mardi 15 octobre 2024

Un cadre d’attentes comportementales en gestion de classe

La relation entre l’enseignant et ses élèves est cruciale. Elle repose sur une confiance partagée. Une confiance partagée est possible lorsque le comportement est positif et mutuellement prévisible. Un comportement positif mutuellement prévisible est fonction de normes et de routines exécutées avec sincérité.

(Photographie : omenalehto)



Toutefois, nous ne devons pas attendre des élèves qu’ils se comportent bien parce qu’ils apprécient leurs enseignants. Nous attendons des élèves qu’ils se comportent bien parce que cela correspond à des attentes exprimées et enseignées explicitement. 



L’obtention du silence en gestion de classe


Valoriser l’obtention courante du silence par défaut en classe pourrait sembler hors du temps et presque archaïque. 

Cependant, le silence favorise le travail calme et la concentration. Le silence libère les élèves pour qu’ils réfléchissent et élaborent. Les enseignants efficaces créent des moments de silence pour que les élèves écoutent et s’engagent dans un apprentissage génératif. 

Il importe de définir exactement, ce que nous entendons par une classe calme, car elle n’apparait pas par elle-même. Les élèves adoptent leurs repères comportementaux sur ce qui est acceptable à partir de nombreuses sources, dont principalement l’enseignant et les autres élèves.

L’enseignant doit être proactif vis-à-vis des attentes comportementales, à titre préventif et à titre réactif. S’il ne communique pas et n’intervient pas au sujet d’un comportement, celui-ci peut passer pour acceptable.

Si l’enseignant n’intervient pas lorsque certains élèves sortent du comportement communément attendu, bon nombre d’élèves vont commencer à accepter ce comportement comme normal. D’autres élèves vont rejeter la faute de ces excès tolérés sur l’enseignant. 

Si l’enseignant est vigilant et agit tôt et de manière discrète dès que le silence n’est plus respecté pour l’obtenir à nouveau, alors, les élèves apprennent que maintenir le silence est la norme.

Le fait est qu’en s’y prenant bien un enseignant peut obtenir de ses élèves qu’ils soient aussi silencieux qu’il le souhaite.



La valeur du silence en école pour l’apprentissage et la civilité


Le silence en lui-même n’a pas de valeur intrinsèque. Il n’a de valeur que contextuelle. Il est essentiel de comprendre dans quels contextes il a de la valeur et est nécessaire.

L’une des compétences les plus importantes que nous puissions enseigner à un élève est de savoir quand être attentif et silencieux et de lui donner l’habitude de le faire.

Pour réussir ses études, il y a beaucoup de choses que les élèves doivent être capables de faire : lire, écouter, comprendre, apprendre, appliquer, réfléchir ou résoudre un problème.

Ces tâches peuvent être accomplies dans le bruit, mais elles sont généralement bien mieux accomplies dans un contexte calme pour des raisons d’évitement du multitâche. Il y a un coût cognitif énorme à payer pour penser de cette manière dans le bruit ambiant. La concentration s’atrophie, la mémorisation diminue, le temps est perdu entre chaque tâche en raison du passage d’un processus de pensée à l’autre.

Le silence est d’or pour les élèves en classe. Le tout est de savoir quand et où le déployer.

Dans une cour de récréation, imposer le silence n’a pas de sens, même s’il faut pouvoir obtenir le silence à certains moments, par exemple lors de la mise en rang.

Dans un couloir, les avis peuvent être partagés en fonction du contexte. Si les comportements dans les couloirs sont civilisés, que les élèves marchent rapidement entre les cours, que le bruit est faible et que les gens sont en sécurité, il n’est peut-être pas aussi important d’imposer un silence absolu. 

Toutefois, si aucune de ces conditions n’est remplie, il peut être utile d’envisager des couloirs silencieux. Paradoxalement, il est plus difficile d’apprendre à des élèves normalement turbulents à être simplement calmes plutôt que silencieux, car tout niveau de conversation encourage un retour aux anciennes habitudes. Il est beaucoup, beaucoup plus facile de commencer par le silence, parce qu’il est facilement compris et perçu, et que son absence est beaucoup plus facile à discerner et à contrôler. 

Selon certaines perspectives, sensibilités et idéologies, le fait d’exiger un silence total peut être perçu comme un acte d’oppression, mais il est parfaitement acceptable de demander aux enfants de rester absolument silencieux pendant certaines périodes. On attend des gens qu’ils se taisent dans de nombreuses circonstances qui ne dérangent personne : les cinémas, les théâtres, les spectacles musicaux, les bibliothèques, les tribunaux ou les célébrations. C’est un comportement tout à fait normal et sain qui permet de faire preuve de civilité.



La valeur du silence dans un contexte de classe


Le silence en classe est un paramètre très utile qui contribue à l’efficacité de l’enseignement. Les enseignants ont besoin de créer des espaces de calme dans lesquels les élèves peuvent se concentrer.

