lundi 26 août 2024

Un modèle de la perception de l’enseignant par l’élève

Murillo et ses collègues (2020) ont développé un modèle de la perception de l’enseignant par l’élève.

(Photographie : oolong001029

Un modèle adapté à quatre dimensions de ce qui fait un bon enseignant


Murillo et ses collègues (2020) ont développé un modèle de la perception de l’enseignant par l’élève directement appuyé sur les résultats de la revue de littérature de Hoy et Weinstein (2006).

Ils prennent en compte les trois dimensions de Hoy et Weinstein (2006) et les renomment le cadre, le care et le fun. Ils y ajoutent une quatrième dimension, la maîtrise didactique : 

Le cadre :
  • Les limites sont tenues et posées par l’enseignant et définissent ce qui est attendu.
  • Lorsque ce n’est pas le cas, il existe deux cas de figure possibles : 
    • Une absence de limites lorsque l’enseignant tolère que des élèves ne s’engagent pas dans le cours.
    • Des limites posées par l’enseignant qui sont déraisonnables, trop strictes, injustes ou fluctuantes.
Le care :
  • Le care peut être de nature scolaire lorsque l’enseignant se soucie que l’élève comprenne, apprenne, réussisse.
  • Le care peut être de nature personnelle lorsque l’enseignant est perçu comme sympathique, lorsqu’il salue ses élèves, leur sourit, n’est pas agressif avec eux, leur parle.
Le fun :
  • L’enseignant rend le cours intéressant par des mises en activité. Les élèves font autre chose qu’écouter et prendre des notes.
  • L’enseignant fait preuve d’humour. L’enseignant blague, rit avec ses élèves, ne les empêche pas de rire entre eux.
  • L’enseignant se montre enthousiaste. Il est motivé et dynamique, et cela se manifeste notamment par ses déplacements, ses mouvements et ses intonations.
La maîtrise didactique : 
  • L’enseignant a un niveau d’exigence adapté. La charge de travail, le niveau de difficulté et le rythme correspondent au niveau des élèves.
  • L’enseignant fait preuve de clarté dans ses explications, dans la structuration du cours et dans l’explicitation des objectifs d’apprentissage. 
Dans leur modèle, Murillo et ses collègues (2020) s’intéressent également aux effets perçus par les élèves eux‐mêmes. Ils les regroupent en six thèmes : le plaisir, la concentration, la motivation, la discipline, les relations à l’enseignant, ainsi que les apprentissages et les résultats. 

Chacun de ces thèmes a une valence plutôt positive (associée au plaisir, au travail et à la réussite) et une valence plutôt négative associée au déplaisir. 



Murillo et ses collègues (2020) ont exploité ce cadre en interrogeant peu de temps après la rentrée, 21 élèves de 15‐16 ans qui ont évoqué des situations qui leur ont permis de mieux cerner leurs enseignants. Ces élèves étaient de nouveaux élèves de seconde de lycées agricoles. Ils avaient choisi d’aller dans un établissement qui n’est pas leur lycée de secteur. Ils retrouvaient rarement leurs camarades de l’année précédente, et ils découvrent des enseignants dont ils connaissent rarement la réputation. Ces élèves ont décrit 58 situations durant lesquelles ils estiment avoir mieux cerné leurs enseignants.

Le traitement de ces entretiens a permis aux chercheurs de mettre en évidence des résultats qui mettent en évidence, selon le point de vue des élèves, les effets des pratiques de leurs enseignants sur eux‐mêmes.

Dans la majorité des cas, les perceptions qu’avaient les élèves de leurs enseignants n’ont pas été invalidées en cours d’année. Lorsque ces perceptions évoluent, c’est le plus souvent parce que les enseignants font évoluer leurs pratiques, pour s’adapter à leur classe. 
Les enseignants qui développent un cadre raisonnable, une relation de care, introduisent des situations agréables et avec des exigences didactiques adaptées aux élèves sont également les enseignants qui vont permettre aux élèves de progresser le plus dans leurs apprentissages. 



