’indices diagnostiques, disponibles et saillants.

Un décalage risque de se mettre en place. Les individus modifient les indices métacognitifs qu’ils utilisent pour prédire les connaissances des autres s’ils reconnaissent que leurs propres expériences ne reflètent pas celles des autres. L’enseignant peut se retrouver dans une situation où il souhaite cesser d’essayer certains contenus à des élèves face à des difficultés de compréhension qu’il ne reconnait pas.

Les gens peuvent manquer souvent d’informations pertinentes sur les états mentaux d’autrui et doivent déduire ces états à partir des informations disponibles et saillantes. L’absence d’indices valables sur les connaissances des autres, plutôt que l’utilisation excessive de son propre point de vue, peut introduire du bruit dans les jugements et nuire à la résolution des difficultés. 

Pour prendre des décisions efficaces en matière d’enseignement, les jugements des enseignants sur les connaissances des élèves doivent être exacts (Klug et coll., 2013). Par exemple, si un enseignant peut prédire la difficulté normative des sujets pour les novices de sa classe, il peut être mieux à même de structurer les activités pour soutenir l’apprentissage des élèves (voir Sadler et coll., 2013). 

La capacité des enseignants à estimer les connaissances des élèves dans le monde réel est probablement plus complexe et peut inclure des indices théoriques sur les difficultés les plus probables. 



Conséquence de la malédiction de la connaissance sur l’imprécision du langage


Une des conséquences de la malédiction de la connaissance chez l’expert est parfois son incapacité à susciter l’action chez le novice. Il va souvent formuler son retour d’information dans un langage général : « Bien se préparer pour l’évaluation ! », « Revoir tous les exercices du cours ! », « Structurez ses réponses ! ».

Les enseignants sont tellement immergés dans leur matière, que lorsqu’ils parlent de manière abstraite, ils ne font que résumer la multitude de données concrètes qu’ils ont en tête. Mais leurs élèves, novices dans leur matière, qui ne sont pas au courant de la signification sous-jacente, n’entendent que des phrases opaques. Par conséquent, les conseils donnés ne tiennent pas la route.

Chip Heath et Dan Heath (2006) rapportent l’expérience de Elizabeth Newton (1990), étudiante en psychologie à l’université de Stanford. Elle a illustré la malédiction de la connaissance en étudiant un jeu simple dans lequel elle a assigné deux rôles à des personnes : « tapeur » ou « auditeur ». Chaque « tapeur » devait choisir une chanson connue, telle que « Joyeux anniversaire », et en taper le rythme sur une table. La tâche de l’auditeur consistait à deviner la chanson.

Au cours de l’expérience de Newton, 120 chansons ont été tapées. Les auditeurs n’ont deviné correctement que trois chansons, soit un taux de réussite de 2,5 %. Mais avant qu’ils ne devinent, Newton a demandé aux musiciens de prédire la probabilité que les auditeurs devinent correctement. Ils ont prédit 50 %. Les musiciens ont réussi à faire passer leur message une fois sur 40, mais ils pensaient qu’ils y parviendraient une fois sur deux. 

Comment l’expliquer ?

Lorsqu’une personne tape, il lui est impossible de ne pas entendre la mélodie qui accompagne en mémoire. Pendant ce temps, tout ce que l’auditeur peut entendre est une sorte de code morse bizarre. Pourtant, les musiciens ont été sidérés de voir à quel point les auditeurs devaient faire des efforts pour saisir la mélodie.

Le problème est qu’une fois que nous connaissons quelque chose — par exemple, la mélodie d’une chanson — nous avons du mal à imaginer que nous ne la connaissons pas. Notre savoir nous a « maudits ». Nous avons du mal à le partager avec les autres, car nous ne pouvons pas recréer leur état d’esprit.



Déjouer la malédiction de la connaissance


Deux points faibles favorisant la malédiction de la connaissance sont : 
  • Le manque de formation et d’expérience en matière d’enseignement, en particulier pour les enseignants novices.
  • Un intérêt plus marqué pour la matière enseignée que pour son enseignement
Les enseignants (du secondaire) décrivent parfois ce défi en soulignant combien il est difficile de répondre à des questions d’initiation posées par des élèves (sur des matières vues au primaire). Le fait est qu’ils travaillent constamment à un niveau plus sophistiqué de la discipline (par exemple au niveau du lycée). 

