vendredi 27 décembre 2024

Le modèle de hiérarchie de l’apprentissage des faits en mathématiques

Voici la première partie d’une synthèse et d’un compte-rendu d’un guide pratique développé par Anne Stokke (2024) dans le cadre de son podcast Chalk and Talk. Il porte sur l’apprentissage et la maîtrise des faits en mathématiques au niveau de l’enseignement primaire. 

(Photographie : Felix Odell)



Il résume les meilleures façons de développer l’automatisme des faits en mathématiques, basé sur un état des lieux de la recherche. Il illustre une convergence vers des interventions de haute qualité en mathématiques soutenant le modèle de hiérarchie de l’apprentissage qui sera développé dans le cadre de cet article. L’automatisation des faits en mathématiques est une compétence fondamentale qui est essentielle pour réussir en mathématiques. 



Le modèle de la hiérarchie de l’apprentissage (Haring, Lovitt, Eaton et Hansen, 1978)


L’apprentissage n’est pas un événement linéaire. Un élève progresse dans différents domaines à des rythmes différents. Tout élève aura des points forts et des lacunes dans son apprentissage au fil du temps. 

Lorsqu’il maîtrise de nouvelles compétences ou stratégies scolaires, l’élève qui apprend passe généralement par une série prévisible et linéaire d’étapes d’apprentissage. Haring et Eaton (1978) décrivent cette linéarisation de l’apprentissage comme la hiérarchie pédagogique. Cette hiérarchie comporte des étapes d’apprentissage spécifiques que les élèves doivent franchir.  

Chaque étape comprend des caractéristiques générales de la performance de l’élève. Elles nous aident à comprendre quel développement de compétences de l’élève correspond à telle étape. En outre, des pratiques fondées sur des données probantes sont associables à chaque étape, ce qui permet aux éducateurs d’identifier où se situent les compétences des élèves et quelle pratique pédagogique leur sera la plus bénéfique. 

Au début, l’élève est généralement hésitant et incertain lorsqu’il essaie d’utiliser la compétence cible. Avec la rétroaction de l’enseignant et beaucoup de pratique, l’élève devient plus fluide, plus précis et plus confiant dans l’utilisation de la compétence. 

Dès lors, il peut être très utile de considérer ces phases d’apprentissage comme une hiérarchie. 

La hiérarchie de l’apprentissage comporte quatre étapes : 
  1. L’acquisition
  2. La fluidité (fluency)
  3. La généralisation
  4. L’adaptation.



L’étape de l’acquisition dans la hiérarchie de l’apprentissage


La première étape de l’apprentissage est l’acquisition.  

Lors de cette étape, l’objectif de l’enseignement est d’apprendre aux élèves de nouveaux concepts et de nouvelles procédures afin qu’ils puissent les comprendre et les appliquer de manière autonome. 

Dans ce cadre, un enseignement explicite permet de s’assurer que l’élève utilise correctement la compétence. Il importe également de délivrer une rétroaction immédiate sur les performances des élèves. 

Il s’agit d’une étape importante de l’apprentissage, car les élèves doivent être capables de comprendre et de faire le travail demandé sans l’aide d’autrui. Au stade de l’acquisition, l’apprenant reste imprécis, confus et souvent frustré face à un nouveau contenu. L’élève a commencé à apprendre comment exécuter correctement la compétence cible, mais il n’est pas encore précis ou fluide dans cette compétence. L’exécution de la compétence est laborieuse et l’élève n’est pas sûr de lui.   

Les enseignants réalisent que leurs élèves ont franchi cette étape lorsqu’ils prendront leur temps et effectueront correctement leur travail de manière autonome. L’objectif de cette phase est d’améliorer la précision. Un apprenant à la fin de ce stade sera précis, mais restera lent dans l’exécution du travail. La compétence cible est exécutée avec précision, mais l’élève travaille lentement. 



