jeudi 31 octobre 2024

Exprimer des attentes élevées dans la vérification de la compréhension en enseignement explicite

La vérification de la compréhension en enseignement explicite peut être un instrument pour mettre en œuvre effectivement des attentes élevées en classe. Exploration de stratégies proposées par Adam Boxer (2022) dans une exploration brillamment de la question.

(Photographie : plains flora)


Le vœu pieux des attentes élevées


Fixer des attentes élevées peut faire figure de vœu pieux pour un enseignant, nous devrions : 
  • Inspirer, motiver et stimuler nos élèves.
  • Créer un environnement sécurisant, fondé sur le respect mutuel et la coopération.
  • Fixer des objectifs ni trop faibles, ni trop ambitieux pour poser des défis bien calibrés aux élèves, quelles que soient leurs origines, leurs capacités et leurs dispositions.
  • Démontrer nous-mêmes de manière cohérente les attitudes positives, les valeurs et le comportement que nous attendons en retour des élèves.
La question est de savoir quelles pratiques enseignantes expertes permettent de répondre spécifiquement et sûrement à ces objectifs en classe.

À un niveau général et systémique, nous trouvons différents éléments liés dans :
  • La conception pédagogique
  • L’usage de pratiques d’enseignement efficace
  • Une bonne gestion de classe
  • Des démarches d’évaluation et de rétroactions rigoureuses
  • Une responsabilisation de l’école face aux résultats des élèves. 
Au niveau spécifique, nous pouvons nous demander à quelles pratiques cela correspond en classe. A contrario, il existe certaines manières de réagir que nous pouvons adopter, qui peuvent diminuer les attentes que nous exprimons envers nos élèves. En effet, les actions spécifiques adoptées en classe sont la matérialisation des attentes que nous exprimons effectivement en classe.



La gestion de la prise de parole spontanée des élèves


Un élément clé est la gestion de la parole des élèves. Pour exprimer des attentes auprès de toute la classe, nous devons déterminer quand et de quelle manière les élèves peuvent intervenir. 

Dans ce contexte, nous pouvons utiliser des pratiques efficaces comme le Cold Call ou les ardoises effaçables. 

Les élèves peuvent tenter de poser une question ou de donner une réponse pertinente spontanément. En soi, il ne semble pas avoir de raison de contester ce type d’initiative, car elle peut dynamiser le cours au moment même. Instinctivement et sur le moment, nous ne considérons pas forcément ce genre d’initiative comme intrinsèquement mauvaises.

Cette acceptation tacite trahit en réalité l’expression d’attentes peu élevées. Cela entraîne des problèmes plus tard. Certes, nous pouvons tolérer des interventions pertinentes, mais en agissant de la sorte, nous gommons la norme. Où se place la limite entre une intervention pertinente et une intervention qui ne l’est pas ? Si elle peut être relativement claire pour nous, elle est en partie subjective et les élèves en eux-mêmes n’ont pas cette capacité de distinction. 

Si un élève prend la parole de manière non autorisée et s’il n’y a pas de contestation de l’enseignant, alors celui-ci permet que la norme de la distribution de la parole ne soit pas respectée.

Des problèmes ultérieurs peuvent apparaitre. Les élèves peuvent s’habituer à prendre la parole de manière spontanée. Lorsque cela se produit de plus en plus et de manière non appropriée, à un moment donné, l’enseignant peut s’agacer et commence à dire aux élèves de ne plus prendre la parole par défaut.

Les élèves qui ont pris l’habitude inverse vont avoir des difficultés à stopper cette habitude et cela va créer des tensions contreproductives pour l’objectif d’un climat de coopération serein.

Un élève peut prendre la parole pour poser une question ou donner une réponse alors qu’il n’en a pas reçu l’autorisation. Un élève pose une question à l’enseignant après avoir donné une réponse. Ces comportements doivent nous faire réagir. Nous devons poser une limite pour ne pas voir ce phénomène s’amplifier.

