vendredi 20 décembre 2024

Qualité de mise en œuvre du soutien au comportement positif

Comme pour toute intervention fondée sur des données probantes, la qualité de la mise en œuvre, de son pilotage et de son suivi est cruciale si l’on veut rencontrer l’impact escompté et le maintenir.


(Photographie : inawheatfield)



La cohérence du système de renforcement


Le renforcement positif peut se donner selon plusieurs formes, tangible ou non tangible, spécifique ou non spécifique, oraux ou écrits. Les recherches ont montré́ qu’un rapport minimum trois à quatre interactions positives pour une interaction négative est positif. Il permet de développer un lien positif entre un enseignant et un élève, et d’influencer positivement le comportement de ce dernier. 

Pour la cohérence du programme, il faut veiller à ne renforcer que les comportements de la matrice des comportements avec les renforcements tangibles. 

Dans le cadre du soutien au comportement positif, les élèves apprennent les comportements attendus dans l’école et les routines par un enseignement explicite. Ils reçoivent une rétroaction positive spécifique ou corrective sur la justesse de leur comportement.

Dans le cadre de cette perspective d’apprentissage, il est nécessaire de clarifier pour l’élève dans les faits ce qu’est un comportement acceptable et un comportement inacceptable. 

Une conséquence corrective peut être de consacrer du temps à expliquer ce que signifie parler calmement, laisser un élève donner l’exemple, et le renforcer verbalement dans la foulée. 

Parallèlement, il y a un enjeu dans le bon usage de la rétroaction positive spécifique afin d’aider un élève à modifier son comportement inapproprié, et qu’il fasse preuve des comportements attendus dans l’école.



Viser la qualité et la précision de la rétroaction positive spécifique


Il importe de distinguer la rétroaction positive spécifique et le renforcement tangible. Tous deux valorisent le comportement attendu. Un rapport de quatre rétroactions positives spécifiques face à un renforcement tangible au minimum est souhaitable.

La rétroaction positive spécifique est aisée à mettre en œuvre, mais demande des efforts pour augmenter en fréquence. Elle constitue un instrument puissant à disposition des adultes pour renforcer le développement des apprentissages et des comportements prosociaux.

La rétroaction positive spécifique vise à valoriser le comportement attendu spontanément et volontairement exprimé par un élève. Elle vise le comportement et non la personne.

Il s’agit de reconnaitre verbalement qu’un élève s’est comporté de manière attendue. Le comportement remarqué positivement est de préférence lié à des apprentissages en cours. Un élève fait des efforts pour bien apprendre un comportement attendu précédemment enseigné ou manifeste un comportement prosocial en lien avec les valeurs de l’école. La reconnaissance vient soutenir une amélioration. 

Il s’agit de ne pas féliciter la personne de l’élève, mais son comportement. Il ne s’agit par conséquent pas de louanges. L’attention se porte sur le comportement objectif de l’élève.

En félicitant un élève, on vise son excellence, mais on perd également le lien avec la norme.

Par exemple, prenons la louange suivante : « Bravo Thomas, je suis content, tu es appliqué et coopératif aujourd’hui »

Il y a une insistance sur l’émotion de l’enseignant « content » en lien avec la personne de l’élève « appliqué et coopératif ». 

Il n’y a pas de reconnaissance de l’effort de l’élève ni de comportement spécifiquement visé. Seule une finalité est mise en évidence.

La rétroaction sur la personne a été montrée par la recherche comme potentiellement contreproductive. Elle peut avoir pour conséquence que l’élève fasse moins d’efforts de peur de ne pas toujours correspondre aux attentes de l’adulte. 

Par ailleurs, d’autres élèves ayant des problèmes d’apprentissage ou de maitrise des compétences sociales peuvent penser qu’ils n’atteindront jamais cette norme de perfection et baissent parfois les bras avant chaque tentative. 

À l’opposé, en soulignant l’effort et en indiquant qu’une compétence sociale spécifique a été utilisée, la probabilité devient plus grande que les élèves continuent plus volontiers et maintiennent ces compétences.

