mercredi 22 mai 2024

Planifier à l’échelle d’une heure de cours

Dans le cadre d’un enseignement explicite, les contenus d’une unité de cours se conçoivent à l’échelle de cette unité, mais également s’adaptent dans un second temps au fractionnement du temps disponible.

(Photographie : lakonie-normal)




Objectifs d’une planification à l’échelle d’une heure de cours


Pour planifier efficacement à l’échelle d’une heure de cours, nous devons pouvoir déterminer ce que nous voulons que nos élèves sachent ou soient capables de faire à la fin de celui-ci.

Nous devons être bien clairs, sur ce qui est essentiel et sur les connaissances préalables liées à cette progression attendue. 

Le partage d’objectifs d’apprentissage précis doit permettre d’orienter l’attention des élèves. Nous devons partager les attendus et montrer ce qu’est la réussite. Cela nous permet de vérifier ensuite si les élèves y parviennent et de leur offrir un retour d’information utile. Par ce biais, nous soutenons également la responsabilisation des élèves face à leurs apprentissages.

La segmentation doit favoriser la charge cognitive intrinsèque et minimiser la charge cognitive extrinsèque. Elle doit centrer sur l’apprentissage, le simplifier tout en soutenant son intégration et non pas le morceler ou sembler arbitraire.

Les activités proposées doivent faire réfléchir et progresser les élèves sans provoquer de surcharge cognitive.



Éviter d’égarer les élèves sur de fausses pistes lors de l’enseignement 


Varier les tâches pour maintenir l’intérêt des élèves risque d’ajouter de la complexité dans leur appréhension des contenus à apprendre. Cela en ajoute, mais également par le fait que cela demande un temps d’explication et de familiarisation supplémentaire. 

De plus, les élèves se retrouvent engagés parfois dans la tâche plus que dans le contenu d’apprentissage envisagé. La clé est que c’est le contenu que nous avons besoin de faire apprécier et apprendre par les élèves. Nous ne devons pas les cacher sous le masque distractif d’activités attrayantes. 

Rendre les tâches attrayantes en les contextualisant constitue surtout une distraction inutile. Elle peut amener les élèves à focaliser leur attention sur des éléments en périphérie des contenus à apprendre, en mobilisant des ressources qui ne sont dès lors plus disponibles. 

Si les souvenirs des élèves sont liés aux éléments périphériques et contextuels des tâches d’apprentissage, mais non à ce qui est spécifiquement visé, des opportunités sont perdues et les connaissances obtenues deviennent plus superficielles.

Chaque planification de cours doit être pensée en fonction de ce à quoi il est utile que l’élève réfléchisse. Dès lors, les cours concentrent la réflexion des élèves sur la signification des idées les plus importantes. Nous devons concentrer la réflexion des élèves sur des tâches pertinentes qui correspondent directement aux objectifs d’apprentissage ciblés.



Se concentrer sur l’enseignement d’un objectif d’apprentissage à la fois


À l’échelle d’une heure de cours, il convient de sélectionner un objectif d’apprentissage et de se concentrer sur l’enseignement de la matière qui y correspond. Cet objectif doit être étroitement ciblé.

Lorsque la pratique délibérée se concentre sur des objectifs bien définis et spécifiques, elle peut améliorer un aspect de la performance cible. Elle ne vise pas une vague amélioration globale (Ericsson et Pool, 2016).

Si nous poursuivons plusieurs objectifs à la fois, nous courrons le risque de placer les élèves dans une situation multitâche. Cela mène inévitablement à une perte de ressources, à la nécessité de temps d’enseignement et d’apprentissages plus longs et à de moins bonnes performances.

La démarche implique de planifier la charge cognitive à laquelle les élèves seront confrontés et d’être réactif face à leurs besoins.

