samedi 10 août 2024

L’effet du dessin sur la mémorisation des associations

Dans un contexte d’apprentissage, la mémorisation de nouvelles informations exige que nous formions des associations inédites entre des concepts qui n’étaient pas liés 

(Photographie : Brad McMurray)





Ce processus peut être facilité par l’adoption de stratégies mnémoniques efficaces lors de l’encodage. 

La pratique du dessin constitue potentiellement une stratégie d’encodage fiable pour améliorer la mémoire d’éléments individuels. Murray et ses collègues (2024) se sont intéressés à l’impact de la pratique du dessin sur la mémorisation de paires de mots associés. 



L’effet de supériorité de l’image 


L’une des principales conclusions de la littérature de recherche sur la mémoire est que les images sont souvent mémorisées avec plus de précision que les mots. C’est ce que l’on appelle l’effet de supériorité de l’image (Weldon et coll., 1989).

L’effet de supériorité de l’image se vérifie à la fois : 
  • Pour la reconnaissance de mémoire (Defeyter et coll., 2009)
  • Pour le rappel de la mémoire (Mintzer & Snodgrass, 1999).
L’une des premières explications de la supériorité de l’image a été proposée par la théorie du double codage de Paivio (1976) selon laquelle :
  • Les images sont plus susceptibles que les mots d’être codées à la fois avec des représentations verbales et des représentations imagées :
    • Cette caractéristique augmente la probabilité d’une récupération réussie. 
    • La théorie du double codage est étayée par le fait que les participants sont plus enclins à nommer spontanément des images qu’à imaginer des stimuli verbaux (Snodgrass et coll., 1974).
  • Les images soient plus distinctives que les mots (Nelson, 1974) et traitées à un niveau sémantique plus profond et plus élaboré (Weldon et coll., 1989). 
Les différentes explications de la supériorité des images supposent toutes que les représentations mémorielles des images sont plus élaborées, plus distinctives ou plus significatives que les mots. 



L’effet du dessin et l’hypothèse de la trace intégrative


La supériorité de la mémoire des images s’étend également aux représentations d’images autogénérées, par exemple lorsque l’information à mémoriser est dessinée. 

Paivio & Csapo (1973) affirment que le traitement moteur impliqué dans le dessin (en plus du double codage de l’image) contribue à améliorer la récupération par rapport à d’autres méthodes d’encodage. 

Wammes et ses collaborateurs (2016) ont démontré que le dessin augmentait le rappel des mots par rapport à l’écriture. Cet effet s’observait indépendamment du fait que les participants aient été invités à se concentrer sur l’ajout de détails ou sur la répétition. 

Wammes et ses collaborateurs (2016) ont identifié trois composantes du dessin qui contribuent potentiellement à son efficacité :
  • L’élaboration
  • L’action motrice
  • La représentation visuelle.
Wammes et ses collaborateurs (2016) ont avancé qu’aucune composante ne pouvait à elle seule expliquer l’effet du dessin, mais qu’il y avait plutôt un effet synergique. Le bénéfice du dessin est plus important que la somme des bénéfices de chaque composante. C’est l’hypothèse de la trace intégrative.

L’hypothèse de la trace intégrative a été testée par Wammes et ses collaborateurs (2019) par une série d’expériences. Les résultats ont révélé que les composantes élaborées (essais d’imagination) et picturales (essais de visualisation) entraînaient des bénéfices moindres pour la mémoire par rapport aux essais qui nécessitaient l’ajout d’une deuxième composante de dessin. 

Les résultats suggèrent que l’intégration des expériences multisensorielles induites par le dessin est cruciale pour améliorer la mémoire grâce à la combinaison des composantes élaborées, picturales et motrices.



Un avantage du dessin sur l’écriture pour la mémorisation


La prise de notes écrites est un comportement classique à l’écoute d’un cours ou à la lecture d’un texte.

Le dessin est une stratégie alternative et pratique qui offre de solides avantages pour la mémoire par rapport à d’autres méthodes (Fernandes et coll., 2018).

L’hypothèse de la tâche intégrative suggère que l’effet du dessin résulte de l’intégration de multiples processus cognitifs et modalités sensorielles lors de l’encodage qui sont propres au dessin (Wammes et coll., 2019).

De plus, il a été démontré que les composantes génératives du dessin (les processus moteurs et élaborés) sont les prédicteurs les plus forts d’une mémoire réussie pour les informations à mémoriser (Wammes et coll., 2016).

Dans une première expérience (Murrai et coll., 2024), les participants ont étudié une liste de mots. Chaque mot était présenté individuellement au participant, suivi de l’une des trois conditions suivantes :
  • Faire un dessin en lien avec un mot étudié
  • Réécrire plusieurs fois le mot
  • Réaliser un gribouillage sans rapport avec le mot.
Lors du test de mémoire final, les participants se sont mieux souvenus des mots dessinés que des mots dans les deux autres conditions. 

Le fait de représenter graphiquement les mots s’est avéré clairement bénéfique.

Dans une deuxième expérience, les participants ont étudié une liste de paires de mots sans liens entre eux. La présentation de chaque paire de mots était suivie de l’une des deux conditions suivantes : 
  • Dessiner une image illustrant chacun des mots de la paire
  • Écrire la paire de mots plusieurs fois. 
Les performances de mémoire lors du test final ont montré un avantage de la stratégie de dessin par rapport à la stratégie d’écriture.

Le dessin présente un avantage par rapport à l’écriture comme moyen d’étudier l’information. Il y a une augmentation significative du rappel associatif d’éléments précédemment non liés lorsque des paires de mots étaient dessinées par rapport à l’écriture lors de l’encodage. 

