mercredi 17 juillet 2024

Enseigner des connaissances procédurales ou déclaratives liées à la résolution de problèmes

L’une des manières de classer les connaissances consiste à faire la distinction entre les connaissances procédurales et les connaissances déclaratives. Les connaissances procédurales doivent être pratiquées différemment des connaissances déclaratives.

(Photographie : Leah Berman)

Distinguer les dimensions procédurales et déclaratives dans la pratique des élèves


Toutes les connaissances ne sont pas identiques. Il existe différents types de connaissances, et les connaissances procédurales ou déclaratives sont une subdivision typique. Appliquer une procédure est différent du fait de porter sa réflexion sur ce qu'un phénomène ou un résultat représente. 

Par exemple, nous pouvons calculer le nombre dérivé d’une fonction en un point ou le nombre de molécules d’un soluté dans un volume de solution. Nous pouvons également réfléchir au sens de la réponse obtenue. 

Réaliser un calcul est différent de ce que le calcul représente. Avec l’expertise, nous pouvons certainement mener les deux réflexions parallèlement grâce à nos schémas cognitifs fluides et interconnectés. La charge cognitive que représente l’opération pour les élèves peut les en empêcher.

Par contre, les élèves auront besoin de beaucoup de pratique (guidée puis autonome) pour maitriser de nouvelles connaissances.

Le type de pratique auquel les élèves s’adonnent doit dépendre du type de connaissances qu’ils essaient de maitriser.

Lorsque les élèves résolvent des problèmes (en sciences ou en mathématiques) incluant des équations, ils vont devoir réfléchir à la fois à un niveau déclaratif et à un niveau procédural. 

Si nous dissocions volontairement ces dimensions, du moins dans un premier temps, nous pouvons rendre nos explications et la pratique que nous donnons à nos élèves plus explicites et plus claires :
  • Dans un premier temps, les élèves réfléchissent au sens qui se trouve derrière les symboles qui constituent l’équation et aux relations qui les unissent. C’est le « quoi » — le déclaratif. 
  • Dans un second temps, les élèves réfléchissent à la formule, aux substitutions, aux conversions ou aux manipulations. C’est le « comment » — le procédural.
La résolution de problèmes en sciences et en mathématiques peut être subdivisée en connaissances déclaratives et en connaissances procédurales. Nous pouvons dès lors réfléchir à la manière dont nous pourrions enseigner ces deux types de connaissances différemment. Dans le cadre de la résolution d'un problèmes, elles peuvent mener à des sous-questions différentes.

Faire la distinction entre les connaissances procédurales et déclaratives peut nous aider à prendre des décisions sur les explications, la rétroaction et les activité d'apprentissage que nous offrons à nos élèves.



Enseigner la résolution de problèmes en distinguant les dimensions déclaratives et procédurales


Dans le cadre de la résolution de problèmes en mathématiques ou en sciences, les connaissances déclaratives et procédurales peuvent être enseignées séparément.

Les élèves peuvent parfaitement effectuer un calcul sans comprendre ce qu’il représente. Ils peuvent avoir besoin de certaines connaissances déclaratives pour effectuer le calcul, mais pas nécessairement de compréhension. 

Toutefois, il est de notre responsabilité d’enseignant de veiller à ce que les élèves puissent faire les deux. 

L’idée générale de la démarche est de se concentrer dans un premier temps sur les connaissances déclaratives puis dans un second temps sur les connaissances procédurales. 

Le processus est le suivant : 
  1. Enseigner d’abord les connaissances déclaratives
  2. Décomposer les connaissances procédurales en étapes constitutives
  3. Mobiliser des exemples concrets et des problèmes résolus pour soutenir l’apprentissage
  4. Encadrer la pratique (guidée puis autonome) jusqu’au surapprentissage
  5. Donner aux élèves une pratique autonome incluant beaucoup d’exercices entremêlés et espacés.
En fonction des situations, il peut être très utile que les connaissances procédurales soient intégrées avant que toutes les connaissances déclaratives ne soient vues. C’est particulièrement le cas si les élèves ont du mal à comprendre les connaissances déclaratives.

Maitriser quelques éléments de connaissance, puis maitriser l’exercice basique de la procédure, compléter les éléments de connaissance et aborder une utilisation plus aboutie de la procédure peut être un bon enchainement. 

L’automatisation d’une partie de la procédure permet de rencontrer un sentiment de réussite, ce qui est utile pour la motivation des élèves. De même, cela permet ensuite de libérer des ressources cognitives pour la suite de l’apprentissage.



Principe 1 : Enseigner d’abord les connaissances déclaratives


En sciences ou en mathématiques, la résolution d’un exercice ou d’un problème n’est pas dépourvue de contexte ou de signification. 

