mercredi 18 décembre 2024

Mémoriser un ensemble de flashcards

Après avoir traité le contenu d’un cours, nous avons rédigé un guide d’étude, c’est-à-dire une liste complète de questions et de réponses sous forme d’un set de flashcards recouvrant l’essentiel de la matière. Comment l’étudier efficacement ?


(Photographie : interdimentional)


Des conseils pour optimiser l’étude des flashcards


L’aboutissement du guide d’étude consiste basiquement en la mémorisation des réponses. Le temps nécessaire va dépendre de la quantité d’informations contenues et des capacités de mémorisation de l’apprenant. Sauf cas médical diagnostiqué d’un problème de mémoire, tout le monde a des capacités de mémoire suffisante pour s’engager dans cette phase.

Pour mémoriser, nous nous posons une question. Nous vérifions alors si nous pouvons fournir la réponse exacte et complète sans la regarder. Certains principes sont à respecter pour maximiser l’efficacité du processus :
  1. Nous devons cacher les réponses dès le début. Nous ne commençons jamais par lire les questions et les réponses. Nous commençons toujours par essayer de répondre aux questions. Essayer de répondre aux questions avant même de connaître les réponses donne un avantage de départ supplémentaire qui est capitalisé au fur et à mesure.
  2. Il est recommandé de parler à voix haute lorsque nous répondons aux questions, car cette pratique améliore l’apprentissage. Si nous nous trouvons dans un endroit où parler à haute voix serait gênant, nous pouvons chuchoter ou parler de manière subvocale (parole retenue, ou diminuée).
  3. Une hypothèse expliquant cet avantage serait que le fait de parler à haute voix nous oblige à rendre nos pensées plus complètes et structurées.
  4. Lorsque la question comporte une réponse assez longue, nous gagnons à imaginer que nous sommes occupés à l’enseigner à quelqu’un d’autre. Enseigner à d’autres personnes est un excellent moyen d’apprendre quelque chose. 
  5. Même lorsque nous sommes quasiment certains d’avoir répondu correctement, il est important dans un second temps de vérifier en regardant la réponse que nous avions écrite pour notre flashcard. Une rétroaction corrective immédiate aide à établir la bonne mémoire si, par hasard, nous avons une réponse inadéquate. Si nous donnons toujours la même mauvaise réponse à une question, il peut être utile d’explorer pourquoi nous continuons à faire cette erreur. Il convient alors de réfléchir à la raison pour laquelle cette réponse nous semble bonne, puis nous expliquer à voix haute pourquoi elle et incorrecte et pourquoi la bonne réponse est meilleure. De cette manière, nous activons l’effet d’hypercorrection.
  6. Lors de la première étude des flashcards, il est intéressant de les conserver dans l’ordre. Par la suite, il convient de les placer dans un ordre aléatoire, car les questions de l’évaluation ne seront probablement pas regroupées par thème. Si nous nous testons avec le même ordre de questions chaque fois, il y a un certain risque que pour notre mémoire les réponses deviennent liées à l’ordre des questions. Cet effet est néfaste dans une perspective d’évaluation. De là vient l’intérêt d’utiliser des flashcards sur fiches ou numériques plutôt que notées les unes à la suite des autres dans un cahier. 



Mise en commun entre pairs


Il est naturel de vouloir collaborer entre pairs pour la conception du guide d’étude et pour une première étude des contenus. C’est pourtant à déconseiller. Les recherches indiquent que la mémorisation ne se fait pas mieux en groupe. 

Il est plus utile de planifier un échange entre pairs à deux moments :
  • Pour discuter de ce qui est susceptible de figurer dans le test avant la conception individuelle des guides d’étude et la mémorisation des flashcards
  • Après la mémorisation des flashcards pour comparer les différentes perspectives. Dans ce cadre, des échanges par paire permettent à chacun d’essayer de répondre aux questions du guide d’étude de l’autre personne. Il est possible que les deux guides d’étude se complètent sur certains points. Un autre avantage est que les questions seront posées différemment, ce qui peut favoriser l’apprentissage à ce stade.
L’avantage recherché c’est que nous aurons étudié les contenus à notre manière. Cependant, la mémoire a tendance à être étroite lorsque nous apprenons quelque chose de nouveau. Nous aurons appris différents concepts d’une manière particulière. Être confronté à une autre façon d’aborder ces mêmes concepts par d’autres personnes nous donne une perspective plus large sur leur signification, ce qui enrichit la mémorisation.



