mercredi 18 septembre 2024

Comprendre l’anxiété mathématique

L’anxiété mathématique, également connue sous le nom de phobie des mathématiques, est un sentiment de tension et d’anxiété qui interfère avec la manipulation des nombres et la résolution de problèmes mathématiques dans la vie quotidienne et dans les situations scolaires.

(Photographie : Life of Bry)






L’impact de l’anxiété sur l’apprentissage en mathématiques


Lorsque l’élève perçoit par exemple la possibilité de ne pas donner la bonne réponse à l’enseignant devant la classe, comme une menace, les réseaux d’attention et les centres d’émotion du cerveau peuvent être activés. Cela entraîne une focalisation exagérée sur la menace potentielle et une réponse à celle-ci, ainsi qu’un sentiment de douleur en prévision de la menace (Geary, 2024).

Par la suite, le cerveau détourne une part substantielle de la capacité de sa mémoire de travail pour se concentrer sur la menace, ce qui en laisse peu pour un autre traitement. Beilock et Willingham (2014) parlent de distraction ultime.

À l’opposé, aucune menace peut n’être perçue par l’individu. Il est orienté vers la tâche, c’est-à-dire mis au défi, la capacité de la mémoire de travail est plus libre pour se concentrer sur l’apprentissage (Beilock & Willingham, 2014 ; Trezise & Reeve, 2014).

Les mathématiques sont souvent associées à l’anxiété, peut-être en raison de leurs enjeux, de l’importance des connaissances préalables et du haut niveau d’interactivité potentiel des contenus.

Les concepts sont souvent complexes, abstraits et difficiles à comprendre, et une réponse est soit correcte à 100 %, soit incorrecte à 100 %. Tout peut sembler se jouer à quitte ou double. 

Le risque d’essayer et de rater peut être ressenti comme plus grand et peut-être plus anxiogène que dans d’autres matières. Il peut être plus difficile de juger. 

Les enjeux peuvent être encore ressentis plus fortement lorsqu’un élève est mis au pied du mur pour démontrer des connaissances qui ne lui ont pas été enseignées avec un type de problème inédit. La pression peut également être accrue lorsque le temps pour répondre à un test est délimité (Beilock & Willingham, 2014). 

Les recherches montrent que l’histoire que les individus se racontent sur eux-mêmes, autrement dit leur concept de soi, dépend de la perception du contrôle qu’ils ont sur le résultat d’une action (Pekrun 2006 ; Van der Beek et coll., 2017). 

Un élève peut percevoir qu’il a peu de contrôle sur le résultat d’une tâche mathématique en raison de ses expériences passées. Dès lors, il est probable qu’il aura un mauvais concept de soi en mathématiques. Cela se traduira par de l’anxiété, une motivation réduite à essayer et une capacité de mémoire de travail moindre pour réaliser la tâche mathématique. 

Ces mécanismes nous expliquent pourquoi les difficultés en mathématiques sont à l’origine de l’anxiété et non l’inverse (Geary, 2024). 

À l’opposé, si un élève perçoit que la tâche mathématique est réalisable, cela se traduit par un concept de soi mathématique plus sain. Cela suscitera le plaisir et la motivation à persévérer et libèrera la capacité de la mémoire de travail pour qu’elle se concentre sur les mathématiques.



Agir en classe pour diminuer l’impact de l’anxiété


La perception d’un risque d’échec imminent peut être perçue comme une menace environnementale globale en classe. Elle peut se traduire pour un élève en l’incapacité à se concentrer pleinement sur autre chose, comme sur l’apprentissage ou sur le passage du test ou de l’examen concerné.

Dès lors, si ce phénomène se produit, il est impératif de favoriser le bien-être et de prévenir l’anxiété pour l’apprentissage et la réussite en mathématiques, et d’agir tôt et préventivement. 

Par le biais des interactions en classe, les enseignants jouent un rôle déterminant dans les expériences que les élèves se font et interprètent à propos de leurs aptitudes en mathématiques.

Premièrement, il est peu probable qu’il soit efficace de se concentrer sur l’anxiété indépendamment des mathématiques. Si l’élève souffre d’une anxiété généralisée sur de multiples aspects de sa vie, il pourrait être nécessaire de l’orienter vers un thérapeute. 

