Comment aborder le cadre de gestion de classe en fonction des différents types d’élèves ? Quels sont les risques d’une absence de politique commune précise à l’échelle d’une école ?
(Photographie : Екатерина)
Diversité dans le comportement des élèves face à une consigne
Face à une même situation ou face au même défi, des individus réagissent souvent différemment. Une diversité de tempéraments et d’expériences existe comme autant d’éléments pour modifier un comportement.
Ainsi, transposé en classe, à la suite d’une consigne qu’un enseignant vient de donner, nous pouvons observer la diversité suivante :
- Certains élèves appliqueront la consigne dès que leur enseignant le leur demandera :
- Ils sont familiers avec le type de comportement demandé. Ils trouvent normal et utile de suivre les indications de l’enseignant. Dès lors, ils s’y engagent naturellement, sans arrière-pensée.
- L’enseignant n’a rien besoin de faire ou de leur dire au-delà du partage de consignes.
- Certains élèves ont déjà une bonne idée de ce qu’ils devraient faire. Ils n’ont juste pas trop envie de s’y mettre directement.
- Ils ont juste besoin d’un petit coup de pouce pour leur rappeler de s’y mettre, pour recentrer leurs priorités immédiates ou pour activer les comportements. Ils savent ce qu’il faut faire, mais ils ont des difficultés à s’y engager ou n’en voient pas complètement le sens à l’instant. Ils ont besoin d’une incitation de l’enseignant ou d’une rétroaction de sa part pour s’y mettre.
- L’enseignant a besoin d’être vigilant et d’agir préventivement.
- Certains élèves sont prêts à appliquer la consigne, mais ne la comprennent pas.
- Ils ont besoin d’explications détaillées, ce qui signifie qu’ils ont potentiellement besoin d’aide d’une manière ou d’une autre. Nous devons leur expliquer en détail la consigne. Ils ont besoin d’un modelage et d’une pratique guidée.
- Nous devons être vigilants, leur enseigner explicitement les éléments qui leur échappent et leur offrir une rétraction sur le début de leur mise en œuvre.
- Certains élèves peuvent avoir vraiment du mal à faire ce que nous souhaitons, même si nous le leur expliquons bien et qu’ils sont capables de le faire.
- Ils auront besoin d’une forme de retour d’information constant sur leur comportement, d’un accompagnement ou de conséquences pour les motiver encore plus explicitement. Ils sont dissipés et n’ont pas la motivation suffisante pour s’y mettre.
- Les interventions en gestion de classe face à des perturbations mineures correspondent à ces situations qui devraient rapidement rentrer dans l’ordre.
- Certains élèves refuseront de faire ce que nous voulons qu’ils fassent.
- Cela peut rester vrai, quelles que soient les conséquences, la qualité de l’enseignement ou leur capacité à le faire.
- Le continuum d’interventions en gestion de classe est là pour répondre à ces attentes. À coup sûr, on touche là à des perturbations majeures ou à des situations qui peuvent mettre en danger la réussite de l’élève.
En toute logique, une majorité d’élèves se trouveront dans les catégories 1, 2 et 3. La catégorie 4 aura besoin de plus de soutien et la catégorie 5 risque parfois d’échapper aux compétences et aux capacités accessibles aux enseignants seuls. Elle peut nécessiter une exclusion du cours ou un accompagnement pour comprendre la nature des difficultés et y apporter une réponse.
Pour toutes les catégories cependant, un enseignement explicite des comportements sera utile, même s’il devra être adapté et renforcé pour certains élèves. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu’une seule approche simple fonctionne de la même manière pour tous les élèves. Tous les élèves ont besoin que nous leur précisions les comportements attendus et comment s’engager dans la réalisation d’une tâche liée à une consigne.
L’enseignant, adulte et professionnel responsable de sa classe
L’enseignant est un professionnel. Il est l’adulte responsable de la classe, ce qui lui donne certains pouvoirs et certains devoirs et le revêt d’une autorité légitime dans le cadre scolaire. Il doit accepter cet aspect de son rôle, sinon il se décrédibilisera constamment par ses indécisions et son incohérence.
Les enseignants doivent exercer leur responsabilité et la manifester régulièrement par la cohérence de leurs actions et leurs paroles. Si l’enseignant n’exerce pas sa responsabilité, il laisse alors ce pouvoir à certains élèves de sa classe. La place ne reste jamais vacante.
Cette posture n’est pas nécessairement agréable, mais elle est indispensable pour un bien commun. L’enseignant exerce un pouvoir d’autorité au service des élèves pour soutenir leurs apprentissages et favoriser un cadre coopératif. Pour y parvenir, il va tâcher d’influencer le comportement de ses élèves par diverses approches.
