Pritesh Raichura (2023) propose une stratégie de questionnement en trois phases pour l’enseignement explicite, plus particulièrement pour accompagner les phases du modelage et de la pratique guidée.
(Photographie : Mat Wilson)
Trois phases de questionnement
Phase 1 : Le contrôle de l’attention
La première phase consiste en des contrôles fréquents de l’attention des élèves.
L’enseignant veut s’assurer que ses élèves sont attentifs, qu’ils participent et qu’ils se sentent responsables de leur engagement dans le cours. De cette manière, l’enseignement explicite peut avancer sans temps mort et à un rythme rapide.
L’enseignant procède par des questions simples auxquelles tous les élèves sont censés répondre. Les réponses se font par réponse chorale ou par un cold call dans lequel tous les élèves sont appelés à lever la main.
Phase 2 : Le développement des connaissances
Les questions de la phase 2 impliquent de nombreuses répétitions des connaissances enseignées et donnent aux élèves l’occasion d’élaborer et d’appliquer ce qui a été enseigné.
L’objectif est de développer la compréhension jusqu’à ce qu’elle soit confiante en engageant les élèves dans un traitement cognitif pertinent des contenus.
Phase 3 : La vérification de la compréhension
Les questions de la phase 3 ont pour objet de vérifier la compréhension. Les réponses des élèves permettent aux enseignants de savoir s’il peut passer à une étape ultérieure de l’enseignement ou s’il lui faut encore poursuivre la phase en cours.
Les questions de la phase 3 sont les plus habituelles dans une perspective d’enseignement explicite ou de vérification de la compréhension. Les questions de la phase 1 et de la phase 2 tendent à être moins courantes, mais lorsqu’elles sont négligées, elles ont un impact négatif sur le taux de bonnes réponses en phase 3.
Lorsque les questions des phases 1 et 2 sont pleinement exploitées, le taux de réussite des questions en phase 3 augmente.
Implications du questionnement en trois phases
Le fait de passer par les trois phases de questionnement permet d’optimiser l’impact de l’enseignement explicite. Il permet de mieux soutenir l’apprentissage des élèves en classe et augmente leur niveau de réussite.
Pritesh Raichura (2023) insiste sur le fait que dans ce cadre l’utilisation de la stratégie Think-Pair-Share (ou Turn & Talk) est cruciale pour la pleine efficience du questionnement en trois phases.
Cette stratégie a pour objet de permettre à tous les élèves, une moitié d’entre eux puis l’autre moitié, de verbaliser et d’énoncer leur réponse en même temps.
Plus particulièrement, elle est optimale pour les questions de la phase 2 qui comprennent la répétition, la génération d’idées et l’élaboration d’un retour d’information.
Lorsque nous enseignons de nouvelles connaissances de manière explicite, il importe de donner aux élèves la possibilité de pratiquer le vocabulaire ou de s’entraîner à expliquer et à mobiliser les idées eux-mêmes.
L’enseignant fournit une explication puis demande aux élèves de la reformuler en mobilisant le vocabulaire adéquat. Il laisse un temps de réflexion puis active un Think-Pair-Share. À son signal, les élèves s’échangent les réponses, une première moitié puis la seconde. Il commence par donner le signal aux élèves de gauche ou de droite puis il inverse.
L’enseignant demande alors aux élèves de lever la main et choisit quelqu’un pour partager.
Après cet échange, l’enseignant poursuit ses explications et relance un cycle de Think-Pair-Share, ainsi de suite.
À chaque ajout d’une étape dans ses explications, l’enseignant permet à ses élèves de reformuler ce qui peut être l’équivalent d’une pratique guidée.
Les élèves sont amenés à répéter et à s’expliquer mutuellement ce qui leur a été enseigné avec une progression continue dans la complexité. Au fur et à mesure, les élèves se familiarisent avec le vocabulaire, les concepts, les procédures et leur mobilisation.
Ne pas procéder à ce questionnement reviendrait à faire un modelage prolongé sans pratique guidée. La plupart des élèves décrocheraient et seraient incapables de répondre à la plupart des questions de la phase 3.
