dimanche 17 novembre 2024

Clarifier, partager et comprendre les objectifs d’apprentissage et les critères de réussite

Comprendre et relever le défi des objectifs d’apprentissage.

(Photographie : Meagan Connolly)



Passer d'une approche administrative à une approche effective des objectifs d'apprentissage


Le danger d’une approche administrative des objectifs d’apprentissage


Nous pouvons partir d’un double constant :
  1. Il semble évident que les élèves trouvent utile de savoir ce qu’ils vont apprendre.
  2. Le partage cohérent et efficace des objectifs d’apprentissage avec les élèves peut rester trop peu fréquent en classe. 
Communiquer l’objectif d’apprentissage ne suffit pas. L’enseignant peut écrire l’objectif au tableau et les élèves peuvent le recopier l’objectif dans leurs notes puis l’ignorer pendant le reste du cours et par la suite.

Une approche administrative de l’objectif d’apprentissage n’est pas suffisante pour les partager. Elle ne correspond pas à la stratégie visant à clarifier, partager et comprendre les intentions d’apprentissage et les critères de réussite.



Le concept d’objectifs d’apprentissage et son importance


Une définition d’un objectif d’apprentissage est celle du Professional Development Service for Teachers (2016) : « Un objectif d’apprentissage, pour une leçon ou une série de leçons est un énoncé, créé par l’enseignant, qui décrit clairement ce que l’enseignant veut que les élèves sachent, comprennent et soient capables de faire à la suite des activités d’apprentissage et d’enseignement ». 

Les enseignants doivent être en mesure de faire la distinction entre les objectifs d’apprentissage et les activités pédagogiques qui sont censées aboutir à ces résultats.

L’objectif d’apprentissage n’est pas une activité dans laquelle sont engagés les élèves. Les activités de la leçon aident les élèves à assimiler l’objectif d’apprentissage. L’objectif d’apprentissage est ce que nous voulons que nos élèves aient appris à la fin de la phase d’enseignement.

Le fait est que les élèves ne peuvent pas réussir pleinement s’ils ne savent pas ce que l’enseignant considère comme une réussite. Soit ils doivent le deviner par eux-mêmes, soit l’enseignant peut le leur communiquer.

Selon Sadler (1989), les conditions indispensables à l’amélioration de la qualité de l’enseignement sont les suivantes :
  • Un élève doit avoir un concept de qualité à peu près similaire à celui de l’enseignant.
  • L’élève doit être continuellement capable de contrôler la qualité de ce qu’il produit pendant l’acte de production lui-même.
  • L’élève doit disposer d’un répertoire de mouvements possibles ou de stratégies alternatives dans lequel il peut puiser à tout moment.
Toute amélioration est impossible à moins que ces conditions soient remplies.



Développer et partager des objectifs d’apprentissage


Tout commence par la conception à rebours. Nous ne pouvons pas dire aux élèves quelle est leur destination si nous ne savons pas nous-mêmes où nous voulons qu’ils soient à la fin du voyage.

Nous devons clarifier l’objectif pédagogique pour en faire un objectif d’apprentissage spécifique et mesurable : 
  • L’objectif d’apprentissage doit être conceptuel plutôt que lié à une tâche ou à un projet spécifique.
  • L’objectif d’apprentissage doit être parfaitement compréhensible par les élèves. Nous ne pouvons pas espérer de nos élèves, qu’ils atteignent les objectifs d’apprentissage que nous leur fixons s’ils ne comprennent pas ce que nous leur demandons. 
Les programmes scolaires et les objectifs pédagogiques qui en découlent sont souvent rédigés dans un langage assez formel. Il n’est pas particulièrement facile pour les élèves, ni parfois pour les enseignants, de comprendre ce qu’ils signifient. 

C’est pourquoi divers auteurs préconisent que les enseignants adaptent les objectifs pédagogiques et les présentent aux élèves dans un langage convivial sous forme d’objectifs d’apprentissage. En effet, il ne suffit pas de lire une norme dans le programme d’études si les élèves ne sont pas familiarisés avec le vocabulaire propre à la discipline.

