vendredi 13 décembre 2024

Concevoir la rétroaction en fonction de l’impact nécessaire pour les élèves

Lorsqu’une rétroaction délivrée par l’enseignant n’implique pas de changement pour l’élève, qu’ils soient initiés par lui-même, par ses pairs ou par l’enseignant, elle n’est pas formative et représente une occasion manquée. La rétroaction doit toujours viser à avoir un impact et la recherche de celui-ci nous guide dans sa conception.

(Photographie : tammieswillow)



La question du suivi de la rétroaction


Différentes formes de rétroaction existent. Cependant, la réaction de l’élève en retour comporte une part d’imprévisibilité dans le processus de l’action formative :
  • Nos élèves sont encouragés à réfléchir et à prendre en compte la rétroaction, mais le feront-ils toujours spontanément ? 
  • Nos élèves feront-ils un usage judicieux et correct de la rétroaction ?
  • Si les élèves se donnent mutuellement de la rétroaction lors d’activités en classe, celle-ci portera-t-elle sur les bons contenus et sera-t-elle suffisamment comprise et pertinente ?
  • Si nous soutenons les élèves dans un processus d’autoévaluation et de retour sur eux-mêmes, en auront-ils la pleine capacité ?
Une grande partie de cette incertitude est facile à lever, notamment en demandant toujours aux élèves de s’engager dans des actions concrètes avec la rétroaction lorsqu’ils la reçoivent. 

Les élèves doivent avoir la possibilité de convertir leur réflexion en une étape réelle d’amélioration. La rétroaction fait donc toujours partie d’un processus, dans lequel il est suivi d’une action.

Cela pose également des exigences en matière de conception pédagogique. En tant qu’enseignants, nous devrons prévoir un espace et un temps pour le traitement de la rétroaction. Nous devrons intégrer soigneusement un processus de rétroaction efficace dans notre enseignement.



Moins de rétroaction et plus d’impact


La rétroaction est plus efficace lorsque l’enseignant en fait moins et l’élève en fait plus. 

L’implication est que parfois la quantité et la qualité de la rétroaction fournie sont l’ennemi du mieux pour l’élève. Ce qui compte n’est pas le temps et l’énergie que met l’enseignant dans la rétroaction, mais le bénéfice qu’elle génère en matière d’apprentissage pour l’élève.

Un bon processus de rétroaction exige que nous, en tant qu’enseignants, prenions consciemment du recul, que nous réfléchissions à l’avance à ce que :
  • Nous faisons avec les productions des élèves à l’écrit et à l’oral.
  • Nous attendons que les élèves délivrent en retour en matière d’investissements personnels.
L’enjeu est que la rétroaction puisse garantir plus certainement l’amélioration et le progrès de l’apprentissage des élèves et particulièrement celui de ceux qui en ont plus besoin. Nous devons nous placer dans une situation où le but de la rétroaction est de réduire les écarts entre élèves.

Nous voulons que la rétroaction puisse aider les élèves à combler l’écart entre le travail qu’ils ont fait initialement et un niveau de travail plus élevé qu’elle suggère.

La seule manière est d’amener les élèves à agir proportionnellement aux exigences de leur rétroaction. Comme souvent, il n’y a pas de recette miracle type, mais un ensemble de stratégies qui doivent correspondre au contexte pour obtenir un impact. Il s’agit d’un principe à appliquer, mais la méthode pour y arriver va dépendre de l’âge des élèves, du sujet et de la matière considérée. Dans chaque cas, l’impact de la rétroaction, particulièrement sur les élèves en difficulté, est l’élément clé à considérer. En ce sens, la rétroaction va impliquer une différenciation dans l’investissement attendu des élèves. Un élève qui réalise une production exemplaire a assez peu besoin de rétroaction. Par contre, un élève qui présente de larges difficultés aura besoin que la rétroaction le guide sur les actions à mener et que l’enseignant le soutienne dans ces démarches.

Nous avons besoin d’un système où les élèves ne peuvent pas simplement ignorer la rétroaction, mais sont amenés à y réagir proportionnellement à leurs besoins. Nous avons besoin de créer une routine où les élèves prennent directement en charge les implications de la rétroaction et dans laquelle les enseignants balisent les processus. 

En contrepoint, les élèves doivent perdre l’habitude de négliger la rétroaction. L’enseignant doit délivrer moins de rétroaction, mais en délivrer mieux en assurant un suivi différencié. Par conséquent, les commentaires écrits des enseignants doivent être réduits, communs quand ils peuvent l’être et les élèves doivent y répondre immédiatement. Les commentaires doivent être spécifiques et correspondre à des objectifs d’améliorations concrets pour les élèves. 

Tout commentaire de l’enseignant doit être pris en compte et représenter plus de travail pour l’élève que pour l’enseignant. Tout commentaire de l’enseignant doit s’accompagner d’une activité de suivi.



Réduire la charge de travail des enseignants et augmenter l'impact de la rétroaction


Pratiques à abandonner :  Pratiques à adopter par l’enseignant :  Pratiques à proposer aux élèves :

L’enseignant rédige de manière extensive une variété de commentaires et de corrections dans le corps de la production de l’élève. Il complète d’un avis global sur l’ensemble du travail en entête.


