samedi 24 août 2024

Usages de la pratique de récupération

Comment intégrer la pratique de récupération en classe et soutenir son utilisation dans le cadre de l’apprentissage autonome ?

(Photographie : Cycles & Seasons)



Comprendre l’impact de l’effet test


L’erreur à ne pas commettre avec la pratique de récupération est de ne tester qu’à la fin d’une période d’enseignement et dans la perspective d’une préparation à l’évaluation sommative qui s’annonce. 

Au contraire, il est important de mettre fortement l’accent sur la pratique de récupération sous différentes formes, dès les premières phases d’un cours et dans la foulée de manière distribuée. 

La pratique de récupération correspond à une évaluation à faible enjeu, car elle n’a aucune portée sommative et ne génère pas de points. De plus, il est important de mettre l’accent auprès des élèves sur l’impact élevé et positif de l’auto-évaluation en tant que stratégie d’apprentissage. Le fait de fouiller dans notre mémoire à long terme à la recherche des connaissances précédemment apprises génère l’effet test lorsque cette recherche est fructueuse. Relire son cours ne procure pas un tel bénéfice sur l’apprentissage même s’il peut rétablir la compréhension.

L’effet test permettra aux élèves de se rappeler ces mêmes connaissances plus facilement la prochaine fois et de s’en souvenir plus durablement. 



L’importance d’intégrer l’effet test en classe


Dans le cadre de la pratique de récupération en classe, peu importe la forme (quiz ou vérification de la compréhension). Ce qui est important, c’est de s’assurer que tout le monde réfléchit, et pas seulement l’élève assidu et motivé qui veut toujours participer.

Roediger et Karpicke (2006) ont mené une recherche auprès de 120 étudiants universitaires de 18 à 24 ans. 
Trois groupes ont été formés : 
  1. Le groupe 1 a lu un texte concernant le soleil quatre fois. 
  2. Le groupe 2 a lu le texte trois fois. Ensuite, les élèves ont noté sur une feuille blanche tout ce dont ils se souvenaient du texte. 
  3. Le groupe 3 n’a lu le texte qu’une seule fois. Les élèves se sont testés lors des trois séances suivantes en notant sur une feuille blanche tout ce dont ils se souvenaient du texte. 
La séance de lecture a duré 5 minutes chaque fois. L’autotest a duré 10 minutes. Aucun élève n’a reçu de feed-back et personne n’a donc vérifié si les élèves notaient les informations correctes pendant l’autodiagnostic. 

Tous les élèves ont fait un test après 5 minutes et après 1 semaine :
  • Lors du test après 5 minutes, les élèves qui ont lu le texte 4 fois ont obtenu les meilleurs résultats. À court terme, la relecture est une bonne stratégie.
  • Les résultats du test après une semaine montrent clairement que l’autodiagnostic permet des gains d’apprentissage à plus long terme avec un léger avantage pour le groupe 3 sur le groupe 2. 
Paradoxalement, l’étude répétée a renforcé la confiance des étudiants dans leur capacité à se souvenir de la matière, ce qui ne s’est pas vérifié dans les faits.

Passer un test de mémoire permet non seulement d’évaluer ce que l’on sait, mais aussi d’améliorer la rétention ultérieure, un phénomène connu sous le nom d’effet test. 

Les implications pour l’enseignement sont claires. Dans le cadre du modelage et de la pratique guidée, il est peu utile pour l’enseignant de répéter ou de multiplier les explications d’un même élément. Il est par contre important de multiplier les interactions de vérification de la compréhension avec les élèves. C’est le fait de récupérer les connaissances qui viennent d’être enseignées qui soutient réellement leurs apprentissages.



Pièges à éviter lors de l’usage de la pratique de récupération


Pour pleinement exploiter les bienfaits de l’effet test à travers la pratique de récupération, il s’agit de bien vérifier toutes les connaissances que nous pensons avoir acquises précédemment. Les éléments non récupérés ne bénéficieront pas de l’effet test. 

Une autre exigence est de bien vérifier ensuite dans les notes de cours, l’exactitude et la complétude de nos réponses. Notre explication, notre définition ou notre application sont-elles correctes ? Si ce n’est pas le cas, une nouvelle étude s’impose.

À ce niveau, nous ne pouvons pas faire confiance automatiquement à notre jugement sur l’apprentissage. Si nous voulons profiter de l’effet test lors de la récupération de connaissances, celles-ci doivent être invisibles. Si la réponse est visible dans nos notes ou dans un manuel, la tentation de tricher sera très forte, d’autant que nous avons automatisé la procédure de lecture. Si la récupération se fait sur un support extérieur, l’effet test s’évapore.

Si nous trouvons les réponses dans notre environnement, nous n’y réfléchirons plus nous-mêmes. De plus lors de la pratique de récupération, ces supports ne seront pas à portée de main pour une vérification rapide. 

Un autre conseil utile est de ne pas se tester immédiatement après avoir étudié la leçon. Si nous nous testons juste après le cours ou juste après avoir lu un texte, nous serons probablement en mesure de nous souvenir rapidement et facilement de la bonne réponse. Il est préférable d’attendre le soir pour nous tester, ou même mieux, le lendemain par exemple. Nous devons alors réfléchir davantage et c’est le but.

