mercredi 17 juillet 2024

Enseigner des connaissances procédurales ou déclaratives liées à la résolution de problèmes

L’une des manières de classer les connaissances consiste à faire la distinction entre les connaissances procédurales et les connaissances déclaratives. Les connaissances procédurales doivent être pratiquées différemment des connaissances déclaratives.

(Photographie : Leah Berman)

Distinguer les dimensions procédurales et déclaratives dans la pratique des élèves


Toutes les connaissances ne sont pas identiques. Il existe différents types de connaissances, et les connaissances procédurales ou déclaratives sont une subdivision typique. Appliquer une procédure est différent du fait de porter sa réflexion sur ce qu'un phénomène ou un résultat représente. 

Par exemple, nous pouvons calculer le nombre dérivé d’une fonction en un point ou le nombre de molécules d’un soluté dans un volume de solution. Nous pouvons également réfléchir au sens de la réponse obtenue. 

Réaliser un calcul est différent de ce que le calcul représente. Avec l’expertise, nous pouvons certainement mener les deux réflexions parallèlement grâce à nos schémas cognitifs fluides et interconnectés. La charge cognitive que représente l’opération pour les élèves peut les en empêcher.

Par contre, les élèves auront besoin de beaucoup de pratique (guidée puis autonome) pour maitriser de nouvelles connaissances.

Le type de pratique auquel les élèves s’adonnent doit dépendre du type de connaissances qu’ils essaient de maitriser.

Lorsque les élèves résolvent des problèmes (en sciences ou en mathématiques) incluant des équations, ils vont devoir réfléchir à la fois à un niveau déclaratif et à un niveau procédural. 

Si nous dissocions volontairement ces dimensions, du moins dans un premier temps, nous pouvons rendre nos explications et la pratique que nous donnons à nos élèves plus explicites et plus claires :
  • Dans un premier temps, les élèves réfléchissent au sens qui se trouve derrière les symboles qui constituent l’équation et aux relations qui les unissent. C’est le « quoi » — le déclaratif. 
  • Dans un second temps, les élèves réfléchissent à la formule, aux substitutions, aux conversions ou aux manipulations. C’est le « comment » — le procédural.
La résolution de problèmes en sciences et en mathématiques peut être subdivisée en connaissances déclaratives et en connaissances procédurales. Nous pouvons dès lors réfléchir à la manière dont nous pourrions enseigner ces deux types de connaissances différemment. Dans le cadre de la résolution d'un problème, elles peuvent mener à des sous-questions différentes.

Faire la distinction entre les connaissances procédurales et déclaratives peut nous aider à prendre des décisions sur les explications, la rétroaction et les activités d'apprentissage que nous offrons à nos élèves.



Enseigner la résolution de problèmes en distinguant les dimensions déclaratives et procédurales


Dans le cadre de la résolution de problèmes en mathématiques ou en sciences, les connaissances déclaratives et procédurales peuvent être enseignées séparément dans un ordre ou l’autre, ou conjointement.

Les élèves peuvent parfaitement effectuer un calcul sans comprendre ce qu’il représente conceptuellement. Ils peuvent avoir besoin de certaines connaissances déclaratives pour effectuer le calcul, mais pas nécessairement de compréhension profonde.

Or, dans une perspective de transfert, c’est la compréhension profonde et déclarative que nous devons valoriser, au-delà des automatismes procéduraux.

Il est de notre responsabilité d’enseignant de veiller à ce que les élèves puissent maitriser les dimensions déclaratives et procédurales liées à la résolution de problèmes en mathématiques et en sciences. 

Il y a un risque à introduire les connaissances déclaratives dans un second temps en amenant les élèves à se concentrer sur le comment faire. Des élèves peuvent par la suite se contenter de cette dimension et de ce fonctionnement en boite noire.

L’idée générale de la démarche d’enseignement de la résolution de problèmes est de se concentrer dans un premier temps sur les connaissances déclaratives puis dans un second temps sur les connaissances procédurales. 

Dans une perspective d’enseignement explicite, un processus utile peut être le suivant :
  1. Enseigner dans un premier temps les connaissances déclaratives
  2. Décomposer les connaissances procédurales en étapes constitutives
  3. Mobiliser des exemples concrets et des problèmes résolus pour soutenir l’apprentissage de la résolution de problèmes
  4. Encadrer la pratique guidée puis offrir des opportunités de pratique autonome jusqu’au surapprentissage.
  5. Donner aux élèves une pratique autonome incluant beaucoup d’exercices entremêlés et espacés.
En fonction des situations, il peut être très utile que les connaissances procédurales soient intégrées avant que toutes les connaissances déclaratives ne soient vues. C’est particulièrement le cas si les élèves ont du mal à comprendre les connaissances déclaratives.