Avant de laisser ses élèves se plonger dans le calcul, la première question qu’un enseignant doit se poser est la suivante : « Quel est le contenu nécessaire, en matière de connaissances déclaratives, pour comprendre le calcul ? »

Sans cela, les élèves risquent de se précipiter pour trouver une solution sans réellement comprendre ce qu’ils font.

Selon Reif (2008), les connaissances déclaratives sont des connaissances factuelles qui spécifient les entités pertinentes et les relations entre elles. 

Par conséquent, bien qu’un concept puisse être décomposé en une liste de ses éléments constitutifs, il est plus pertinent de le représenter sous forme de carte conceptuelle ou d’organisateur graphique. Ceux-ci vont mettre en évidence les liens entre les différents éléments. 

Ce format graphique sera beaucoup moins difficile à comprendre et à apprendre qu’une liste d’éléments. Mieux les élèves saisiront l’idée principale, mieux ils comprendront la résolution du problème.



Principe 2 : Décomposer les connaissances procédurales en étapes constitutives


La séparation d’une procédure complexe (la résolution d’une équation) en petites étapes permet à l’élève de se concentrer sur la tâche et la rend moins intimidante. La séparation en étapes fonctionne comme un étayage.

Elle implique ensuite de s’engager dans une pratique délibérée des étapes constitutives, avant d’intégrer le tout.

Les élèves s’exercent pour chaque étape séparément. Ces étapes incluent par exemple la conversion des unités, l’identification des données, des inconnues ou le choix de la ou des formules à mobiliser.

Il est important de noter que la connaissance des unités, la connaissance des variables et la connaissance des équations sont toutes des exemples de connaissances déclaratives. L’exécution d’une procédure est impossible sans au moins quelques connaissances déclaratives. Néanmoins, elles peuvent rester déconnectées les unes des autres alors que nous visons une connaissance intégrée.

Des connaissances procédurales utiles et décomposées, exercées et maitrisées une à une, sous forme d’une série d’instructions précises et séquencées sont le plus sûr moyen d’amener progressivement les élèves à la maitrise globale. 



Principe 3 : Mobiliser des exemples concrets et des problèmes résolus pour soutenir l’apprentissage


Il s’agit d’assurer un modelage des procédures pour les élèves et d’utiliser une sélection pertinente d’exemples concrets tout en mettant à disposition des problèmes résolus

Les élèves ont tout à gagner à voir exactement comment ils doivent s’y prendre pour effectuer un calcul plutôt qu’à le découvrir par eux-mêmes. 

La séquence suivante peut bien fonctionner, exécutée en direct sous un visualiseur :
  • Réaliser un problème résolu silencieusement pour donner une idée de ce à quoi l’exécution maitrisée de la procédure devra ressembler.
  • Réaliser un exemple en explicitant la réflexion menée étape par étape selon le principe du haut-parleur sur la pensée.
  • Réaliser un exemple en demandant étape par étape aux élèves ce qui doit être fait ensuite, et pourquoi, ou introduire une erreur en leur demandant ce qu’il aurait fallu faire à la place. 
Cette méthode fonctionne parce que les élèves peuvent voir exactement ce qu’ils doivent faire, y compris la manière de présenter leur travail.

Pour gagner du temps, les élèves peuvent avoir un support de cours photocopié standardisé avec un grand nombre d’exemples prêts à l’emploi, écrits à la main sur du papier ligné. De cette manière, les élèves peuvent voir exactement à quoi cela doit ressembler. 

En standardisant le format, il sera facile ensuite pour l’enseignant, de circuler et de repérer les erreurs des élèves lors de la pratique.



Principe 4 : Encadrer la pratique (guidée puis autonome) jusqu’au surapprentissage


Pour apprendre, les élèves ont besoin de beaucoup de pratique guidée puis autonome. Le type de pratique doit cependant être progressif et évolutif. L’enjeu est que le type de pratique doit changer pour renforcer la fluidité des connaissances procédurales. S’il est important que les élèves soient engagés cognitivement et développent des automatismes, ils ne doivent pas se retrouver en pilotage automatique à réaliser des exercices ne demandant plus de réflexion. 

L’usage de problèmes à compléter pour passer de l’étude du problème résolu à la réalisation d’un problème complet est une bonne piste. Les élèves complètent progressivement les dernières étapes jusqu’à arriver à résoudre un problème complet. Progressivement, de plus en plus de place est laissée à l’élève. Cela facilite la mémorisation des procédures, mais sans la charge cognitive de décider de la manière de présenter ou d’aborder la résolution.

L’usage de résolutions erronées à corriger en une autre piste. Ils permettent aux élèves de comparer les réponses. Les élèves regardent un problème résolu, incorrect et repèrent l’erreur.



