Passer des intentions à la concrétisation dans l’établissement d’un cadre efficace en gestion de classe est une entreprise méthodique.
(Photographie : Laurie Lambrecht)
La dissonance cognitive liée aux attentes élevées
Avoir des attentes élevées à l’égard de tous les élèves, c’est montrer que l’on s’intéresse à eux et que l’on croit en eux. Derrière ce sentiment se manifeste une exigence de cohérence dans l’attente de l’expression des mêmes comportements de la part de tous.
Trouver un enseignant qui n’affirme pas avoir des attentes élevées à l’égard de ses élèves n’est pas aisé. Les attentes élevées sont un truisme dans les missions et la culture que se définissent les écoles. Elles semblent aller de soi. Si des enseignants l’admettent, c’est en dernier recours, car la situation, le contexte et des circonstances externes font que tous leurs efforts patinent.
Il reste toutefois une zone grise. Si on n’y regarde de plus près, tous les enseignants dans toutes les écoles n’expriment pas toujours des attentes élevées. À ce sujet, une dissonance cognitive existe. Compte tenu des missions de l’enseignement, il n’est pas naturel ou facilement acceptable d’admettre que pour un enseignant ou une école que les attentes mises en œuvre ne sont pas toujours objectivement élevées.
Il y a un décalage :
- Entre les données objectives et les perceptions subjectives
- Entre les croyances et les valeurs, et de l’autre les actions et la réalité du contexte.
Certaines écoles ou certains enseignants peuvent prétendre avoir des normes élevées, mais leurs actions peuvent ne pas dépasser le niveau de la déclaration sur papier et vérifier le contraire.
L’établissement d’attentes élevées est un processus complexe, itératif et de longue haleine qui demande des efforts de conceptions, des ressources, de la formation et un processus de pilotage du moins à l’échelle d’une école.
L’importance de la cohérence dans l’établissement d’attentes élevées
Si nous voulons que nos élèves soient ponctuels, engagés et polis :
- Nous devons définir, exprimer et partager nos attentes.
- Nous devons les démontrer dans le cadre d’un enseignement explicite.
- Nous devons les renforcer et offrir de la rétroaction.
- Nous devons montrer que nous ne tolérerons rien de moins.
Nous devons être clairs sur le fait que nous prendrons des mesures lorsque nos élèves ne respecteront pas ces attentes élevées.
Nos attentes ne doivent pas être différentes pour les élèves qui ont une vie familiale difficile, qui sont nouveaux dans votre école ou qui ont été exclus d’une autre pour leur comportement. Il est possible de faire des concessions à court terme pour des événements inattendus, par exemple un deuil familial. Mais les concessions à long terme sapent nos attentes élevées et privent les élèves d’un apprentissage qui sera précieux dans leur vie future.
Une règle absolue est de ne jamais négocier au sujet des attentes élevées avec les élèves récalcitrants et chercher à leur faciliter la tâche. Cela envoie au reste de la classe le message que nous acceptons de leur part un engagement de qualité inférieure à condition qu’ils se tiennent tranquilles. Il est injuste de fermer les yeux lorsqu’un élève perturbateur conteste, tandis que d’autres élèves pourraient être sanctionnés pour des comportements similaires ou moins significatifs.
À l’opposé, l’une des meilleures rétroactions positives spécifiques que l’on puisse faire en retour à un élève est de lui dire que nous pensons qu’il peut arriver à remplir les attentes. Avec des attentes élevées, nous montrons aux élèves que nous nous soucions d’eux.
Le défi des attentes élevées pour un nouvel enseignant
Pour aider à définir et à mettre en œuvre des attentes élevées en tant que nouvel enseignant, les stratégies pratiques suivantes peuvent être utilisées :
- Observer d’autres enseignants de l’école pour mesurer le niveau de leurs attentes.
- Évaluer en rapport, si nos attentes sont d’un bon niveau, si elles ne sont ni trop faibles ni excessives.
- S’assurer de la clarté des attentes, en les alignant pleinement sur la politique de comportement, la vision et l’éthique de votre école décrite dans les documents de référence.
- Commencer par s’assurer de la pleine maitrise des attentes concernant les comportements fondamentaux :
- L’entrée et la sortie de la classe
- La manière d’écouter ses camarades, de poser des questions et d’y répondre
- La gestion des devoirs et travaux à faire à remettre et à distribuer.
- Être clair sur la communication des limites et les conséquences en cas de non-conformité.
