lundi 16 septembre 2024

La rétroaction comme soutien au développement de l’autonomie

Nous aspirons à développer l’autonomie de nos élèves. Nous aspirons également à la qualité de leur apprentissage et à limiter la rétroaction qu’il nous faudra leur fournir.

(Photographie : frommylimitedtravels)





Une rétroaction qui vise l’autonomie


Par conséquent, le chemin de l’autonomie ne signifie pas que nous devons laisser nos élèves nager dès le départ en ne leur donnant aucun retour d’information pendant le processus d’apprentissage. 

Un retour d’information fréquent, rapide et précis est nécessaire, surtout pour les novices dans la première phase du processus d’apprentissage. 

Au fur et à mesure, le retour d’information devra progressivement prendre d’autres formes et orientations pour contribuer de manière fonctionnelle à l’autonomie des élèves, jusqu’à ce qu’il ne soit plus nécessaire. 

Deux conditions sont nécessaires pour qu’une rétroaction remplisse pleinement cette fonction d’étayage : 
  • Lorsque l’élève reçoit la rétroaction, il doit avoir quelque chose à quoi penser et à réaliser, car sans l’engagement dans une réflexion active, il n’apprendra rien. 
  • L’élève doit être amené à prendre des mesures sur la base du retour d’information.
Le retour d’information ne doit pas être parfaitement précis ou ciblé. Il doit être suffisamment bon pour déclencher une action et laisser de la place à l’élève pour qu’il s’engage dans une réflexion à son égard.


Une étude de cas sur la rétroaction


Partons d’un exemple classique. Dans le cadre de la résolution d’un problème en sciences, une élève a trouvé la bonne réponse. Cependant, il a oublié d’ajouter l’unité à la réponse. 

D’une certaine manière, il a compris certains mécanismes. De l’autre, il fournit une réponse qui n’a pas de sens.

En tant qu’enseignants, nous souhaitons donner un retour d’information à ce sujet.


La première option est simplement d’ajouter nous-mêmes les unités avec une remarque brève?


C’est le retour d’information le plus simple à délivrer, le plus évident et le plus direct. 

Par contre, nous pouvons nous demander si nous offrons aux élèves concernés la possibilité d’une réflexion suffisante.

Nous ne pouvons pas savoir si l’élève est capable de déterminer quelle était l’unité attendue ou même quelle est l’utilité de mettre une unité. Rien ne nous permet de dire que l’élève va effectivement s’engager dans un processus qui lui permette de noter les unités à l’avenir dans des situations similaires.

Le problème à toutes les chances de se répéter à l’avenir. 


La deuxième option est de ne pas compléter l’unité, mais de lui signaler que sa réponse est incomplète. 


L’élève va s’interroger sur ce qui ne va pas. Pour certains élèves, cela sera suffisant pour réaliser leur étourderie. Pour d’autres élèves, la situation ne sera pas évidente, et ils auront besoin de réellement analyser la situation pour déterminer ce qui ne va pas et y remédier. 

Un risque est que l’élève pose la question à son voisin qui lui donne la réponse en lui montrant sa copie. Cela nous ramène illico dans la première option. Le second risque est que les élèves qui n’ont pas les connaissances nécessaires pour déterminer quelle est l’unité exacte risquent de ne pas pouvoir utiliser l’information « la réponse est incomplète » pour prendre des mesures. Il est possible qu’ils ne fassent rien de la rétroaction.

Par conséquent, cette deuxième option s’adresse essentiellement aux élèves distraits. 


Une troisième option consiste à donner un retour d’information en utilisant des critères. 


Par exemple, nous pouvons noter
  • 2/2 pour une bonne performance (réponse complète)
  • 1/2 pour une performance intermédiaire (réponse incomplète)
  • 0/2 pour une mauvaise performance (réponse erronée)
L’avantage de cette façon de donner ce type de rétroaction est qu’elle est rapide à noter pour l’enseignant et qu’elle permet à l’élève de prêter également attention à ce qui a bien marché. 