De même, lorsque la rétroaction positive spécifique est utilisée, il faut rester neutre et ne pas laisser transparaitre ses émotions. Décrire le comportement de l’élève aussi précisément que possible. L’attention doit être dirigée vers son comportement.

Il y a des élèves qui se sentent responsables de « rendre heureux l’enseignant ». Ils peuvent pourtant éprouver de la tristesse si l’enseignant laisse paraitre de la déception. Cela pourrait leur ôter l’envie de s’astreindre à une tâche difficile de peur d’échouer. 

D’autres élèves peuvent se sentir tout-puissants s’ils parviennent à rendre l’enseignant triste et que celui-ci laisse voir ses émotions ; ceci renforcerait leur comportement. 

On peut utiliser la liste de questions suivante pour passer en revue la manière dont nous utilisons la rétroaction positive spécifique en tant qu’enseignant :
  • De quelles manières et à quelles occasions est-ce que je donne un retour d’information oralement en classe ? 
  • Dans quelle mesure est-ce que mes retours d’information correspondant à une rétroaction positive spécifique ? Est-ce que je décris de manière détaillée le comportement visé ? 
  • Dans quelle mesure est-ce que mes retours correspondent à des louanges ? Que puis-je modifier ?
  • Est-ce que j’utilise un ton neutre de sorte que l’accent ne soit pas mis sur les émotions et est-ce que ça implique de ma part que l’élève n’est pas responsable de mes sentiments ?



L’implémentation du soutien au comportement positif en classe


L’ensemble du système de soutien aux comportements utilisé à l’école sert de référence à ce qui est mis en place en classe. Il s’organise autour des mêmes valeurs de référence qui sont valables pour tous les élèves où qu’ils se trouvent dans l’école. 

Les procédures sont utilisées de façon pertinente et le même langage est utilisé par tous les enseignants et les autres intervenants de l’établissement afin de renforcer ou de modifier les comportements des élèves. 

Pour pouvoir soutenir un système à l’échelle de l’école et pouvoir profiter des avantages de celui-ci en classe, la gestion de la classe doit y correspondre.

Lorsque l’on entre en classe, on passe d’un mode collectif de gestion du comportement à un mode individuel pour l’enseignant. 

La plupart des enseignants peuvent souhaiter utiliser leurs propres règles et routines dans leurs classes. Certaines spécificités peuvent ne pas être entièrement couvertes par le système universel de l’école. Dans ce cas, ces règles et routines doivent se construire sur les mêmes valeurs de référence.

Cela permet d’éviter des confusions et de renforcer la cohérence d’ensemble et le succès du soutien au comportement positif à l’échelle de l’école. 

Les comportements attendus développés, enseignés et renforcés en classe doivent être enseignés précisément de la même manière et avec le même langage que le sont les comportements attendus à l’échelle de toute l’école. 

Il faut cependant veiller à utiliser des comportements attendus en classe et une formulation spécifique par exemple concernant les travaux à rendre, le déroulement du travail en autonomie ou la manière de demander de l’aide. 

Le système de renforcement positif mis en place en classe doit correspondre et être basé sur les principes valables pour toute l’école. Il faut veiller à mettre directement en place tous les usages communs du système de renforcement : 
  • Enseigner les comportements attendus en classe
  • Renforcer les comportements souhaités
  • Minimiser l’attention accordée aux comportements inadéquats mineurs
  • Annoncer clairement les conséquences des comportements inadmissibles. 



La conception du cadre d’organisation de la classe


Un postulat de départ est que les enseignants ont besoin de stratégies communes pour enseigner les comportements adéquats et faire face aux comportements inadaptés. 

La conception d’un cadre d’organisation se fait bien avant le jour de la rentrée des classes. Il porte également sur la manière d’agencer le local de manière à favoriser les comportements adéquats et dissuader les comportements perturbateurs.

L’enseignant sachant faire respecter les comportements attendus dans la classe sait ce qu’il veut voir se produire dans son local dès l’arrivée jusqu’au départ des élèves durant les différentes phases de l’enseignement.

Les enseignants efficaces ne prennent pas pour acquis que les élèves savent ce qui est attendu d’eux. Ils enseignent ce qu’ils attendent et donnent une rétroaction positive spécifique ou corrective jusqu’à ce que le comportement adéquat soit automatisé dans la routine quotidienne de la classe. Cet enseignement est un processus continu inscrit dans un temps long et est particulièrement mis en évidence dans les premiers temps. 

