vendredi 27 septembre 2024

Mobiliser un panel de stratégies pour favoriser l’engagement des élèves

L’engagement des élèves dans le travail en classe est un facteur crucial à la conjonction de multiples influences.

(Photographie : Andy Grellmann)



Le manque d’effort comme comportement inadéquat


Le manque d’effort manifesté par certains élèves peut être assimilé à un comportement perturbateur au même titre que de nombreuses formes plus évidentes.

C’est un comportement perturbateur inquiétant parce qu’il entraîne une diminution de l’apprentissage. C’est une mise à l’écart volontaire à l’intérieur d’un cours. Il peut être assimilé à une exclusion volontaire temporaire, à l’intérieur de la classe plutôt qu’à l’extérieur.

Il est possible d’être présent en classe, mais tout en étant intellectuellement absent lors du cours. Nous devons donc prendre ce problème au sérieux. Nous devons considérer que nous obtiendrons ce que nous attendrons d’eux et autoriserons d’eux. 

Il existe de nombreuses manières de remédier à l’insuffisance des efforts :
  • Nous pouvons apprendre aux élèves à comprendre ce qu’est un niveau d’effort acceptable et, surtout, ce qu’est un niveau inacceptable. Nous leur expliquons que l’on attendra d’eux qu’ils fassent de leur mieux, parce que c’est tout simplement ce que l’on doit faire dans notre classe. 
  • Nous devons accepter qu’il faille un certain temps pour que s’installe une norme :
    • Nous l’énonçons clairement dès le début avec des exemples.
    • Nous remettons en question leur comportement lorsque cette norme n’est pas respectée.
    • Nous célébrons leur comportement lorsque cette norme est respectée.
  • Pour chaque catégorie de tâches, nous donnons aux élèves une indication de ce que nous attendons d’eux, et dans quel délai :
    • Nous voulons les aider à anticiper et à planifier leur temps de travail.
    • Nous voulons éviter qu’ils procrastinent et se mettent au travail au dernier moment, trop tard dans la dernière ligne droite de telle manière qu’il n’est plus possible de fournir un résultat rigoureux. 
La démarche impose de poser certains interdits. Si nous permettons aux élèves de rendre des travaux bâclés, en retard ou incomplets sans réaction de notre part, nous les encourageons à recommencer. Nous leur facilitons la tâche en leur permettant de mal se comporter. Au contraire, nous devons nous révéler intransigeants pour leur bien.



Faire en sorte que les élèves n’aient pas l’opportunité de ne pas fournir d’efforts


Nous devons faire en sorte qu’il soit plus difficile et contraignant pour les élèves d’échapper aux efforts plutôt que de les fournir dans les temps : 
  • Chaque fois qu’un élève n’atteint pas l’objectif d’effort que nous lui avons fixé, nous le mettons au défi. Nous lui imposons de nouvelles contraintes légèrement supérieures. Face à cela, il faut être cohérent et rigoureux. Si l’élève pense qu’il s’en sortira parfois, il sera encouragé à ne pas le faire chaque fois. Nous devons être systématiques.
  • La façon la plus simple de le faire est de lui demander de refaire le travail selon nos attentes en dehors du cours en y ajoutant l’un ou l’autre élément éventuel. Il est possible qu’il s’en plaigne. Cependant, il est important de persévérer. L’imposer deux ou trois fois suffit généralement à ce que des élèves qui rechignent généralement à l’effort réalisent qu’il est plus facile pour eux de faire le travail pendant le cours, ou dans les délais impartis, plutôt que de ne pas le faire.
  • Des élèves peuvent évoquer comme excuse pour n’avoir pas réalisé un travail de ne pas l’avoir compris. 
    • Il s’agit d’anticiper ce cas de figure : 
      • Nous devons nous assurer que notre approche pédagogique met l’accent sur des explications claires et des supports d’apprentissage explicites.
      • Nous vérifions fréquemment la compréhension de chacun en classe. Nous pouvons déterminer si quelqu’un a besoin de nouvelles explications des instructions. 
      • Nous mettons à disposition des ressources supplémentaires en ligne. 
      • Les élèves ont des opportunités de poser des questions dans une fenêtre de temps acceptable en cas d’incompréhension. 
    • Nous pouvons dès lors refuser ce type d’excuse comme preuve de manque d’implication et d’engagement dans le cours. Certes, cette stratégie ne fonctionnera pas avec tous les élèves tout le temps, mais cela fonctionnera avec la plupart des élèves la plupart du temps. 
    • Ce n’est que si nous identifions un besoin d’apprentissage réel ou un sujet qui doit être enseigné à nouveau, que nous acceptons l’excuse de l’élève.
    • Dans le cas contraire, nous demandons à l’élève de refaire son travail et de le terminer. C’est laborieux, mais l’investissement en temps en vaut la peine si nous voulons habituer un élève à faire plus d’efforts dans tous les travaux ultérieurs.
En adoptant de telles démarches, nous augmentons nos exigences sur ce profil d’élève et cela doit s’accompagner d’un soutien accru. Lorsque les élèves sont amenés à refaire un travail, nous devons faire en sorte que cela reste aisé pour eux moyennant l’effort nécessaire. Nous leur donnons des instructions claires sur ce que nous attendons d’eux. Nous ne voulons pas punir les élèves, nous nous arrangeons simplement pour que ne pas respecter les échéances soit juste plus contraignant que de les respecter. 