Un élève pensera rapidement, j’arrive déjà à faire cela, il me reste à atteindre ceci qui est à ma portée. Cela peut l’amener à aller de l’avant et à réfléchir à la manière d’atteindre pleinement son objectif. 

De nouveau, là encore, il n’y a aucune garantie qu’un élève puisse réellement prendre des mesures, mais comme les critères focalisent l’attention, il est probable qu’un élève essaiera et orientera ses efforts.


Une quatrième option consiste à poser une question

 
Nous pouvons également poser une question à l’élève par écrit ou oralement et lui demander si sa réponse est complète.

Les recherches montrent que nous nous souvenons mieux d’un retour d’information donné sous forme de question. Cela n’est pas surprenant, car une question incite à la réflexion. 

Cet effet est d’autant plus puissant qu’une réponse est attendue de la part de l’élève.

Si nous reprenons cette étude de cas, le fait de donner la réponse dispense l’élève de toute réflexion. Signaler une réponse incomplète ne garantit pas qu’il puisse s’engager efficacement dans un apprentissage. Seul le fait de poser une question à l’élève et d’attendre une réponse de sa part assure que la boucle de rétroaction se referme effectivement et engage l’élève dans une réflexion que nous souhaitons productive. 

Le principe de base de la rétroaction dans le cadre de l’action formative est que les élèves soient encouragés à réfléchir d’une part et à agir ensuite.



Techniques alternatives de rétroaction formative


Indiquer le nombre ou l’existence d’erreurs 


Lorsque les élèves ont accompli une série de tâches, nous pouvons indiquer que certaines d’entre elles sont fausses, mais sans préciser lesquelles. Nous pouvons également signaler l’existence d’une erreur de calcul ou d’une erreur procédurale sans la situer dans le cadre d’un calcul complexe.

Le challenge est maintenant pour l’élève de la trouver et de la corriger éventuellement en couleur ou sur une autre feuille. 

De cette manière, nous ne devons pas corriger nous-mêmes en détail les copies des élèves. Nous leur laissons corriger leur copie individuellement. Ils peuvent collaborer à cet exercice. Nous pouvons également placer des solutionnaires en ligne pour les y aider.


Utiliser un codage pour la rétroaction


Un autre type de rétroaction minimale, mais suffisante est l’utilisation d’une légende pour le retour d’information, où une couleur ou un sigle (numéro, lettre, symbole…) correspond à une erreur ou un problème particulier dans une réponse. 

L’élève concerné doit alors trouver par lui-même où se trouve exactement l’erreur dans sa réponse. De même ici, un correctif en ligne peut venir servir de support. 


Donner un retour audio


Le retour d’information audio est un autre moyen intéressant de donner un retour suffisant. En tant qu’enseignants, nous enregistrons le retour d’information et nous l’envoyons aux élèves sous forme de fichier audio, ce qui les encourage à l’écouter et à traiter activement les commentaires. Une alternative numérique possible est l’enregistrement d’un retour vidéo. Il s’agit de réaliser une vidéo dans laquelle nous commentons le travail de l’élève.



Contourner le caractère dogmatique de la rétroaction


Il existe de multiples façons de procéder à la rétroaction en fonction du contexte. 

Si différentes méthodes et approches peuvent être efficaces et efficientes pour aider les élèves à progresser, elles présentent également un inconvénient important. Il s’agit essentiellement d’un retour d’information technique de notre part, en tant qu’enseignant, vers l’élève.

Une première difficulté est liée aux émotions générées par le retour d’information. Recevoir une rétroaction libère également beaucoup d’émotions souvent négatives chez les élèves, liées à du stress ou de l’anxiété. Les élèves peuvent prendre le retour d’information pour eux ou l’interpréter avec des attributions erronées. Ils sont susceptibles de rejeter la rétroaction. Lorsque cela se produit, l’efficacité du retour d’information peut être sérieusement compromise. L’élève n’en fera rien.