Un élément important et général au soutien au comportement positif est que nous allons enseigner uniquement les comportements attendus en classe qui sont réalistes. Nous prenons en compte ceux qui pourront réellement être soutenus, respectés et supervisés de façon cohérente.

Il ne faut pas que les élèves soient amenés à penser que les règles en matière de comportements attendus en classe sont souples et qu’ils peuvent en jouer, sinon les règles perdent de leur valeur. 

Des règles efficaces sont claires, cohérentes et précises. Les comportements attendus en classe doivent aussi être formulés de façon courte, simple et positive afin que tous les élèves puissent les retenir. Ils font partie des briques qui construisent la gestion de la classe. 

Il est utile de consacrer le temps et l’énergie nécessaires à l’élaboration d’un ensemble cohérent de comportements attendus. Quand ces derniers sont clairs et renforcés, on pourra éviter de nombreux comportements inadéquats ou les dissuader de manière efficace. 



Déterminer des règles et routines de classe


Les règles et procédures peuvent varier d’un enseignant à l’autre, mais celles des enseignants efficaces sont toujours claires et précises. 

À l’opposé, il sera difficile de faire respecter des comportements attendus dans une classe où il n’existe aucune règle claire concernant : 
  • Les déplacements dans le local
  • La façon de poser des questions ou de réagir à celles de l’enseignant
  • Le travail en autonomie.
  • Etc.
De plus, les procédures peu claires et l’interruption des routines occasionnent de nombreuses pertes de temps qui aurait pu être consacré à des apprentissages. 

Travailler sur des comportements adéquats de manière harmonisée entre les différentes classes va permettre de gagner du temps en apportant de la cohérence dans le quotidien des élèves.

Une fois que les comportements attendus pour les classes sont élaborés, ils peuvent être enseignés aux élèves les premiers jours et les premières semaines de l’année scolaire. Les élèves sont davantage motivés à se tenir aux règles s’ils sont impliqués dans les règles de la classe. 

Pour chacune des règles, on peut expliquer pourquoi celle-ci existe et discuter avec les élèves sur le bienfondé de la règle pour les aider à respecter les valeurs de référence de l’école. 

Lorsque les enseignants donnent une rétroaction positive spécifique et corrective concernant le suivi des règles en lien avec les valeurs de l’école, les élèves apprennent ce qu’elles signifient. Il est donc important de renforcer verbalement les comportements attendus en classe au regard des valeurs de l’école. 

Il est important de rappeler de temps en temps les comportements attendus dans la classe aux élèves pendant l’année scolaire, en cas de défaillances, ou après deux semaines de vacances pour parer aux oublis. Des thématiques spécifiques peuvent également être lancées à différents moments de l’année. Cela permet de mettre l’accent sur des règles que la plupart des élèves ont du mal à respecter.



Fidélité de mise en œuvre du soutien au comportement positif


Lors de la mise en œuvre du soutien au comportement positif, compte tenu du niveau d’investissement exigé pour une école, il est légitime de se poser différentes questions :
  • Le système fonctionne-t-il actuellement de la manière dont il le devrait ?
  • Les procédures sont-elles suivies de la façon dont elles ont été mises par écrit et apprises au fil du temps par les membres de l’équipe ?
Il est utile de s’intéresser à la fiabilité du système.

La fiabilité fait référence à la mesure dans laquelle un plan d’intervention est implémenté de la manière dont il avait été planifié. La recherche a montré qu’un manque de fiabilité des interventions mine souvent l’efficacité de ces dernières. 

Par conséquent, il existe un enjeu bien réel à vérifier que l’intervention a été implémentée correctement. L’étude de fiabilité va bien au-delà de la simple récolte sur le résultat des interventions auprès des élèves. Elle porte sur la manière dont le soutien au comportement positif en lui-même a été mis en œuvre. 

L’accès à ces données permet de déterminer si le manque de réponses d’élèves face à une problématique donnée est explicable par une mise en œuvre inadéquate ou si le système nécessite une intervention plus appropriée. 