Il apparait clairement que la malédiction de la connaissance peut être un objet de développement professionnel. C’est le point de vue développé par Froyd et Layne (2008).

La malédiction de la connaissance présente un paradoxe pour le développement professionnel des enseignants : 
  • D’une part, l’expertise et le chemin pour l’acquérir font des enseignants des personnes particulièrement qualifiées pour concevoir des opportunités d’apprentissage pour les étudiants. 
  • D’un autre côté, l’expertise pose des défis, car il faut : 
    • Se rappeler toutes les étapes nécessaires pour y parvenir
    • Éviter de présenter ou d’utiliser des raccourcis trop rapidement
    • Se souvenir de ce que c’est que d’être un novice dans la discipline.



Ancrer dans le concret pour lutter contre la malédiction de la connaissance


Les enseignants doivent réaliser que leurs élèves, en tant que novices, ont parfois besoin de plus de contexte ou d’une explication plus simple pour suivre. 

L’idée est de transformer les idées de manière à ce que les novices aient plus de chances de les comprendre. Heath et Heath (2007) recommandent de prêter attention à six principes pour surmonter les effets de la malédiction de la connaissance : 
  • La simplicité : 
    • Les experts sont à l’aise et aiment travailler à un niveau de complexité dans leur discipline. C’est inopportun pour les novices.
    • Afin d’impliquer les novices, il est nécessaire de les accueillir dans la discipline en trouvant un endroit où s’engager.
    • La simplicité transmet un aspect essentiel du contenu d’une manière qui ouvre la porte à une plus grande interaction dans la discipline.
  • L’inattendu : 
    • Les experts dans un domaine sont naturellement curieux dans leur domaine. Cela peut constituer un atout pour créer des temps d’intérêt situationnel.
    • La curiosité est un moteur du développement de l’intérêt dans un domaine et permet d’être plus appliqué et persévérant ce qui permet de mieux faire face aux difficultés.
  • La concrétisation : 
    • En tant qu’experts, nous pouvons être convaincus que la meilleure façon de comprendre la matière est de commencer par les concepts et principes abstraits et généraux. Ensuite, il s’agirait d’apprendre à appliquer ces concepts et principes à des problèmes plus spécifiques. C’est vrai pour nous et nos confrères experts, cela n’est pas vrai pour nos élèves.
    • Parler concrètement est le seul moyen de s’assurer que notre idée aura la même signification pour tous les élèves qui nous écoutent.
  • Le défi : 
    • Il s’agit de commencer par expliquer l’objectif d’apprentissage, les conditions et les critères de réussite. Montrer des productions exemplaires est potentiellement utile, car cela peut mettre les élèves au défi. 
    • Si les élèves sont intéressés par l’objectif, les questions qu’il soulève ou le défi qui se pose à eux, ils peuvent vouloir en savoir plus sur le contenu.
  • Les émotions : 
    • Notre cerveau est câblé pour ressentir des émotions et se laisser influencer par elles, pas par des abstractions. Il importe de respecter les sentiments. L’apprentissage peut être à la fois difficile et désordonné. Il est important de laisser de la place pour faire face à la frustration émotionnelle qui peut faire partie du processus. De même, nous devons considérer la question de la pertinence qui est à la base du processus. « Que signifie tout cela et pourquoi devrais-je m’en soucier ? » 
  • La narration : 
    • Le fait de nous répéter mentalement une situation nous amène à la mémoriser, à l’intégrer et à être plus performants lorsque nous y sommes confrontés plus tard à nouveau.
    • Écouter des histoires agit comme une sorte de simulateur de vol mental, nous préparant à réagir plus rapidement et plus efficacement.
    • Les histoires contribuent également à la question de la pertinence en démontrant l’importance du contenu dans le monde réel. Elles contribuent à rendre le contenu plus personnel — plus accessible — aux apprenants.
Une manière de déjouer la malédiction du savoir est de s’assurer de traduire les éléments à enseigner en une série d’exemples concrets. 