Ensuite, nous devons décider à quel moment du cours nous voulons partager l’intention d’apprentissage :
  • Nous voulons parfois être clairs dès le début sur les objectifs de la leçon. Nous pouvons être très explicites dans nos attentes.
  • Dans d’autres cas, ce n’est pas une bonne idée de dire aux élèves quel est le sujet de la leçon. Parfois, le fait de dire aux élèves où ils vont gâche complètement le voyage. Commencer une leçon par un problème qui démontrera l’intention d’apprentissage sans le dire (pensez à montrer plutôt qu’à dire) peut être un excellent moyen de capter l’attention des élèves. Le mystère qui entoure le résultat renforce la motivation. 
Il peut être utile de développer les intentions d’apprentissage conjointement avec les élèves, un processus parfois appelé co-construction. Il est important de noter que l’élaboration des objectifs d’apprentissage ou des critères de réussite avec les élèves n’est absolument pas un processus démocratique. L’enseignant occupe une position privilégiée et en sait plus sur le sujet que les élèves. Il abdiquerait face à ses responsabilités en adoptant ce que les élèves estiment devoir être valorisé comme objectif d’apprentissage. 

L’avantage de développer les objectifs d’apprentissage avec les élèves est que cela crée un mécanisme par lequel ils peuvent en discuter. Ils traitent l’information et s’approprient les objectifs d’apprentissage et les critères de réussite, ce qui rend plus probable leur capacité à les appliquer dans le contexte de leur propre travail.

Un élève sait seulement qu’il va à l’école suivre des cours. Ce qui le préoccupe, c’est la vie quotidienne : les tâches, les échéances, les exigences, les résultats, le retour d’information de l’enseignant. La destination et le sens sont souvent secondaires.

Il est relativement facile d’imaginer des activités intéressantes pour les élèves, mais trop souvent, ce que les élèves vont apprendre n’est pas clair.

Il est également relativement facile de se tenir devant la classe et de faire la leçon aux élèves sur ce que nous voulons qu’ils apprennent, en l’ayant clairement en tête. Malheureusement, de nombreux élèves ne le percevront pas et n’apprendront pas bien avec une telle approche.

Des points d’attention lors de la conception des objectifs pédagogiques sont :
  • L’accessibilité du langage de la discipline, qui doit être compréhensible par l’élève.
  • La simplicité de la construction des phrases, qui ne doit pas être trop complexe.
  • La dimension générale, qui permet l’application dans une large gamme de conditions et pas seulement celles liées aux tâches d’apprentissage.
  • Les phrases commencent par un « je » et décrivent le comportement de l’élève qui démontre l’apprentissage.
  • La phrase doit être compréhensible à l’identique par les différents enseignants de la discipline. L’enjeu est que tous les élèves de la classe apprennent la même chose, quel que soit leur enseignant.
  • Si la phrase utilise le langage formel de la discipline, il est important de s’assurer que les élèves y ont été initiés ou qu’ils le seront. Un langage adapté aux élèves peut être utile lorsque les éducateurs les initient à une discipline. Il est également important d’aider les élèves à développer les habitudes d’esprit qui définissent la discipline. L’acceptation du langage « officiel » fait partie de ce processus.
Une fois que les objectifs d’apprentissage sont disponibles, il ne suffit pas d’en donner une copie aux élèves et de les lire avec eux. Les enseignants doivent s’assurer que les élèves comprennent à la fois ce que signifie l’objectif d’apprentissage et à quoi elle ressemble pour partager pleinement l’intention d’apprentissage. C’est là qu’interviennent les critères de réussite.



Développer et partager les critères de réussite


Certains élèves savent déjà à quoi ressemble un travail réussi, d’autres non. S’assurer que tous les élèves savent à quoi ressemble un travail de qualité a un impact profond sur les écarts de réussite.

La réussite est la manifestation d’un objectif d’apprentissage :
  • La réussite ne se résume pas à une note même si elle y aboutit. 
  • La réussite ne consiste pas simplement à mémoriser et à régurgiter des informations. 
  • La réussite consiste à apprendre le concept enseigné dans certains contextes et être capable de transférer cet apprentissage dans un nouveau contexte.
La création de critères de réussite peut s’avérer délicate, voire difficile. Les critères de réussite « sont élaborés par l’enseignant ou l’élève et décrivent ce à quoi ressemble la réussite. Ils aident l’enseignant et l’élève à juger de la qualité de l’apprentissage de l’élève » (Professional Development Service for Teachers, 2016). 