S’inscrire dans une pratique de réapprentissage successif


La mémorisation du guide d’étude est importante. Il importe par conséquent de réserver suffisamment de temps à cette opération et d’avoir préparé le guide d’étude assez tôt. Au plus tôt la préparation du guide d’étude se termine, au plus tôt une pratique de réapprentissage successif peut être mise en place pour celui-ci.

Alternativement si trop peu de temps est réservé, la seule alternative est le bachotage. L’élève se retrouve à consacrer la majeure partie ou la totalité de son temps d’étude à une période très proche de l’examen. S’il peut réussir, la mémorisation sera partielle, superficielle et très sensible à l’oubli.

Une approche plus rentable en matière d’apprentissage est de distribuer ce temps sur une plus longue période. Par exemple, étudier une heure par jour pendant cinq jours est plus rentable qu’étudier cinq heures durant la soirée, la veille de l’examen.

Le réapprentissage successif consiste à alterner la pratique de récupération avec des occasions de réétude pendant l’apprentissage initial jusqu’à ce que chaque élément soit rappelé correctement. Ensuite, une pratique de récupération supplémentaire avec réétude des éléments oubliés est mise en place quelques jours plus tard à nouveau jusqu’à ce que chaque élément soit à nouveau rappelé avec succès. Cette pratique de récupération supplémentaire peut alors être répétée à intervalles réguliers ou croissants.

L’association de l’effet de test et de l’effet d’espacement sera plus efficace pour améliorer l’apprentissage à long terme lorsque la pratique implique plusieurs récupérations réussies réparties sur plusieurs jours.

Le réapprentissage successif constitue une excellente technique d’apprentissage :
  • L’espacement a des effets plus importants et plus durables sur la rétention lorsque les essais de récupération pour un item donné sont répartis sur plusieurs jours plutôt qu’au cours d’une même session.
  • La pratique de récupération est plus efficace lorsque les tentatives de récupération sont réussies, la rétention à long terme augmentant avec le nombre de récupérations réussies.



Des preuves de la recherche pour le réapprentissage successif


Rawson et ses collaborateurs (2013) ont réalisé une recherche sur le terrain particulièrement intéressante portant sur le réapprentissage successif, car elle s’inscrit dans un contexte réaliste. 

Ils ont mobilisé des étudiants inscrits à un cours d’introduction à la psychologie. Dans ce cours, ils ont identifié soixante-quatre concepts clés. Ils ont sélectionné au hasard trente-deux de ces concepts pour lesquels ils ont organisé un entraînement supplémentaire. 

Ils ont développé un set de flashcards pour les éléments sélectionnés. Les étudiants sélectionnés ont étudié le set jusqu’à ce qu’ils puissent récupérer toutes les réponses de manière correcte. Cette opération a été répétée à trois occasions, réparties sur plusieurs semaines. Les séances d’entraînement ont été programmées pour s’aligner sur l’horaire du cours, commençant lorsque l’instructeur a présenté le contenu en classe et se terminant avant l’examen du cours sur ce contenu. 

Les performances des étudiants ont été analysées lors de l’examen final du cours concerné. Les chercheurs ont alors séparé les questions qui testaient les concepts pratiqués des trente-deux autres concepts qui n’ont pas fait l’objet d’un entraînement supplémentaire, mais que les étudiants ont étudiés par eux-mêmes.

Les chercheurs ont demandé aux étudiants comment ils avaient étudié. La plupart d’entre eux ont avoué qu’ils avaient bachoté la veille de l’examen. Leurs résultats ont été les suivants : 
  • 72 % de bonnes réponses pour les concepts non impliqués.
  • 84 % de bonnes réponses pour les concepts inclus dans les flashcards. 
Les chercheurs ont demandé à certains étudiants de revenir trois jours après leur examen et à d’autres de revenir vingt-quatre jours plus tard. Ces examens supplémentaires comportaient des questions différentes qui testaient les mêmes concepts.

Après trois jours, les résultats ont été les suivants : 
  • 27 % de bonnes réponses pour les concepts non impliqués
  • 80 % de bonnes réponses pour les concepts inclus dans les flashcards. 
Après vingt-quatre jours, 
  • 17 % de bonnes réponses pour les concepts non impliqués
  • 64 % de bonnes réponses pour les concepts inclus dans les flashcards
La conclusion est claire, le bachotage fonctionne à court terme et la pratique de récupération distribuée permet d’intégrer de connaissances de manière durable. Le réapprentissage successif améliore les performances sur des résultats de cours authentiques et augmente considérablement la rétention des contenus après les examens.