La qualité de l’enseignement l’impose :
  • Des instructions doivent être données.
  • Des réponses doivent être élaborées et partagées.
  • Les élèves doivent s’écouter les uns les autres et apprendre à se considérer mutuellement comme de membres contributifs de leur communauté d’apprentissage.
  • À certains moments, les élèves doivent réfléchir et lire de manière autonome.
Les élèves doivent savoir quand activer et désactiver le silence comme un robinet. C’est là l’astuce et l’objectif. L’objectif n’est pas de les condamner à un silence assourdissant.

L’objectif est de leur apprendre à être polyvalents sur le plan comportemental, à reconnaître la nécessité de ces comportements et à savoir quand les utiliser.

Chaque enseignant devrait placer l’enseignement de l’habitude du silence au premier plan de son programme d’enseignement explicite du comportement. Il s’agit d’une compétence de base. Pour un élève, être capable de se taire, d’écouter, de réfléchir et de se concentrer dans un but précis est aussi important que d’être capable de contribuer dans un but précis.



L’importance d’un enseignement explicite du comportement


Selon le principe d’un enseignement explicite du comportement, un comportement doit être justifié, modélisé, pratiqué et renforcé pour être appris et devenir habituel.

 Il n’est pas naturel pour un élève de déterminer quel est exactement le comportement attendu pour optimiser le cours. Si nous ne leur apprenons pas ce que nous attendons d’eux, nous ne pouvons pas nous étonner si certains d’entre eux les font mieux que d’autres. Les élèves sont différents et ont des expériences antérieures et des antécédents différents, ce qui fait que leur comportement adopté naturellement diffèrera également.

Si nous voulons que nos élèves soient performants dans une activité particulière, il est préférable de leur enseigner comment l’être. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que nos élèves soient engagés de manière générale. 

Les compétences générales sont un pari vain. Tous les élèves ne seront pas naturellement attentifs et concentrés. De plus même s’ils peuvent l’être dans un contexte particulier, il y a peu de chances qu’ils en transfèrent spontanément la compétence dans notre cours.

Par conséquent, dans le cadre de nos cours, nous devons enseigner explicitement les règles de base. Nous transmettons les attentes comportementales. Nous les soutenons par notre vigilance, par des signaux récurrents, et par une rétroaction spécifique sous forme de renforcements ou d’interventions. Il s’agit d’enseigner chaque activité comme si elle était distincte de toutes les autres. Nous ne supposons pas que les élèves savent se comporter, car ils l’auraient déjà fait avec d’autres enseignants ou dans d’autres cours. 



Enseigner la gestion de la parole en classe


Globalement, l’enjeu est d’apprendre aux élèves quand il convient d’être silencieux et quand il convient de contribuer et comment. 

Si nous voulons que les élèves soient capables de donner des réponses en classe dans de bonnes conditions et s’écoutent mutuellement, nous devons définir nos attentes dès le départ. Nous devons leur dire exactement comment y parvenir, ce que nous attendons d’eux. Nous devons leur expliquer ce qui se passera s’ils ne contribuent pas.

Nous devons admettre que ces comportements ne sont pas évidents. Ils sont spécifiques à la classe, au cours et à l’école. Il s’agit de comportements qu’ils n’utiliseront peut-être plus que rarement dans le reste de leur vie. L’enseignant doit donc partir du principe qu’il devra déployer des efforts pédagogiques pour obtenir les résultats escomptés dans ces domaines. Nous voulons qu’à terme il soit facile de bien se comporter pour les élèves et difficile de mal se comporter.

Nous devons placer la barre là où elle est légitime. Les élèves doivent être aussi silencieux que nous le jugeons nécessaire et pas plus. Nous pouvons vouloir l’obtenir durant la majeure partie des leçons ou durant certaines seulement, tout dépend de nos objectifs pour notre cours.

Nous définissons nos attentes, nous les communiquons. Nous enseignons explicitement les comportements qui les accompagnent. Ce n’est pas négociable.

Une limite d’importance à placer est que, s’il existe des moments où les élèves peuvent échanger et coopérer, leurs conversations doivent s’appuyer essentiellement sur l’apprentissage. Toute conversation qui s’en éloigne trop doit être découragée ou utilisée avec précaution.

Nous voulons que nos élèves apprennent à parler en classe avec un but précis, avec clarté et concision, en manifestant concentration et attention, car c’est une habitude inestimable. Il est trop facile de succomber à la tentation de bavarder et de s’épancher, car cela ne demande pas d’efforts et de contrôle. 

Il importe d’apprendre aux élèves à ne pas s’engager dans n’importe quelle tâche, à ne pas se laisser tenter. 

La plupart de nos plus grandes réussites ne sont pas le fruit d’activités toujours agréables, mais de tâches exigeant des efforts et de la persévérance. Peu de succès nous sont offerts par hasard. La plupart des choses que nous apprécions sont le fruit d’une combinaison de talent, de chance et de travail acharné. Et le travail acharné est celui sur lequel nous avons le plus de contrôle.

Il est important d’apprendre aux élèves le goût de l’effort afin de ne pas se contenter de succomber à leurs désirs immédiats.

L’idée est de se priver d’une satisfaction immédiate pour atteindre un objectif plus grand à moyen ou long terme.



Bibliographie


Tom Bennett, The Running the Room companion, John Catt, 2021

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