En tant qu’enseignants, nous pouvons nous interroger sur les critères de réussite :
  • De quelle manière partageons-nous les critères de réussite avec nos élèves ?
  • Prenons-nous le temps de réfléchir ou de discuter avec notre équipe pédagogique des pratiques permettant de s’assurer que les élèves comprennent ce que nous attendons d’eux ?
Les critères de réussite interviennent dans les fonctions formative et sommative de l’évaluation :
  • En mode sommatif, les critères de réussite doivent déterminer dans quelle mesure les élèves ont réussi.
  • En mode formatif, les critères de réussite doivent permettre d’obtenir cette réussite en mettant en évidence les progrès à réaliser.
Même si nous sommes tout à fait à l’aise avec l’idée de donner aux élèves des indications claires sur ce que nous voulons, la définition des critères de réussite peut s’avérer difficile.

Les objectifs d’apprentissage sont des définitions de la qualité pas toujours utiles pour ceux qui n’en sont pas encore là. Pour surmonter cette difficulté, des critères de réussite efficaces doivent être mesurables, permettre une différenciation entre les élèves, être exprimés dans un langage clair et significatif, et permettre aux élèves d’identifier eux-mêmes la réussite. 

En outre, les enseignants doivent fournir des exemples de travaux qui répondent aux critères de réussite.

Nous devons communiquer le sens de la qualité à nos élèves. Il existe trois outils que les enseignants peuvent utiliser pour développer cette compétence chez les élèves.
  1.  Les grilles d’évaluation
  2. Les critères liés aux processus
  3. Exemples de travaux d’élèves



Usages des grilles d’évaluation


Une grille d’évaluation peut être un instrument efficace pour partager des critères de réussite. 

Cela implique que les élèves doivent :
  • Avoir le temps de réfléchir, et d’en discuter avec d’autres élèves
  • Avoir l’opportunité de se l’approprier pour l’appliquer à leur propre travail.
Une grille d’évaluation est une façon de présenter les critères de réussite :
  • Spécifiques à une tâche.
  • Génériques à un certain nombre de tâches.



Des grilles d’évaluation spécifiques, à portée sommative


Les grilles d’évaluation spécifiques à une tâche doivent être rédigées dans un langage très clair afin de communiquer avec précision aux élèves ce qu’exige cette tâche particulière. Cette force est également une faiblesse dans la mesure où seules les tâches spécifiques définissent la réussite. En étant précis sur ce que nous voulons, nous pouvons trop focaliser l’apprentissage des élèves, au lieu d’encourager les compétences transférables.

Les grilles d’évaluation spécifiques à une tâche font que les élèves doivent se familiariser avec une nouvelle grille pour chaque tâche, ce qui est une autre faiblesse.

Judith A. Arter et Jay McTighe (2001) suggèrent que les grilles d’évaluation spécifiques à une tâche sont généralement plus appropriées pour l’évaluation sommative.

Les critères spécifiques sont utiles lorsque nous voulons que les élèves sachent exactement ce que nous voulons qu’ils démontrent. Ils permettent de s’assurer que les élèves savent ce que nous recherchons et sont donc utiles à la fin de l’apprentissage.

Ce qui importe le plus n’est pas ce que les enseignants mettent dans la grille, mais ce que les élèves en retirent.


Des grilles d’évaluation génériques, à portée formative


Pendant l’apprentissage, il est utile d’intégrer un certain degré de généralité dans les grilles de notation afin de promouvoir le transfert.

Les grilles génériques se concentrent sur l’objectif d’apprentissage plutôt que sur l’activité, ou la tâche, censées soutenir l’objectif d’apprentissage.

Les grilles de notation trop détaillées peuvent être contre-productives :
  • Si nous précisons en détail ce que les élèves doivent réaliser, ils peuvent certes y parvenir, mais c’est probablement tout ce qu’ils seront capables de faire. 
  • Plus nous sommes clairs sur ce que nous voulons, plus nous avons de chances de l’obtenir. Parallèlement, moins cela a de chances de signifier quoi que ce soit.
Les grilles de notation génériques présentent plusieurs avantages par rapport aux rubriques spécifiques à une tâche, en particulier lorsqu’il s’agit d’évaluation formative (Brookhart, 2013) : 
  • Elles peuvent être partagées avec les élèves au début d’une production, pour les aider à planifier et à contrôler leur propre travail.
  • Elles peuvent être utilisées pour de nombreuses tâches différentes, en orientant l’attention des élèves sur les connaissances et les compétences qu’ils développent au fil du temps.
  • Elles décrivent les performances de l’élève en des termes qui permettent d’envisager de nombreuses voies différentes vers la réussite.
  • Elles orientent l’attention de l’enseignant sur le développement de l’apprentissage des compétences par les élèves plutôt que sur l’achèvement de la tâche.
  • Elles n’ont pas besoin d’être réécrites pour chaque travail.



