lundi 21 octobre 2024

La transition entre connaissances biologiques primaires et connaissances biologiques secondaires

L’enseignement fondamental en Belgique, primaire en France et en Suisse, préscolaire et primaire au Québec est marqué par une transition et un recouvrement entre l’acquisition de connaissances et de compétentes biologiquement primaires et secondaires.


(Photographie : Marie Viot)



Un large potentiel de départ


Le cerveau du bébé qui vient au monde possède déjà les cent milliards de neurones et ce nombre n’augmentera plus (sauf de façon limitée dans certaines zones particulières du cerveau). Mais il continue à se développer après la naissance et jusqu’au-delà de la puberté. En effet, chez le nouveau-né, seulement 10 % des neurones sont connectés entre eux. C’est donc après la naissance que le cerveau se complexifie considérablement, avec la mise en place progressive de la quasi-totalité des synapses en fonction des interactions avec le monde extérieur, des expériences vécues et des apprentissages. 

Ces connexions que représentent les synapses rendent compte de notre propre compréhension du monde. Elles matérialisent nos connaissances et les compétences que nous développons.

Ces connaissances peuvent se conceptualiser dans notre cerveau par le biais de schémas qui nous permettent de construire nos propres interprétations, souvenirs, sentiments et interactions tout au long de notre vie.

En tant qu’éducateurs, nous soutenons et favorisons le câblage du cerveau, l’activation et le renforcement de connexions.

Nous aidons les élèves à mémoriser des connaissances, à développer des compétences et à donner un sens au monde qui les entoure.



L’acquisition des connaissances biologiques primaires


Les enfants n’ont souvent pas encore trois ans lorsqu’ils rejoignent l’école maternelle et ils quittent l’école primaire vers douze ans.

Durant cette phase de développement, ils sont encore en train d’acquérir ce que le psychologue évolutionniste David Geary (2005) a appelé les connaissances biologiques primaires. Toutefois, dans ce contexte, le terme primaire ne fait pas référence à l’école primaire. Il possède une signification différente.

Ces connaissances biologiques primaires sont celles dont la maîtrise est historiquement nécessaire à la survie dans notre espèce. Elles s’acquièrent naturellement dans le cadre du développement humain. Il s’agit notamment de l’apprentissage de la parole, de la reconnaissance des visages, de la coopération et des connaissances importantes sur le plan psychologique, physique et biologique. Elles ne nécessitent qu’une instruction très limitée. Les enfants sont intrinsèquement motivés pour l’apprendre lorsqu’ils sont exposés aux bons stimuli. Ces connaissances sont spécifiques et naturelles à notre espèce même si elles vont avoir des déclinaisons spécifiques en fonction du climat, de l’environnement et de la population de référence.

Le point fort de ces connaissances biologiques primaires est qu’elles peuvent être apprises, mais n’ont pas besoin d’être enseignées pour une grande majorité d’élèves.

Les connaissances biologiques populaires présentent un avantage évolutif dans la mesure où elles nous aident à assurer notre sécurité, à fonctionner en tant que membre d’un groupe et à reconnaître la nourriture et les prédateurs. 



L’acquisition des connaissances biologiques secondaires


Nous sommes naturellement motivés par les connaissances biologiques primaires et nous pouvons les apprendre naturellement en y étant confrontés.

Ce n’est pas le cas des connaissances biologiques secondaires, qui sont bien plus récentes pour notre espèce. Nous n’avons pas évolué pour les apprendre naturellement. Dès lors, elles nécessitent des efforts et une instruction. 

La lecture et les mathématiques en font partie. Leur apprentissage nécessite une instruction et une motivation extrinsèque. Les connaissances biologiques secondaires ne seront pas acquises sans instruction. 

L’apprentissage de connaissances biologiques secondaires requiert de la concentration, de l’attention, c’est-à-dire un cadre d’enseignement.



