jeudi 11 juillet 2024

Comment la pratique de récupération améliore de nouveaux apprentissages en classe

L’effet test et son application pratique qu’est la pratique de récupération s’accompagnent de deux autres effets moins déterminants, mais notamment intéressants. D’un côté, nous avons l’effet de prétest et de l’autre l’effet de potentialisation du test qui nous intéresse ici. 

(Photographie : Megan Gorham)


L’effet de potentialisation du test


L’effet de potentialisation du test signifie que la récupération d’informations déjà apprises peut nous aider à en apprendre de nouvelles connaissances par la suite. Différentes études ont apporté des preuves à ce sujet (Cho, Neely, Crocco, & Vitrano, 2017 ; Pierce & Hawthorne, 2016 ; Szpunar, McDermott, & Roediger, 2008). 
 
Dans une revue des études sur l’apprentissage potentialisé par la récupération, Chan, Meissner et Davis (2018) explorent quatre perspectives théoriques sur la façon dont la récupération améliore le nouvel apprentissage : 
  • Les théories des ressources
  • Les théories métacognitives
  • Les théories du contexte
  • Les théories de l’intégration. 
Il s’avère que les théories de l’intégration et les théories des ressources ont reçu un soutien considérable de la part de la recherche. À l’opposé, les théories métacognitives et les théories du contexte ont reçu un soutien beaucoup plus limité.



Les théories des ressources pour l’effet de potentialisation du test


Selon cette perspective, le test potentialise l’apprentissage futur en augmentant les ressources cognitives disponibles pour l’encodage de nouvelles informations. 

Différentes explications sont avancées : 
  • Le test initial réduirait les interférences proactives provenant de l’apprentissage initial.
  • Le test initial augmenterait les ressources attentionnelles et réduirait le vagabondage de l’esprit.
  • Le test modifierait qualitativement le type de pensées auxquelles les apprenants se livrent en le centrant sur les nouveaux contenus. 
En résumé, le fait d’interpoler des moments de test lors d’un exposé peut aider les apprenants à maintenir leur attention et leurs ressources cognitives sur le contenu du cours, ce qui améliore l’apprentissage. 

La pratique de récupération permet de mettre de côté les connaissances déjà apprises et de se concentrer sur les nouvelles connaissances à apprendre.

Imaginons que nous avons à apprendre deux listes de mots de deux manières différentes :
  • Nous apprenons les deux listes de mots d’une traite, puis nous sommes testés sur ces listes.
  • Nous apprenons la première liste, puis nous sommes testés sur elle. Ensuite, nous apprenons la seconde liste et sommes testés sur elle.
Dans l’ensemble, les théories des ressources ont été largement étayées par les données de la recherche même si elles n’expliquent pas tous les cas où l’on constate un apprentissage potentialisé par la récupération.


L’impact bénéfique sur l’attention des tests intermédiaires


Imaginons que nous avons deux listes de mots à apprendre. La recherche montre que nous nous souviendrons davantage des mots de la seconde liste de mots si nous avons été testés précédemment sur la première liste. 

Selon les théories des ressources, cela se produit parce que nous ne sommes plus encore en train de penser à cette première liste.

Une difficulté fréquemment signalée par les étudiants est de maintenir leur attention sur des cours en ligne pendant de longues périodes. 

Des recherches sur le vagabondage de l’esprit (Spuznar et coll., 2013) ont constaté que des tests effectués entre les cours vidéo réduisaient ou modifiaient le vagabondage de l’esprit lors des cours suivants.

Le simple fait d’interpoler les cours en ligne avec des tests de mémoire peut aider les étudiants à maintenir leur attention sur le contenu des cours. Ce procédé découragerait les activités de vagabondage de l’esprit non pertinentes pour la tâche. Il encouragerait les activités de prise de notes pertinentes pour la tâche, et améliorerait l’apprentissage.

Des tests fréquents ont de même été associés à une réduction de l’anxiété à l’égard d’un test final cumulatif et à une réduction des estimations subjectives de la demande cognitive. 

Jing et ses collaborateurs (2016) se sont intéressés à l’interpolation d’un cours magistral par des tests de mémoire (groupe testé), par rapport à l’étude du cours magistral pendant la même durée (groupe restudy). Ils ont montré que cette interpolation améliore l’apprentissage global et stimule l’intégration des informations connexes apprises à la fois dans les segments individuels du cours magistral et dans l’ensemble du cours magistral. Les taux d’errance mentale ne diffèrent pas entre le groupe testé et le groupe d’étude. Cependant, l’errance mentale a été plus préjudiciable à la performance du test final dans le groupe d’étude que dans le groupe testé.