Partager des modèles de tâches à double contenu, comme le faire de réaliser une production tout en développant une compétence spécifique en parallèle, est régulièrement peu efficace. Il est plus utile d’enseigner la manière de réaliser une production et de développer une compétence spécifique séparément. Faire les deux à la fois peut même nuire à l’apprentissage (Renkl, Hilbert et Schworm, 2009).



Se concentrer sur l’enseignement de la matière 


Des compétences telles que la créativité, la collaboration et l’esprit critique dépendent de la connaissance de contenus spécifiques dans les domaines où elles s’exercent par les élèves. De même, leur motivation et leur sentiment d’efficacité peuvent également dépendre du succès dans l’apprentissage des connaissances spécifiques. 

Par conséquent, en cas de manque de motivation et de sentiment d’efficacité personnelle des élèves, il est plus utile de mettre l’accent sur l’apprentissage. Il est moins efficace de tenter de remédier indépendamment à la motivation des élèves par des activités motivantes. 

La recherche montre que les tentatives d’amélioration visant directement la motivation ont peu de chances d’atteindre cet objectif. Même si elles y parviennent, l’impact sur l’apprentissage ultérieur est proche de zéro (Gorard, See & Davies, 2012). 

En réalité, le manque de motivation des élèves en difficulté est une réponse logique à des échecs répétés. Si l’on commence à les faire réussir, leur motivation et leur confiance devraient augmenter (Coe et coll., 2014).

L’auto-efficacité est spécifique à un domaine et son principal facteur est l’expérience de la maîtrise dans le domaine, le deuxième étant le fait de voir les autres réussir (Bandura, 1982). 



Prendre en compte la charge cognitive 


La théorie de la charge cognitive se concentre sur l’apprentissage en tant que création de schémas : des structures organisées de connaissances dans la mémoire à long terme. 

Les idées atteignent la mémoire à long terme après avoir été traitées dans la mémoire de travail, qui représente ce dont nous sommes conscients à un moment donné. La mémoire de travail ne peut faire face qu’à une charge cognitive limitée. Les individus ne peuvent retenir qu’une poignée de faits isolés (quelques chiffres, par exemple) ou traiter deux ou trois idées (Sweller, van Merriënboer et Paas, 1998 ; Cowan, 1999). Par conséquent, la charge imposée à la mémoire de travail — ce à quoi les élèves pensent — est cruciale pour l’apprentissage. 



L’effet de non-spécification du but


Il existe de nombreuses preuves que les stratégies de résolution de problèmes qui demandent à des élèves d’apprendre à résoudre des problèmes en résolvant des problèmes sont relativement inefficaces pour l’acquisition des schémas caractéristiques des experts. 

Dans cette dimension, la stratégie de la finalité (analyse moyens-fin) impose une lourde charge à la capacité de traitement cognitif. Cette charge retarde l’acquisition des connaissances.

L’analyse moyens-fin est une méthode d’analyse qui consiste, pour un problème donné, à déterminer la situation initiale et le but à atteindre, à chercher à transformer, avec les moyens dont on dispose, la situation initiale en une situation finale ou en une situation intermédiaire qui rapproche du but.

Owen et Sweller (1985) ont réalisé des expériences avec des élèves de 14 à 16 ans. Les élèves ont été séparés en deux groupes. Chacun des groupes a abordé les mêmes problèmes de trigonométrie avec des objectifs différents : 
  • Les étudiants du groupe A avaient un objectif spécifique. Ils devaient trouver la longueur d’un côté particulier. 
  • Les étudiants du groupe B n’avaient pas d’objectif spécifique (trouver la longueur de toutes les lignes possibles). 
L’hypothèse était que le développement de représentations cognitives adéquates des rapports sinus, cosinus et tangente se trouverait amélioré pour le groupe B, ce qui a été confirmé. 

Les résultats indiquent que le fait d’empêcher les novices de résoudre des problèmes en utilisant l’analyse moyens-fin est bénéfique. La démarche permet de réduire le nombre d’erreurs mathématiques à la fois pendant l’acquisition et dans les problèmes ultérieurs, y compris les problèmes de transfert. 