Nous ne pouvons contrôler personne d’autre que nous-mêmes. Ce serait de la coercition.
Nous pouvons cependant nous comporter d’une manière qui amènera les autres à se comporter de la manière que nous souhaitons. C’est l’exemplarité.
Nous pouvons tenter d’influencer les élèves pour qu’ils se comportent comme nous le souhaitons. Ils réagissent ensuite en fonction de leur caractère, de leurs expériences et des circonstances.
En matière d’influence, nous pouvons agir à trois niveaux :
- Par rappel, en rappelant les comportements attendus.
- Par formation, en enseignant le comportement, en offrant du renforcement positif, de la rétroaction, en faisant réfléchir les élèves ou en leur proposant des choix.
- Par contrainte en établissant des conséquences à leurs comportements perturbateurs.
Ces trois niveaux progressifs se retrouvent dans le continuum d’intervention typique en gestion de classe.
Le niveau du rappel dans l’influence du comportement
Au niveau de la suggestion, nous demandons simplement aux élèves de se comporter conformément aux attentes que nous leur rappelons.
L’enseignant énonce le comportement attendu à des élèves. Il est ensuite normalement adopté par ces derniers. L’une des meilleures façons d’orienter le comportement d’un élève est simplement de lui indiquer le comportement que nous souhaitons.
Une fois cela fait, nous attendons et nous observons comment l’élève réagit. S’il s’exécute, c’est qu’il est d’accord, qu’il connait le comportement attendu, qu’il était distrait ou qu’il avait simplement besoin d’une incitation pour commencer.
Par exemple, en classe, lorsqu’un élève chuchote, nous pouvons simplement mettre nos doigts devant nos lèvres. Bon nombre d’élèves comprendront et réagiront en se taisant. Ils savent déjà ce que cela signifie.
La suggestion est le moyen le plus léger et le moins intrusif pour modifier le comportement d’une personne. Elle exige de l’enseignant qu’il agisse de manière discrète et non invasive pour modifier le comportement de l’élève ciblé.
La démarche est simple si l’élève est d’accord de se comporter comme cela, et s’il était simplement inattentif. Le comportement peut correspondre à ses valeurs, à la culture et à ses attentes scolaires. Il voit l’avantage de s’aligner. Le comportement peut correspondre à habitude qu’il est facile d’enclencher pour un élève.
Pour influencer le comportement par la suggestion, cela implique que les élèves soient déjà prêts à se comporter comme nous le souhaitons. La suggestion consiste à leur faire prendre conscience du comportement à adopter.
En cela, certains élèves sont plus prêts que d’autres. Ils sont patients, calmes, engagés et suivent les instructions sensées de leur enseignant. Ces qualités ont été intégrées par leurs expériences scolaires antérieures ou leur culture familiale, etc. Ils arrivent à l’école déjà programmés pour réussir.
Si tous les élèves étaient ainsi, la gestion de classe serait un jeu d’enfant. Certaines classes dans certaines écoles sont ainsi. Ce cas de figure est très loin d’être généralisé.
Ainsi pour certains élèves, communiquer explicitement et clairement le comportement attendu en classe suffit pour qu’ils se comportent comme souhaité.
Cependant, cela ne sera pas suffisant pour d’autres élèves qui ne connaissent pas le comportement souhaité ou ne comprennent pas la culture ou le code scolaire. Nous ne pouvons jamais supposer qu’un élève sait comment se comporter tant que nous n’avons pas la preuve qu’il le peut.
Pour se prémunir de ce type de situation, le mieux à faire est d’enseigner explicitement le comportement attendu.
Le niveau de la formation dans l’influence du comportement
Pour certains élèves, il ne suffit pas de donner des consignes en matière de comportement attendu. Ils ont besoin d’être formés. Ils ont besoin d’être formés au code et aux attentes scolaires. Ils doivent apprendre l’avantage qu’ils retireront de concentrer leurs efforts sur une tâche pendant de longues périodes.
Cette attitude est compréhensible. Tous les élèves n’ont pas un état d’esprit scolaire et n’arrivent pas à l’école motivés par le travail scolaire. S’engager sérieusement dans des tâches scolaires peut être difficile et aversif.
Il est humain et naturel de souhaiter éviter les sensations désagréables lorsque nous le pouvons. Il est souvent plus tentant de faire autre chose que de suivre le cours, comme de discuter de sujets hautement plus sociaux avec son voisin. Étudier, réfléchir sérieusement, se concentrer et persévérer dans des tâches difficiles ne sont pas des activités manifestement amusantes.