Maitriser quelques éléments de connaissance, puis maitriser l’exercice basique de la procédure, compléter les éléments de connaissance et aborder une utilisation plus aboutie de la procédure peut être un bon enchainement. 

L’automatisation d’une partie de la procédure permet de rencontrer un sentiment de réussite, ce qui est utile pour la motivation des élèves. De même, cela permet ensuite de libérer des ressources cognitives pour la suite de l’apprentissage. Peu à peu, les étapes s’intègrent et les liens entre éléments procéduraux et déclaratifs se construisent. Nous passons du simple au complexe.



Principe 1 : Enseigner d’abord les connaissances déclaratives dans le cadre de la résolution de problèmes


En sciences ou en mathématiques, la résolution d’un exercice ou d’un problème n’est jamais dépourvue de contexte ou de signification. 

Toutefois, un élève peut partir d’une liste ordonnée d’instructions, à la manière d’une recette de cuisine ou observer la solution d’un problème similaire. Il lui est alors possible de le résoudre sans trop s’intéresser au sens des opérations et à la signification de sa réponse.  

Dès lors, avant de laisser ses élèves se plonger dans le calcul, les questions qu’un enseignant doit se poser sont les suivantes : 
  • Quel est le contenu nécessaire, en matière de connaissances déclaratives, pour comprendre le calcul ?
  • Comment m’assurer que les élèves vont effectivement mobiliser les connaissances déclaratives dans le cadre de la résolution du problème ? 
Sans cela, les élèves risquent de se précipiter pour trouver une solution sans réellement chercher à comprendre ce qu’ils font.

Selon Reif (2008), les connaissances déclaratives sont des connaissances factuelles qui spécifient les entités pertinentes et les relations qui les réunissent entre elles. 

Par conséquent, bien qu’un concept puisse être décomposé en une liste de ses éléments constitutifs, il est plus pertinent de le représenter sous forme de carte conceptuelle ou d’organisateur graphique. Ceux-ci vont mettre en évidence les liens entre les différents éléments. Une liste permet de se concentrer sur un item, voire sur celui qui le précède et celui qui le suite, et ignorer le reste.

Dès lors, le format graphique se révèlera beaucoup moins difficile à comprendre et à apprendre qu’une liste d’éléments. Mieux, les élèves saisiront l’idée principale, mieux ils comprendront la résolution du problème. De plus, il peut servir d’étayage et sa nature visuelle fait qu’il possède différents points d’entrée. 



Principe 2 : Décomposer les connaissances procédurales en étapes constitutives


La séparation d’une procédure complexe (la résolution d’une équation) en petites étapes permet à l’élève de se concentrer sur la tâche et la rend moins intimidante. La séparation en étapes fonctionne comme un étayage.

Elle implique ensuite de s’engager dans une pratique délibérée des étapes constitutives, avant d’intégrer le tout.

Les élèves s’exercent pour chaque étape séparément. Ces étapes incluent par exemple la conversion des unités, l’identification des données, des inconnues ou le choix de la ou des formules à mobiliser.

Il est important de noter que la connaissance des unités, la connaissance des variables et la connaissance des équations sont toutes des exemples de connaissances déclaratives. L’exécution d’une procédure est impossible sans au moins quelques connaissances déclaratives. Néanmoins, elles peuvent rester déconnectées les unes des autres alors que nous visons une connaissance intégrée.

Des connaissances procédurales utiles et décomposées, exercées et maitrisées une à une, sous forme d’une série d’instructions précises et séquencées sont le plus sûr moyen d’amener progressivement les élèves à la maitrise globale. 



Principe 3 : Mobiliser des exemples concrets et des problèmes résolus pour soutenir l’apprentissage


Il s’agit d’assurer un modelage des procédures pour les élèves et d’utiliser une sélection pertinente d’exemples concrets tout en mettant à disposition des problèmes résolus

Les élèves ont tout à gagner à voir exactement comment ils doivent s’y prendre pour effectuer un calcul plutôt qu’à le découvrir par eux-mêmes. 