L’idée est d’éviter de sanctionner les élèves. Il est clair que c’est de leur responsabilité de fournir des efforts, mais nous voulons la jouer gagnant-gagnant.

Lorsqu’un élève ayant ce profil refait, son travail correctement, il faut le remercier et lui expliquer pourquoi nous leur avons demandé de le faire ainsi. Nous lui exprimons également l’espoir que nous n’aurons pas à lui demander à nouveau la prochaine. Pour pleinement rendre cette conséquence formative, nous décrivons ce à quoi ressemblerait un meilleur comportement.



La posture de l’enseignant face à l'engagement des élèves


Les enseignants doivent être perçus comme ayant un intérêt réel pour les résultats et le bien-être général de leurs élèves :
  • Si les élèves voient leur enseignant comme une figure d’autorité qui ne se soucie pas d’eux, il restera possible d’obtenir une conformité du comportement. Cependant, les élèves seront moins enclins à fournir des efforts soutenus, à se dévouer pour leur apprentissage. Ils ne s’engageront pas tous dans un apprentissage autonome rigoureux. 
  • Si les élèves voient leur enseignant comme une source de soutien avec des possibilités de passer entre les mailles du filet certaines fois, ils peuvent l’apprécier, mais ils continueront à être pilotés par leurs propres envies. 
Les deux rôles doivent être appris et développés ensemble :
  • L’enseignement efficace développe des attentes élevées pour tous ses élèves. Il est rigoureux et attend d’eux qu’ils fournissent des efforts. 
  • L’enseignant est prêt à fournir le soutien nécessaire pour permettre à ses élèves d’atteindre ou de dépasser les attentes élevées moyennant leur responsabilisation. 
Nous devons adopter un style démocratique et démontrer une combinaison utile de qualités : 
  • Un désir sincère d’offrir le soutien nécessaire aux élèves lorsqu’ils rencontrent des difficultés. 
  • Une volonté rigoureuse de les voir répondre à des attentes élevées partagées avec eux. 
À ce titre, Doug Lemov (2010) développe le concept d’enseignant warm/strict et Tom Bennett parle d’une cohérence compatissante (2021). L’enseignant doit être influent et proche : 
  • Une influence élevée signifie que les objectifs sont clairs et que le guidage de l’enseignant est présent tant sur le plan scolaire que sur le plan comportemental. 
  • Une proximité élevée signifie que l’enseignant se préoccupe beaucoup des besoins de ses élèves qu’il attend des rapports de coopération avec ses élèves dans la classe.
Une faible coopération est synonyme d’antagonisme à l’égard des élèves, voire de vindicte. Une forte influence peut en elle-même conduire à un manque d’attention et d’intérêt pour les besoins et les intérêts des élèves.

Pour qu’un enseignant ait une relation optimale avec ses élèves, il doit avoir des niveaux élevés — mais pas trop élevés — d’influence et de proximité. Cela implique beaucoup de clarté, d’objectifs énoncés et de conseils explicites, ainsi qu’une grande préoccupation pour les intérêts des élèves. L’enseignant est cohérent avec compassion.

Au début de leur carrière, les enseignants ont des affinités pour la coopération. Avec le temps (parfois des années), ils s’efforcent de devenir plus influents.

Les élèves sont besoin de retrouver les deux dimensions chez leurs enseignants. Les enseignants doivent s’intéresser à eux, reconnaitre leurs défis, avoir des attentes élevées et assurer le soutien nécessaire.