Avec la répétition qui est organisée dans la phase 2, la proportion d’élèves capables de répondre aux questions de la phase 3 peut grimper en flèche.
Si les questions de la phase 1 viennent compléter l’ensemble, leur probabilité de réponses correctes en phase 3 augmente encore.
Intégrer la rétroaction dans le cadre d’un dialogue formatif lors du questionnement en trois phases
La stratégie du questionnement en trois phases va mettre en évidence des erreurs typiques et des conceptions erronées de manière plus marquée lorsque la phase 2 est bien engagée et lors de la phase 3.
À ce moment-là, les questions deviennent plus complexes et les réponses des élèves laissent transparaitre leur raisonnement.
Dans la même logique, les éléments qui feront l’objet d’une rétroaction seront eux-mêmes réintégrés un peu plus tard dans le processus de questionnement.
Si à un moment une rétroaction plus élaborée est donnée par l’enseignant, c’est l’occasion de l’utiliser de même pour activer les élèves.
La stratégie Think-pair-share peut être utilisée pour que les élèves partagent avec leurs partenaires les erreurs qu’ils ont eux-mêmes commises ou les leçons qu’ils ont retirées de la rétroaction.
Une erreur typique de certains enseignants est de délivrent une rétroaction à l’ensemble de la classe et d’oublier ensuite de vérifier un peu plus tard que la classe a bien écouté, compris et retenu les nouvelles explications. Démarrer un dialogue formatif par exemple en posant une nouvelle question en lien ou en demandant de reformuler permet de s’assurer que la rétroaction a porté ses fruits.
La maîtrise de la stratégie Think-pair-share
La stratégie Think-pair-share est un excellent moyen de renforcer la compréhension :
- Elle donne aux élèves l’occasion de se confronter à des idées qui ont été explicitement enseignées.
- Elle leur permet de s’exercer à mobiliser le nouveau vocabulaire.
- Elle incite à l’élaboration en donnant l’occasion d’établir de nouveaux liens ou de générer des idées sur la base de ce qui leur a été précédemment enseigné.
Les trois phases du questionnement peuvent prendre une minute ou toute la leçon. Tout cela dépend de la partie de l’apprentissage que l’enseignant souhaite réaliser.
Voici les étapes typiques de la stratégie Think-pair-share :
- Les élèves sont placés par deux et chaque élève identifie quel est son partenaire. C’est l’élève assis à côté de lui vers lequel il va se tourner et avec lequel il va échanger des réponses.
- L’enseignant pose une question à laquelle les élèves doivent répondre par une phrase complète.
- Les élèves lèvent le doigt dès qu’ils ont la réponse.
- Si de 50 à 100 % des mains se lèvent rapidement, l’enseignant prend la décision d’utiliser la technique Think-pair-share :
- Il demande aux élèves du côté de la porte ou à ceux du côté de la fenêtre d’ exprimer leur réponse en premier à leur voisin.
- Une fois la réponse donnée par le premier élève, l’autre donne la sienne dans la foulée, spontanément ou au signal de l’enseignant.
- La classe est en ébullition. Toutes les paires se tournent l’une vers l’autre. Chacun dit sa réponse. L’enseignant donne entre 5 et 15 ou 20 secondes pour l’échange.
- L’enseignant enchaine avec un 3, 2, 1, les mains en l’air ! Tous les élèves de la classe lèvent la main en silence.
- L’enseignant choisit un élève qui va partager sa réponse avec la classe tandis que toutes les mains se baissent.
Limites et pièges de la stratégie Think-pair-share
Pour rencontrer la pleine efficacité de la stratégie Think-pair-share, certains pièges sont à éviter et certaines alternatives sont parfois à privilégier :
- La stratégie Think-pair-share n’est pas optimale pour des réponses courtes :
- Dans ce cas, la piste d’une réponse chorale peut avoir plus d’impact. Pour y parvenir, l’enseignant pose une question à réponse unique à l’ensemble de la classe. Il attend que toutes les mains se lèvent. Il dit : « 3, 2, 1, la réponse est… ». Tous les élèves répondent en même temps, ce qui permet d’obtenir une belle réponse à l’unisson.