Cela a permis d’étayer l’affirmation selon laquelle une stratégie moyens-fin sollicite fortement la capacité de traitement cognitif, ce qui retarde l’acquisition des connaissances. 

Les élèves du groupe B se souvenaient davantage des problèmes et apprenaient plus.

Bien que les élèves du groupe A ont reçu des instructions plus claires, ils ont supporté une charge cognitive plus importante. Ils devaient garder à l’esprit de nombreuses idées qui ne les aidaient pas à réfléchir à la trigonométrie elle-même. Ils pensaient à ce qu’ils essayaient de trouver, à ce qu’ils avaient déjà trouvé et à ce qu’ils devaient trouver ensuite. Ils étaient focalisés sur le fait de trouver la réponse demandée. La capacité de traitement cognitif nécessaire pour traiter cette information peut être d’une telle ampleur qu’elle laisse peu de place à l’acquisition d’un schéma, même si le problème est résolu.

Les élèves peuvent s’engager dans un processus de résolution de problèmes. Ils peuvent réfléchir à des tâches qui contribuent à leur mémoire à long terme. Cependant, si la tâche est d’un niveau de difficulté élevé pour eux, il est probable qu’ils se trouveront en situation de surcharge cognitive. Leur mémoire de travail ne sera pas suffisante à la fois pour résoudre le problème et pour mettre en évidence et se rappeler les idées clés de la tâche. 



La notion de charge cognitive


Le concept de charge cognitive a évolué au fil du temps depuis son introduction dans le cadre de la théorie de la charge cognitive (Sweller, van Merriënboer et Paas, 1998). Il s’est affiné en fonction du modèle de la mémoire de travail mobilisé en référence.

Si au départ trois types additionnels de charge cognitive étaient considérés, actuellement on en conserve deux (intrinsèque et extrinsèque). L’idée d’une charge cognitive essentielle est plutôt remplacée par l’idée que la mémoire de travail a la double fonction de stocker des informations nouvelles et d’en assurer le traitement. Si trop de ressources sont consacrées au stockage de nouvelles informations (charge cognitive intrinsèque et extrinsèque), le traitement de cette information devient plus difficile, voire impossible. On parle alors de surcharge cognitive.

La question de la charge cognitive intrinsèque devient centrale dans le cadre de l’apprentissage de contenus complexes. 

Des éléments de connaissance isolés peuvent être appris aisément et ne représentent jamais qu’une faible charge cognitive intrinsèque. La saturation ne peut venir que par leur accumulation. Des traductions de mots isolés d’une langue étrangère vers la langue maternelle sont dans cette situation, de même que les correspondances entre le nom et le symbole d’un élément en chimie. 

Certains apprentissages ont une charge cognitive intrinsèque élevée lorsqu’il s’agit de comprendre l’interaction entre les différents éléments. Par exemple, les élèves doivent réfléchir à la relation entre chaque mot d’une phrase pour s’assurer qu’elle est grammaticalement correcte. Pour expliquer une réaction chimique, les relations entre les différents produits et réactifs doivent être prises en compte. 

Toutefois, la question de savoir si l’apprentissage comporte une charge cognitive intrinsèque élevée ne dépend pas uniquement des contenus considérés. Elle est pour une grande part dépendante des connaissances existantes de l’apprenant. Un expert dans un domaine ne ressentira qu’une charge cognitive faible face à des contenus qui poseront un problème de surcharge cognitive à un novice. 

Toutefois, il est possible de décomposer les contenus à forte charge cognitive intrinsèque de manière à les rendre gérables par un novice (van Merriënboer et Sweller, 2005).



Limiter la charge cognitive extrinsèque


Dans une perspective d’enseignement explicite pour des novices, il est nécessaire de limiter la charge cognitive extrinsèque. Elle comprend des éléments d’information qui occupent la mémoire de travail, mais ne contribuent pas directement à la formation de connaissances en mémoire à long terme. 