Critères de processus


Les critères de processus sont particulièrement importants pour aider les élèves à s’approprier leur propre apprentissage et pour progresser dans leur apprentissage. 

En fournissant des critères de processus, nous divisons pour les élèves le long voyage en petites étapes entre le point où se trouvent les apprenants et le point où ils doivent se trouver. La démarche devient plus facile à gérer.

Les critères de processus décomposent l’objectif final, ou les critères de réussite, en petites étapes gérables et mesurables. 

Ils fonctionnent comme un étayage. Ils sont utiles dans un premier temps, mais peuvent être ressentis progressivement comme une contrainte.

Les critères de processus sont à la fois des contraintes et des opportunités pour les élèves. Nous devons réfléchir à la manière dont nous les formulons et dont nous les utilisons.



Exemples de travaux d’élèves


La meilleure façon d’aider les élèves à comprendre à quoi ressemblent les critères de réussite est de leur demander d’examiner des exemples de travaux antérieurs anonymisés d’autres élèves. Nous les engageons alors dans une discussion sur les forces et les faiblesses de chaque document.

On touche là au cœur de la manière d’atteindre l’objectif d’apprentissage. 

Les grilles d’évaluation nous renseignent sur les résultats, mais les exemples de travaux nous montrent la pratique.

Idéalement, l’idée de montrer aux élèves des exemples anonymisés de productions d’élèves des années précédentes et de les laisser réfléchir sur leurs qualités respectives. Ce processus permet l’appropriation ultérieure d’une grille d’évaluation.

Comme de nombreux enseignants l’ont découvert, les élèves sont beaucoup plus aptes à repérer les erreurs et les faiblesses dans le travail des autres que dans le leur. Une fois que les élèves ont signalé ces erreurs ou faiblesses, ils sont plus susceptibles d’éviter de les répéter dans leur propre travail.



Responsabiliser les élèves par rapport à leurs propres apprentissages


Un enseignant peut demander à ses élèves de réaliser une production. Il rassemble les copies et attribue à chacune une note provisoire dans son carnet de notes, mais n’écrit rien sur les copies.

Le lendemain, les élèves reçoivent leurs propres productions, ainsi que des copies de ce que l’enseignant considère comme trois productions exemplaires (anonymisées et provenant de classes précédentes).

L’enseignant leur demande de les lire avant le cours suivant. Au cours de la leçon suivante, la classe discute de ce qu’elle pense être les caractéristiques notables des trois productions jugées excellentes. 

L’enseignant invite ensuite tous les élèves à reformuler et à soumettre à nouveau leurs productions. 

Cette technique a deux caractéristiques particulières utiles : 
  1. Elle permet d’illustrer concrètement un travail remarquable.
  2. Les élèves doivent faire un travail intellectuel pour comparer leur propre travail avec les exemples fournis par l’enseignant. De cette manière, le retour d’information est plus intéressant que si les élèves l’avaient reçu de quelqu’un d’autre.
Lorsqu’un seul exemple de travail de la plus haute qualité est montré aux élèves, cet exemple peut être considéré comme un modèle à copier, d’où l’intérêt d’en présenter plusieurs.


Mis à jour le 20/11/2024

Bibliographie


Dylan Wiliam. (2018). The handbook for embedded Formative Assessment. Solution Tree.

Professional Development Service for Teachers. (2016). Leaving certificate applied: Teacher handbook. Dublin, Ireland

Sadler, D. R. (1989). Formative assessment and the design of instructional systems. Instructional Science, 18(2), 119–144.

Arter, J. A., & McTighe, J. (2001). Scoring rubrics in the classroom: Using performance criteria for assessing and improving student performance. Thousand Oaks, CA: Corwin Press.

Brookhart, S. M. (2013). How to create and use rubrics for formative assessment and grading. Alexandria, VA : Association for Supervision and Curriculum Development.

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