Principe 5 : Assurer une pratique de récupération, distribuée et entremêlée


En règle générale, une fois que nous avons enseigné une formule, une règle, un principe, une procédure ou un concept aux élèves, nous leur donnons beaucoup de temps pour s’exercer à son utilisation. Une fois qu’ils se révèlent performants, nous passons à la suite du cours.

Toutefois, de nombreuses études ont montré qu’une pratique de récupération espacée et entremêlée est meilleure qu’une pratique massée, que du drill ou du bachotage. Le problème des élèves qui s’entraînent avec un seul élément de connaissance à la fois est qu’ils passent à côté d’une étape cruciale qui rend difficile l’élaboration de réponses. C’est la capacité à discriminer quel est le bon élément de connaissance à mobiliser en fonction du contexte. 

Dès que les élèves ont appris au moins deux éléments de connaissance qu’ils sont susceptibles de confondre, nous gagnons à leur poser des questions entremêlées dans lesquelles ils doivent sélectionner la bonne correspondance. 

De plus, cet entremêlement ne doit pas être ponctuel, mais se décliner dans des opportunités de récupération espacée. Cela a lieu, dès le départ, quelques jours plus tard, puis une semaine, puis quelques semaines et finalement des mois.

Ce processus permet aux élèves d’atteindre la pleine maitrise des connaissances visées. Cela leur apprend à analyser de manière pertinente les énoncés afin de réfléchir à une démarche de réponse appropriée. 



Adopter une démarche d’enseignement et de pratique au service du transfert


Le transfert est la dimension de l’apprentissage qui est la plus difficile à enseigner aux élèves. Le transfert est la capacité à appliquer les principes et les connaissances acquises pour résoudre des problèmes inédits ou pour s’attaquer à des tâches nouvelles et peu familières.

En réalité, le transfert est extrêmement difficile à réaliser. C’est pourquoi on tend à viser le quasi-transfert en mobilisant des tâches voisines de celles utilisées lors de l’enseignement.

La principale difficulté du transfert est que pour y appliquer ce qu’il a appris dans d’autres contextes, l’élève doit à la fois :
  • Avoir des connaissances dans le domaine de la tâche considérée
  • Être capable de raisonner à un niveau abstrait.
Pour un transfert réussi, les élèves doivent avoir compris et être capables d’extraire les principes abstraits des tâches précédemment résolues et de les appliquer à de nouvelles tâches dont les caractéristiques superficielles se chevauchent généralement peu. Les élèves sont confrontés à des tâches qui semblent différentes de prime abord, mais nécessitent des principes similaires pour les résoudre.



Le processus de l’effacement de la concrétude


Les exemples concrets sont une stratégie qui s’est avérée efficace pour favoriser le transfert, mais uniquement s’ils sont utilisés correctement. 

L’idée de base des exemples concrets est de fournir aux élèves de nombreux exemples concrets différents pour des idées et des principes abstraits. 

La raison fondamentale est que les êtres humains sont plus aptes à comprendre et à travailler avec des informations concrètes qu’avec des informations abstraites. Ainsi, une forme d’étayage peut consister à proposer de nombreux exemples concrets au début de l’explication de principes plus complexes et abstraits. 

Mais cet avantage a une limite. C’est le risque de rester bloqué à un stade initial de mise à disposition d’exemples concrets. S’en tenir uniquement à des exemples concrets peut conduire à des connaissances inflexibles. Les élèves se contentent de mémoriser les exemples concrets sans saisir le concept ou le principe abstrait sous-jacent, ce qui rend le transfert impossible.

Dès lors, l’aspect crucial des exemples concrets consiste essentiellement à s’éloigner lentement des représentations concrètes pour aller vers des représentations plus abstraites de la tâche. Ce processus s’appelle l’effacement de la concrétude.

L’effacement de la concrétude est un processus intégré dans l’enseignement qui aide les élèves à passer d’un apprentissage initial à une maitrise des concepts abstraits. Nous pouvons la modéliser en trois étapes : 
  1. Fournir des exemples concrets et travailler avec des représentations concrètes
  2. Remplacer les composants par des représentations abstraites
  3. Mobiliser la représentation abstraite.
L’idée est donc que les élèves ont besoin de représentations à la fois concrètes et abstraites pour parvenir à la maitrise et, à leur tour, être en mesure de transférer les principes à de nouvelles tâches. 



