mercredi 23 octobre 2024

Limites et pistes d’application liées au coaching pédagogique

Dans un article, Rob Coe (2023) détaille ses réticences au coaching pédagogique dans le cadre du modèle Great Teaching Toolkit. Il met en évidence les risques, limites et défis liés à la mise en œuvre de cette approche prometteuse du développement professionnel pour les enseignants.


(Photographie : pnw-forest-side)




Différentes significations au concept de coaching pédagogique


Le concept d’instructionnal coaching, traduit en français par coaching ou accompagnement pédagogique, est relativement flou. 

Comme le rapporte Rob Coe (2023), la notion même d’instruction peut être imprécise. Son sens diffère pour le Royaume-Uni et pour les États-Unis. Au Royaume-Uni, il signifie dire à quelqu’un d’autre ce qu’il doit faire et a souvent des connotations de contrôle et d’interférence. Aux États-Unis, il signifie simplement l’enseignement ou la pédagogie.

Si l’on prend deux références en matière de coaching pédagogique, Jim Knight et Paul Bambrick-Santoyo, leurs conceptions sont très différentes :
  • Jim Knight (2019) met l’accent sur l’autodétermination, l’autonomie, la réflexion et la responsabilisation des enseignants qui bénéficient du coaching.
  • Paul Bambrick-Santoyo (2018) utilise une approche dans laquelle un coach relativement directif identifie des « étapes d’action » granulaires et prescrit un ensemble de « mouvements de coaching ». 
D’autres références en matière de coaching pédagogique utilisent des interprétations intermédiaires ou tout à fait différentes.

Il existe des preuves solides de l’utilisation du coaching comme approche du développement de l’enseignant qui permet d’améliorer les résultats des élèves. 

Une méta-analyse réalisée par Kraft et ses collaborateurs (2018) a révélé un effet positif global des programmes de coaching des enseignants. Cet effet surpasse potentiellement d’autres formes de développement des enseignants ou d’interventions en milieu scolaire. La méta-analyse est solide et présente des preuves convaincantes d’efficacité pour le coaching pédagogique. 



L’écart entre la recherche et la pratique concernant le coaching pédagogique


Kraft et ses collaborateurs (2018) ont constaté que les programmes de plus grande envergure, et ceux dont les recrues ne sont pas bénévoles ont des effets moindres. De plus, ils ont souligné les difficultés à recruter des coachs efficaces. 

Ils ont mis en garde contre le fait de considérer le coaching comme une solution générale en posant la limite suivante. Il se peut que le coaching soit mieux utilisé en tant que programme ciblé avec un petit groupe d’accompagnateurs pédagogiques experts. Ceux-ci vont travailler avec des participants volontaires et des écoles engagées plutôt qu’en tant que programme de perfectionnement professionnel à l’échelle d’une structure éducative large.

Blazar & Kraft (2015) n’ont pas été en mesure de dire quelles approches du coaching sont les plus efficaces, bien qu’il y ait des preuves que l’expertise du coach est un facteur clé. 

Blazar et ses collègues (2022) avancent que l’avantage du coaching pédagogique vient du fait qu’il est délibérément différencié. Sa programmation est alignée sur les besoins individuels des enseignants et mise en œuvre par un coach individuel. Cependant, il existe une variabilité en fonction du coach spécifique et de l’enseignant avec lequel travaille. Ils ont constaté une variabilité substantielle de l’efficacité des coachs en matière de changements dans les pratiques des enseignants en classe (0,43 écart-type). L’ampleur de l’hétérogénéité de l’efficacité des accompagnateurs est proche des effets moyens des programmes d’accompagnement identifiés dans d’autres recherches. Ces résultats suggèrent que l’identification, le recrutement et le soutien d’accompagnateurs hautement qualifiés seront essentiels pour étendre les programmes d’accompagnement pédagogique.

Goldhaber et ses collaborateurs (2020) ont constaté une relation forte et positive entre l’efficacité d’un coach pédagogique et sa propre efficacité en mathématiques, et une relation plus modeste en anglais. Une partie de cette relation reflète une relation de cause à effet entre l’efficacité des mentors et l’efficacité future des enseignants suivis en mathématiques. Les coachs les plus efficaces peuvent également être des enseignants plus efficaces.

Les modèles de coaching qui ont été évalués dépendent généralement d’une équipe de coachs experts, expérimentés et formés, qui travaillent chacun avec un nombre relativement restreint d’enseignants, sur une base individuelle et sur une période prolongée. Ce type de modèle peut représenter des investissements élevés en matière de ressources humaines. 

Par contre, les types de modèles largement adoptés dans les écoles sont très différents, les coachs sont des enseignants de l’école, souvent ayant des responsabilités, ou sont membres de l’équipe de direction. 

