jeudi 7 novembre 2024

Trois stratégies pour apprendre à résoudre des problèmes en mathématiques

Maîtriser une matière pour un élève signifie que des tâches qui représentaient au départ des problèmes deviennent par la suite des exercices d’application simples à réaliser.


(Photographie : Pamela Pecchio)



Pour y arriver, il est nécessaire de s’entraîner beaucoup. Cependant, il ne suffit pas de passer du temps sur des supports pédagogiques pour que cela se traduise automatiquement en des apprentissages approfondis et durables.

Il est nécessaire de faire un bon usage du temps disponible. 

Par exemple, dans un cours de mathématiques, certaines élèves s’entraînent sans progresser. Ils réalisent des exercices trop faciles ou font des exercices du même type les uns à la suite des autres. 

Trois stratégies se prêtent bien pour éviter ces impasses : 
  • L’étude de problèmes résolus
  • La pratique entremêlée
  • La pratique espacée.



Procédure de mobilisation des problèmes résolus


Un problème résolu est un exercice dans lequel la solution est entièrement développée. Toutes les étapes intermédiaires sont décrites (oralement ou par écrit) et parfois expliquées.

Pour les élèves ayant encore peu de connaissances préalables, il est très efficace de pouvoir partir d’un problème résolu qui leur montre à quoi ressemble la réussite. 

En classe, les problèmes résolus apparaissent typiquement lors du modelage et de la pratique guidée en enseignement explicite. L’enseignant démontre comment résoudre un exercice particulier ou comment effectuer une action correctement. L’enseignant partage un problème résolu avec ses élèves en donnant un aperçu du cheminement de sa réflexion. Il met un haut-parleur sur sa pensée. Il rend explicite ce qui se passe (presque automatiquement) dans son cerveau et reste souvent purement implicite quand il effectue seul une résolution.

L’enseignant fait des liens avec les connaissances antérieures que doivent avoir ses élèves et il les prévient des erreurs courantes. Pour les novices que sont les élèves, le fait de pouvoir écouter ce processus de pensée est très précieux. Cela libère de l’espace mental dans leur mémoire de travail pour suivre leur processus de pensée de manière guidée. L’enseignant poursuit alors par une pratique guidée où il réalise des exercices avec ses élèves.

Par la suite, lors de la pratique ou de l’apprentissage autonome, un élève va mobiliser des problèmes résolus chaque fois qu’il veut apprendre à résoudre un nouveau type d’exercice. Il est chaque fois bon de partir d’un exemple concret du type de problème que l’on s’apprête à résoudre. Il peut ainsi suivre la résolution et le raisonnement lors des différentes étapes. Ensuite, il peut s’entraîner par lui-même à partir d’un énoncé similaire.

Le processus suivant peut être adopté :
  1. Nous commençons par déterminer un type défini d’exercice que nous devons apprendre à résoudre.
  2. Nous recherchons quelques exemples pratiques avec résolution détaillée qui nous montrent comment résoudre ce type d’exercice et recouvrent toutes les variantes principales. Ces exemples peuvent se trouver dans les supports pédagogiques ou avoir bénéficié d’un modelage lors d’un enseignement explicite. De courtes vidéos d’instruction dans lesquelles quelqu’un montre comment faire quelque chose sont également des exemples de problèmes résolus.
  3. Nous observons, décortiquons et étudions attentivement et précisément chaque exemple résolu. Nous nous assurons de comprendre chacune des étapes. Nous nous posons des questions et nous nous expliquons le raisonnement qui soutient la résolution. Nous raisonnons à voix haute en nous expliquant les étapes.
  4. Nous nous entrainons à résoudre des problèmes seuls. Si les problèmes sont complexes, nous pouvons utiliser la stratégie du problème à compléter. Nous commençons par nous entrainer sur des problèmes ou seule la dernière étape est à terminer. Nous ajoutons au fur et à mesure des étapes au départ de la dernière jusqu’à être capables de résoudre complètement des problèmes.
  5. Lorsque nous nous sentons capables de résoudre un type de problème de manière fluide, nous pouvons arrêter le processus et intégrer ce type de problème à une pratique de récupération espacée. En effet, une fois que nous avons mémorisé la manière d’appliquer une procédure, l’étude de problèmes résolus perd son intérêt. À ce stade, les problèmes résolus sont à utiliser pour vérifier notre production après une tentative de résolution d’exercice dans une optique de rétroaction.