Les exigences de la transition entre connaissances biologiques primaires et secondaires


Les enfants qui entrent en maternelle sont encore en train d’acquérir des connaissances biologiques primaires. Ils sont encore en train de comprendre les signaux et les normes sociales de base de la vie en communauté. Ils apprennent à coordonner leurs mouvements et à développer leur langage.

Beaucoup d’entre eux se trouvent dans une phase de développement où ils acquièrent simultanément des connaissances biologiques primaires et des connaissances biologiques secondaires.

Ils se distinguent ainsi des enfants plus âgés dont les connaissances biologiques primaires sont plus complètement formées. Il convient donc de noter d’emblée que les enfants qui entrent en maternelle auront besoin d’un mélange de possibilités d’explorer et de développer à la fois les connaissances biologiques primaires et secondaires.

À ce stade, les élèves ont besoin d’opportunités pour explorer, créer, interagir avec leurs pairs et les adultes en petits et grands groupes. Ils doivent pouvoir bouger leur corps de multiples façons, participer à des jeux indépendants et être guidés par une variété d’outils et de stimuli.

Parallèlement, ils ont besoin de s’engager dans de courtes périodes d’enseignement explicite. 

L’enjeu de l’enseignement à ce stade est de faciliter le développement des connaissances biologiques primaires et secondaires. Une évolution vers trop d’enseignement explicite réduirait le temps consacré au jeu indépendant, à l’automotivation, à l’interaction et à l’exploration intrinsèque. Ces dimensions sont nécessaires, car elles aident à développer les connaissances biologiques primaires qui sous-tendent les connaissances biologiques secondaires.

Lorsque nous envisageons l’apprentissage à ce stade, nous devons nous placer dans la perspective du développement humain. L’enseignement commence à un moment où beaucoup d’enfants sont encore en train de développer les connaissances biologiques primaires nécessaires qui seront à la base de leur future réussite scolaire.

Il importe d’examiner la manière dont l’offre d’enseignement permet de garantir ces opportunités d’apprentissage nécessaires. Les plus jeunes apprenants peuvent ne pas être encore prêts pour certaines connaissances biologiques secondaires. Il s’agit de respecter les phases de développement uniques des plus jeunes apprenants.

Si nous voulons maximiser l’impact de notre enseignement explicite dans les sessions enseignées qui sont liées aux connaissances secondaires avec les plus jeunes apprenants, nous devons être conscients de la dualité de leur développement. 

L’être humain n’a pas changé dans son développement depuis des millénaires. Les enfants modernes ont toujours besoin d’opportunités pour développer la psychologie, la biologie et la physique populaires des connaissances biologiques primaires.



Soutenir la transition entre connaissances biologiques primaires et secondaires


L’enseignement dispensé aux plus jeunes apprenants dans les écoles doit reconnaître l’importance des connaissances biologiques primaires et secondaires, ainsi que la différence entre ces deux types de connaissances. 

Les connaissances biologiques secondaires nécessitent des efforts, de l’attention et une motivation extrinsèque. 

Dès lors, nous pouvons utiliser les leviers des connaissances biologiques primaires naturellement et spontanément acquises pour soutenir le développement des connaissances biologiques secondaires. 

Geary (2005) évoque l’idée d’exploiter la zone grise entre l’apprentissage de connaissances biologiques primaires et secondaires. Il s’agit d’aborder les connaissances biologiques secondaires par le biais d’approches biologiques primaires familières et motivantes, comme le partage d’un livre d’histoires avec un adulte. 

La lecture d’une histoire contient des aspects biologiquement secondaires, tels que la communication du langage, les inférences et la découverte d’un vocabulaire non familier. Elle s’appuie également sur les aspects biologiquement primaires de l’acquisition du langage et de l’interaction sociale. 

L’enfant peut apprendre à associer le succès de l’apprentissage d’un nouveau langage non verbal à cette interaction. Dès lors, ce succès engendre la motivation. La probabilité qu’il veuille investir des efforts et soit motivé pour apprendre d’autres contenus biologiquement secondaires augmentera.