Deux dimensions sont importantes dans l’étude de la fiabilité : 
  • La cohérence : 
    • La mise en œuvre est-elle constante dans le temps et dans les différents lieux ?
  • La précision : 
    • La mise en œuvre est-elle précise et exécutée de la même manière par tous les intervenants ?
La collecte des données relatives à la fiabilité de la mise en pratique des interventions : 
  • Des observations directes
  • Des listes de vérification
  • Des rapports complétés 
  • Un contrôle de la qualité des produits et de leur état complet :
    • Application de la matrice des comportements attendus dans l’école
    • Présence des plans de leçons
    • Enseignement explicite des comportements
    • Système de récompense
    • Relevé des incidents
Il est recommandé de réaliser une enquête de fidélité d’implémentation au minimum une fois par an pour obtenir des informations sur ce qui se déroule sans encombre et ce qui nécessite des améliorations. 

La comparaison de ces données avec celles de l’année précédente permet d’estimer la stabilité ou l’évolution de la mise en œuvre. L’observation des tendances d’une année à l’autre sur le nombre total d’incidents, d’écartements, d’exclusions temporaires et définitives est également une donnée importante à analyser.

Cette analyse peut aider à mettre en évidence les domaines dans lesquels une amélioration est nécessaire.



Le Tiered Fidelity Inventory comme outil d’évaluation du soutien au comportement positif


Le Tiered Fidelity Inventory est un questionnaire à remplir dont une adaptation francophone est proposée par l’Université de Liège. 

Afin d’objectiver la mise en place du programme de soutien pour de meilleurs comportements au niveau de l’école, il est conseillé de remplir cet inventaire de la situation en équipe restreinte. 

Les adultes de l’école donnent leur opinion en la matière à l’aide de ce formulaire, mais il est bien entendu aussi possible de réfléchir seul à la situation de son école. Toutefois, pour objectiver la situation du soutien au comportement positif au sein d’un établissement, il est important de compléter un seul questionnaire synthétisant les discussions de l’équipe restreinte. 

Ce questionnaire servira à fixer des objectifs pour réguler la mise en place du soutien au comportement positif. Il établit un score de fiabilité pour la mise en œuvre du soutien au comportement positif.

Un score élevé signifie que l’implémentation du soutien au comportement positif est fidèle aux piliers et devrait donc permettre une prévention universelle efficace. Les données issues de la recherche scientifique suggèrent qu’un score de 80 % doit être atteint pour pouvoir espérer recueillir les fruits de la prévention universelle du soutien au comportement positif. 
Il est conseillé de réaliser cette enquête au minimum une fois par an pour obtenir des informations sur ce qui se déroule sans encombre et ce qui nécessite des améliorations. La comparaison de ces données avec celles de l’an dernier permet de voir si des changements peuvent être attestés quant au nombre total d’incidents, d’écartements, d’exclusions temporaires et définitives. On peut en outre en déduire les domaines dans lesquels une amélioration est nécessaire. 

Une évaluation externe complémentaire peut aussi être menée par un coach externe à l’établissement et mesurer la fidélité de l’implémentation de manière complémentaire et objective. 

Après avoir réalisé l’enquête, l’équipe responsable du soutien au comportement positif sera amenée à analyser toutes les réponses, y compris celles où le score est le maximum, pour se fixer des objectifs de régulation.

Il convient donc de l’examiner, de le discuter pour établir les priorités sur lesquelles l’équipe devra réguler son action et rendre la prévention universelle encore plus efficace. Une fois priorisées, les actions seront à répartir pour être menées dans des délais aussi à fixer. À chaque réunion de l’équipe, un retour devra être effectué pour vérifier l’avancement des tâches à entreprendre.


Mis à jour le 21/12/2/2024

Bibliographie


Ariane Baye, Valérie Bluge, Caroline Deltour, Aurore Michel et Fabian Pressia, La méthode du Soutien aux Comportements Positifs niveau 1, Manuel pour la mise en place du niveau 1, 2020, 
https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/300170/1/La%20me%CC%81thode%20du%20Soutien%20aux%20Comportements%20Positifs%20niveau%201.pdf

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