dimanche 22 septembre 2024

La culture scolaire comme facteur d’amélioration

La culture scolaire est à la fois difficile à définir et particulièrement difficile à étudier. Cependant, elle peut influencer les résultats et les performances d’une école en matière d’efficacité. Voici une synthèse d’un article de Jenny Thompson et Luke Sparkes (2020) sur le sujet. 


(Photographie : Dave Jordano)


Le rôle de la culture dans une école


Une école se montre efficace lorsqu’elle diminue la variance des résultats de ses élèves, augmente leur moyenne et diminue l’influence du milieu socio-économique sur ceux-ci.

Si cet objectif peut sembler partagé par toutes les écoles et aller de soi, involontairement, certaines peuvent perpétuer activement les injustices qu’elles espèrent combattre (Shaw et coll., 2017). 

Toutefois, nous disposons aujourd’hui plus que jamais de larges apports de la recherche, en matière de données probantes, concernant les interventions en école, des formations et de ressource en matière d’expertise. 

Cependant, sans une culture forte capable de porter le changement et de diffuser le changement, les tentatives de mise en œuvre peuvent échouer. La qualité de la stratégie sur le plan de la conception ou des données probantes qui la supportent peut peu importer si personne n’écoute la direction.

Il faut pouvoir avoir un impact sur l’apprentissage qui se déroule dans les classes pour soutenir l’efficacité des enseignants.

De plus, lorsque les intentions ne se confirment pas sur le terrain, que les investissements ne sont pas porteurs, les enseignants risquent de penser qu’ils sont inefficaces. La déception se retournera alors contre la direction qui est au pilotage et est responsable de la création d’une culture.

La culture est ce qui permet aux enseignants d’enseigner et aux élèves d’apprendre. Elle doit être installée et maintenue, et se révéler dans le concret, chaque jour.

La culture est une intervention quotidienne qui se manifeste à tous les niveaux. Elle se retrouve dans les missions générales de l’école. Elle s’exprime également dans l’accomplissement de tâches basiques qui demandent de trouver l’énergie nécessaire. Il s’agit notamment de maintenir des attentes élevées chaque jour et de faire preuve d’une bienveillance inconditionnelle.



La nature intangible de la culture d’une école


La culture est un terme difficile à définir. Toutes les écoles ont une culture. La question est de savoir si elle est souhaitable et compatible avec les objectifs d’amélioration de l’école. 

La culture est plus que la conformité. Elle se retrouve dans les comportements intentionnels et les mentalités qui façonnent la pensée, la communication, les valeurs et les missions de l’école.

La culture est un thème sur lequel il y a peu de recherches éducatives de qualité, car il possède des dimensions intangibles.

Toutefois, il apparait qu’une culture scolaire intentionnellement positive va permettre d’attirer et conserver un personnel enseignant de qualité. Elle va favoriser des relations solides entre les familles, le personnel et les élèves. Surtout, elle va assurer que les élèves obtiendront de bons résultats et plus particulièrement, elle aura un impact favorable et net sur les résultats scolaires des élèves défavorisés.

La qualité d’une culture est ainsi confirmée et indissociable de paramètres mesurables. Toutefois, il ne suffit pas de travailler sur la culture pour obtenir directement des résultats. Il existe une nécessaire opérationnalisation de celle-ci dans les différents processus de fonctionnement de l’école.



L’appartenance à une culture positive en école


Un facteur important dans la culture est qu’elle doit être partagée et représenter un élément d’appartenance pour tous. 

Dès lors, la compatibilité des valeurs personnelles des membres du personnel avec les valeurs professionnelles qui définissent la culture de l’école est importante.

Dans un sens, la culture devrait être un critère à l’engagement d’une personne au sein d’une école, comme promesse d’engagement favorable dans l’école et dans sa traduction en résultats désirables.

On peut parler de la recherche et du pari d’un alignement dispositionnel. Toutefois, celui-ci se heurte à la difficulté du recrutement pour différents profils. Ce pari se complète d’un coaching pédagogique pour partager, maintenir et diffuser les pratiques spécifiques à l’école. L’idée est de mettre l’accent sur la collaboration, la cohérence d’équipe et le partage des attentes. Lorsque cet alignement existe, la culture peut être partagée.

