mercredi 31 juillet 2024

Autonomie des enseignants et cohérence dans la gestion du comportement en école

L’autonomie et la liberté pédagogique des enseignants ne peuvent s’envisager sans la prise en compte d’une nécessaire cohérence collective à l’échelle d’un établissement.

(Photographie : Simond Mikaeldsen)




Autonomie et concertation des enseignants dans le contexte du comportement en école


Supposons qu’un enseignant dispose d’une autonomie et d’une liberté pédagogique totale au sein de sa propre classe. 

L’enseignant développerait ses propres règles, attentes et routines. Il déciderait de ses propres méthodes d’enseignement. Ses cours pourraient être complètement différents de ceux des autres enseignants qui délivrent les mêmes à d’autres classes.

Cela pose de toute évidence un problème de cohérence et de justice à l’échelle de l’école. Deux aspects de l’autonomie de l’enseignant sont indissociables de la notion de cohérence. Il s’agit du jugement professionnel et de l’évaluation.

Premièrement, la nécessité de cohérence à l’échelle d’un établissement ne signifie pas que l’enseignant n’utilise jamais son jugement professionnel. En réalité, l’interprétation du comportement est toujours subjective, de sorte qu’il y aura toujours une part de décision autonome de la part de l’enseignant. 

Deuxièmement, il est essentiel que les enseignants évaluent régulièrement l’impact de la politique de comportement qu’on leur demande de mettre en œuvre. Si une approche préconisée ne fonctionne pas, des décisions doivent être prises à court terme pour s’adapter lors d’une intervention en cours, ou à moyen terme si un changement de processus semble nécessaire. 

Lorsqu’une évaluation semble nécessiter un changement, elle demande une concertation et l’établissement d’un consensus pour discuter de l’efficacité d’une règle ou d’une approche particulière. Il est important de réfléchir et d’échanger sur les changements à apporter face à une difficulté pour y remédier. 

Une démarche de concertation et de consensus permet de respecter l’autonomie de chacun et une cohérence finale dans une prise de décision que tout le monde mettre en œuvre.

Cette façon démocratique de modifier la politique de comportement alliant consensus et rapidité peut être supérieure à des décisions imposées et non discutées. Elle est également plus valable que le fait de laisser libre cours à des incohérences dans les démarches suivies par différents enseignants. 



Risques d’une autonomie individuelle des enseignants dans le contexte du comportement


L’alternative d’une autonomie concertée consiste à laisser aux enseignants une largesse d’interprétation de règles générales indicatives.

Dans un sens, c’est positif pour un enseignant qui peut alors prendre de bonnes décisions en lien avec la manière dont il souhaite enseigner à ses élèves. Dans ces conditions, il peut plus facilement s’épanouir. 

Le point faible de ce principe du côté de l’enseignement est qu’il suppose que tous les enseignants sont des experts, c’est-à-dire qu’ils sont expérimentés et efficaces :
  1. La compétence qui consiste à être un bon enseignant se développe avec l’expérience, de sorte que l’autonomie complète pourrait ne pas convenir aux enseignants inexpérimentés.
  2. L’efficacité des méthodes d’enseignement varie, de sorte qu’un enseignant qui prendrait une série de mauvaises décisions pédagogiques ne s’épanouirait pas nécessairement. De plus, ses élèves pourraient en être victimes.
Le point faible de ce principe du côté de l’apprentissage des élèves est que les bons comportements sont des habitudes et les habitudes requièrent de la constance :
  1. Dans une école où les enseignants ont chacun leur propre ensemble de règles, d’attentes et de routines, les attentes varient. Le silence dans une classe peut être synonyme de silence. Dans une autre, il peut s’agir de chuchoter à voix basse avec ses voisins. 
  2. Dans une école où les enseignants ont chacun leur propre ensemble de règles, d’attentes et de routines, les sanctions varient. Dans une classe, des attentes élevées pour tous pourraient se traduire par une retenue pour deux perturbations. Dans la classe voisine, les retenues pourraient être données à la quatrième perturbation. Dans la classe d’en face, les retenues peuvent ne pas être données du tout. 
L’autonomie entraîne nécessairement des incohérences entre les classes et empêche les élèves de prendre de bonnes habitudes générales. N’ayant pas de modèle défini, ils sont amenés à tester les limites partout.



L’importance des normes communes pour les attentes en classe


Les bonnes habitudes sont cultivées par la cohérence. Pour que l’apprentissage soit efficace et que les élèves soient en sécurité, chaque élève doit se comporter conformément à une norme définie, objective et commune. 

Pour atteindre cette norme, les élèves doivent recevoir un retour d’information régulier et cohérent lorsqu’ils réussissent ou ne réussissent pas à respecter cette norme. De cette manière, les élèves finissent par savoir exactement ce que l’on attend d’eux. 

Chaque enseignant doit être clair sur son adoption des attentes communes à l’échelle de l’école. Dans ce contexte, chaque membre du personnel peut offrir aux élèves le même retour d’information pour atteindre la même norme. 