Un autre point essentiel est que les conditions de récupération doivent correspondre aux conditions de l’évaluation. Si nous nous entrainons à récupérer des concepts importants avec des flashcards, alors que l’épreuve finale porte principalement sur la réalisation d’exercices, nous faisons fausse route.



Principes à respecter lors de l’usage de la pratique de récupération


La pratique de la récupération est une stratégie d’apprentissage très efficace, quel que soit l’âge ou la matière, pour des apprentissages complexes ou moins complexes. De plus, cette stratégie est facile à mettre en œuvre.

Premièrement, il est préférable de demander aux élèves de se remémorer plusieurs fois le même matériel d’apprentissage. La plus grande valeur ajoutée pour l’apprentissage est obtenue lors de la première tentative de rappel, mais dans l’idéal, nous devrions les laisser se rappeler le même contenu jusqu’à trois fois lors de l’apprentissage initial. 

Deuxièmement, pour les pratiques de récupération ultérieures, il est préférable de les étaler dans le temps, de sorte que le contenu d’apprentissage soit moins accessible et que les élèves doivent réfléchir plus en profondeur. 

Troisièmement, l’effet de test s’avère le plus efficace lorsque les élèves reçoivent un retour d’information par la suite, bien que cette stratégie favorise également l’apprentissage sans retour d’information.



Apprendre avec des flashcards


Les flashcards sont des cartes d’exercices sur la matière enseignée avec sur le recto une question, par exemple liée à un concept. La réponse est inscrite sur le verso. Elle présente la réponse sous forme d’une explication. Par exemple, elle peut présenter un mot dans une langue d’un côté et sa traduction de l’autre côté, ou encore un symbole chimique d’un côté et de l’autre côté, l’élément auquel il se rapporte.

Les flashcards peuvent être utilisées pour de nombreux contenus et matières.

Nous pouvons réaliser nos propres flashcards sur un support papier, mais il existe également des outils numériques tels que Anki, Wooflash, Quizlet ou Brainscape. Ces applications centralisées présentent une réelle valeur ajoutée et facilitent un pilotage par l’enseignant qui peut mettre à disposition des flashcards, les vérifier et avoir un retour d’information sur l’utilisation effective qu’en font ses élèves. 

Une fois les cartes d’exercices réalisées, nous devons suivre les étapes suivantes :

Lors de la session initiale :
  1. Prendre un groupe d’une vingtaine de flashcards dans l’ordre de leur conception et celui du cours.
  2. Pour chaque flashcard, lire la question et élaborer ou récupérer mentalement la réponse.
  3. Formuler la réponse mentalement ou mieux, la noter sur papier.
  4. Retourner la carte, consulter et vérifier la réponse donnée.
  5. Écarter la carte de la pile si la réponse est exacte. La remettre au fond de la pile si la réponse est incorrecte. 
  6. Faire défiler la pile jusqu’à avoir répondu correctement pour chaque flashcard.
  7. Reproduire le processus trois fois.
Lors des sessions ultérieures (en attendant suffisamment pour que l’oubli commence à faire son effet, mais de telle manière qu’une majorité de réponses reste récupérable).
  1. Nous repartons de la même pile de flashcards, mais cette fois nous la mélangeons.
  2. Au fur et à mesure, nous pouvons associer les piles de flashcards correspondant à la même unité de matière et en préparation de la même évaluation.
  3. Les flashcards qui sont récupérées chaque fois facilement peuvent être plus espacées, celles qui ne sont pas récupérées peuvent mener à un espacement plus rapproché.
L’avantage des solutions électroniques sur la version papier est que l’espacement est géré automatiquement en fonction de la qualité des réponses. Il n’est plus nécessaire de se soucier de ces dimensions, car celles-ci sont automatiquement gérées par l’application.

Pour certains sujets plus que d’autres, il est opportun d’écrire la réponse afin de pouvoir vérifier l’orthographe. Pensez au vocabulaire ou aux formules chimiques. 

Par ailleurs, les flashcards sont souvent utilisées pour étudier des concepts ou des faits. Cependant, pour traiter le contenu d’apprentissage en profondeur, nous devons également penser aux liens entre les différentes parties de l’apprentissage. Pour ces dimensions, des stratégies telles que celles liées l’élaboration ou à l’étude de problèmes résolus peuvent s’avérer plus appropriées ou complémentaires.



La piste du brain dump


Le brain dump est une manière de mobiliser la pratique de récupération à la fin ou au début d’un cours. Il correspond à ce qu’on appelle rappel libre en psychologie cognitive.

Il s’agit de demander aux élèves de résumer ce qu’ils ont appris au cours de la leçon donnée, de la leçon précédente ou tout ce qu’ils connaissent sur un thème préalablement enseigné. 

Le brain dump peut être utilisé à la manière d’un ticket de sortie dans le cadre d’une évaluation diagnostique pour évaluer les connaissances préalables d’une matière que nous allons prochainement enseigner.