L’idée est d’arriver à une situation où l’essentiel de la culture de l’école s’entretient et se maintient naturellement. 

Si la direction doit refaire régulièrement les mêmes rappels sur les mêmes sujets, sans amélioration notable et durable, il y a un souci de culture. Il faut que la clarté de l’instruction et le fait qu’elle soit en phase avec la culture de l’école fassent qu’elle entre dans les mœurs. Si les rappels disparaissent, alors l’action devrait demeurer et perpétuer d’elle-même l’influence de la culture.

Toutes les écoles ont une culture. Lorsqu’elle n’est pas intentionnelle, elle peut se perdre et ne plus nourrir la communication. La communication est un outil contribuant à l’établissement d’une conformité dont la finalité n’est pas toujours perçue. 

Lorsque la culture est intentionnelle, explicitée et mise en valeur, le fait de répéter sans cesse les mêmes choses les renforce et les soutient. La répétition dans la communication crée un langage et un sentiment partagés, toujours présents, de la même manière, qui donne du sens aux informations partagées. Une telle culture vise un engagement qui soutient le développement d’une motivation intrinsèque qui assure son maintien. Les enseignants choisissent d’adhérer aux normes fondées sur la culture, car elles leur permettent de la maîtrise, de l’autonomie et un espace de cohérence et de calme. 

Cette culture transparait dans le renforcement et la rétroaction offerte aux élèves pour les responsabiliser. Elle aboutit à un langage commun sur les attentes à l’échelle de l’école. 

Dans une culture forte où les attentes sont élevées, les élèves s’engagent et fournissent des efforts. Ils savent comment travailler pour atteindre leurs aspirations en se concentrant sur leurs attentes de résultats. Ils aiment être mis au défi. Ils deviennent intrinsèquement motivés. 



Miser sur des attentes élevées pour soutenir des aspirations élevées


Le statut socio-économique des élèves est un facteur influent de la réussite scolaire. Il a un impact sur tous les aspects de leur avenir, de l’emploi et du salaire (Paull et Patel, 2012), jusqu’à la santé et au bonheur (OCDE, 2006). Pour combler cet écart, il convient d’identifier et de traiter les mécanismes qui relient la pauvreté et les résultats scolaires.

Selon l’hypothèse des attentes élevées, si les élèves visent haut, ils obtiendront de bons résultats. Ce point de vue repose sur l’hypothèse d’un écart d’aspiration, mais certaines études contestent ce point de vue (Carter-Wall et Whitfield, 2012). En effet, le problème des élèves n’est pas tellement « où vais-je ? », mais plutôt « comment vais-je y arriver ? ».

Les écoles devraient s’efforcer de maintenir les aspirations des élèves sur la bonne voie. Travailler avec les parents est un moyen très efficace d’y parvenir. 

En Angleterre, en analysant des données de la Millenium Cohort. Study (2000), Menzies (2013) a montré toute l’importance d’attentes élevées.

À la naissance de leur enfant, 97 % des nouvelles mères espèrent qu’il ira à l’université. Pourtant, lorsqu’il s’agit de la confiance en la réalisation de cette aspiration, à l’âge de 14 ans, seuls 53 % des parents les plus pauvres pensent que leurs enfants y parviendront. 

Il en conclut que les écoles devraient se concentrer sur l’amélioration des résultats et non sur les aspirations. Il importe d’être concret et de faire de l’aspiration une réalité.

Si les élèves défavorisés ont souvent des aspirations élevées, ils peuvent ne pas savoir comment les réaliser et avoir du mal à les maintenir.

Développer des attentes élevées pour tous les élèves permet aux écoles d’être des amplificateurs des aspirations des familles en obtenant des résultats. 

Élever les aspirations en les inspirant afin d’améliorer les résultats des élèves défavorisés n’est pas suffisant, car le véritable défi pour eux est de les réaliser. Les écoles devraient s’efforcer de maintenir les aspirations des élèves sur la bonne voie, c’est ce que la concrétisation d’attentes élevées permet.