Deuxièmement, il n’y a aucune raison pour que les enseignants baissent leur niveau d’exigences relatives à la justesse des réponses des élèves. De même, il n’est pas utile de mettre moins l’accent sur la pratique ou de s’abstenir d’utiliser des tests ou le temps est limité. Ces démarches restent utiles, car elles peuvent fournir des informations sur l’efficacité des stratégies des élèves.

La réussite en mathématiques est liée à des émotions positives et négatives. La théorie de la valeur de contrôle de Pekrun (2006) s’intéresse aux émotions liées à la réussite. Elle suggère que le concept de soi des élèves (c’est-à-dire l’évaluation de leurs capacités) peut être un médiateur important de la relation entre la réussite en mathématiques et les émotions.

Van der Beek et ses collaborateurs (2017) ont étudié le rôle médiateur du concept de soi en mathématiques. Ils se sont intéressés à la relation entre la réussite en mathématiques et les émotions liées à la réussite, à savoir le plaisir et l’anxiété. Ils ont testé les différences possibles dans ce rôle médiateur entre les élèves peu performants, les élèves moyens et les élèves très performants. Les participants étaient des élèves du secondaire (N= 1 014, âge moyen = 15,1 ans).

Les résultats ont confirmé la médiation complète de la relation entre les résultats en mathématiques et les émotions par le concept de soi en mathématiques. Ils ont montré l’existence des concepts de soi plus élevés, plus de plaisir et moins d’anxiété en mathématiques chez les élèves très performants par rapport à leurs pairs moyens et peu performants. 

Le concept de soi en mathématiques joue un rôle essentiel dans l’évaluation des mathématiques par les élèves. La réussite en mathématiques n’est qu’un des facteurs expliquant le concept de soi des élèves. 

D’après les chercheurs, il est probable que l’enseignement en classe et les stratégies de retour d’information des enseignants contribuent également à façonner l’image que les élèves ont d’eux-mêmes. 

Dès lors, il importe que les enseignants utilisent des techniques qui favorisent le développement d’un concept de soi positif en mathématiques.

Ces techniques peuvent à leur tour prévenir et réduire l’anxiété et libérer la capacité de la mémoire de travail pour qu’elle se concentre sur les mathématiques.



Agir en classe pour favoriser un concept de soi positif en mathématiques


Différentes pistes peuvent être mobilisées pour cultiver un sentiment d’appartenance au groupe pour tous les élèves (Pirola-Merlo 2003) : 