Le coût reste élevé d’un point de vue financier. De plus, si les meilleurs enseignants sont retirés des classes pour devenir accompagnateurs pédagogiques, cela peut entrainer des problèmes. Tout impact qu’ils ont sur l’efficacité des enseignants coachés doit être compensé par la perte de l’apprentissage de leurs propres élèves.

Une fois cela considéré, le coaching pédagogique ne semble pas être un pari si solide que cela en matière d’effet et d’impact.



Le pari d’une approche efficiente et évolutive du coaching pédagogique


Entre le potentiel du coaching pédagogique et ses limitations, l’enjeu est de déterminer une approche qui permette de générer un impact maximal pour un coût et un temps consacré minimaux. 

C’est un fait que l’accompagnement individuel par un expert est l’un des moyens les plus efficaces d’améliorer l’enseignement, mais ce modèle parait trop coûteux pour être fonctionnel. 

Il serait intéressant de déterminer les mécanismes par lesquels le coaching favorise l’amélioration, pour voir dans quelle mesure nous pouvons en faire un outil pour tous les enseignants d’une école.

Nous pouvons également considérer un système de soutien à trois niveaux. Le coaching interviendrait au niveau trois, en partant du postulat que tous les enseignants n’ont pas besoin de coaching pédagogique et que ceux qui en bénéficieront seront ceux pour qui un développement professionnel universel n’a pas suffi. 

Une partie de l’attrait du coaching réside dans son contraste frappant avec les sessions de formation uniques. Dans ces sessions, un sujet générique est balayé sur une journée ou deux. Le même support est utilisé pour tous, sous forme d’un événement unique sans suivi, axé surtout sur la théorie et peu sur la pratique et sans accompagnement. 

Le gros avantage du coaching pédagogique est qu’il se concentre sur la pratique et sur la résolution des problèmes qui sont saillants dans la classe de l’enseignant. Le coaching est sensible au contexte individuel. La relation personnelle de coaching est à la fois responsabilisante et motivante. Un coach expert peut diagnostiquer, structurer les activités et répondre, tout comme le fait un enseignant expert. 

Lorsqu’il est bien fait, le coaching mobilise des dimensions telles que le retour d’information, la modélisation, la réflexion et la pratique délibérée. Ces éléments sont difficiles à intégrer dans une approche de développement professionnel standard. 

L’approche du coaching pédagogique proposée par Rob Coe (2023) dans le cadre du Great Teaching Toolkit est d’utiliser la réciprocité et le groupe. Les enseignants sont réunis par équipes de quatre à six enseignants qui se coachent les uns les autres, en se concentrant explicitement sur leur pratique en classe et leurs défis individuels. L’aspect social de l’équipe motive et encourage. 

L’expertise est développée délibérément au sein de l’équipe grâce à des cours sur mesure et à un cadre de réflexion structuré. Il inclut un retour d’information qui permet d’identifier l’excellence, de souligner les progrès et d’ancrer le tout dans la réalité. 

La démarche peut se baser sur la vidéo pour rendre l’observation efficace et pratique, ainsi que pour partager des modèles d’excellence et se fonde sur les principes de la pratique délibérée. Elle définit des objectifs spécifiques dans la pratique et vise le développement de modèles mentaux. Le tout demande une grande adaptabilité au contexte et un suivi de la démarche avec évaluation.


Mis à jour le 24/10/2024

Bibliographie


Rob Coe, Why aren’t we doing ‘instructional coaching’ (even though everyone else seems to be)?, 2023, https://evidencebased.education/why-arent-we-doing-instructional-coaching-even-though-everyone-else-seems-to-be/

Bambrick-Santoyo, P. (2018). Leverage Leadership 2.0. Wiley.

Blazar, D., & Kraft, M. A. (2015). Exploring mechanisms of effective teacher coaching. Educational Evaluation and Policy Analysis, 37(4), 542–566. https://doi.org/10.3102/0162373715579487

Blazar, D., McNamara, D., & Blue, G. (2022). Instructional coaching personnel and program scalability (499; 21). https://doi.org/10.26300/2des-s681

Goldhaber, D., Krieg, J., & Theobald, R. (2020). Effective like me? Does having a more productive mentor improve the productivity of mentees? Labour Economics, 63, 101792. https://doi.org/10.1016/j.labeco.2019.101792

Knight, J. (2019). Why teacher autonomy is central to coaching success. Educational Leadership, 77(3). https://www.ascd.org/el/articles/why-teacher-autonomy-is-central-to-coaching-success

Kraft, M. A., Blazar, D., & Hogan, D. (2018). The effect of teacher coaching on instruction and achievement: A meta-analysis of the causal evidence. Review of Educational Research, 88(4), 547–588. https://doi.org/10.3102/0034654318759268

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