Ce résultat est également une illustration de la stratégie du double codage.



Le principe de l’unitisation


L’unitisation correspond à l’association de connaissances par la création de liens entre elles. Le principe est que lorsque les connaissances sont unitisées, c’est-à-dire en lien, cela favorise et améliore la mémorisation.

Par exemple, si on demande à une personne de retenir les deux termes suivants : bus et bibliothèque :
  • La personne peut retenir chaque mot séparément, on parle alors de forme non unitisée.
  • La personne peut imaginer un bus qui se rend à une bibliothèque ou une bibliothèque qui possède un rayon de livres sur les bus, on parle alors de forme unitisée.
La unitisation mène à de meilleures performances au niveau de la mémorisation.

Dans la troisième expérience (Murrai et col., 2024), les participants ont étudié une liste de paires de mots sans liens entre eux. La présentation de chaque paire de mots était suivie de l’une des deux conditions suivantes :
  • Une condition de dessin où ils devaient dessiner les paires de mots
  • Une condition d’imagerie mentale où il leur était demandé de créer une image mentale des paires de mots. 
En outre, après chaque paire de mots, les participants suivaient l’une des deux choses suivantes : 
  • Dessiner/imaginer les mots ensemble (unitisé)
  • Dessiner/imaginer les mots séparément (non unitisé).
Il y a par conséquent quatre groupes différents :
  1. Dessin/unitisé
  2. Dessin/non-unitisé
  3. Imagination/unitisé
  4. Imagination/non-unitisé
Lors du test de mémoire final, les participants se sont souvenus davantage des mots lorsqu’on leur a demandé de les imaginer/dessiner les mots ensemble, c’est-à-dire dans la condition « unitisée ».

Toutefois, si l’on considère simplement la différence entre le dessin et l’imagerie mentale, il n’y a pas eu d’avantages sur le rappel de mémoire pour l’un ou l’autre. Les deux conditions ont donné des résultats équivalents.

Ces résultats fournissent des preuves évidentes de l’avantage associatif du dessin pour la mémoire. Toutefois, l’imagerie mentale peut être aussi effective que le dessin. 

Dans le cadre de cette expérience, la manière dont les associations sont dessinées peut avoir un impact significatif sur la mémoire, les dessins interactifs associant les éléments sont mieux mémorisés que les dessins d’un seul élément. 

Le dessin parait donc être une stratégie efficace pour apprendre de nouvelles associations. La manière dont les informations sont dessinées peut avoir une influence importante sur la mémoire. Le fait qu’elles établissent un lien est un plus. De plus, la pratique du dessin est générative et permet de créer la trace d’un lien qui peut être utile pour des récupérations ultérieures.


Mis à jour le 17/08/2024

Bibliographie


Carolina Kuepper-Tetzel, Effects of Drawing on Memory, 2024, https://www.learningscientists.org/blog/2024/4/26-1 

Murray, J., Ridgillova, N., Djurhuus, J. R., Feketova, L., Danielsson, J. I. M., & Fathima, A. (2024, January 16). The Effects of Drawing on Episodic Item & Associative Recall. https://doi.org/10.31219/osf.io/54kg6

Defeyter, M. A., Russo, R., & McPartlin, P. L. (2009). The picture superiority effect in recognition memory: A developmental study using the response signal procedure. Cognitive Development, 24(3), 265–273. https://doi.org/10.1016/j.cogdev.2009.05.002 

Fernandes, M. A., Wammes, J. D., & Meade, M. E. (2018). The surprisingly powerful influence of drawing on memory. Current Directions in Psychological Science, 27(5), 302–308. https://doi.org/10.1177/0963721418755385 

Mintzer, M. Z., & Snodgrass, J. G. (1999). The picture superiority effect: Support for the distinctiveness model. The American Journal of Psychology, 112(1), 113–146. https://doi.org/10.2307/1423627 29 

Nelson, D. L., Reed, V. S., & McEvoy, C. L. (1977). Learning to order pictures and words: A model of sensory and semantic encoding. Journal of Experimental Psychology: Human Learning and Memory, 3(5), 485–497. https://doi.org/10.1037/0278-7393.3.5.485 

Paivio, A. (1976). Imagery in recall and recognition. In Recall and recognition (pp. 103–129). John Wiley & Sons. https://doi.org/10.1037/11314-016 

Paivio, A., & Csapo, K. (1973). Picture superiority in free recall: Imagery or dual coding? Cognitive Psychology, 5(2), 176–206. https://doi.org/10.1016/0010-0285(73)90032-7 

Snodgrass, J. G., Wasser, B., Finkelstein, M., & Goldberg, L. B. (1974). On the fate of visual and verbal memory codes for pictures and words: Evidence for a dual coding mechanism in recognition memory. Journal of Verbal Learning and Verbal Behavior, 13(1), 27–37. https://doi.org/10.1016/S0022-5371(74)80027-7 

Wammes, J. D., Jonker, T. R., & Fernandes, M. A. (2019). Drawing improves memory: The importance of multimodal encoding context. Cognition, 191, 103955. https://doi.org/10.1016/j.cognition.2019.04.024 

Wammes, J. D., Meade, M. E., & Fernandes, M. A. (2016). The drawing effect: Evidence for reliable and robust memory benefits in free recall. Quarterly Journal of Experimental Psychology, 69(9), 1752–1776. https://doi.org/10.1080/17470218.2015.1094494 

Weldon, M. S., Roediger, H. L., & Challis, B. H. (1989). The properties of retrieval cues constrain the picture superiority effect. Memory & Cognition, 17(1), 95–105. https://doi.org/10.3758/BF03199561

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