Respecter la confidentialité des élèves :
  • S’abstenir d’activités en classe qui rendent les difficultés d’un élève en mathématiques évidentes pour les autres élèves.
  • Ne jamais demander aux élèves de corriger les réponses d’autres élèves lors des évaluations.
  • Ne jamais mettre un élève sur la sellette pour résoudre des problèmes mathématiques qui n’ont pas été explicitement enseignés et mis en pratique.
Enseigner pour améliorer les niveaux de compétence des élèves en mathématiques :
  • Se concentrer sur la consolidation des principes fondamentaux d’une matière avant de passer à des tâches plus difficiles (Beilock & Willingham, 2014).
  • Modéliser et encourager les attitudes positives à l’égard des mathématiques, y compris la persévérance face aux difficultés.
Adapter l’enseignement aux capacités des élèves : 
  • Viser un taux de réussite de 80 % au terme de la pratique guidée avant de passer à la pratique autonome aussi souvent que possible (Rosenshine, 2012)
  • Adapter l’enseignement aux besoins des élèves tout au long du processus d’apprentissage en divisant les tâches en étapes plus petites ou en abordant les idées fausses selon les besoins (Fisher & Frey, 2021 ; Rosenshine, 2012). 
  • L’objectif est d’assurer la réussite avec un niveau de défi suffisant pour maintenir l’engagement et augmente la probabilité que les élèves développent des concepts positifs d’eux-mêmes en mathématiques.
Augmenter la prévisibilité en classe :
  • En utilisant des routines structurées.
  • En partageant des emplois du temps visuels
  • En mobilisant des pédagogies fondées sur des données probantes qui optimisent les chances de réussite des élèves.
Mettre l’accent sur les aspects du processus d’apprentissage qui sont sous le contrôle de l’élève : 
  • Mettre en évidence la réussite issue de la mobilisation des bonnes stratégies et des efforts.
  • Offrir une rétroaction positive spécifique sur les aspects de son travail qui sont en bonne voie, tout en l’avertissant des domaines à améliorer (Chalk & Bizo, 2004). 
Lorsque les élèves éprouvent des difficultés : 
  • Leur donner une rétroaction qui montre que nous avons confiance en leur capacité à relever les défis. Par exemple : « Oui, c’est un problème exigeant, mais je crois que tu as fourni les efforts et utilisé les bonnes stratégies pour y arriver ». Un contre-exemple serait de dire « Oh, c’est un problème difficile, tout le monde n’est pas capable de le réaliser ».
Tenir compte du tempérament et des capacités des élèves : 
  • Les encourager à persévérer même s’ils ne réussissent pas du premier coup. C’est particulièrement utile pour les élèves qui sont peu enclins à essayer s’ils ne sont pas sûrs de réussir à 100 %, comme les élèves anxieux, perfectionnistes ou ceux qui ont des difficultés d’apprentissage en mathématiques.
Réduire l’anxiété liée aux tests en gérant les attentes des élèves : 
  • Ne pas s’abstenir de mettre en œuvre des tests dont la durée est limitée. Expliquer aux élèves qu’ils ne seront pas nécessairement en mesure de résoudre tous les problèmes de cette tâche, que ce n’est pas obligatoirement le but, mais que s’ils y parviennent c’est très bien. 
Favoriser en classe une approche axée sur le progrès personnel :
  • Éviter tout ce qui est de l’ordre de la compétition ou de la comparaison entre élèves. Nous souhaitons que les élèves cherchent à améliorer leurs performances antérieures plutôt que de faire aussi bien ou mieux que leurs pairs.

Mis à jour le 19/09/2024

Bibliographie


Siobhan Merlo, The Science of Maths and How to Apply It, 2024, Analysis Paper 71, The Centre for Independent Studies

Wikipedia contributors. (2024, September 7). Mathematical anxiety. In Wikipedia, The Free Encyclopedia. Retrieved 18:31, September 18, 2024, from https://en.wikipedia.org/w/index.php?title=Mathematical_anxiety&oldid=1244477846

Geary, D. (2024). Facing up to Maths Anxiety: How it Affects Achievement and What Can Be Done About It? Centre for Independent Studies. https://www.cis.org.au/publication/facing-up-to-maths-anxiety-how-it-affects-achievement-and-what-can-be-done-about-it/. Analysis Paper 61.

Beilock, S. L., & Willingham, D. T. (2014). Math anxiety: Can teachers help students reduce it? ask the cognitive scientist. American educator, 38(2), 28.

Trezise, K., & Reeve, R. A. (2014). Cognition-emotion interactions : patterns of change and implications for math problem solving. Frontiers in Psychology, 5, 103024

Pekrun, R. (2006). The control-value theory of achievement emotions: Assumptions, corollaries, and implications for educational research and practice. Educational Psychology Review, 18, 315– 341. doi:10.1007/s10648-006-9029-9

Van der Beek, J. P., Van der Ven, S. H., Kroesbergen, E. H., & Leseman, P. P. (2017). Self-concept mediates the relation between achievement and emotions in mathematics. British Journal of Educational Psychology, 87(3), 478-495.

Pirola-Merlo, S. (2003). Relationship Management in the Primary School Classroom, Strategies in the Legal and Social Context. Pearson Education Australia, NSW.

Rosenshine, B. (2012). Principles of instruction: Research-based strategies that all teachers should know. American educator, 36(1), 12.

Fisher, D., & Frey, N. (2021). Better learning through structured teaching: A framework for the gradual release of responsibility. ASCD.

Chalk, K., & Bizo, L. A. (2004). Specific praise improves on-task behaviour and numeracy enjoyment: A study of year four pupils engaged in the numeracy hour. Educational psychology in Practice, 20(4), 335-351.

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