La séquence suivante peut bien fonctionner, exécutée en direct sous un visualiseur :
  • Réaliser un problème résolu silencieusement pour donner une idée de ce à quoi l’exécution maitrisée de la procédure devra ressembler.
  • Réaliser un exemple en explicitant la réflexion menée étape par étape selon le principe du haut-parleur sur la pensée.
  • Réaliser un exemple en demandant étape par étape aux élèves ce qui doit être fait ensuite, et pourquoi, ou introduire une erreur en leur demandant ce qu’il aurait fallu faire à la place. 
Cette méthode fonctionne parce que les élèves peuvent voir exactement ce qu’ils doivent faire, y compris la manière de présenter leur travail.

Pour gagner du temps, les élèves peuvent avoir un support de cours photocopié standardisé avec un grand nombre d’exemples prêts à l’emploi, écrits à la main sur du papier ligné. De cette manière, les élèves peuvent voir exactement à quoi cela doit ressembler. 

En standardisant le format, il sera facile ensuite pour l’enseignant, de circuler et de repérer les erreurs des élèves lors de la pratique.



Principe 4 : Encadrer la pratique (guidée puis autonome) jusqu’au surapprentissage


Pour apprendre durablement des connaissances, les mobiliser à bon escient et pouvoir les transférer dans des contextes proches de ceux familiers, les élèves ont besoin de beaucoup de pratique.

Dans le cadre d’un enseignement explicite, cette pratique est guidée, autonome et finalement distribuée. Le type de pratique doit cependant être progressif et évolutif. La pratique doit soutenir l’apprentissage. Elle doit prendre en compte la charge cognitive représentée pour les élèves, qui ne doit être ni trop élevée, ni trop faible.

L’enjeu est que la pratique puisse à la fois renforcer : 
  • La fluidité des connaissances procédurales, c’est-à-dire améliorer les automatismes, la précision et la rapidité de leur utilisation 
  • Leur flexibilité, le fait de les rendre mobilisables dans une large variété de contexte et permettre des formes de transfert proche.
 Il est important que les élèves soient engagés cognitivement et développent des automatismes. Cependant, ils ne doivent pas pour autant se retrouver en pilotage automatique à réaliser des exercices ne demandant plus réellement de réflexion ou plus d’élaboration. 

La progression peut être la suivante :
  • Dans un premier temps, les élèves sont engagés dans la stratégie du problème à compléter en lien avec l’étude des problèmes résolus. 
  • Progressivement, la part du problème à compléter s’accroit jusqu’à en arriver à la réalisation d’un problème complet.
  • Progressivement, un élève peut résoudre des problèmes entiers sans mobiliser l’étayage de problèmes résolus en tant que références. La démarche facilite la mémorisation des procédures, mais sans la charge cognitive de décider de la manière de présenter ou d’aborder la résolution.

Dans ce processus, la responsabilité de la résolution repose progressivement de plus en plus sur les apprentissages réalisés par les élèves qui leur permettent à terme de s’engager dans la résolution de problèmes de manière purement autonome. 

À partir d’un certain niveau de maitrise, l’usage de résolutions erronées à corriger peut être une stratégie annexe utile pour apprendre à être vigilant par rapport aux types d’erreurs mis en évidence. Les élèves regardent un problème résolu qu’ils savent incorrect et repèrent l’erreur.



Principe 5 : Assurer une pratique de récupération, distribuée et entremêlée


En règle générale, une fois que nous avons enseigné une formule, une règle, un principe, une procédure ou un concept aux élèves, nous leur donnons suffisamment de temps pour s’exercer à son utilisation. Une fois qu’ils se révèlent performants, nous passons à la suite du cours.

Toutefois, de nombreuses études ont montré qu’une pratique de récupération espacée et entremêlée est meilleure qu’une pratique massée, équivalente au drill ou au bachotage. 

Le problème des élèves qui s’entraînent avec un seul élément de connaissance à la fois est qu’ils passent à côté d’une étape cruciale qui rend difficile l’élaboration de réponses. C’est la capacité à discriminer quel est le bon élément de connaissance à mobiliser en fonction du contexte. 

Dès que les élèves ont appris au moins deux éléments de connaissance qu’ils sont susceptibles de confondre, nous gagnons à leur poser des questions entremêlées dans lesquelles ils doivent sélectionner la bonne correspondance. 