Le sourire en classe comme facteur d’engagement


Nous pourrions penser qu’un sourire authentique reflète un état intérieur de gaieté ou d’amusement. Cependant, la recherche en écologie comportementale suggère que tous les sourires sont surtout des outils utilisés dans les interactions sociales. La gaieté n’est ni nécessaire ni suffisante pour sourire. 

Les sourires en classe peuvent être manifestés par l’enseignant ou par les élèves. Lorsqu’ils ne sont pas liés à de l’humour ou de la moquerie, ce sont en réalité des signaux d’engagement qui ont tout à fait leur place.

Dans une recherche, Witchel et ses collègues (2018) ont utilisé un système de tutorat automatisé visant à répondre à l’état cognitif de l’apprenant afin de maintenir son engagement. Quarante-quatre participants ont répondu à un questionnaire de géographie formatif, à choix multiples. Des vidéos frontales du visage ont été recueillies à l’aide d’une caméra et traitées à l’aide d’un algorithme de reconnaissance des expressions faciales.

Ils ont montré que le sourire était radicalement renforcé juste après avoir répondu incorrectement aux questions. Ce comportement était expliqué par les auto-évaluations de l’engagement (et négativement par l’ennui), mais il n’était pas expliqué par les évaluations du bonheur ou de la frustration. L’engagement apparait comme le substrat du sourire lors d’un quiz. De même, le sentiment de défi est un substrat important après les mauvaises réponses.

Dans le type de quiz formatif informatisé utilisé, les participants sont beaucoup plus susceptibles de sourire pendant la réponse initiale — en particulier lorsqu’elle est fausse — que pendant les segments explicatifs. Ces sourires sont un signe fort d’engagement, de défi et de motivation d’apprentissage. 

Le sourire semble associé à l’engagement cognitif, qui agit comme un carburant social pour le sourire.

Le sourire a plusieurs significations. Il peut marquer l’engagement pour l’enseignant en tant que figure d’autorité et comme quelqu’un qui se soucie de leur bien-être — sur le plan personnel et éducatif.



L’humour et le risque lié au sarcasme


Un sourire en soi peut avoir des significations très différentes s’il est accompagné d’autres indices comportementaux qui le lient à de l’humour.

De nombreux élèves, en particulier les plus jeunes ou ceux qui souffrent de troubles de la parole et du langage ou d’autisme, ont beaucoup de mal à repérer le sarcasme et à l’interpréter correctement. Ils prennent souvent l’ironie au pied de la lettre. Cela peut conduire à des interprétations erronées et déroutantes de ce que l’enseignant vient de dire.

Même des formes légères d’humour peuvent parfois être problématiques. 

Si l’élève n’a pas une relation étable avec un enseignant, s’il n’y a pas déjà un lien de confiance et de respect mutuels, le trait d’humour de l’enseignant peut être perçu comme une agression. 

Si cet humour est adressé à quelqu’un que nous connaissons très bien, la personne interprète généralement qu’elle ait été dite de manière amicale et bienveillante. Mais si l’élève est hypersensible à la critique ou a l’habitude de subir des moqueries dans son environnement familial ou amical, il peut le percevoir comme une menace et réagir en conséquence. 

En contexte scolaire, il importe d’être très prudent lorsque nous utilisons l’humour.

Une fois qu’une bonne relation est établie avec une classe, que la confiance est réciproque, il est possible de développer certaines formes généreuses d’humour. Cependant, nous devons surtout veiller à travailler en même temps sur nos routines, nos normes et nos attentes, qui sont des prérequis pour pouvoir sourire en toute tranquillité. 


Mis à jour le 28/09/2024

Bibliographie


Tom Bennett, The Running the Room companion, John Catt, 2021

Witchel, H. J. et al. (2018) 'A trigger-substrate model for smiling during an automated formative quiz : engagement is the substrate, not frustration', Proceedings of the 36th European Conference on Cognitive Ergonomics, Article No. 24.

Lemov, D. (2010) Teach like a champion : 49 techniques that put students on the path to college. San Francisco : Jossey-Bass.

Harry J. Witchel, Harry L. Claxton, Daisy C. Holmes, Thomas T. Ranji, Joe D. Chalkley, Carlos P. Santos, Carina E. I. Westling, Michel F. Valstar, Matt Celuszak, and Patrick Fagan. 2018. A trigger-substrate model for smiling during an automated formative quiz: engagement is the substrate, not frustration. In ECCE’18: Proceedings of the 36th European Conference on Cognitive Ergonomics (ECCE2018), September 5–7, 2018, Utrecht, Netherlands. ACM, New York, NY, USA, 4 pages. https://doi.org/10.1145/3232078.3232084 

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