Une deuxième difficulté est due à la verticalité du retour d’information qui va individuellement de l’enseignant expert à l’élève novice. Les élèves ont une confiance inébranlable dans l’exactitude de ce retour d’information et peuvent le prendre comme un jugement sur leur valeur intrinsèque. Cette confiance les fait réfléchir un peu moins sur l’utilité pratique du retour d’information. Ce phénomène se traduit par un sentiment d’écart qui peut les rendre dépendants de cette forme de retour d’information, ce qui peut faire obstacle à l’autonomie souhaitée de l’élève.

Pour contourner ce caractère dogmatique de la rétroaction, nous pouvons passer par d’autres canaux : 
  • Donner un retour d’information à la classe entière et minimiser le retour d’information individuel
  • Laisser les élèves se donner un retour d’information entre eux.
  • Laisser les élèves se donner un retour d’information à eux-mêmes, éventuellement à l’aide d’exemples, de modèles, de grilles ou de correctifs.
Ces sources de rétroaction ne sont pas nécessairement meilleures, car elles présentent à leur tour divers avantages et inconvénients. Ce qui nous importe, c’est leur complémentarité.



Retour d’information par le biais d’exemples


Une forme intéressante de rétroaction consiste à fournir aux élèves après qu’ils ont fait un brouillon. Ils peuvent ensuite comparer leur travail avec celui présenté dans les exemples. 

Il peut s’agir d’élaborations ou de concepts provenant d’autres personnes, mais aussi d’exemples soigneusement sélectionnés ou construits. 

Cela leur permet de réinterpréter la mission ou d’ajuster leurs objectifs et leurs stratégies, ce qui peut conduire à une meilleure construction et à de meilleures productions. 

En utilisant cette méthode, ils génèrent beaucoup plus de rétroaction que si elle venait de l’enseignant. Cependant, il est important de rendre le processus de comparaison explicite et de demander aux élèves de noter les leçons qu’ils tirent de la comparaison.



Rétroaction à la classe entière


Le principe de base de la rétroaction à la classe entière suit diverses pistes en rapport avec une production ou une évaluation formative : 
  • Projeter des exemples de production anonymes d’élèves
  • Mettre en évidence et modéliser l’excellence
  • Revenir sur certains points qui posent des difficultés chez de multiples élèves.
En comparant, en modélisant et en discutant à propos d’exemples, les élèves peuvent développer une conscience de la qualité. 

En observant les exemples des autres, ils réfléchissent également à leur propre travail, sans se sentir personnellement interpellés par l’enseignant, ce qui les fait se sentir moins menacés émotionnellement.

L’enseignant peut également cibler les exemples en fonction des objectifs et des besoins qu’il a diagnostiqués pour la classe.

Le retour d’information en classe peut bien sûr aussi être donné sans montrer d’exemples. Mais, il devient à ce moment-là un outil moins efficace, car les exemples aident aussi à voir les différences et à développer la conscience de la qualité. 

Un principe général de la rétroaction à la classe entière est qu’il est préférable de donner d’abord une rétroaction à la classe, puis de rendre la production. Cela permet d’éviter que les élèves ne soient trop concentrés sur leur travail et ne bénéficient pas suffisamment de nos explications en classe.

L’anticipation qu’ont les élèves de recevoir leur travail les rend attentifs pendant la présentation du retour d’information en classe entière. Ils tendent à poser plus de questions et à demander des précisions. 

L’effet psychologique de la remise des devoirs après les conclusions de la rétroaction est évident ;
  • Les élèves écoutent attentivement pour tenter de repérer leurs propres erreurs, c’est d’autant plus manifeste que l’évaluation concernée est également sommative.
  • Recevoir une explication sur les erreurs d’autres élèves est également profitable. Même si l’élève A n’a pas fait la même erreur que l’élève B, cela ne signifie pas que l’erreur de l’élève B ne constitue pas une difficulté potentielle ultérieure pour l’élève A. 
  • De plus, il peut être motivant pour les apprenants les plus faibles de voir qu’ils ne sont pas les seuls à faire des erreurs. 