Dans le cadre de l’errance mentale, le groupe testé a rapporté plus de pensées liées au cours, le groupe restudy a rapporté plus de pensées non liées au cours. De plus, les pensées liées au cours étaient positivement liées à la performance au test final, alors que les pensées non liées au cours étaient négativement liées à la performance au test final. 

L’interpolation de temps de pratique de récupération dans un processus d’enseignement est bénéfique, car ils peuvent accroître l’attention ultérieure portée aux contenus enseignés. 



Les théories métacognitives pour l’effet de potentialisation du test


Selon cette perspective, les tests préalables améliorent l’apprentissage ultérieur parce qu’ils permettent aux apprenants d’optimiser leurs stratégies d’encodage. 

Cet élément est favorisé par la connaissance métacognitive que l’on acquiert en ayant tenté de récupérer un contenu d’apprentissage initial.

Par exemple, le fait de passer un test formatif peut attirer l’attention des sujets sur le type d’informations nécessaires à la réussite d’une évaluation ultérieure. Cela permet aux sujets de mieux adapter leur encodage au cours des essais ultérieurs pour répondre à ces exigences de récupération.

Les tests peuvent également potentialiser les nouveaux apprentissages en améliorant la conscience métacognitive des sujets quant à leur incapacité ou leur capacité à apprendre des contenus donnés. En effet, sans récupération manifeste, les apprenants sont souvent trop confiants.

Un test initial peut servir d’épreuve de réalité pour des apprenants. Ils peuvent être surpris par leur sous-performance. Il peuvent alors déployer plus d’efforts au cours de l’apprentissage ultérieur (Cho et coll., 2017 ; H. S. Lee & Ahn, 2017).

Les tests peuvent également accroître les efforts déployés par les participants lors des essais d’apprentissage ultérieurs en modifiant leurs attentes liées à l’apprentissage.

Par exemple, après un premier test, les participants peuvent consacrer plus de temps ou d’efforts d’étude aux éléments qu’ils perçoivent comme plus difficiles ou plus importants à apprendre. Alternativement, ils peuvent utiliser des stratégies d’apprentissage qualitativement différentes.

La plus grande faiblesse de cette approche réside dans son incapacité à expliquer pourquoi un test qui n’est pas censé améliorer les connaissances métacognitives des apprenants peut tout de même potentialiser un nouvel apprentissage.

Les théories métacognitives, de manière quelque peu surprenante sont peu soutenues par les données disponibles sur l’effet de potentialisation du test.



Les théories contextuelles pour l’effet de potentialisation du test


Selon cette perspective, le test interpolé a pour effet d’isoler l’épisode d’apprentissage original du nouvel épisode d’apprentissage. 

Les individus sont mieux à même d’apprendre de nouvelles informations parce que les anciennes ont été associées à un autre contexte. 

Un test améliorerait le nouvel apprentissage en isolant l’épisode d’apprentissage original du nouvel épisode d’apprentissage. Cela renforce la capacité des apprenants à restreindre leur récupération à des ensembles de mémoire spécifiques. 

L’idée centrale est que les gens encodent le contenu d’informations données avec le contexte d’étude. Lorsque l’on doit récupérer ces informations plus tard, les informations contextuelles accessibles à l’apprenant peuvent influencer la probabilité de récupérer l’information cible.

Le changement de contexte induit par un test précédant un nouvel apprentissage provoquerait un changement de contexte interne, qui sert à séparer les épisodes d’apprentissage avant et après la récupération. 

Les apprenants sont alors mieux équipés pour récupérer les nouvelles informations d’apprentissage en limitant leur ensemble de recherche pendant le test. 

Ces théories, bien que confirmées par les recherches sur l’entremêlement, ne rendent pas compte de l’effet de potentialisation de test.

Les théories contextuelles ont été peu soutenues par les données disponibles

 

Les théories de l’intégration pour l’effet de potentialisation du test


Selon cette perspective, la récupération peut être bénéfique à un nouvel apprentissage parce qu’elle contribue à améliorer l’accessibilité des anciennes informations, ce qui facilite l’intégration des nouvelles informations.

Ces théories s’apparentent au concept d’amorçage, selon lequel les idées similaires à celles présentées précédemment sont reconnues plus rapidement.
 
Les théories de l’intégration sont fortement soutenues par les données disponibles, même si elles ne rendent pas compte de toutes les données sur l’effet de potentialisation du test.



Implications pour l’enseignement liées à l’effet de potentialisation du test


La récupération de contenus en mémoire avant une tâche d’encodage peut potentialiser un nouvel apprentissage. C’est l’effet de potentialisation de test.