L’étape de la fluidité (fluency) dans la hiérarchie de l’apprentissage


La deuxième étape de l’apprentissage est la fluidité.  

L’objectif de l’enseignement est alors d’augmenter la vitesse à laquelle les élèves peuvent effectuer le travail. L’objectif général de l’enseignement est de fournir suffisamment de pratique. Il s’agit d’une étape importante de l’apprentissage, car elle donne aux élèves le temps et la pratique dont ils ont besoin pour maîtriser les apprentissages.  

L’enseignant fournit des instructions sur l’acquisition de la fluidité et de la compétence de la compétence. Il délivre une rétroaction sur les critères de fluidité. La rétroaction peut être retardée et ne pas être fournie après chaque performance réussie de la compétence. 

La façon dont nous mesurons l’efficacité est le temps. Les élèves qui peuvent appliquer des concepts et des procédures rapidement présentent une charge cognitive réduite, ce qui suggère que leur mémoire de travail n’est pas trop sollicitée.  

L’atteinte de la fluidité permettra aux élèves de concentrer leur mémoire de travail sur des tâches plus difficiles lors de l’étape suivante de l’apprentissage. Les enseignants sauront que les élèves ont franchi cette étape lorsque leurs données atteindront ou dépasseront les taux de performance attendus. 



L’étape de la généralisation dans la hiérarchie de l’apprentissage


L’élève fait preuve de précision et d’aisance dans l’utilisation de la compétence cible, mais il ne l’utilise généralement pas optimalement dans d’autres situations ou contextes. 

Il l’exécute de façon imprécise ou avec moins d’aisance dans des contextes nouveaux ou inédits. L’élève peut également confondre la compétence cible avec des compétences similaires. 

L’objectif de cette phase est d’amener l’élève à utiliser la compétence dans le plus grand nombre possible de contextes et de situations pertinentes. Le second objectif est de pouvoir faire une distinction précise entre la compétence cible et les compétences similaires.

L’enseignant présente à l’élève des tâches dans des contextes nouveaux ou inédits. Il délivre une rétroaction sur l’utilisation efficace de la compétence dans ces contextes nouveaux. 

Au terme de ce stade, les élèves sont prêts à appliquer le contenu dans différents contextes pertinents.



L’étape de l’adaptation dans la hiérarchie de l’apprentissage


L’élève utilise la compétence avec précision et aisance. Il utilise également la compétence dans de nombreuses situations ou contextes. Cependant, son usage de la compétence reste rigide et inflexible. 

L’élève n’est pas encore capable de modifier ou d’adapter la compétence pour répondre à de nouvelles exigences ou situations. 

Dans ce cas, l’objectif est que l’élève soit capable d’identifier les éléments des compétences acquises précédemment qu’il peut adapter aux nouvelles exigences ou situations.

Il s’agit de se concentrer sur l’identification des caractéristiques essentielles de la compétence et sur la modification de la compétence pour l’adapter à des contextes nouveaux ou inédits. L’enseignant délivre une rétroaction sur les essais liés à différentes variations ou adaptations de la compétence. 

L’objectif général de l’enseignement est de fournir une pratique qui demande aux élèves d’appliquer ce qu’ils ont appris d’une nouvelle manière. Il s’agit d’une étape importante de l’apprentissage, car les élèves appliquent leurs connaissances pour résoudre des problèmes et apprendre des idées plus complexes.

À ce stade, les élèves sont prêts à adapter le contenu pour apprendre des concepts et des procédures plus avancés.   

Cette étape de l’apprentissage n’est jamais terminée. Au fil du temps, les élèves disposeront de plus de concepts et de procédures prêts à les aider à résoudre les nouveaux problèmes qui se présenteront. Même les adultes continuent d’utiliser d’anciennes compétences de manière nouvelle pour faire face à de nouvelles situations. 