La rétroaction mutuelle entre élèves


Les élèves ne sont généralement pas très enthousiastes à l’idée d’un retour d’information par les pairs, dans lequel ils doivent s’échanger des informations. 

Lorsqu’ils reçoivent un retour d’information, ils ont des doutes sur la qualité de la source. S’ils peuvent faire confiance à un enseignant pour l’exactitude du retour d’information, ce n’est pas toujours le cas pour un camarade de classe. 

Cependant, cette incertitude est à nouveau une difficulté souhaitable. Les élèves vérifieront davantage le retour d’information sur le contenu d’apprentissage. Ils demanderont conseil à l’enseignant et apporteront des corrections supplémentaires, ce qui conduit à un traitement plus actif et à une compréhension plus profonde. Lorsque l’enseignant donne la même rétroaction, ces actions sont généralement omises.

Un problème potentiel lié à cette stratégie est que les élèves peuvent prendre au sérieux le retour d’information de certains camarades de classe et pas celui d’autres, en raison des différences de niveau perçues. Une bonne solution consiste à les laisser donner leur avis de manière anonyme ou à les faire travailler en groupes hétérogènes pour établir des réponses communes à un questionnaire ou une production commune.



La rétroaction autogénérée


Dans le cadre d’un régime de retour d’information sain, le retour d’information vers soi-même doit également être pris en compte. Les élèves doivent devenir capables de générer un retour d’information pour eux-mêmes, car c’est une condition à la maîtrise.

Les élèves génèrent une rétroaction interne en comparant leurs connaissances actuelles à certaines informations de référence. Pour libérer le potentiel de la rétroaction interne, les enseignants doivent amener les élèves à transformer certaines comparaisons naturelles qu’ils font de toute façon, en comparaison formelles et explicites. Il s’agit de les aider à développer la capacité d’exploiter leurs propres processus de comparaison. 

Au début d’un apprentissage, cette rétroaction interne peut sembler avoir une qualité d’information inférieure vis-à-vis de la parole de l’enseignant. Toutefois, il est bon de réaliser que le retour d’information vers soi-même est toujours l’objectif final de l’éducation.

Pour être en mesure de développer leur autonomie, les élèves doivent être capables de fournir un retour d’information sur leurs propres réflexions et produits. Alternativement, ils doivent pouvoir rechercher de manière autonome un retour d’information dans leur environnement par exemple en utilisant un correctif ou d’autres ressources de référence.

Le retour sur soi nécessite une certaine expertise de la part des élèves et ne peut donc être utilisé avec un certain succès qu’à la fin d’un processus d’apprentissage. 

Pour faciliter ce processus :
  • Les élèves devront non seulement être suffisamment sensibilisés à la qualité.
  • Les élèves devront recevoir un enseignement suffisant pour être en mesure d’évaluer leur propre travail.
  • Les élèves devront disposer de critères présentés et discutés au préalable. 
Le but du retour sur soi est toujours que les élèves fassent un pas vers l’amélioration et développent un meilleur usage de leurs ressources internes et du temps disponible. La rétroaction vers soi-même peut également signifier qu’un élève initie lui-même un processus de rétroaction et recueille des commentaires sur son travail (initiant ainsi en fait un processus d’action formative).


Mis à jour le 17/09/2024

Bibliographie


René Kneyber, Dominique Sluijsmans, Valentina Devid, Blanca Wilde López, Formatief handelen, van instrument naar ontwerp, Phronese, 2022

Hana Tichá, Collective feedback on written assignments, https://hanatichaeltblog.wordpress.com/2015/03/14/collective-feedback-on-written-assignments/

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