De plus, cet entremêlement ne doit pas être ponctuel, mais se décliner dans des opportunités de récupération espacée. Cela a lieu, dès le départ, quelques jours plus tard, puis une semaine, puis quelques semaines et finalement des mois.

Ce processus permet aux élèves d’atteindre la pleine maitrise des connaissances visées. Cela leur apprend à analyser de manière pertinente les énoncés afin de réfléchir à une démarche de réponse appropriée. En variant les contextes et en en introduisant de nouveaux, nous soutenons également l’approfondissement des connaissances.



Adopter une démarche d’enseignement et de pratique au service du transfert


Le transfert est la dimension de l’apprentissage la plus difficile à enseigner et à faire apprendre aux élèves. Le transfert est la capacité à appliquer les principes et les connaissances acquises pour résoudre des problèmes inédits ou pour s’attaquer à des tâches nouvelles et peu familières.

En réalité, le transfert est extrêmement difficile à réaliser. C’est pourquoi on tend à viser le quasi-transfert en mobilisant des tâches voisines de celles utilisées lors de l’enseignement.

La principale difficulté du transfert est que pour y appliquer ce qu’il a appris dans d’autres contextes, l’élève doit à la fois :
  • Avoir des connaissances dans le domaine de la tâche considérée
  • Être capable de raisonner à un niveau abstrait.
Pour un transfert réussi, les élèves doivent avoir compris et être capables d’extraire les principes abstraits des tâches précédemment résolues et de les appliquer à de nouvelles tâches dont les caractéristiques superficielles se chevauchent généralement peu. Les élèves sont confrontés à des tâches qui semblent différentes de prime abord, mais nécessitent des principes similaires pour les résoudre.



Effacement de la concrétude et variété des exemples et contre-exemples dans le modelage en enseignement explicite


L’usage d’exemples concrets dans le cadre du modelage en enseignement explicite constitue une stratégie qui s’est avérée efficace pour favoriser la compréhension de concept abstrait et leur transfert dans la diversité des contextes où ils sont pertinents. Cependant, ce résultat est conditionné à une utilisation correcte et adéquate. Il s’agit de bien les sélectionner.

L’idée de base des exemples et des contre-exemples est de fournir aux élèves une large panoplie de contextes concrets différents. Nous voulons qu’ils puissent saisir le sens des idées et des principes abstraits sous-jacents de même que leurs domaines d’utilisation.

La raison fondamentale est que les êtres humains sont plus aptes à comprendre et à travailler avec des informations concrètes qu’avec des informations abstraites. Ainsi, une forme d’étayage classique pour soutenir la compréhension consiste à proposer de nombreux exemples concrets au début de l’explication de principes plus complexes et abstraits. 

Mais cet avantage a une limite. C’est le risque de rester bloqué à un stade initial de mise à disposition d’exemples concrets, de ne pas percevoir le domaine d’application et les principes abstraits sous-jacents. 

S’en tenir uniquement à des exemples pleinement concrets et similaires peut conduire à des connaissances inflexibles. Les élèves se contentent de mémoriser les exemples concrets sans saisir le concept ou le principe abstrait sous-jacent, ce qui rend le transfert impossible.

Dès lors, l’aspect crucial des exemples concrets consiste, non seulement dans leur variété, mais surtout essentiellement, également, à s’éloigner lentement des représentations concrètes pour aller vers des représentations plus abstraites de la tâche. Ce processus s’appelle l’effacement de la concrétude.

L’effacement de la concrétude est un processus intégré dans l’enseignement qui aide les élèves à passer d’un apprentissage initial à une maitrise des concepts abstraits. Nous pouvons le modéliser en trois étapes : 
  1. Fournir des exemples concrets et travailler avec des représentations concrètes
  2. Remplacer les composants par des représentations abstraites
  3. Mobiliser la représentation abstraite.
L’idée est donc que les élèves ont besoin de représentations à la fois concrètes et abstraites pour parvenir à la maitrise et, à leur tour, être en mesure de transférer les principes à de nouvelles tâches. 

Dès lors dans la sélection des exemples (et contre-exemples) deux dimensions indépendantes sont à envisager et à soutenir par un étayage qui sera progressivement retiré :
  • Explorer la variété du contexte d’application du principe sous-jacent introduite pour le mettre en évidence. 
  • Rendre les exemples mobilisés de plus en plus abstraits et de moins en moins concrets pour aider les élèves à en saisir le sens profond.
L’idée est qu’un apprenant doit non seulement comprendre finement et de manière abstraite un concept abstrait, mais également avoir une connaissance concrète de l’étendue de son domaine d’application.