L’automaticité ou maîtrise des faits en mathématiques


Lorsque l’enseignant identifie avec précision le stade d’apprentissage de l’élève, il peut sélectionner des approches pédagogiques qui ont plus de chances de réussir parce que ces stratégies correspondent aux besoins d’apprentissage de l’élève.

L’automaticité des faits en mathématiques signifie que l’on est capable de se rappeler des faits instantanément, sans avoir à s’arrêter et à réfléchir. Si on nous demande « Combien font 6x7 ? » et que nous répondons immédiatement « 42 », c’est un automatisme. Nous n’avons pas besoin de compter sur nos doigts ou de mobiliser une stratégie de calcul mental ou écrit, ni d’utiliser une calculatrice pour trouver la réponse. 

Les mathématiques sont un domaine de connaissance très hiérarchisé. Progresser en mathématiques ou apprendre de nouvelles connaissances, c’est comme grimper à une échelle. Chaque échelon dépend du précédent. La maîtrise des faits mathématiques est comme l’échelon inférieur. Tout ce qui suivra dans les apprentissages en mathématiques dépendra de la solidité et de la fiabilité de cet échelon.  
 
Une fois les faits en mathématiques mémorisés, tout le reste devient beaucoup plus facile. La charge cognitive se retrouve réduite. Cela libère de l’espace pour que le cerveau puisse se concentrer sur des problèmes plus complexes, comme l’algèbre ou la géométrie. Lorsque les élèves n’ont pas mémorisé ces faits mathématiques, ils se heurtent à des difficultés telles que la factorisation des polynômes ou la résolution d’équations algébriques.   
 
Une fois que les faits mathématiques deviennent automatiques, il est également plus facile d’apprendre et de maîtriser les stratégies de calcul mental afin de pouvoir effectuer des calculs mentaux avec des nombres plus importants. 

Les termes « automaticité des faits mathématiques » et « maîtrise des faits mathématiques », bien qu’ils proviennent de domaines différents, ont essentiellement la même signification. Il s’agit de pouvoir répondre rapidement et avec précision.

Aborder cette question présuppose que l’on peut mémoriser des faits mathématiques. Si un enfant est capable de mémoriser des paroles de chansons, des noms de dinosaures ou son chemin pour rentrer de l’école, il devrait également être capable de mémoriser des faits mathématiques. 

Toutefois, certaines personnes peuvent avoir besoin de plus de temps, mais il est important d’investir ce temps. Avec suffisamment d’occasions de s’entraîner et la bonne approche, ils peuvent réussir.  
 
Il s’agit d’un investissement dans l’avenir mathématique de l’enfant. Il est probable qu’il utilisera des faits mathématiques presque tous les jours pour le reste de sa vie. Ce sera le cas, non seulement en classe, mais aussi dans des situations de la vie réelle comme le calcul de réductions, la gestion des finances ou le calcul de prix lorsqu’il fait ses courses. 

La maîtrise des faits mathématiques est la base sur laquelle repose la réussite future en mathématiques.     


Mis à jour le 28/12/2024

Bibliographie


Anna Stokke, Ep 36. How to Build Automaticity with Math Facts:
A Practical Guide (solo episode), 2024, https://www.annastokke.com/ep-36-resources

Instructional Hierarchy, 2024, https://www.pattan.net/Evidence-Based-Practices/Mathematics/Instructional-Hierarchy

The Instructional Hierarchy: Linking Stages of Learning to Effective Instructional Techniques, 2024, https://www.interventioncentral.org/academic-interventions/general-academic/instructional-hierarchy-linking-stages-learning-effective-in

Haring, N.G., Lovitt, T.C., Eaton, M.D., & Hansen, C.L. (1978). The fourth R: Research in the classroom. Columbus, OH : Charles E. Merrill Publishing Co.

Haring, N. G., & Eaton, M. D. (1978). Systematic instructional procedures: An instructional hierarchy. The fourth R: Research in the classroom, 23-40

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