Des sources de charge intrinsèque sont :
  • Des informations redondantes qui se répètent ou n’offrent aucune valeur ajoutée.
  • Le partage d’informations entre deux supports différents qui impose d’être traités simultanément. C’est par exemple le fait qu’une représentation graphique et sa légende sont séparées au lieu d’être intégrées.
  • L’effet d’inversion de l’expertise : l’étayage qui aide les novices dans une matière, comme les problèmes résolus, peut gêner les apprenants une fois que la maîtrise est bien développée.
Éviter la redondance, intégrer l’information, utiliser l’effet de modalité et retirer l’étayage au fur et à mesure de l’apprentissage sont différentes manières de diminuer la charge cognitive extrinsèque. 

En limitant la charge cognitive extrinsèque, on laisse plus de place à la charge cognitive intrinsèque qui concerne les informations utiles à l’apprentissage.



Optimiser la charge cognitive intrinsèque


Pour optimiser la charge cognitive intrinsèque, un enseignant se concentre sur un seul objectif d’apprentissage à la fois et segmente les éléments pertinents pour éviter toute surcharge cognitive. Ce faisant, il soutient la compréhension et l’apprentissage de ses élèves. 

Il importe dès lors de répondre à deux questions : 
  • Qu’est-ce qui est essentiel à cet objectif d’apprentissage ?
  • Comment segmenter cet objectif d’apprentissage ?
L’enseignant s’assure qu’à chaque étape, les tâches données concentrent la réflexion et la construction de schémas des élèves sur l’objectif d’apprentissage en cours.

Cela impose à la fois un alignement curriculaire et une planification à rebours, à partir des objectifs vers la sélection de tâches d’apprentissage échelonnées et correspondantes.

À partir de l’objectif d’apprentissage, l’enseignant détermine les connaissances essentielles qu’un élève doit retenir et détermine les tâches d’apprentissage dans cet objectif.

Il introduit également des modèles qui rendent explicites les connaissances à acquérir et des occasions de pratique correspondantes avec un retour d’information associé.


Mis à jour le 10/07/2024

Bibliographie


Harry Fletcher-Wood, Responsive Teaching, Routledge, 2018

Ericsson, A. and Pool, R. (2016). Peak: Secrets from the new science of expertise. London : Bodley Head.

Renkl, A., Hilbert, T. and Schworm, S. (2009). Example-based learning in heuristic domains: A cognitive load theory account. Educational Psychology Review, 21(67), DOI: 10.1007/s10648-008-9093-4.

Gorard, S., See, B.H. and Davies, P. (2012) The Impact of Attitudes and Aspirations on Educational Attainment and Participation.
http://www.jrf.org.uk/sites/files/jrf/education-young-people-parents-full.pdf

Coe, R., Aloisi, C., Higgins, S. and Elliot Major, L. (2014). What makes great teaching? Review of the underpinning research. Sutton Trust.

Bandura, A. (1982). Self-efficacy mechanism in human agency. American Psychologist, 37(2), pp. 122–147. 

Sweller, J., van Merriënboer, J. J. and Paas, F. G. (1998). Cognitive architecture and instructional design. Educational Psychology Review, 10, pp. 251–296.

Cowan, N. (1999). An embedded-processes model of working memory. In Miyake, A. and Shah, P. (eds.), Models of working memory: Mechanisms of active maintenance and executive control. New York:  Cambridge University Press, pp. 62–101.

Owen, E., & Sweller, J. (1985). What do students learn while solving mathematics problems? Journal of Educational Psychology, 77(3), 272–284. https://doi.org/10.1037/0022-0663.77.3.272

van Merriënboer, J. and Sweller, J. (2005). Cognitive load theory and complex learning: Recent developments and future directions. Educational Psychology Review, 17(2), pp. 147–177

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