- Une erreur typique de la stratégie Think-pair-share consiste à ne pas désigner dans les paires quel élève lequel, celui de gauche ou celui de droite, parlera en premier :
- Le risque est qu’un élève de chaque paire domine la conversation chaque fois et que l’autre élève n’ait jamais l’occasion de répéter. Le seul moment où il peut être utile de ne pas désigner l’élève qui commence l’échange, c’est lorsque la réponse attendue implique un traitement plus génératif.
- Il y a alors des raisons de s’attendre à ce que certains élèves aient une réponse à partager et d’autres non. La plupart du temps, il faut préciser qui commence et alterner d’un côté à l’autre.
- Désigner côté porte ou côté fenêtre est plus objectif que désigner l’élève de gauche ou l’élève de droite.
- Une difficulté de la stratégie Think-pair-share consiste à déterminer quand stopper les échanges entre élèves. Il s’agit de le faire ni trop tôt et ni trop tard :
- Le principe consiste à déclencher un signal d’attention ou dire « 3, 2,1 mains en l’air », puis désigner un élève pour donner oralement la réponse.
- Le principe consiste à intervenir lorsque le bruit des conversations entre élèves commence à s’estomper.
- Il est inutile d’attendre que tout le monde ait fini et attendre que toutes les paires d’élèves se taisent, c’est du temps perdu.
- Le principe est que les élèves soient tout le temps actif à écouter ou à réfléchir pour tirer le meilleur parti de chaque seconde.
- De même, il est inutile d’interrompre les échanges si tous les participants sont occupés à parler et en pleine répétition.
- Il faut réfléchir en matière de tact pédagogique pour maintenir la dynamique du cours à son maximum pour l’ensemble des élèves.
- Ne pas s’attendre à ce que tous les élèves lèvent la main :
- Dans la dynamique du Think-pair-share, nous sommes en droit de nous attendre à ce que toutes les mains se lèvent parce que tous les élèves viennent de s’entraîner ou d’entendre des réponses. Plus particulièrement, la stratégie Think-pair-share est un levier dans le processus de vérification de la compréhension pour inciter les élèves à prendre l’habitude de lever leur main systématiquement pour partager leur réponse. Plus nous attendons de tous les élèves qu’ils contribuent, mieux ils apprendront.
- Ne pas insister sur l’utilisation de phrases complètes dans les réponses :
- Le fait de demander aux élèves d’utiliser des phrases complètes est utile. Cela permet de s’assurer que les élèves font le lien entre ce qu’ils ont compris de la question dans le cadre du cours et la nature de leur réponse.
Think-pair-share comme stratégie d’un enseignement explicite
L’objectif de l’enseignement explicite est de s’assurer que les élèves possèdent les connaissances dont ils ont besoin pour comprendre véritablement le sujet traité.
Think-pair-share est une stratégie qui s’intègre parfaitement à une pratique d’enseignement explicite. Elle permet de donner aux élèves de nombreuses occasions d’appliquer leurs connaissances et d’exprimer directement leurs réponses. Avoir à répondre à de nombreuses questions implique naturellement une réflexion approfondie.
Un autre objectif de la vérification de la compréhension est de soutenir l’attention de l’élève. Fournir de nombreuses et fréquentes occasions de pratique autonome dans le cadre de la stratégie Think-pair-share permet à tous les élèves de se concentrer sur leur propre travail.
Le lancement d’une question dans le cadre de la stratégie Think-pair-share est l’équivalent d’une relance de l’attention, ce qui est favorable pour des élèves qui ont un trouble de l’attention. L’enseignement explicite permet de diminuer les sources d’inattention. Lors d’un cours, ils vont avoir beaucoup d’occasions de répéter et de participer, ainsi que de se concentrer de manière autonome.
Mis à jour le 19/08/2024
Bibliographie
Pritesh Raichura, Turn and Talk, 2023, https://bunsenblue.wordpress.com/2023/12/30/turn-and-talk/
https://twitter.com/Mr_Raichura/status/1743623576320704988
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