Une manière de répondre pourrait faire référence à la routine précédemment enseignée. Celle-ci expliquerait la manière de prendre la parole. Elle nous permettrait de dire à l’élève que nous sommes désolés, mais que dans cette classe, ce type de comportement n’est pas souhaitable, même si le contenu de son intervention peut sembler pertinent. 

Dans cette classe, chacun doit sentir qu’il peut contribuer à la leçon, c’est pourquoi nous levons la main et attendons que l’enseignant nous autorise à prendre la parole. 

Le fait de parler spontanément grille l’opportunité de participer à des élèves qui levaient le doigt avant de répondre et respectaient la règle. À ce moment, nous nous tournons vers un élève qui levait le doigt et nous lui donnons la parole éventuellement. Si après l’interaction avec l’autre élève, l’élève concerné lève le doigt, nous lui donnons la parole. Il faut veiller à ce que cet élève puisse exprimer le comportement adéquat et en avoir la satisfaction qui est reliée. 

Si nous voulons instituer et conserver l’habitude des élèves de lever le doigt pour prendre la parole, il n’y a pas d’autre solution que de ne rien laisser passer. Nous fixons des attentes élevées en bloquant chaque tentative de déroger à la routine explicitée. Développer cette habitude et ce réflexe permet de faire barrage à un comportement d’élève qui est susceptible de se reproduire épisodiquement. 

Cette habitude a un fort impact et est relativement simple à mettre en œuvre. 



Ne pas répéter les questions et mettre au défi


Imaginons que nous venons d’enseigner une matière à nos élèves. En utilisant la technique Cold Call, nous leur posons une question simple pour qui a écouté activement, sur un point de cette matière.

Lorsque nous désignons l’élève, il nous dit qu’il ne sait pas répondre ou qu’il n’est pas sûr de lui.

Est-ce que l’élève n’est pas sûr ou est-ce parce qu’il n’a pas été attentif ?

Si nous acceptons cette absence de réponse et que nous désignons un autre élève, nous lui envoyons comme message qu’il est acceptable de ne pas savoir, de ne pas être attentif ou de ne pas vouloir répondre. De cette manière, nous manifestons que nous avons de faibles attentes vis-à-vis de certains de nos élèves.

Dans cette situation, la meilleure option est de commencer par demander à l’élève de nous répéter la question que nous avons posée.

Considérons que l’élève est incapable de redonner la question.

Nous ne devons pas répéter la question, mais attirer l’attention de tous les élèves en leur faisant savoir que c’est un problème. Dans notre classe, nous voulons que les élèves soient attentifs tout le temps. 

Nous annonçons à l’élève que plus tard, durant le cours, nous allons lui poser à nouveau une question. Si cette fois-là, s’il n’écoute pas, il recevra une sanction et il en ira de même pour tous les élèves présents dans la classe si cela se reproduit. Nous écoutons tous, nous apprenons tous, sans exception. 

De cette façon, nous instituons une attente claire non seulement pour l’élève concerné, mais aussi pour tout le monde dans la classe. Cela nous permet d’éviter de perdre de nouveau du temps ou l’attention de nos élèves.

Nous fixons des attentes élevées en mettant au défi les élèves qui n’écoutent pas.

Dans ce genre de situation, le piège à éviter est de répéter la question quand un élève dit qu’il n’a pas entendu ou nous demande de répéter la question. En le faisant, nous normalisons le fait de ne pas écouter.



Le refus de l’esquive pour manque d’engagement sur des questions de base


Lorsque nous posons une question à un élève dans le cadre de la technique Cold Call sur un élément de base d’un chapitre en cours, imaginons qu’il réponde qu’il ne connait pas la réponse.

Nous lui demandons alors de rappeler la question que nous avons posée, ce qu’il fait sans difficulté. L’élève est donc bien attentif durant le cours.