L’autorégulation de la pratique de réapprentissage successif


Dans le cadre de leurs recherches, Rawson et ses collaborateurs (2013) ont également examiné la performance dans une autre condition de comparaison à celle du réapprentissage successif.

Dans une condition de pratique autorégulée dans laquelle les étudiants contrôlaient la quantité et le moment de la pratique de récupération et de la réétude dans chaque session, plutôt que de s’engager uniquement dans le réapprentissage successif.

Bien que les étudiants puissent en principe utiliser le réapprentissage successif de manière autonome, de nombreux étudiants n’utilisent pas cette stratégie ou l’utilisent de manière sous-optimale dans la pratique (Wissman et coll. 2012). À ce titre, les résultats des groupes de pratique autorégulée chez Rawson et ses collaborateurs (2013) sont cohérents. Leurs résultats suggèrent que les apprenants n’ont pas régulé de manière optimale leur réapprentissage successif.

Ces résultats suggèrent que les étudiants ne régulent pas toujours de manière optimale le réapprentissage successif, et que les avantages pour l’apprentissage peuvent dépendre de la mesure dans laquelle ils le font.

Dès lors, il apparait que les enseignants peuvent encore jouer un rôle essentiel en enseignant aux étudiants le réapprentissage successif et en les aidant à utiliser efficacement cette stratégie. 



Former à la pratique du réapprentissage successif


Pour s’engager efficacement dans le réapprentissage successif, les étudiants doivent :
  1. Identifier les concepts à apprendre
  2. S’engager dans des tentatives de récupération complètes
  3. Juger avec précision lorsque leurs réponses sont correctes
  4. Gérer le calendrier de la pratique dans et entre les sessions. 
Les étudiants bénéficieront probablement des conseils de leurs enseignants sur chacun de ces éléments clés du réapprentissage successif :
  • Les enseignants peuvent consacrer un peu de temps en classe pour apprendre aux étudiants comment s’engager efficacement dans le réapprentissage successif. Il est plus efficace de faire la démonstration des techniques aux élèves plutôt que de leur en parler. Nous pouvons :
    • Utiliser la pratique de récupération dans le cadre de la pratique de quiz
    • Utiliser la pratique distribuée en revisitant le contenu à des moments ciblés par des évaluations plus formelles.
  • Les enseignants peuvent aider les étudiants à identifier les concepts les plus importants à soumettre au réapprentissage successif. Il importe d’être explicite et franc sur ce qui sera testé, et comment cela le sera. Parce qu’ils sont nouveaux dans le domaine, les étudiants ne sont pas de bons juges pour déterminer ce qui est vraiment une information centrale et ce qui est un fait secondaire. Nous devons leur communiquer que la première session d’étude est la plus difficile, la plus longue et la plus intense, mais qu’elle mérite d’être la plus complète possible. Cela va faciliter les récupérations ultérieures et en maximiser le bénéfice. 
  • De nombreux étudiants bénéficieraient probablement d’un soutien ou de suggestions pour la gestion du temps (par exemple, un document contenant un calendrier recommandé de sessions d’étude avant un examen du cours). Dans ce cadre, il ne semble pas qu’il soit utile de s’inquiéter de la meilleure répartition. L’essentiel est de procéder à une certaine répartition de la mémorisation. Il suffit de répartir la pratique et, dans la mesure du possible, de dormir une nuit entre les sessions. Le sommeil est bon pour l’apprentissage.
  • Nous pouvons aider les élèves à concevoir les flashcards qui forment leur guide d’étude. Nous consacrons un peu de temps à la fin de quelques cours pour les laisser s’entraîner à rédiger des questions de guide d’étude pour la matière traitée ce jour-là. Nous fournissons des modèles et demandons aux élèves de montrer les questions et les réponses qu’ils composent.

Mis à jour le 19/12/2024

Bibliographie


Daniel Willingham, Outsmart your brain, 2023, Gallery Books

Rawson, K.A., Dunlosky, J. & Sciartelli, S.M. The Power of Successive Relearning: Improving Performance on Course Exams and Long-Term Retention. Educ Psychol Rev 25, 523–548 (2013). https://doi.org/10.1007/s10648-013-9240-4

Wissman, K. T., Rawson, K. A., & Pyc, M. A. (2012). How and when do students use flashcards? Memory, 20, 568–579.

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