L’effacement de la concrétude dans l’enseignement des mathématiques et des sciences


L’étude de Fyfe, McNeil et Borjas (2015) explore l’effet de la stratégie dite de l’effacement de la concrétude. Celle-ci consiste à présenter les concepts mathématiques en passant progressivement de représentations concrètes (objets, images) à des représentations plus abstraites (symboles, équations). 


Résultats de Fyfe, McNeil et Borjas (2015)


Les auteurs s’appuient sur un corpus expérimental impliquant des enfants de deuxième et troisième année du primaire visant à leur apprendre à résoudre des problèmes d’équivalence en mathématiques (par exemple, 3 + 4 + 5 = 3 + _ ?) : 
Ils ont comparé trois types d’approche pédagogique :
  • La condition concrète : 
    • Des objets réels (marionnettes et balances) ont été utilisés pour enseigner les problèmes d’équivalence mathématique. 
    • L’enseignant ne s’est pas éloigné de ces exemples concrets lorsqu’il a expliqué les problèmes mathématiques.
  • La condition abstraite :
    • Aucun exemple concret n’a été utilisé et les élèves n’ont appris que des problèmes d’équivalence mathématique.
  • La condition d’effacement de la concrétude : 
    • L’enseignant a commencé par utiliser des objets concrets (marionnettes et balances). 
    • Ensuite, il est passé à une version papier qui augmentait le degré d’abstraction de la représentation, tout en continuant à utiliser les objets précédents (par exemple, l’image d’une balance et de marionnettes).
    • Il a terminé par une représentation numérique (chiffres uniquement : « 4 + 3 = 4 +_ »). 
Tous les problèmes d’équivalence utilisés pendant la phase d’instruction étaient relativement faciles par rapport à ceux que les élèves devaient résoudre pendant la phase de test de transfert. 

Les résultats obtenus se sont révélés clairement en faveur de l’utilisation de l’effacement de la concrétude. En moyenne, les élèves ont résolu plus de problèmes de transfert correctement lorsqu’ils ont été instruits en utilisant l’effacement de la concrétude que dans les deux autres conditions. 

Les performances les plus médiocres ont été enregistrées dans la condition concrète. Cela démontre que l’utilisation intensive d’objets et d’exemples concrets sans abstraction peut être préjudiciable à la résolution de problèmes de transfert à l’avenir.

Dans l’ensemble, les élèves ont besoin des deux types de représentations, concrètes et abstraites, pour atteindre la maitrise et démontrer le transfert. 

L’atténuation du caractère concret est un processus qui combine systématiquement ces représentations en évitant la surcharge cognitive. L’atténuation du caractère concret est le point clé de la stratégie liée aux exemples concrets. Cette progression graduée permet de soutenir à la fois l’ancrage initial de la compréhension par des supports tangibles et le développement de la flexibilité cognitive nécessaire pour manipuler des symboles abstraits.

Si les élèves ne dépassent pas les exemples concrets, ils ne seront jamais en mesure d’effectuer le moindre transfert. Cela revient à mémoriser des exemples. L’accès aux principes sous-jacents (abstraits) et à leur compréhension est essentiel.


Des recherches ultérieures sur l'effacement de la concrétude


L’effacement de la concrétude ne se limite pas aux mathématiques. Jaakkola et Veermans (2018) l’ont exploré dans le cadre d’un cours de sciences au primaire (127 élèves de 9 à 12 ans) sur l’électricité. Ils ont montré qu’il conduit à un meilleur apprentissage et transfert par rapport au fait de garder la dimension concrète de manière continue. Cet avantage avait tendance à s’accentuer avec l’âge des élèves.

Ottmar et Landy (2016) l’ont exploré dans le cadre de l’algèbre avec l’utilisation de supports dynamiques (symboles mobiles) pour indiquer des opérations (ex. regrouper 2x + 3x en x(2+3)). La condition d’effacement de la concrétude (dynamique au début → image statique ensuite) obtenait des performances nettement supérieures dès le deuxième jour de l’intervention. Le support perceptif moteur sur les symboles facilite leur appropriation, et le retrait progressif (effacement) renforce l’apprentissage.