Par exemple, nous demandons aux élèves : 
  • D’écrire et d’expliquer deux concepts importants qu’ils ont appris au cours de cette leçon.
  • D’écrire ce qu’ils ont retenu de cette leçon, quelle partie de la matière ils se rappellent le plus ou quelles questions ils se posent encore. 
L’objectif est double :
  • Nous permettons aux élèves de rappeler activement certaines connaissances à partir de leur mémoire à long terme.
  • Nous obtenons un aperçu de ce que vos élèves ont compris et retenu, et pas compris ou déjà oublié.
À la fois, nous offrons aux élèves une opportunité de pratique de récupération et nous obtenons un retour d’information qui nous indique sur quelles bases nous pouvons commencer à travailler lors du prochain cours.

Cette stratégie peut être utilisée pour n’importe quelle matière, à différents moments de l’étude et de différentes manières. 



S’évaluer grâce à un brain dump


Le brain dump peut être mobilisé dans le cadre d’une auto-évaluation. Cette forme d’auto-évaluation est plus opportune avec des élèves plus âgés et des étudiants, car elle demande une certaine réflexivité. 

La démarche consiste à démarrer d’une feuille blanche où nous écrivons tout ce que dont nous nous rappelons à propos d’un sujet particulier. Il s’agit de structurer la réponse et de ne pas se contenter de rappels en vrac.

Nous construisons et structurons sur cette feuille de papier toutes les connaissances que nous pouvons récupérer en mémoire. 

Le brain dump est idéal pour faire le point et prendre le temps de réfléchir à ce dont nous nous souvenons encore d’un sujet, avant d’utiliser d’autres stratégies pour étudier la matière. Il peut également être utilisé à la fin d’une session d’étude, en guise de synthèse.

Le processus se déroule de la manière suivante : 
  1. Fermer le manuel ou les notes de cours après les avoir étudiées.
  2. Attendre quelques minutes, idéalement quelques heures ou même mieux, le lendemain.
  3. Prendre une feuille blanche.
  4. Écrire le sujet ou le thème relatif au cours sur lequel nous voulons nous tester.
  5. Se donner de 3 à 5 minutes pour noter de manière structurée tout ce dont nous nous rappelons du sujet.
  6. Répondre par des mots isolés ou des phrases courtes, avec symboles ou abréviations ou en réalisant une carte mentale et en ajoutant des éléments graphiques
  7. Poursuivre jusqu’à sentir qu’on a fait le tour du sujet. Persévérer dans la réflexion aussi longtemps que des éléments pertinents apparaissent à l’esprit.
  8. Ouvrir notre manuel et nos notes de cours et vérifier. Valider, compléter et corriger avec un bic d’une autre couleur pour mettre en évidence les manques actuels.
Le fait de réaliser le brain dump renforce la mémorisation des éléments récupérés. Le processus permet également d’attirer l’attention sur les éléments non récupérables qui sont à réétudier dans la foulée.

Ce processus renforce ce qui est déjà appris et aide à rendre le nouvel apprentissage plus efficace, plus interconnecté et approfondi.



Usages du brain dump en classe


Le brain dump est efficace et simple à utiliser en classe.

Le brain dump se prête particulièrement bien à l’activation des connaissances antérieures. Au début de la leçon, l’enseignant demande à ses élèves de noter sur une feuille blanche, pendant par exemple tout ce dont ils se souviennent sur la matière en cours avant de continuer son enseignement.

Les élèves peuvent le faire individuellement ou à deux. Le principe est de ne pas les laisser consulter leurs supports d’apprentissage durant le processus. Dès lors, ils doivent réfléchir en profondeur et puiser dans leur mémoire à long terme.

Il est important de leur expliquer la stratégie, de la nommer et d’expliquer pourquoi nous l’utilisons. Les élèves s’exercent à récupérer des contenus déjà appris ou en cours d’apprentissage. Cela leur demande un effort, car il s’agit d’une matière qui a été abordée au cours de la leçon précédente, ou même il y a plus longtemps. C’est cet effort qui renforce durablement l’apprentissage, ce que le fait de relire le cours ne procurera pas, car l’effet dans ce cas ne sera qu’à court terme.

Le fait de comprendre l’intérêt de la stratégie les incite à utiliser pleinement le temps imparti et à ne pas jeter l’éponge au bout de trente secondes. 

Grâce à cette tentative de mémorisation, ils activent leurs connaissances antérieures et nous-mêmes en tant qu’enseignants, nous obtenons un aperçu de ce dont ils se souviennent et (plus important encore) des lacunes ou des conceptions erronées. Nous pouvons les identifier et les corriger en classe. Une fois ce processus terminé, nous passons aux nouveaux contenus.

Mis à jour le 25/08/2024

Bibliographie


Hoof, T., Surma, T., & Kirschner, P. A. (2021). Leer studenten studeren met succes. Antwerpen: Thomas More-hogeschool.

Roediger, H. L. et Karpicke, J. D. (2006). Test-enhanced learning : taking memory tests improves long-term retention. Psychological Science, 17(3), 249-255. 

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