Nous devons essayer de faire comprendre aux élèves qu’il est plus avantageux pour eux de se mettre au travail, de faire des efforts et de persévérer. Ce sont des démarches qui leur permettront d’atteindre leurs objectifs scolaires.
Dès lors, nous devons les y former et leur faire percevoir les avantages. Nous voulons aider les élèves à voir la valeur intrinsèque ou extrinsèque de l’activité.
Différentes pistes existent pour former les élèves.
L’approche la plus évidente est d’enseigner aux élèves des routines de classe. Dès lors, les élèves travaillent sur les tâches naturellement et rapidement. Ils respectent les consignes, car ils ont l’habitude de le faire et cela ne leur demande plus d’efforts.
Plus largement, l’enseignant peut mettre l’accent sur une pédagogie efficace comme l’enseignement explicite. Lorsque les élèves sont engagés dans des tâches d’apprentissage qui sont à leur niveau, ils deviennent plus enclins à essayer. Lorsqu’ils commencent à établir des liens entre les sujets, les idées et les compétences, ils commencent à se sentir compétents et à accepter plus facilement de faire des efforts. Leur sentiment d’efficacité personnelle s’améliore.
Une autre piste de persuasion est l’usage d’une rétroaction positive spécifique. Les élèves ont souvent besoin d’entendre qu’ils sont sur la bonne voie, qu’ils progressent et qu’en se comportant de telle ou telle manière, ils s’approcheront mieux des résultats qu’ils souhaitent.
L’adhésion a des valeurs peut également fonctionner. Certains individus sont motivés par l’adhésion à des valeurs et des positions éthiques. Nous pouvons leur expliquer pourquoi un tel comportement est la bonne chose à faire sur le plan moral. S’ils admettent que le comportement que nous souhaitons les voir adopter est moralement juste et qu’il correspond à la culture de l’école à laquelle ils se sentent appartenir, alors ils seront incités à l’adopter.
En ce qui concerne le continuum des interventions, lorsque le rappel et la suggestion d’adopter le comportement attendu ne fonctionnent pas, il reste l’option de la persuasion sous forme d’un choix. Soit l’élève adopte le comportement attendu, soit il recevra les conséquences de sa non-conformité.
Le niveau de la sanction dans l’influence du comportement
Après le rappel des attentes et la formation des élèves aux attentes, certains élèves ont besoin de mesures plus dissuasives pour bien se comporter.
Parfois, en classe, pour que le cours puisse se donner correctement, pour qu’ils puissent apprendre, les élèves doivent tout simplement bien se comporter, qu’ils le veuillent ou non.
Enfreindre les règles établies au niveau du comportement entraîne des conséquences.
Certaines règles sont absolument impératives (pas de violence), d’autres sont importantes (pas de bavardages ou d’interventions intempestives) et d’autres encore sont souhaitables (ne pas courir dans les couloirs ou se déplacer dans la classe). Parfois, certaines règles peuvent leur sembler arbitraires, mais si elles existent, elles ont leur raison d’être et elles doivent être respectées.
Lorsque les élèves ne peuvent pas être persuadés d’adopter le bon comportement, tout système, s’il veut survivre, doit se réserver le droit d’établir des conséquences. En l’absence de conséquences, il est plus probable que les élèves finissent par ignorer les règles, en particulier celles qui leur semblent arbitraires ou sans importance.
La contrainte devient nécessaire lorsque la suggestion et la persuasion n’ont pas fonctionné. De nombreuses personnes acceptent des règles et des routines parce qu’elles apprécient leurs résultats, d’autres les adoptent pour éviter les conséquences.
Une des missions de l’enseignant est de faire respecter les règles de l’école et d’assurer en classe un environnement propice à l’enseignement et à l’apprentissage de chacun.
Les règles constituent pour l’enseignant une boussole morale. Il doit en reconnaître la valeur et l’importance de la conformité. Ce qui peut paraitre facultatif, à certains moments, pour un enseignent, ne sera jamais universellement adopté par des élèves et contribuera à saper le cadre. La contrainte, la cohérence et la cohésion sont des outils nécessaires pour assurer la conformité aux règles.
L’enjeu d’une bonne gestion du comportement à l’échelle de l’école
La charge de travail est l’un des plus grands défis professionnels pour un enseignant. Beaucoup d’enseignants ont l’impression qu’ils n’ont pas assez de temps pour faire tout ce qui serait nécessaire. Le danger est que cela conduit à négliger ou à ignorer certaines dimensions du travail de l’enseignant. Cela peut conduire également à différentes formes d’épuisement ou de désengagement professionnel.
Il est essentiel de se rendre compte que l’on ne peut pas tout faire de manière optimale et qu’il faut se donner des priorités.
