samedi 2 novembre 2024

Différents facteurs d’échelle et modes de mobilisation pour l’évaluation formative

La démarche d’évaluation formative peut s’envisager à différents facteurs d’échelle et dans différentes perspectives. En voici une vue d’ensemble.


(Photographie : Kristie Muller)





La valeur ajoutée de l’évaluation formative


Les recherches et les études prouvent que l’évaluation formative est la pratique en classe la plus à même d’améliorer les résultats des élèves. 

Comme l’explique Dylan Wiliam (2018a), lorsque les enseignants intègrent des pratiques d’évaluation formative dans leurs activités en classe, minute par minute et jour par jour, il est possible d’augmenter considérablement les résultats des élèves. Il est possible d’obtenir de l’ordre de 50 à 70 % d’augmentation du rythme d’apprentissage. 

De plus, ces pratiques ne sont pas exigeantes en ressources pour leur mise en œuvre. D’après la recherche, l’évaluation formative en classe est environ vingt fois plus rentable pour améliorer les résultats que la réduction de la taille des classes. Elle est également bien plus efficace que la différenciation.

Différentes évaluations peuvent être plus ou moins sommatives ou formatives en fonction de leurs conséquences. Nous allons analyser certaines situations.

Il n’y a pas une forme d’évaluation formative, mais une multiplicité de formes d’évaluation formatives qui se complètent mutuellement avec des visées complémentaires. 

L’évaluation formative peut servir à stimuler l’attention et l’engagement des élèves. À partir de là, elle peut vérifier leur compréhension progressive des contenus enseignés. Par la suite, elle peut soutenir la pratique de ces contenus et leur apprentissage. Finalement, elle peut apporter un étayage à leur maîtrise.

Ce qu’il faut remarquer, c’est que la pédagogie l’emporte sur le programme. Peu importe les contenus, les enseignants vont mobiliser des démarches similaires pour soutenir l’apprentissage.

Ce qui compte, c’est la manière dont les choses sont enseignées, plutôt que ce qui est enseigné. (Wiliam, 2018b).




L’évaluation formative à cycle long


Le cas d’une évaluation à cycle long et d’un développement professionnel des enseignants


Prenons l’exemple d’un cycle d’une année entre la rétroaction et l’impact : 
  • En septembre, une conseillère pédagogique est appelée pour accompagner une école secondaire dans l’amélioration des résultats en sciences. Elle analyse les résultats obtenus par les élèves aux épreuves officielles qui clôturent le premier degré du secondaire (CE1D en FW-B). 
  • Son analyse lui permet de mettre en évidence que les résultats en sciences sont généralement comparables à ceux d’écoles du même type. Cependant, les élèves concernés semblent obtenir des résultats plutôt inférieurs dans les questions portant sur le domaine de la physique par rapport à celles portant sur le domaine de la biologie ou de la chimie. 
  • En accord avec la direction de l’école et les enseignants concernés, elle propose de faire de la physique le thème principal du développement professionnel des enseignants concernés durant l’année scolaire qui débute.
  • Durant cette année scolaire, les enseignants en sciences participent activement au développement professionnel portant sur l’enseignement de la physique. Cela les amène à une mise en œuvre concrète lors de l’année scolaire auprès des nouveaux élèves. Les enseignants utilisent pleinement les méthodes d’enseignement révisées qu’ils ont développées.
  • À la fin de l’année scolaire considérée, les résultats des élèves en physique augmentent sensiblement lors des évaluations externes.
Dans le cadre du dispositif concerné, l’évaluation formative n’impacte pas les élèves concernés par son activation. Elle ne va profiter qu’à la cohorte d’élèves suivante. On ne peut pas dès lors parler d’évaluation soutien d’apprentissage.

Par contre, l’évaluation peut jouer un rôle formatif au niveau du développement professionnel des enseignants, puisque la rétroaction induit un changement dans leurs pratiques d’enseignement. 


Le cas d’une évaluation diagnostique à cycle long qui permet une réponse systémique pour les élèves


Prenons l’exemple d’un passage d’année scolaire entre la rétroaction et l’impact : 
  • À la fin des deux premières années du secondaire en FW-B, les élèves passent une série d’examens officiels (CE1D) qui portent sur toute la matière vue et déterminent leur réussite.
  • Au terme de la première année de l’enseignement secondaire, une école décide de soumettre à tous ses élèves de première année du secondaire différents examens qui évaluent leurs apprentissages. Cette évaluation se fait dans la perspective de l’examen officiel qu’ils passeront à la fin de la deuxième année du secondaire. 
  • Ces examens sont conçus puis corrigés par une équipe d’enseignants. Un bilan est dressé, qui est communiqué aux élèves, aux différents enseignants et aux parents. Ces résultats servent également à profiler pour les élèves en difficulté, un accompagnement adapté et structurel lors de la deuxième secondaire. 
  • Par exemple, si une matière présente un déficit marqué, des ressources seront libérées à l’échelle de l’école pour apporter un soutien supplémentaire à l’ensemble des élèves ou à un groupe d’élèves concernés par le biais de démarches de préenseignement. Les enseignants de l’année suivante sont également avertis des points d’attention et reçoivent un profil diagnostique de leur classe pour mieux adapter leur enseignement.
Ce dispositif d’évaluation n’est pas réellement formatif dans la mesure où les enseignants des élèves ne vont pas adapter leur cours directement. Les élèves ne vont pas non plus être amenés à s’engager directement dans de nouvelles tâches.