La pratique entremêlée


Rohrer et ses collaborateurs (2015) ont organisé une recherche avec neuf classes d’élèves de l’enseignement secondaire aux États-Unis. Ils ont comparé l’impact de la pratique massée ou entremêlée. 

Durant leurs cours de mathématiques, différents types d’exercices leur ont été enseignés successivement. Les élèves les ont pratiqués à l’aide de feuilles d’exercices selon deux conditions :
  • Le groupe 1 a pratiqué les différents types d’exercices de manière massée (type par type ; AAAA, BBBB, CCCC…)
  • Le groupe 2 a pratiqué les différents types d’exercices de manière entremêlée (différents types interchangeables ; ACBC, ABCA, BBCA).
Les deux groupes ont fait les mêmes exercices, seul l’ordre dans lequel ils se sont exercés était différent. 

Cinq jours après la série de leçons, il y a eu une séance de révision contenant un exercice de chaque type. Un test inopiné a suivi après 1 ou 30 jours. 

 

Après 1 jour, le groupe de pratique entremêlée avait une moyenne de 80 % contre 64 % pour la pratique massée.

Après 30 jours, le groupe de pratique entremêlée avait une moyenne de 74 % contre 42 % pour la pratique massée.



Procédure de mobilisation de la pratique entremêlée


Pour résoudre des exercices similaires en surface, mais nécessitant des procédures différentes dans leur réalisation, il est préférable d’alterner les types d’exercices plutôt que de s’entraîner à les réaliser, type par type.

La pratique entremêlée est à réserver pour s’entrainer à résoudre différents types d’exercices de matières similaires qui sont susceptibles d’être évaluées ensemble. 

La pratique entremêlée est typiquement mobilisée après l’étude de problèmes résolus. Une fois que dans une matière nous avons appris à résoudre différents types d’exercices et que nous les avons intégrés dans une pratique de récupération espacée, il est utile de rendre cette pratique également entremêlée.

Si nous sommes novices avec un certain type d’exercices, il n’est pas judicieux de les intégrer dans une pratique entremêlée. Il est judicieux de faire d’abord un certain nombre d’exercices du même type et d’apprendre le mode de résolution. 

Dans le cadre d’une pratique massée, nous ne devons pas réfléchir à quelle stratégie de résolution utiliser pour un exercice donné. Nous ne devons plus vraiment avoir à réfléchir à la manière d’utiliser cette stratégie. La pratique entremêlée impose de déterminer la bonne stratégie et de réfléchir à son utilisation.

C’est là qu’est l’enjeu. Lorsque nous connaissons une procédure, il n’y a plus de réel enjeu à s’exercer à l’utiliser. Par contre, il reste un enjeu à savoir en fonction du contexte s’il est pertinent de l’utiliser ou non. C’est là qu’intervient l’entremêlement, en améliorant notre capacité de discrimination. Nous apprenons à décoder un énoncé pour déterminer parmi les procédures que nous connaissons laquelle est pertinente dans cette situation.

Avec la pratique entremêlée, non seulement nous nous entraînons à appliquer la stratégie, mais aussi à choisir la stratégie qui convient dans un contexte donné. La pratique entremêlée est une difficulté désirable. 



Espacer sa pratique d’exercices


Le principe de la pratique espacée est simple à comprendre. Il vaut mieux faire trois fois trente minutes de résolution d’exercices intercalés sur différents jours de la semaine plutôt que de faire 90 minutes d’affilée un jour de la semaine.