Cependant, nous avons toujours un problème si la question porte sur des éléments enseignés et entraînés récemment qui vont partir du cœur de la matière en cours. Nous pouvons supposer que si l’élève fournit le travail attendu et s’engage normalement, il devrait connaitre la réponse. Nous estimons en outre que les éléments portant sur des connaissances préalables ont été réactivés.

Par conséquent, cette absence de réponse signifie que l’élève a manqué d’attention ou d’engagement général dans le cours. Peut-être a-t-il été distrait plutôt, peut-être ne s’est-il pas du tout engagé dans le cours de manière autonome, peut-être n’a-t-il pas fait sérieusement ses devoirs ou préparations ? 

Si la cause exacte nous est inconnue, le résultat du manque d’engagement est lui clairement identifié. L’élève ne sait pas répondre à une question basique. Cela ne devrait poser aucune difficulté dans le cadre d’un avancement normal de l’apprentissage tel que nous l’escomptons. 

Cet état de fait témoigne d’une faille dans notre expression d’attentes élevées. Si nous acceptons cet état de fait en posant la question à un autre élève ou en lui réexpliquant, nous lui envoyons comme message que :
  1. C’est normal qu’il ne le sache pas.
  2. C’est acceptable qu’il ne sache pas. 
En réalité, si notre intention est d’exprimer des attentes élevées envers tous nos élèves, alors la situation est inacceptable. Ne pas réagir revient à diminuer nos attentes.

L’élève répond qu’il ne sait pas répondre à une question qu’il connait et à laquelle il devrait normalement être capable de répondre. Nous pouvons réagir de la façon suivante. 

Nous pouvons lui dire que nous sommes surpris qu’il ne soit pas capable de répondre. En effet, nous venons d’en parler il y a quelques minutes ou cela faisait également partie d’un devoir, d’un quiz ou d’une préparation à faire à la maison. Cela nous envoie le message que l’élève n’est pas assez attentif et qu’il ne s’engage pas comme attendu dans la matière. 

Nous concluons en disant que nous allons revenir plus tard vers l’élève, lors d’un cours suivant, pour lui poser de nouveau cette question ou une autre question similaire sur la matière. Il doit s’assurer d’être prêt à répondre à ce moment-là.

Cette stratégie est une des formes de la stratégie « no opt-out ». Elle montre très clairement aux élèves concernés quelles sont les attentes en matière de connaissances. 

Si le phénomène se reproduit avec plusieurs élèves, il peut dépasser le simple cadre d’un problème d’engagement ou d’attention liée à l’élève. Cela peut nécessiter une révision de la planification et de la procédure de mise au travail des élèves.

De plus, si la fois suivant l’élève est toujours incapable de répondre, il peut être nécessaire de prendre des mesures correctives appropriées pour le soutenir dans ses apprentissages.

L’essentiel est de mettre l’élève au défi et l’amener à s’engager face aux attentes élevées que nous mettons en œuvre. Nous donnons à l’élève la possibilité d’améliorer sa concentration en classe sans ressentiment. 

Dans cette démarche, il est absolument essentiel de nous assurer que nous reviendrons effectivement plus tard vers les élèves qui ont fait des erreurs avec des connaissances de base.

Si le problème de l’élève est effectivement lié à un problème d’attention plutôt que d’un problème de contenu en soi ou d’engagement à domicile, l’enseignant peut prendre des mesures différentes.

Nous pouvons le placer près de nous dans la classe. Nous pouvons lui délivrer des relances attentionnelles.

Nous pouvons également nous rendre compte à un moment donné que beaucoup d’élèves ne savent pas répondre. Cela peut nous faire réaliser que nous n’avons pas donné suffisamment de modelage, de pratique guidée ou de pratique de récupération aux élèves. Ce diagnostic entraînerait toute une série d’actions, cette fois-ci liées aux attentes que l’enseignant se fixe à lui-même.



Bibliographie


Adam Boxer, 2022, Set high expectations by, https://achemicalorthodoxy.wordpress.com/2022/10/30/set-high-expectations-by/

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