Au niveau de l’école, il est important que les enseignants travaillent avec cohésion et cohérence, ensemble afin de créer les conditions permettant aux élèves de développer de bonnes habitudes. L’autonomie individuelle des enseignants gagne à s’adapter à des normes communes établies au départ sur base d’un consensus. 

Dans le cas contraire, si dans une école, chaque enseignant est libre de fixer ses propres attentes, les élèves se comporteront différemment d’un cours à l’autre. Concrètement, cela signifie que les élèves apprendront mieux dans certaines classes que dans d’autres. Cette situation est loin d’être idéale.

Les enseignants efficaces disposeront d’un cadre de travail idéal. Les enseignants inefficaces rencontreront des difficultés avec l’apprentissage de leurs élèves au moins dans certaines classes. Les enseignants débutants fonctionneront par essais et erreurs.  

Un meilleur système est celui où les débutants et les enseignants chevronnés, peu importe leur niveau d’expertise, peuvent être sûrs que les élèves se comporteront bien pendant les cours et tireront le meilleur parti de chaque minute.

Il y a par conséquent un avantage à disposer d’un système de comportement efficace et bien établi que les enseignants suivent systématiquement. Dans ce système, les renforcements, la rétroaction et les interventions se manifestent pour les mêmes raisons, quelle que soit la classe et quel que soit l’enseignant. 

Cette cohérence n’empêche pas que les enseignants aient leur propre personnalité et leur propre caractère. De même, chaque classe et chaque élève sont différents. Pour y fonctionner pleinement, les enseignants ont besoin de faire preuve de sensibilité et de tact pédagogique. Chaque relation est unique. 

Ce mélange d’application cohérente de la politique de comportement, accompagné d’une coloration propre à chaque enseignant, crée une culture fertile. Elle permet aux élèves d’acquérir des habitudes qui maximisent leurs apprentissages. Ils apprécient mieux leurs cours, en se sentant à leur place.

En appliquant avec cohérence un système de gestion du comportement de manière cohérente, l’enseignant continue à faire usage de son jugement professionnel. Il continue à s’employer à développer de bonnes relations avec ses élèves en lien avec sa personnalité. L’enseignant continue à se montrer vigilant et à évaluer le comportement de ses élèves. L’interprétation du comportement est toujours subjective, de sorte qu’il y aura toujours une part de décision de la part de l’enseignant.



L’autonomie des enseignants dans leur matière


Tous les enseignants d’une même matière ont des objectifs similaires pour leurs élèves. En dehors de cela, les groupes d’élèves ont leurs spécificités. La question est de savoir quel degré d’autonomie les enseignants devraient avoir en matière de pédagogie, de programme et d’enseignement.

L’objectif est de fournir un enseignement excellent et de soutenir l’apprentissage des élèves. C’est un défi qui nécessite un développement de compétences et demande un investissement conséquent en temps et en expertise. Pour cette raison, une démarche de travail en communautés d’apprentissage professionnelles semble judicieuse. Elle permet de diminuer la charge de travail de chaque enseignant et d’augmenter la qualité globale de l’enseignement délivré. 

Le développement de ressources centralisées ne doit pas ressembler à une collection disparate d’outils, d’activités, de supports et de notes de cours. 

Une planification des contenus bien conçue suit une logique et une structure décompose l’enseignement d’une discipline en ses éléments constitutifs et les ordonne en tenant compte de l’alignement curriculaire.

Le seul moyen pour un enseignant d’atteindre un haut niveau de qualité dans son enseignement est de le planifier en équipe. L’atout principal d’une planification bien conçue est sa flexibilité et son adaptabilité au contexte de l’enseignant et de ses élèves. Le produit final permet de dispenser des leçons bien meilleures que si chaque enseignant les avait préparées individuellement. L’enseignement est véritablement adaptatif. La feuille de route que constitue une planification commune des contenus permet aux enseignants de se concentrer sur les différences qui conviennent aux classes spécifiques. Rien n’empêche non plus de tester des activités extérieures ou d’injecter de nouvelles ressources centralisées.

Pour qu’une telle démarche soit réalisée de manière centralisée, l’équipe qui y travaille doit se mettre d’accord sur la manière de procéder. Les valeurs et missions de l’école doivent être au cœur de toutes les décisions. Les valeurs influencent la sélection et l’exclusion du contenu, de même que la manière dont les contenus d’apprentissage doivent être dispensés.


Mis à jour le 12/08/2024

Bibliographie


Pritesh Raichura, Teacher Autonomy: Part I — Behaviour, 2018, https://bunsenblue.wordpress.com/2018/11/24/teacher-autonomy-part-i-behaviour/

Pritesh Raichura, Teacher Autonomy: Part II — Curriculum & Teaching, 2018, https://bunsenblue.wordpress.com/2018/12/08/teacher-autonomy-part-ii-curriculum-teaching/#comment-487

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