Il s’agit plutôt d’un dispositif d’évaluation diagnostique puisqu’à la fin de la première année scolaire on détermine l’acquisition des prérequis pour y investir lors de l’année scolaire suivante de manière systémique. Il garde toutefois une perspective d’évaluation formative.



L’évaluation formative à cycle moyen


Le cas d’un système de soutien à différents niveaux en cours d’année scolaire pour les élèves


Prenons l’exemple d’une forme de mise en œuvre de la réponse à l’intervention : 
  • Pour la première année de l’enseignement secondaire, une école a mis en place un dispositif qui se répète en fonction de cinq périodes divisant l’année scolaire.
  • Lors de l’avant-dernière semaine avant la période de vacances, tous les élèves de première année sont soumis dans chaque matière aux mêmes évaluations sur la matière enseignée précédemment. 
  • Les résultats sont regroupés et analysés à l’échelle de l’ensemble des classes. 
  • Les horaires sont bouleversés la dernière semaine de cours. En fonction de leurs résultats, les élèves sont répartis dans des groupes de remédiation, de consolidation ou de dépassement indépendamment de leurs cours d’origine. Ils se retrouvent avec d’autres élèves ou d’autres enseignants.
  • En fin de semaine, les élèves ont l’occasion de passer à nouveau certaines évaluations pour documenter leurs progrès. 
Dans ce cas de figure, ce dispositif à l’échelle de l’école n’est pas strictement formatif, mais correspond plutôt à une structure de type réponse à l’intervention (système de soutien à différents niveaux). L’approche est systémique et ne répond pas de l’initiative particulière des enseignants face à leurs élèves, même si elle peut y contribuer.  



Le cas d’un système périodique à l’échelle d’un thème


Prenons l’exemple d’un enseignant qui réalise une évaluation formative pour adapter son enseignement dans la foulée : 
  • Un professeur de sciences d’une école secondaire a planifié quatorze périodes de cours sur une unité de matière donnée. 
  • Il prévoit de couvrir l’ensemble du contenu au cours des onze premières périodes. 
  • Au cours de la douzième période, il fait passer un test à ses élèves et ramasse leurs copies. 
  • Au lieu de noter et corriger individuellement les copies, il les lit attentivement. En fonction de ce qu’il découvre sur ce que la classe a appris et n’a pas appris, il planifie des activités de rattrapage appropriées pour les périodes treize et quatorze. De plus, il personnalise un devoir à réaliser à domicile pour chaque élève.
  • Une évaluation sommative sur les contenus enseignés est planifiée dans la foulée.
Alternativement, à la fin de l’enseignement de la résolution des problèmes stœchiométriques en chimie, un enseignant réalise une évaluation formative pour activer les élèves comme ressources pour l’apprentissage de leurs pairs : 
  • Après avoir enseigné explicitement durant quelques heures de cours les problèmes stœchiométriques à ses élèves, un enseignant réalise un test en classe. 
  • Il reprend les copies et les observe chez lui sans rien noter en les répartissant en niveaux de réussite. 
  • Lors du cours suivant, il répartit les élèves en groupes de telle manière que les niveaux soient mélangés à l’intérieur d’un groupe et homogènes d’un groupe à l’autre. 
  • Il propose à ses élèves de discuter de leurs réponses et de se mettre d’accord sur des réponses communes au groupe.
Dans les deux cas, il s’agit d’une évaluation formative puisque des décisions sont prises après un certain nombre d’heures de cours.



L’évaluation formative à cycle court


Le cas d’un système à l’échelle d’une heure de cours 


Un enseignant a enseigné une procédure typique lors d’une heure de cours. Trois minutes avant la fin du cours, les élèves rangent leurs cours et reçoivent un ticket de sortie sur lequel l’enseignant leur demande de répondre à une question ciblée qui demande de mobiliser cette procédure.

Les élèves rendent leur feuille lorsqu’ils quittent la classe à la fin du cours. Après le départ de tous les élèves, l’enseignant lit les tickets de sortir et les range, concluant que les réponses des élèves sont satisfaisantes pour pouvoir passer à la suite de la matière.

Un autre enseignant réalise en début de cours un quiz d’entrée sur la matière vue précédemment. Les élèves répondent par écrit aux questions avant une mise en commun. La grande majorité des élèves répond correctement aux trois premières questions, mais un certain nombre d’élèves bloque sur la dernière question. 