Ces stratégies peuvent inclure :  
  • Un accompagnement dans la réflexion sur l’orientation professionnelle
  • Un enseignement de grande qualité.
  • Un mentorat qualifié et axé sur l’apprentissage. 



Responsabilisation des enseignants et culture scolaire


La volonté de répondre aux besoins des élèves ne se fait pas sans impact potentiel sur le personnel.

Il importe dès lors de prendre en compte la culture de motivation de l’équipe éducative. Même si les objectifs sont communs :
  • Les enseignants doivent avoir l’autonomie d’enseigner de la manière qu’ils jugent la meilleure (en tant qu’experts)
  • Ils peuvent choisir et façonner leurs plans de développement personnel.
  • Ils peuvent s’approprier les indicateurs de l’apprentissage de leurs élèves.
Au niveau du leadership, lorsque la culture est bonne et que la motivation dans l’équipe est installée, on passe de la gestion de l’(in)efficacité à la canalisation des compétences et de la cohérence d’ensemble.



L’impact probable de la culture sur les résultats


La recherche pédagogique sur la culture (Allen et Sims, 2018) montre une corrélation entre une culture scolaire positive et des résultats positifs. Toutefois, la qualité des données ne permet pas de déterminer le lien de causalité. 

Toutefois, si on regarde la recherche en dehors de l’éducation, l’ampleur de la recherche permet d’être plus catégorique. La culture a une priorité causale sur les résultats et il n’existe aucune preuve d’une boucle de rétroaction réciproque entre les performances et la culture (Boyce et coll., 2015).

En conclusion, une culture positive génère de meilleurs résultats, mais l’amélioration des résultats n’est pas une condition préalable à la création d’une culture positive.

La culture et la structure organisationnelle vont de pair. Cependant, c’est une culture de l’amélioration qui permet de mobiliser les ressources pour faire la différence, améliorer l’efficacité de l’école et plus particulièrement diminuer les écarts de niveaux entre élèves. 

Plus particulièrement, la culture peut agir à trois niveaux : 
  • Attentes et aspirations élevées : 
    • Il s’agit de soutenir, maintenir et développer les aspirations des élèves et de leurs familles. Pour y arriver, il s’agit de leur permettre de rencontrer la réussite en répondant aux attentes élevées de l’école. 
    • Les élèves doivent savoir ce qu’ils doivent faire pour réaliser leurs attentes et leurs aspirations, le niveau augmente.
  • Normes sociales : 
    • Les attentes au niveau du comportement sont clairement définies et fondées sur la culture et les valeurs de l’école. 
    • Ce que les gens croient exactement et comment ils agissent, dépend des messages (directs et indirects) que les dirigeants et d’autres personnes leur envoient (Shafer, 2013).
    • La mobilisation d’un enseignement explicite du comportement et de pratiques préventives, adoptés par les enseignants, permet de soutenir l’atteinte de telles normes.
  • La motivation, l’autonomie et la responsabilisation :
    • L’enjeu est d’atteindre une motivation intrinsèque pour l’apprentissage. Les élèves s’engagent non pas pour obtenir une récompense extérieure, mais parce qu’ils trouvent l’activité d’apprentissage elle-même intéressante et gratifiante. L’idée est de travailler sur l’appartenance, la reconnaissance et la compétence des élèves. 
    • L’autonomie n’est possible que dans un cadre de responsabilisation et permet in fine de nourrir la motivation des élèves.
L’alignement complet entre des aspirations élevées, des attentes élevées et des résultats élevés est le prédicteur le plus important du comportement éducatif futur des élèves (Khattab, 2015). 

La création de normes claires, fortes et partagées est un enjeu complexe, mais le résultat qu’elles procurent mérite l’investissement dans de telles démarches.



Un enseignement explicite des attentes scolaires inclus dans une culture


Les attentes sont enseignées, pratiquées et renforcées avec les mêmes méthodes que pour tout processus d’apprentissage. Il est nécessaire pour les élèves d’apprendre non seulement les attentes, mais aussi la manière de les satisfaire. 

De plus, l’idée est de rendre tout cela, visible et explicite chaque jour, dans l’environnement et dans l’expérience scolaires. L’idée est de faire référence à un langage commun autour des valeurs et des attentes.