Une bonne gestion du comportement est une des priorités. Elle nécessite une préparation préalable et une prévention durant le cours, de même qu’une capacité à intervenir lorsque cela est nécessaire et à en assurer le suivi après le cours.
Une bonne gestion du comportement est facilitée par une organisation efficace à l’échelle de l’école. Mais cela devient impossible si la charge de travail de l’enseignant absorbe le temps dont il a besoin pour accomplir ces tâches vitales.
La charge de travail soumise à l’enseignant, la désorganisation et le manque de cohérence à l’échelle de l’école peuvent devenir rapidement des ennemis de la gestion du comportement.
Les nouveaux enseignants, incapables d’évaluer le niveau correct d’effort ou de rendement, essaieront souvent de répondre à toutes les demandes qui leur sont faites et qu’ils s’ajoutent eux-mêmes.
Dans ce contexte, des élèves ont des punitions ou des retenues pour lesquelles le suivi n’est pas assuré et qui ne se font parfois pas. Les élèves perturbateurs ne sont pas convoqués par les responsables de la gestion du comportement. Les parents ne sont pas avertis et rencontrés. Des rapports de comportements ne sont pas générés. Des contrats de comportement ne sont pas mis en place dans les temps.
Dans ce contexte, l’enseignant risque de commencer à se fier uniquement à sa capacité à maintenir un bon comportement en autarcie, tel qu’il se produit pendant le cours. Il ne compte plus sur un suivi extérieur ou un soutien en dehors. Il ne peut plus compter que sur lui-même pour une gestion efficace du comportement. La mission sera impossible pour nombre d’enseignants. Plus particulièrement, les nouveaux enseignants risquent d’être les premières victimes pour leur gestion de classe.
Gérer le temps de travail de l’enseignant
Lorsque la charge de travail est trop élevée face à un système désorganisé, beaucoup d’actions ne sont pas faites correctement, des éléments sont oubliés et d’autres sont expédiés. De mauvaises habitudes s’installent, des incohérences sont courantes et les normes deviennent galvaudées.
Souvent, les seules dimensions qu’un enseignant peut contrôler sont celles sur lesquelles il a un pouvoir d’action. Pour gérer leurs priorités et leurs contraintes dans leur temps de travail, il existe certaines tactiques que les enseignants peuvent mobiliser :
- Faire une liste de tâches :
- En matière d’organisation et de planification, la liste de tâches est le point de départ idéal.
- La liste de tâches évite le risque d’oubli et le fait de se laisser submerger par la quantité de tâches à accomplir dans le domaine de l’éducation, au cours d’une journée ou d’une semaine normale.
- Créer une liste, s’en servir et la mettre à jour permet de limiter la charge mentale créée par le besoin de tout garder en tête en son absence.
- Établir des priorités :
- Certaines tâches sont indispensables ou obligatoires, d’autres sont optionnelles ou facultatives. Tout n’est pas à faire et tout ne peut pas être fait.
- Il est utile de classer les tâches en fonction de leurs priorités :
- Les tâches qui doivent être faites dans le temps imparti.
- Les tâches qu’il serait utile de faire si c’est possible.
- Les tâches qu’il n’est pas utile de faire à moins que vous ne vous sentiez à l’aise pour en faire plus.
- Planifier les tâches :
- Il s’agit de fixer des plages horaires et des échéances pour les tâches qui doivent être faites.
- Certaines tâches nécessiteront une seule période continue et d’autres devront être échelonnées. Le processus permet d’objectiver et de gérer le stress et la procrastination.
- Savoir qu’une tâche sera accomplie et que parfois elle peut l’être assez simplement bien avant son échéance peut être un soulagement. La seule implication est de respecter le programme.
- Réguler la planification à rebours :
- Nous partons des échéances pour déterminer rétrospectivement ce qui doit être fait maintenant. :
- Il importe de gérer la charge de travail et d’ajuster au fur et à mesure la planification si nécessaire, dans un sens comme dans l’autre.
- Apprendre à négocier et à dire non :
- S’il s’avère que certaines échéances sont impossibles, il faut revoir les délais.
- S’il n’y a pas moyen de tenir les délais de manière réaliste, il faut négocier des assouplissements en argumentant.
- Les responsables sont beaucoup plus enclins à écouter une personne qui gère son emploi du temps de manière proactive qu’une personne qui ne parvient jamais à le faire.
- Il est également bon de pouvoir faire usage d’un oui conditionnel. Nous ne pouvons pas tout faire.
- Il faut parfois pouvoir dire simplement non lorsque nous ne pourrons pas faire notre travail correctement.
Mis à jour le 15/06/2024
Bibliographie
Tom Bennett, The Running the Room companion, John Catt, 2021
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