- Être vigilant et cohérent :
- Contester tout comportement qui ne correspond pas aux attentes.
- Ne jamais dévaloriser les attentes lors d’un cours particulier.
- Appliquer le principe selon lequel, si les élèves choisissent de mal se comporter, ils en assument les conséquences.
- Au niveau des pratiques d’enseignement, une bonne manière d’intégrer des attentes élevées et d’utiliser des stratégies de vérification de la compréhension au niveau des attentes :
- Nous vérifions que les élèves ont compris nos instructions en leur demandant de formuler ce que nous leur avons demandé de faire.
- Cela aide à déterminer si les élèves ont choisi d’ignorer une instruction ou s’ils ne l’ont pas comprise.
- Il est conseillé de procéder de cette manière jusqu’à ce que les classes maitrisent nos routines ou lorsque nous devons revoir nos attentes, comme après une période de vacances.
L’importance de la conception et de l’établissement de routines
Qu’elles se manifestent au début d’un cours, à la fin de celui-ci ou de la transition entre deux activités, les routines créent des environnements d’apprentissage sûrs, bienveillants et productifs.
Si nous pouvons faire en sorte que tous les élèves écoutent quand les enseignants le souhaitent et que tous les élèves s’engagent naturellement dans les tâches demandées, nous avons pratiquement jeté les bases d’un enseignement de qualité.
Les routines aident les enseignants et les élèves à s’épanouir. Les routines permettent d’établir des relations positives, de maximiser les possibilités d’apprentissage et de réduire les comportements négatifs.
Les procédures deviennent des routines lorsqu’elles sont automatiques. Pour établir vos routines, nous devons les scénariser, les répéter et parfois les affiner. Les meilleurs enseignants fonctionnent à un niveau élevé d’automatisme.
Lorsque nous décidons de routines que nous souhaitons mettre en place au début et à la fin d’une leçon, nous devons les rédiger de manière simple, en allant droit au but. Une utilisation de moins de mots rendra chaque instruction plus mémorable et plus facile à maitriser. Pour cela, nous présentons d’emblée les informations essentielles, que nous accompagnons d’un langage non verbal. Un simple peut être une main levée pour indiquer une pause ou un décompte à partir de trois avec vos doigts lorsque nous avons besoin de l’attention de vos élèves.
Il est également utile de tester les routines avec un enseignant expérimenté dans ce type d’approche. Il est utile de lui demander un avis et d’affiner les routines si nécessaire. Le fait de répéter les routines aidera à les maitriser.
Nous devons les introduire soigneusement en classe et les enseigner explicitement en suivant un script que nous avons conçu. Au début, cela peut sembler étrange, mais il importe de persévérer pour que vos nouvelles procédures deviennent la norme.
Par la suite, il est essentiel de toujours respecter les routines de manière cohérente. Si nous ne les respectons pas, nous enverrons le message que nous ne pensons pas ce que nous disons et nous inciterons les élèves à la contestation.
Bien démarrer et terminer un cours
Bien démarrer un cours jette les bases d’un apprentissage efficace et d’un environnement où les élèves sont engagés, attentifs et coopératifs. Un bon démarrage installe un cours sur des rails.
La première question à se poser est de mener une réflexion pour savoir quand le cours commence :
- Les cours commencent-ils dès que les élèves arrivent à la porte de la classe ?
- Les cours commencent-ils une fois que les élèves sont tous dans la classe, assis et prêts à commencer la première activité ?
Il est suggéré que le cours commence lorsque les élèves arrivent à la porte de la salle de classe et sont accueillis par l’enseignant. Alternativement, si les élèves sont déjà en classe quand l’enseignant arrive, le cours commence dès que l’enseignant entre en classe et salue ses élèves.
Arriver à cette situation implique de concevoir et d’établir une routine efficace pour que lorsque les élèves ou l’enseignant entrent dans la classe, le cours commence.
Instaurer une routine qui permet un bon départ est également favorable au développement de relations positives entre l’enseignant et ses élèves, qui se renforcent mutuellement
Une bonne manière de faire est que les élèves entrent dans la classe calmement, se préparent à l’apprentissage et entreprennent leur quiz quotidien.
Lorsque nous établissons des routines de démarrage solides, nous n’aurons pas à passer autant de temps à les renforcer. Nous pourrons nous concentrer sur la prise de présences par exemple.