Cette technique, qu’elle soit mise en œuvre sous la forme d’un test interpolé ou d’un prétest, a été proposée comme méthode pour optimiser l’apprentissage en classe. Elle est particulièrement utile dans les situations qui exigent des apprenants qu’ils maintiennent leur attention pendant une période prolongée.

Il existe des preuves solides, que non seulement la pratique de la récupération améliore la mémoire des informations récupérées, mais qu’elle facilite également l’apprentissage de nouvelles informations. Le test potentialise de manière fiable l’apprentissage futur de nouveaux matériaux en augmentant le rappel correct ou en réduisant les intrusions erronées.

Nous disposons de preuves solides que la pratique de la récupération peut être bénéfique pour les nouveaux apprentissages en libérant des ressources cognitives et en améliorant l’intégration des nouveaux apprentissages. Cependant, nous devons prendre en compte que le fait de tester les élèves consomme également du temps qui n’est plus disponible pour l’enseignement des nouveaux contenus. Un équilibre doit être trouvé.

Les étudiants ont des difficultés à maintenir leur attention tout au long d’un cours. Ces pertes d’attention se manifestent souvent par un vagabondage de l’esprit, ce qui nuit à l’apprentissage (Smallwood & Schooler, 2015 ; Szpunar, 2017). 

La variable déterminante est le fait que ces tests améliorent l’attention et l’engagement des élèves dans la suite de l’enseignement. C’est leur raison d’être. L’effet de potentialisation de test doit être mobilisé dans cette perspective.  

La fréquence de l’errance mentale tend à augmenter pendant toute la durée d’un cours (Johnstone & Percival, 1976 ; Stuart & Rutherford, 1978). Cela suggère que les étudiants pourraient avoir des difficultés particulières à apprendre le matériel présenté dans les dernières parties d’un cours. 

Cette diminution de l’apprentissage liée au temps représente un défi majeur pour l’éducation. Les travaux récents sur le nouvel apprentissage potentialisé par les tests ont toutefois montré que l’insertion de brefs tests dans un cours peut servir d’antidote à ce problème. Cette démarche aide les étudiants à maintenir un niveau d’apprentissage constant tout au long du cours (Szpunar, Khan, & Schacter, 2013). 

Ces conclusions soutiennent l’importance d’une vérification de la compréhension fréquente en classe et impliquant tous les élèves, telle que mise en avant dans un cadre d’enseignement explicite.


Mis à jour le 02/08/2024

Bibliographie


Althea Need Kaminske, How Does Retrieval Improve New Learning?, 2024, https://www.learningscientists.org/blog/2024/3/7/how-does-retrieval-improve-new-learning

Chan, J. C. K., Meissner, C. A., & Davis, S. D. (2018). Retrieval potentiates new learning: A theoretical and meta-analytic review. Psychological Bulletin, 144(11), 1111–1146. https://doi.org/10.1037/bul0000166 

Cho, K. W., Neely, J. H., Crocco, S., & Vitrano, D. (2017). Testing Enhances Both Encoding and Retrieval for Both Tested and Untested Items. The Quarterly Journal of Experimental Psychology, 70, 1211–1235
Jing, H. G., Szpunar, K. K., & Schacter, D. L. (2016). Interpolated testing influences focused attention and improves integration of information during a video-recorded lecture. Journal of Experimental Psychology: Applied, in press, 1–47. 

Johnstone, A. H., & Percival, F. (1976). Attention Breaks in Lectures. Education in Chemistry, 13, 49–50. 

Lee, H. S., & Ahn, D. (2017). Testing Prepares Students to Learn Better: The Forward Effect of Testing in Category Learning. Journal of Educational Psychology. doi:10.1037/edu0000211 

Pierce, B. H., & Hawthorne, M. J. (2016). Does the testing effect depend on presentation modality? Journal of Applied Research in Memory and Cognition, 5, 52–58. 

Smallwood, J., & Schooler, J. W. (2015). The science of mind wandering: empirically navigating the stream of consciousness. Annual Review of Psychology, 66, 487–518. 

Stuart, J., & Rutherford, R. J. D. (1978). Medical student concentration during lectures. Lancet, 312, 514–516. 

Szpunar, K. (2017). Directing the Wandering Mind. Current Directions in Psychological Science, 26, 40–44. 

Szpunar, K. K., Khan, N. Y., & Schacter, D. L. (2013). Interpolated memory tests reduce mind wandering and improve learning of online lectures. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 110, 6313–6317. 

Szpunar, K. K., McDermott, K. B., & Roediger, H. L. (2007). Expectation of a final cumulative test enhances long-term retention. Memory & Cognition, 35, 1007–1013. 

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