Les connaissances biologiques primaires sont également relativement simples à acquérir et ont peu d’effet sur la charge cognitive. En revanche, les connaissances biologiques secondaires sollicitent beaucoup plus les ressources cognitives. Notre approche de la sécurisation des connaissances biologiques secondaires doit donc reconnaître que nous aurons besoin d’une approche différente. 

La manière dont les enfants acquièrent les connaissances biologiques primaires n’est pas suffisante pour l’acquisition des connaissances biologiques secondaires. Ils devront être motivés pour investir des efforts, de l’attention et des ressources cognitives d’une manière qui semble très différente de l’acquisition de leurs premières connaissances biologiques primaires.

Lors des premières expériences à l’école primaire, le développement de la motivation pour l’apprentissage d’un contenu biologique secondaire est un aspect clé de l’enseignement et de la pratique. Il est important pour les enseignants de féliciter et d’encourager les efforts et les progrès. Ils doivent essayer, dans la mesure du possible, de capitaliser sur la motivation biologique primaire pour l’apprentissage en reliant les connaissances secondaires aux processus primaires.



La perspective d’un enseignement fondamental efficace


Dans la perspective d’un enseignement fondamental efficace, les connaissances secondaires sont souvent ancrées dans un cadre biologiquement primaire. Celui-ci correspond à un environnement ludique, à des histoires, des chansons, des mouvements, à des niveaux élevés d’interaction sociale et de parole, et à l’utilisation d’une variété d’outils et de ressources.

L’imbrication de l’enseignement associé au contenu biologique secondaire dans le tissu du développement biologique primaire est un tissage délibéré d’approches dans cette phase de dualité. 

Au fur et à mesure que les enfants progressent dans le système scolaire, leur approche de l’acquisition des connaissances biologiques secondaires peut devenir moins ludique. Elle va reposer sur une motivation extrinsèque pour maintenir la concentration, l’orientation des ressources cognitives, l’effort et la persévérance. 

Elle s’appuiera également beaucoup plus sur l’enseignement explicite au fur et à mesure que le contenu deviendra plus complexe. 

Avec plus jeunes apprenants, leurs premières rencontres avec des connaissances biologiques secondaires doivent se fondre et s’harmoniser avec leurs expériences du monde jusqu’à présent. L’utilisation d’une grande partie de la journée scolaire consacrée à l’enseignement explicite formel pour nos plus jeunes apprenants a peu de chances de les motiver. Beaucoup d’entre eux en seront encore à développer et à consolider leur compréhension biologiquement primaire du monde.

Les environnements et les pratiques qui permettent et capitalisent sur cette dualité d’état doivent être pris en considération pour le premier cycle du primaire.

Certains élèves peuvent avoir des besoins spéciaux spécifiques qui signifient que leur développement des connaissances biologiques primaires se fait à un rythme différent de celui de leurs pairs. 

Dans le programme d’étude, il importe d’identifier les aspects qui sont biologiquement primaires et ceux qui sont biologiquement secondaires.

Il importe de réfléchir à quels aspects du développement biologique primaire peuvent soutenir le développement d’un contenu biologique secondaire. C’est par exemple, la discussion, l’interaction sociale, la reconnaissance des émotions et des signaux.

Comprendre les connaissances biologiques primaires et secondaires est fondamental pour comprendre la charge cognitive, l’attention, la motivation intrinsèque et extrinsèque. Ces éléments sont essentiels pour comprendre le parcours d’apprentissage des élèves au fondamental.



Bibliographie


Emma Turner, Inititium, 2023,  Initium: Cognitive science and research-informed primary practice, John Catt

Geary, D. C. (2005). Folk knowledge and academic learning. In B. J. Ellis & D. F. Bjorklund (Eds.), Origins of the social mind (pp. 493–519). New York: Guilford Publications.

https://fondation-lamap.org/sites/default/files/upload/media/ressources/projets/cerveau/cerveau-eclairages.pdf

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