L’effacement de la concrétude dans l’enseignement des mathématiques


Fyfe, McNeil et Borjas (2015) ont étudié trois méthodes d’enseignement pour apprendre à des élèves de deuxième et troisième année primaire à résoudre des problèmes d’équivalence en mathématiques (par exemple, 3 + 4 + 5 = 3 + _ ?) : 
  • La condition concrète : 
    • Des objets réels (marionnettes et balances) ont été utilisés pour enseigner les problèmes d’équivalence mathématique. 
    • L’enseignant ne s’est pas éloigné de ces exemples concrets lorsqu’il a expliqué les problèmes mathématiques.
  • La condition abstraite :
    • Aucun exemple concret n’a été utilisé et les élèves n’ont appris que des problèmes d’équivalence mathématique.
  • La condition d’effacement de la concrétude : 
    • L’enseignant a commencé par utiliser des objets concrets (marionnettes et balances). 
    • Ensuite, il est passé à une version papier qui augmentait le degré d’abstraction de la représentation, tout en continuant à utiliser les objets précédents (par exemple, l’image d’une balance et de marionnettes).
    • Il a terminé par une représentation numérique (chiffres uniquement ; « 4 + 3 = 4 +_ »). 
Tous les problèmes d’équivalence utilisés pendant la phase d’instruction étaient relativement faciles par rapport à ceux que les élèves devaient résoudre pendant la phase de test de transfert. 

Les résultats obtenus se sont révélés clairement en faveur de l’utilisation de l’effacement de la concrétude. En moyenne, les élèves ont résolu plus de problèmes de transfert correctement lorsqu’ils ont été instruits en utilisant l’effacement de la concrétude que dans les deux autres conditions. 

Les performances les plus médiocres ont été enregistrées dans la condition concrète. Cela démontre que l’utilisation intensive d’objets et d’exemples concrets sans abstraction peut être préjudiciable à la résolution de problèmes de transfert à l’avenir.

Dans l’ensemble, les élèves ont besoin des deux types de représentations, concrètes et abstraites, pour atteindre la maitrise et démontrer le transfert. 

L’atténuation du caractère concret est un processus qui combine systématiquement ces représentations en évitant la surcharge cognitive. L’atténuation du caractère concret est le point clé de la stratégie liée aux exemples concrets. Si les élèves ne dépassent pas les exemples concrets, ils ne seront jamais en mesure d’effectuer le moindre transfert. Cela revient à mémoriser des exemples. L’accès aux principes sous-jacents (abstraits) et à leur compréhension est essentiel.



Mettre en œuvre l’effacement de la concrétude


Les enseignants sont confrontés à une tâche assez difficile, à savoir trouver de bons exemples concrets et des exemples de transition afin de faire fonctionner l’effacement de la concrétude. Travailler avec des collègues de la même matière peut être une première étape utile pour trouver des moyens de faire fonctionner l’effacement de la concrétude pour une matière spécifique. 

L’effacement du caractère concret peut se faire de différentes manières. L’idée principale est de fournir d’abord des exemples concrets, puis de remplacer des éléments concrets par des informations plus abstraites et, enfin, de passer complètement à la compréhension des principes abstraits.

L’idée de démarrer par des exemples concrets n’est pas absolue. Dans certains cas, les exemples concrets sont plus complexes que l’abstraction et identifier l’abstraction d’emblée peut permettre d’orienter l’apprentissage pour accéder progressivement à plus de profondeur. C’est une approche que développe Stellan Ohlsson (Deep learning, 2011).

Dans le cadre de la théorie de la charge cognitive, l’accent est mis sur l’effet du problème résolu avec une gestion de la complexité progressive qui tient compte de la charge cognitive. 

Des problèmes initiaux simples prototypiques d’un type particulier sont donnés afin que les élèves se familiarisent avec son fonctionnement. Ensuite, les problèmes varient progressivement. L’accès à l’abstraction se fait en parallèle avec la variation et la complexification des tâches. 


Mis à jour le 05/08/2024

Bibliographie


Pritesh Raichura, Procedural & Declarative Knowledge: My #CogSciSci Talk, 2018
https://bunsenblue.wordpress.com/2018/05/31/procedural-declarative-knowledge-my-cogscisci-talk/

Achieve Transfer https://www.learningscientists.org/blog/2018/2/1-1

Reif, F., (2008) Applying cognitive science to education: thinking and learning in scientific and other complex domains. MIT press. 

Fyfe, E. R., McNeil, N. M., & Borjas, S. (2015). Benefits of "concreteness fading" for children's mathematics understanding. Learning and Instruction, 35, 104-120.

Kuepper-Tetzel, Carolina (online) Learning Scientists – Concreteness Fading: A Method to 

Tommi Kokkonen, Andreas Lichtenberger, Lennart Schalk, Concreteness fading in learning secondary school physics concepts, Learning and Instruction, Volume 77,2022, https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959475221000839

Blake Harvard, A more concrete classroom, https://theeffortfuleducator.com/2018/01/01/a-more-concrete-classroom/

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