Kokkonen, Lichtenberger et Schalk (2022) se sont penchés sur l’induction électromagnétique au lycée et ont mis en évidence des conditions limites. Dans ces cas, ils n’ont remarqué aucune différence entre l’effacement de la concrétude et son maintien. Il semble que pour certains contenus scientifiques complexes, d’autres modes de séquençage (comme une présentation simultanée) peuvent être aussi efficaces. Lichtenberger, Kokkonen & Schalk (2024) ont poursuivi avec la loi de Faraday également au lycée pour aboutir aux mêmes conclusions. Le séquençage optimal peut dépendre du contexte disciplinaire. La comparaison directe et constante concret/abstrait pourrait être aussi bénéfique que l’effacement de la concrétude face à de tels sujets complexes.

Kim (2020) a étudié l’effacement de la concrétude dans le cadre d’une intervention en mathématiques secondaires en Corée dans le cadre de géométrie (périmètre, aire). Ils ont observé une amélioration significative de la compréhension conceptuelle. L’effacement de la concrétude aide les élèves à connecter intuitivement les images et les abstractions.

Wang, Song et Zhang (2025) ont examiné le rôle de la gestualité dans le processus d’effacement de la concrétude. Ils ont découvert que les gestes des élèves servent de pont entre les représentations physiques et les symboles abstraits, facilitant la création d’un terrain d’entente et la navigation à travers les différentes étapes de l’apprentissage. Cela met en évidence la nature multimodale de l’apprentissage mathématique et suggère que le mouvement physique et le geste sont des composantes importantes de la transition vers l’abstraction. L’intégration de la gestualité dans les activités d’apprentissage pourrait aider à consolider la transition entre le concret et l’abstrait.



Mettre en œuvre l’effacement de la concrétude


L’usage exclusif de représentations concrètes peut parfois limiter la généralisation des apprentissages, car les enfants risquent de rester dépendants des objets spécifiques (McNeil & Fyfe, 2012).

Le recours direct à l’abstraction peut être trop exigeant pour certains élèves, en particulier les plus jeunes ou ceux en difficulté (Kaminski, Sloutsky, & Heckler, 2008). 

En articulant ces deux approches (Fyfe, et coll., 2015), l’effacement de la concrétude apparaît comme une solution équilibrée, permettant un transfert plus robuste des compétences mathématiques.

Les enseignants devraient privilégier une démarche progressive, en introduisant d’abord des représentations concrètes avant de guider les élèves vers des représentations symboliques plus générales. Cette transition pourrait favoriser non seulement la compréhension conceptuelle, mais aussi la capacité des élèves à appliquer leurs connaissances à des contextes nouveaux.  

La mobilisation de l’effacement de la concrétude implique également une réflexion sur l’intégration des dimensions visuelles et mobiles, ainsi que de celle du geste. 

Selon Li, Gao & Li (2024), des outils numériques pourraient être conçus pour faciliter l’effacement de la concrétude de manière dynamique, en permettant aux élèves de manipuler des représentations virtuelles avant de passer à des symboles.

Les enseignants sont confrontés à une tâche assez difficile, à savoir trouver de bons exemples concrets et des exemples de transition afin de faire fonctionner l’effacement de la concrétude. Travailler avec des collègues de la même matière peut être une première étape utile pour trouver des moyens de faire fonctionner l’effacement de la concrétude pour une matière spécifique. 

L’effacement du caractère concret peut se faire de différentes manières. L’idée principale est de fournir d’abord des exemples concrets, puis de remplacer des éléments concrets par des informations plus abstraites et, enfin, de passer complètement à la compréhension des principes abstraits.

Selon Kokkonen, Schalk et Järvenoja (2022), les bénéfices observés dépendent fortement de facteurs contextuels tels que :
  • Le niveau de guidage de l’enseignant : sans accompagnement explicite, les élèves peuvent se concentrer sur des caractéristiques superficielles des objets concrets plutôt que sur les principes abstraits sous-jacents.
  • Le profil de l’apprenant : les élèves plus jeunes ou avec moins d’expérience scolaire peuvent profiter des manipulatifs comme support initial. Cependant, cela peut aussi alourdir la charge cognitive si le lien avec les concepts abstraits n’est pas construit.
  • La nature de la tâche : certaines tâches bénéficient davantage d’un passage progressif du concret vers l’abstrait, plutôt que d’un travail exclusivement concret ou abstrait.
Les éléments concrets soutiennent la compréhension si les élèves sont guidés à en abstraire les régularités, mais ils risquent de les enfermer dans des aspects perceptifs sans permettre le transfert. Les représentations concrètes doivent être intégrées dans des progressions didactiques réfléchies, incluant souvent un passage vers des représentations plus abstraites.