L’enseignant mène alors une discussion avec l’ensemble de la classe au cours de laquelle les élèves expliquent leur réflexion sur cette question. 

Après quelques minutes, tous les élèves s’accordent à dire qu’ils ont maintenant compris comment répondre correctement à cette question. L’enseignant prévoir d’introduire une question que ce sujet spécifique dans le prochain quiz.

Dans ces conditions, nous avons un cycle d’évaluation formative à l’échelle d’une heure de cours.



Le cas d’un système de vérification en temps direct


Un enseignant assure le modelage et la pratique guidée en lien avec un objectif d’apprentissage. Parallèlement, il vérifie régulièrement la compréhension de tous ses élèves en utilisant la procédure Cold Call, le Think-pair-share ou en utilisant des ardoises effaçables. 

L’approche lui permet d’assurer l’engagement de ses élèves, de bénéficier d’une rétroaction régulière et d’adapter son cours en temps direct. 

Nous sommes pleinement dans une démarche d’évaluation formative, mais dans ce cas, nous mesurons essentiellement des performances et la compréhension des élèves



L’évaluation par les pairs


Imaginons un enseignant qui au terme de l’enseignement d’une matière vise à préparer ses élèves à passer une évaluation sommative. 

Comme beaucoup d’enseignants, il fait passer à ses élèves un questionnaire type d’évaluation sommative à ses élèves dans des conditions formelles. 

La plupart des enseignants ramasseraient ensuite les copies, les noteraient, rédigeraient des commentaires pour les élèves et leur rendraient les copies pour qu’ils puissent voir où ils se sont trompés. 

Cependant, cet enseignant adopte une démarche différente. Il ramasse les copies à la fin de l’examen, mais ne les note pas. Au cours de la période suivante, chaque groupe de quatre élèves reçoit ses copies non notées et une copie d’évaluation vierge et doit composer la meilleure réponse possible. 

Au sein de chaque groupe, les élèves examinent leurs réponses, comparent leurs réponses à chaque question et discutent de la meilleure réponse. Vers la fin de la période, l’enseignant passe en revue l’activité avec l’ensemble de la classe, en demandant à chaque groupe de partager avec la classe les réponses qu’il a trouvées. 

L’évaluation utilisée pour la démarche a été conçue entièrement à des fins sommatives. Cependant, cet enseignant utilise l’instrument d’évaluation de manière formative.



La conception à rebours de l’évaluation formative


Les questions d’évaluation sommative s’élaborent en même temps que les objectifs d’apprentissages. Les questions d’évaluation formative sont pensées pour soutenir les apprentissages correspondants.

La méthode idéale de conception d’une évaluation formative consiste à concevoir les évaluations à rebours de ce que nous voulons explicitement déterminer par rapport à l’apprentissage des élèves.

Lorsque l’accent est mis sur la décision que l’enseignant doit prendre, il ou elle peut alors examiner les sources de données pertinentes qui contribueraient à prendre cette décision de manière plus intelligente. 

Avec cette approche, l’enseignant sait toujours quoi faire de ces données une fois qu’il les a collectées, car cette décision a été réfléchie avant qu’il ne procède à l’évaluation. 

De cette manière, les enseignants ont planifié ces données spécifiques, les recevant alors qu’il est encore temps de les traiter en classe. 

La conception à rebours facilite la création des évaluations, car elle les aligne avec les objectifs d’apprentissage qui définissent la compréhension et la réussite des élèves.



L’évaluation comme pont entre l’enseignement et l’apprentissage


Les élèves n’apprennent pas exactement ce que nous leur enseignons. Si c’était le cas, nous n’aurions pas besoin de faire des évaluations. Ce que les élèves apprennent grâce à notre enseignement est imprévisible. 

Le risque est de confondre enseignement et apprentissage.

Comme l’affirme Wiliam (2018b), « le travail de l’enseignant n’est pas de transmettre des connaissances ni de faciliter l’apprentissage. Il consiste à créer des environnements d’apprentissage efficaces pour les élèves ».

Les caractéristiques clés des environnements d’apprentissage efficaces sont qu’ils :
  • Crée un engagement de la part des élèves
  • Permettre aux enseignants, aux élèves et à leurs pairs, de s’assurer que l’apprentissage se déroule dans la direction voulue.
Le seul moyen d’y parvenir est l’évaluation formative. C’est pourquoi l’évaluation représente un processus central de l’enseignement. Dès lors, l’évaluation est le pont entre l’enseignement et l’apprentissage.


Mis à jour le 03/11/2024

Bibliographie


Dylan Wiliam. (2018a). The handbook for embedded Formative Assessment. Solution Tree.

Dylan Wiliam. (2018 b). Embedded Formative Assessment. Solution Tree

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