C’est de l’ordre de notre liberté pédagogique que de décider comment nous souhaitons rencontrer et accueillir nos élèves. Toutefois, certaines dimensions peuvent dépendre des attentes définies dans votre école.
L’accueil à l’entrée de la classe nous donne l’occasion d’apprendre à connaître nos élèves et d’établir des relations positives. Comme pour la vérification de la compréhension, cela nous permet d’apprendre le nom de vos élèves et d’en savoir un peu plus sur eux.
Un bon début de cours permet également de réduire le temps qui s’écoule entre l’arrivée des élèves dans la classe et le début du cours. Cela signifie que nous pouvons éviter les perturbations inutiles qui peuvent retarder le début de votre cours, réduisant ainsi l’effet potentiel qu’elles peuvent avoir sur le reste de la leçon. De cette manière, nous maximisons le temps disponible pour l’enseignement.
Un bon début permet de donner le ton de la leçon, de créer une dynamique et de développer des habitudes scolaires. Il existe différentes stratégies utiles :
- Accueillir les élèves à l’entrée
- Préparer de manière anticipative le début du cours et le matériel nécessaire
- Faire une précorrection en rappelant aux élèves nos attentes lorsqu’ils entrent dans la salle de classe.
Les routines de fin de cours permettent de conclure le cours de manière calme et organisée. Il importe de fixer les échéances à venir et de vérifier que les élèves comprennent ce que l’on attend d’eux. Il est utile d’établir des routines pour le rangement des affaires et le retour du matériel s’il y en a. Quelle que soit la forme que prennent ces routines, il faut les planifier en les répétant, en renforçant les élèves lorsqu’ils y parviennent ou en les redirigeant lorsqu’ils n’y parviennent pas.
Nous devons nous assurer que les élèves savent que la sonnerie est un signal pour tous et qu’elle n’indique pas qu’ils peuvent quitter la salle. Libérez quelques élèves à la fois, dans le calme et l’ordre. Si un élève sort de son propre chef ou range ses affaires de sa propre initiative, il est utile de le faire patienter, de s’assoir et de sortir en dernier de la classe.
Établir un plan de classe
Le positionnement des élèves peut favoriser un enseignement et un apprentissage efficaces. En général, les enseignants qui souhaitent maximiser le comportement, l’engagement et l’attention de leurs élèves dans la perspective d’un enseignement explicite devraient envisager de les placer en rangées plutôt qu’en îlots :
- Lorsque les élèves sont assis en rangs, ils prennent davantage l’habitude de se concentrer, car ils ne croisent pas le visage d’autres élèves dans leur champ de vision.
- L’enseignant peut être vu en train de regarder les élèves et faire preuve de vigilance. En retour, le placement en rangées augmente le comportement de travail.
- Pour l’enseignant, il est plus facile de repérer les élèves qui ne font pas leur travail parce qu’ils ne tournent pas le dos à l’enseignant.
- L’interaction avec les pairs est toujours possible : nous pouvons demander aux élèves de se tourner vers un partenaire situé à côté d’eux, devant ou derrière eux si nécessaire.
Planifier l’endroit où nous voulons que nos élèves s’assoient peut contribuer à établir des relations positives et à améliorer les résultats à long terme.
Les plans de classe sont un outil important pour la planification des cours, et les enseignants efficaces les utilisent de manière stratégique au service de l’apprentissage. Avant de faire le plan de classe, il est utile de s’informer sur les besoins spécifiques des élèves ou sur leurs caractéristiques auprès de collègues qui les ont déjà eus l’année précédente.
Si nous laissons les élèves s’asseoir où ils le souhaitent, cela aura très certainement en moyenne un impact négatif sur l’apprentissage. Lorsque nous préparons un plan de classe, nous montrons que nous contrôlons le cours, ce qui contribue à renforcer notre crédibilité. De plus, cela constitue un avantage important pour mémoriser plus rapidement les noms des élèves.
De même, en créant votre plan de classe, nous pouvons tenir compte des caractéristiques de notre classe et des besoins individuels. Cela signifie que nous pouvons planifier la manière dont nous réagirons aux interactions des élèves pendant le cours.
Il est utile de réserver des places au premier rang ou du second rang au centre pour ceux qui requièrent plus d’attention de notre part. Ce sont les élèves les plus vulnérables et nous leur réservons une place au premier rang.
Mis à jour le 16/06/2024
Bibliographie
David Goodwin and Michael Chiles, Year One Lighting the Path on Your First Year in Teaching, John Catt, 2022
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