Réflexion, reconnaissance et actions pour éviter la malédiction de la connaissance


Dans le cadre d’un développement professionnel, deux démarches sont utiles : 
  • Informer les enseignants sur la malédiction de la connaissance.
  • Rappeler qu’il peut être difficile de prédire : 
    • Les connaissances préalables et le niveau de compréhension actuel des élèves
    • Ce dont ils auront besoin pour atteindre la maîtrise des contenus enseignés.

Les enseignants peuvent entendre parler de la malédiction de la connaissance, mais souffrir d’une illusion de connaissance à leur propos. Un enseignant peut penser qu’il comprend comment aborder la malédiction de la connaissance dans son enseignement, mais ne pas être en mesure de l’appliquer :
  • La quantité de pratique nécessaire pour développer la maîtrise peut être sous-estimée.
  • L’importance de l’expérience de l’erreur dans le processus d’apprentissage et de l’autorégulation qu’elle nécessite peut être négligée.
  • L’importance de passer progressivement du simple vers le complexe et ne pas passer trop rapidement aux tâches complexes et à la résolution de problèmes.

Une approche visant à promouvoir la réflexion parmi les enseignants a été baptisée « Décoder les disciplines » (Pace & Middendorf, 2004) : 
  • Le point de départ consiste à demander aux enseignants de réfléchir à une partie particulière d’un cours (par exemple, un concept, une technique ou une procédure) qui est en général particulièrement difficile à apprendre pour les élèves. 
  • Ensuite, nous n’allons pas demander immédiatement aux membres du corps enseignant de réfléchir à la manière d’enseigner cette partie. Nous allons demander aux membres du corps enseignant de réfléchir à la manière dont un expert aborde cette tâche difficile. À ce stade, l’approche demande de faire quelque chose que les enseignants experts sont bien qualifiés pour faire : réfléchir à la manière dont un expert accomplit une tâche. 
  • Ensuite, on demande de réfléchir à la manière dont l’approche de l’expert peut être modélisée pour les apprenants. Bien qu’il soit possible pour les experts de se faire piéger par leur malédiction de la connaissance, l’étape de modélisation ne demande pas aux experts de dire à quelqu’un comment faire quelque chose. Au contraire, l’étape de modélisation demande aux experts comment démontrer l’approche de l’expert, c’est-à-dire comment l’expert pourrait-il permettre à une classe pleine d’apprenants de voir son processus de réflexion ? 
  • Cette approche visant à promouvoir la réflexion de la part des membres du corps enseignant peut les aider à appliquer leur compréhension de la « malédiction de la connaissance » à leur enseignement. 



S’engager dans un processus d’évaluation formative pour éviter la malédiction de la connaissance


Comme l’engagement de l’élève est essentiel pour éviter « l’illusion de la compréhension » et promouvoir l’apprentissage, susciter la curiosité et offrir la possibilité de s’approprier l’information sont des éléments essentiels du processus d’apprentissage. Une manière de déjouer la malédiction de la connaissance est de vérifier les connaissances préalables et actuelles tout au long du cours. 

Le retour d’information obtenu à travers les évaluations sommatives des élèves après l’enseignement d’une matière n’aide pas l’enseignant dans la classe où ils sont recueillis.

Seul le retour d’information qui est recueilli en direct avec la vérification de la compréhension ou en léger différé dans le cadre d’un processus d’évaluation formative peut être utile. Il peut ajuster l’enseignement afin d’éviter la malédiction de la connaissance.

Ces démarches sont typiques d’un enseignement explicite qui vise à conserver sous contrôle la charge cognitive imposée aux élèves par l’enseignement et les activités d’apprentissage. C’est également l’idée de passer progressivement du simple vers le complexe sans sauter d’étape. Elles demandent également d’adopter une attitude à la fois vigilante et empathique sur la progression des apprentissages et sur les difficultés rencontrées par les élèves.

Ces démarches fonctionnent d’autant mieux dans les classes où s’est développée une bonne culture de l’apprentissage permanent.

Mis à jour le 30/01/2025

Bibliographie


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Tullis, J.G., Feder, B. The “curse of knowledge” when predicting others’ knowledge. Mem Cogn 51, 1214–1234 (2023). https://doi.org/10.3758/s13421-022-01382-3

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