En espaçant, nous retenons mieux et plus longtemps la matière. Au total, nous ne pratiquons pas plus, mais autant sur la durée pour une plus grande efficacité. Cependant si le fait d’étaler ne change pas la durée, il va rendre la tâche plus difficile. Lors de la deuxième session de trente minutes, nous remarquerons que nous avons déjà oublié une partie de la matière.

C’est normal et sain, car l’oubli est une composante de la constitution progressive d’un apprentissage durable. Grâce à cet effort de révision, nous sommes occupés à en apprendre davantage, car nous devons à nouveau réfléchir en profondeur, plus que lorsque nous n’étudions qu’une seule fois. Cela nous permettra de nous souvenir plus longtemps et mieux de la matière. L’étalement de l’apprentissage dans le temps est un autre exemple de difficulté désirable.

En tant qu’enseignants, nous pouvons répartir les matières essentielles (qui seront approfondies ultérieurement, par exemple) dans le temps. Par exemple, nous pouvons diviser un devoir ou une feuille d’exercices et proposer la deuxième partie un peu plus tard, de sorte que les élèves doivent réfléchir plus en profondeur. 

Nous pouvons également intégrer dans un quiz régulier un certain nombre de questions sur des sujets qui devraient être connus de tous ou les rassembler dans une base de données de questions que nous utilisons régulièrement en classe.

Nous pouvons également encourager les élèves à se préparer de manière échelonnée pour des évaluations, ou proposer des évaluations cumulatives au fil du temps.

Cela implique d’intégrer une dimension espacée dans l’enseignement. Il n’est pas nécessaire que cela prenne beaucoup de temps pour que cela apporte une valeur ajoutée.

Pour l’élève, la pratique espacée d’exercice impose de revenir à différents moments, de manière répétée sur les mêmes types d’exercices.

Pouvoir le faire implique d’avoir suffisamment de temps devant soi et la capacité de le planifier. Si l’élève veut commencer un ou deux jours avant une évaluation, il n’aura pas la possibilité de s’engager dans une pratique espacée, mais devra faire du bachotage. 
  1. Dans un premier temps, l’élève consulte son emploi du temps et calcule le temps qu’il lui reste avant l’évaluation (par exemple 10 jours).
  2. Dans un deuxième temps, il évalue le temps qu’il lui semble raisonnable de consacrer à la préparation de l’évaluation avec une marge de protection (par exemple 4 heures).
  3. Il répartit ensuite le temps qu’il souhaite consacrer à cet apprentissage en plus petites sessions d’étude (par exemple, 3 sessions). Il consacre plus de temps à la première session (2 heures) puis réserve chaque fois une heure aux sessions suivantes. La première session est plus longue, car elle doit assurer l’apprentissage initial et a intérêt à avoir lieu assez tôt. La dernière session se place idéalement la veille de l’examen. Par exemple, l’élève peut choisir le jour 2, le jour 5 et le jour 9.
  4. En procédant ainsi, l’élève n’étudie pas plus longtemps, mais il étudie plus régulièrement et met en œuvre l’effet d’espacement.
Si la première session d’étude débute à court ouvert, pour étudier la résolution d’exercices, elle se termine à cours fermé pour s’entrainer à en résoudre seul. Les deux autres sessions se font à cours fermé. L’élève n’ouvre son cours que pour vérifier ses réponses et compléter ses apprentissages si nécessaire.  



Mis à jour le 09/11/2024

Bibliographie


Hoof, T., Surma, T., & Kirschner, P. A. (2021). Leer studenten studeren met succes. Antwerpen : Thomas More-hogeschool.

Rohrer, D., Dedrick, R. F., & Stershic, S. (2015). Interleaved practice improves mathematics learning (La pratique entrelacée améliore l’apprentissage des mathématiques). Journal of Educational Psychology, 107(3), 900-908.

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