Il s’agit de :
  • Combiner concret et abstraction de manière progressive
  • Guider explicitement le lien entre les représentations
  • Éviter une surenchère de détails perceptifs non pertinents.
L’idée de démarrer par des exemples concrets n’est pas absolue. Dans certains cas, les exemples concrets sont plus complexes que l’abstraction et identifier l’abstraction d’emblée peut permettre d’orienter l’apprentissage pour accéder progressivement à plus de profondeur. C’est une approche que développe Stellan Ohlsson (Deep learning, 2011).

Dans le cadre de la théorie de la charge cognitive, l’accent est mis sur l’effet du problème résolu avec une gestion de la complexité progressive qui tient compte de la charge cognitive. 

Des problèmes initiaux simples prototypiques d’un type particulier sont donnés afin que les élèves se familiarisent avec son fonctionnement. Ensuite, les problèmes varient progressivement. L’accès à l’abstraction se fait en parallèle avec la variation et la complexification des tâches. 



Mis à jour le 06/09/2025

Bibliographie


Pritesh Raichura, Procedural & Declarative Knowledge: My #CogSciSci Talk, 2018
https://bunsenblue.wordpress.com/2018/05/31/procedural-declarative-knowledge-my-cogscisci-talk/

Achieve Transfer https://www.learningscientists.org/blog/2018/2/1-1

Reif, F., (2008) Applying cognitive science to education: thinking and learning in scientific and other complex domains. MIT press. 

Fyfe, E. R., McNeil, N. M., & Borjas, S. (2015). Benefits of "concreteness fading" for children's mathematics understanding. Learning and Instruction, 35, 104-120.

Kuepper-Tetzel, Carolina (online) Learning Scientists – Concreteness Fading: A Method to 

Blake Harvard, A more concrete classroom, https://theeffortfuleducator.com/2018/01/01/a-more-concrete-classroom/

Fyfe, E. R., McNeil, N. M., & Borjas, S. (2015). Benefits of “concreteness fading” for children’s mathematics understanding. Learning and Instruction, 35, 104–120. https://doi.org/10.1016/j.learninstruc.2014.10.004

Jaakkola, T., & Veermans, K. (2018). Exploring the effects of concreteness fading across grades in elementary school science education. Instructional Science, 46(2), 185–207. https://doi.org/10.1007/s11251-017-9428-y

Kaminski, J. A., Sloutsky, V. M., & Heckler, A. F. (2008). The advantage of abstract examples in learning math. Science, 320(5875), 454–455. https://doi.org/10.1126/science.1154659

Kim, H.-J. (2020). Concreteness fading strategy: A promising and sustainable instructional model in mathematics classrooms. Sustainability, 12(6), Article 2211. https://doi.org/10.3390/su12062211

Kokkonen, M., Schalk, L., & Järvenoja, H. (2022). Do concrete representations always promote learning? A review of studies on the use of concrete manipulatives in mathematics. Educational Psychology Review, 34, 141-163.

Kokkonen, T., Lichtenberger, A., & Schalk, L. (2022). Concreteness fading in learning secondary school physics concepts. Learning and Instruction, 77, Article 101524. https://doi.org/10.1016/j.learninstruc.2021.101524

Lichtenberger, A., Kokkonen, T., & Schalk, L. (2024). Learning with multiple external representations in physics: Concreteness fading versus simultaneous presentation. Journal of Research in Science Teaching. https://doi.org/10.1002/tea.21947

Li, Y., Gao, N., & Li, Q. (2024). From tiles to worksheet: Exploring concreteness fading in learning vector addition. Education Sciences, 14(7), 730.

McNeil, N. M., & Fyfe, E. R. (2012). “Concreteness fading” promotes transfer of mathematical knowledge. Learning and Instruction, 22(6), 440–448. https://doi.org/10.1016/j.learninstruc.2012.05.001

Ottmar, E., & Landy, D. (2016). Concreteness fading of algebraic instruction: Effects on learning. Journal of the Learning Sciences, 26(1), 51–78. https://doi.org/10.1080/10508406.2016.1250212

Wang, Y., Song, Q., Zhang, Y., & Li, C. (2025). Learning vector addition using concreteness fading: The role of gesture production. Learning and Instruction.

0 comments:

Enregistrer un commentaire