L’enseignant se limite à indiquer des annotations réduites ou codées dans le corps de la production de l’élève ou il se limite à donner un avis global sur l’ensemble du travail en entête. Parallèlement, l’enseignant privilégie une rétroaction commune à l’échelle de la classe.

L’élève s’engage dans une autoévaluation et met en évidence deux points forts de sa production à poursuivre et une dimension qui nécessite une amélioration. L’élève met en évidence dans sa production dans une couleur les parties bien maîtrisées. Avec une autre couleur, il se centre sur des parties où des améliorations sont attendues. Il les développe ensuite. 


L’enseignant rédige des commentaires détaillés et exhaustifs face aux difficultés de l’élève.


L’enseignant met en évidence un point fort sur lequel l’élève s’est amélioré et un point faible que l’élève peut améliorer.

L’élève s’investit pour essayer d’améliorer le point faible mis en évidence par l’enseignant.
L’enseignant félicite et indique par écrit l’élève les points forts de son travail : « Bravo pour… ! », « Excellent… », etc.

L’enseignant met une double coche à côté des bonnes parties du travail. L’élève note à côté des doubles coches la raison pour laquelle elles ont été données.
L’enseignant vérifie et corrige si nécessaire chaque réponse. L’enseignant ne vérifie que les questions marquées. Il n’y a pas d’attentes des élèves que tout soit corrigé dans le détail. Les questions corrigées sont celles qui visent un impact déterminé.

Les élèves ou leurs pairs évaluent le travail avant de le soumettre, en mettant en évidence les deux domaines dans lesquels ils souhaiteraient le plus d’aide.
L’enseignant note la même explication pour chaque devoir si la même erreur a été commise par plusieurs élèves.

L’enseignant opte pour une discussion formative sur l’erreur en classe, lorsqu’elle se retrouve chez plusieurs élèves. L’élève corrige sa propre feuille en notant lui-même sa propre réponse correcte.

L’enseignant rédige une solution complète et détaillée lorsque l’élève se trompe dans la question.


L’enseignant ne note qu’un indice, ou l’étape suivante du raisonnement.

L’élève essaie de mieux faire son travail maintenant et de compléter sa correction.
L’enseignant corrige immédiatement le travail de l’élève lorsque l’élève a fait une petite erreur et la localise pour lui. L’enseignant utilise un symbole par exemple « ? » pour signifier « Qu’est-ce qui ne va pas ici ? » ou un point d’exclamation « ! » pour « Relisez la question ! ».

L’élève prend la responsabilité de ses propres corrections dues à son inattention.

L’enseignant ne révise que les tâches, les problèmes ou les questions complexes.

L’enseignant reprend en classe les difficultés des premières étapes et étapes intermédiaires et discute des essais avant que la production finale ne soit remise.


Disposant de l’étayage le long du chemin l’élève aboutit à des productions finales qui tiennent la route.



L’enseignant rend un devoir ou une évaluation formative et passe immédiatement à la suite de la matière.

L’enseignant demande à ses élèves de cocher les commentaires qu’ils comprennent et de mettre un point d’interrogation à côté de ceux qu’ils ne comprennent pas (ce qui les entraîne à traiter activement les commentaires). Il demande aux élèves de résoudre les points d’interrogation par deux avant de poser la question à l’enseignant.

Les enseignants relisent leur copie et s’investissent à partir des éléments mis en évidence par l’enseignant. Ils passent alors à un devoir ciblé que l’enseignant a conçu pour leur permettre de s’entraîner au sujet de leurs faiblesses diagnostiquées.



Soutenir le développement d’une routine de prise en compte de la rétroaction



Avec la rétroaction, le plus peut être l’ennemi du mieux. Ce n’est pas la quantité de rétroaction qui compte, mais sa qualité. Sa qualité se mesure à travers l’impact qu’elle a sur l’apprentissage des élèves.

Tout comme les enseignants ne seront pas automatiquement capables d’intégrer efficacement la rétroaction dans leur enseignement, de nombreux élèves ne seront pas automatiquement capables de l’utiliser de manière fructueuse. 

De nombreux problèmes potentiels peuvent être évités en amenant toujours les élèves à faire quelque chose avec la rétroaction qu’ils reçoivent.

Au-delà de cet aspect qui peut lui-même créer une dépendance, nous devons soutenir les élèves dans le développement de bonnes habitudes et de stratégies liées à la prise en compte de la rétraction.

Cependant, un aspect sous-exposé est que les élèves ont également besoin d’aide pour gérer la rétroaction. Ils doivent acquérir des compétences en matière de rétroaction :
  • Apprendre à gérer les sentiments négatifs liés à la réception d’une rétroaction
  • Voir l’intérêt de jouer un rôle actif, être capables de reconnaître et de traiter la rétroaction
  • Participer de manière productive aux processus de rétroaction mutuelle
  • Développer la capacité de s’évaluer eux-mêmes
  • Traduire la rétroaction en améliorations et comportements spécifiques.


Mis à jour le 13/12/2024

Bibliographie


René Kneyber, Dominique Sluijsmans, Valentina Devid, Blanca Wilde López, Formatief handelen, van instrument naar ontwerp, Phronese, 2022

Tom Sherrington, Making Feedback Count: “Close the Gap”, 2012, https://teacherhead.com/2012/11/10/mak-feedback-count-close-the-gap

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