Être discipliné ou être concentré : deux attitudes distinctes suscitées par des pratiques enseignantes différentes 


D’après les résultats de Murillo et ses collègues (2020), lorsque les élèves évoquent le fait d’être disciplinés dans un cours, c’est essentiellement en lien avec la perception d’un cadre. C’est le cadre que l’enseignant a posé et que l’élève considère comme raisonnable et acceptable.

Seul le comportement semble concerné par un cadre acceptable, les apprentissages perçus comme facilités ne lui sont jamais associés. Motivation, concentration et apprentissages sont par contre associés au care, au fun et à la dimension didactique.

Il semble que les enseignants qui développent les dimensions de la didactique, du care et du fun parviendraient à mettre les élèves au travail. Ils n’ont pas besoin d’imposer la discipline à proprement parler (par des remarques, des mises en garde voir des menaces de punitions). Le cadrage disciplinaire n’apparaît pas au premier plan : ces enseignants semblent être dans une logique d’« enrôlement » et non d’« endiguement » (Claude & Rayou, 2019).

Le fait que les enseignants conduisent leurs cours en ayant le souci de les rendre agréables (« fun » : activités originales, humour, enthousiasme) ne suscite pas de comportements d’indiscipline. Bien au contraire, les élèves font part de leur plaisir à être en cours et sont plus enclins à coopérer avec les enseignants.  

L’indiscipline des élèves est parfois suscitée par une absence de maîtrise didactique des enseignants et dans la plupart des cas par une absence de cadre tenu par les enseignants. 

Des menaces de punitions crédibles aux yeux des élèves ont un effet sur leur discipline, mais ne garantissent pas leur motivation et leur concentration sur les apprentissages. 



Impact des pratiques des enseignants sur la motivation et l’engagement des élèves 


Lorsque les élèves se disent démotivés, ils l’attribuent généralement à un défaut d’adaptation de l’enseignant à la classe, du point de vue didactique : trop de travail, trop rapide, trop lent, trop difficile ou trop facile.

Dans une moindre mesure, les élèves attribuent également leur démotivation à un défaut de cadre, de « care » ou de « fun ».

Dans certains cas, les élèves perçoivent les enseignants comme mettant des obstacles à leurs apprentissages, ce qui est source de découragement.

Lorsque les élèves se disent motivés, ils l’attribuent principalement au « care » (scolaire ou personnel) de l’enseignant, et au « fun », ainsi que, de façon secondaire, aux aspects didactiques.

De plus, certaines pratiques des enseignants vont influencer la posture de l’élève et favoriser sa coopération, ce qui peut inciter les élèves à bien se comporter. Ces occurrences sont associées au « fun » et au « care ». Cette situation correspond à un enseignant qui fait en sorte d’aménager des situations de travail agréables pour les élèves, et qui se soucie d’eux, suscite en retour une attitude positive.

D’autres pratiques vont susciter l’opposition. Les élèves peuvent ressentir de l’incompréhension, développer du ressentiment, voire de l’irrespect envers leurs enseignants. Ces attitudes sont le plus souvent associées à un défaut de « care » par l’enseignant. En particulier, le fait de réprimander un élève qui estime n’avoir rien fait de répréhensible peut conduire à un sentiment d’injustice. 

La relation de « care » est souvent réciproque (Valenzuela, 1999). Les élèves ont souvent besoin que l’école et les enseignants se soucient d’eux, avant de se soucier de l’école et de leurs enseignants.


Mis à jour le 27/08/2024

Bibliographie


Audrey Murillo, Julie Blanc, Hélène Veyrac. « Dès les premiers cours avec un enseignant, je sais quel élève je serai ». Comment les élèves perçoivent les effets sur eux-mêmes des pratiques de leurs enseignants. 2020. ⟨halshs-03036732⟩

Claude, M.‐S., & Rayou, P. (2019). Accéder aux perspectives des élèves sur les situations scolaires. Swiss Journal of Educational Research, 41(2), 467-482. 

Hoy, A. W., & Weinstein, C. S. (2006). Student and Teacher Perspectives on Classroom Management. In C. M. Evertson & C. S. Weinstein, Handbook of classroom management : Research, practice, and contemporary issues (p. 181-219). Lawrence Erlbaum Associates Publishers. 

Valenzuela, A. (1999). Subtractive schooling: US-Mexican youth and the politics of caring. Albany : State University of New York Press.

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