C’est important pour les élèves, mais également pour les enseignants. Les enseignants ont la responsabilité de veiller à ce que les élèves se comportent bien. Il importe par conséquent de soutenir les occasions pour le personnel de développer leur confiance en matière de gestion des comportements et des apprentissages. Différentes approches du développement professionnel incluant le coaching pédagogique, les lesson studies ou les communautés d’apprentissage professionnel permettent de travailler sur la cohésion et la cohérence des pratiques tout en promouvant une échelle individuelle.

La culture d’une école se développe et se maintient à partir de mécanismes qui contribuent à la construire, à l’installer et à la maintenir. Elle est également permise par le développement de l’expertise de chacun. Les routines sécurisent nos différences. Le coaching pédagogique et la collaboration au sein de l’équipe éducative peuvent faire ressortir les forces personnelles et valoriser le tact pédagogique et l’authenticité plutôt que de développer des automates.



Une culture qui vise l’efficacité dans une perspective inclusive


Une culture qui vise l’efficacité implique une pédagogie inclusive. Elle part des besoins des élèves plus vulnérables en leur assurant des attentes élevées que chacun.

Plutôt que d’abaisser les attentes à l’égard des élèves, le principe est de renforcer le soutien qu’ils reçoivent pour réussir. 

À ce titre, il est essentiel de travailler en collaboration avec les familles, ce qui correspond à une double intention : 
  • Le soutien doit être mis en place de manière préventive pour les élèves qui en ont besoin et idéalement pour tous en tant que pratique universelle si elle se révèle bénéficiaire.
  • En cas de difficultés, les sanctions doivent accompagnées d’une action utile. Tout élève peut avoir besoin d’un soutien à tout moment. Parfois, il peut s’agir d’une simple conversation.
Développer l’autonomie des élèves face aux apprentissages et ainsi leur motivation intrinsèque peut s’inscrire dans le cadre d’une culture d’école efficace.

Nous pouvons vouloir les soutenir dans le développement de bonnes habitudes d’apprentissage qui leur permettent de fournir des efforts et faire des progrès.


Mis à jour le 23/09/2024

Bibliographie


Jenny Thompson et Luke Sparkes, School culture, 2020, in The researchED Guide to Leadership: An evidence-informed guide for teachers, John Catt. 

Boyce, A. S. et al. (2015) ‘Which comes first, organizational culture or performance? A longitudinal study of causal priority with automobile dealerships’, Journal of Organizational Behavior 36 (3) pp. 339-359.

Khattab, N. (2015) Students’ aspirations, expectations and school achievement: what really matters?, British Educational Research Journal 41 (5) pp. 731-748.

Menzies, L. (2013) ‘Lessons from Sway: What can DJ Sway teach us about ‘levelling up’ pupil aspirations’, The Centre for Education and Youth [Online] 1 February. Retrieved from: www.bit.ly/3mTFeSt

Menzies, L. (2013) ‘Educational aspirations: How English schools can work with parents to keep them on track’, Joseph Rowntree Foundation [Online] 29 January. Retrieved from: www.bit.ly/3cDhCwB

Shafer, L. (2013) ‘What Makes a Good School Culture?’, Harvard Graduate School of Education [Online] 23 July. Retrieved from: www.bit.ly/2SdkXc9

Shaw, B., Baars, S., Menzies, L., LKMco, Parameshwaran, M., Allen, R. and Education Datalab (2017) Low income pupils’ progress at secondary school. London : Social Mobility Commission.

Carter-Wall, C. and Whitfield, G. (2012) The role of aspirations, attitudes and behaviour in closing the educational attainment gap. york : jrF

OECD (2006) Measuring the Effects of Education on Health and Civic Engagement: Proceedings of the Copenhagen Symposium. available online: http://www.oecd.org/ dataoecd/15/18/37425753.pdf (accessed 16/07/12) 

Paull, G., and Patel, T., (2012) An International review of skills, jobs and poverty: Implications for the UK. york: jrF 

Rebecca Allen, Sam Sims, The Teacher Gap, 2018, Routledge

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