samedi 27 avril 2024

La poursuite de la cohérence dans la gestion du comportement à l’échelle d’une école

Définir des normes et les mettre en œuvre de manière systémique est un enjeu de leadership scolaire à l’échelle d’un établissement en matière de pilotage de l’amélioration.

(Photographie : Mustafah Abdulaziz)







Le comportement comme priorité dans la gestion de l’école


Le comportement est souvent l’un des principaux facteurs d’amélioration de l’école. Il contribue à façonner la culture, le climat et l’éthique d’une école. 

Il influence fortement la façon dont l’école est perçue, considérée et, en fin de compte, jugée. 

Si le comportement est bien compris, partagé, institué, il constitue l’un des meilleurs atouts de l’école :
  • Les enseignants apprécieront de travailler dans l’école et de s’y investir.
  • Les parents voudront que leur enfant rejoigne l’école lorsque le bon comportement est enseigné, encouragé et renforcé, et lorsqu’il constitue une réalité vivante. 
  • Il contribue au bien-être des enseignants et des élèves et au climat scolaire dans son ensemble.
Il importe de se concentrer sur l’instauration d’un climat scolaire qui permette aux enseignants d’enseigner et aux élèves d’apprendre. Pour améliorer les résultats scolaires, c’est là que doit se situer la priorité. 

Les parents sont également très sensibles à ce qui se passe à l’école, aux comportements perturbateurs, aux règles de l’école et à la cohérence avec laquelle les normes sont ou ne sont pas appliquées.

Créer un climat propice à l’apprentissage c’est déjà viser à augmenter le temps d’enseignement en classe. Il faut s’assurer de donner aux élèves un environnement dans lequel ils peuvent apprendre sans interruption, en utilisant pleinement chaque seconde du temps limité dont ils disposent.



Privilégier la cohérence et la relation dans la gestion du comportement


La démarche peut être est entièrement nouvelle à l’intérieur d’une l’école. La création systémique d’un climat de comportement positif sur fond de pratiques communes et cohérentes peut aller à l’encontre d’us et coutumes au niveau de l’ensemble de l’école. Cela peut laisser parfois certains enseignants ou éducateurs perplexes.

Le sujet est potentiellement controversé, voire conflictuel, et il peut polariser en fonction des sensibilités. Il possède une dimension idéologique. Elle peut être associée à une dissension qui remonte aux clivages entre la tradition pédagogique et l’éducation nouvelle et se poursuit jusqu’aujourd’hui avec l’opposition entre le concept d’efficacité et celui d’innovation.

D’un côté, sont mises en avant l’importance des normes et des routines, et l’exemplarité. Une attention particulière est assurée aux démarches de prévention et à la cohérence dans le continuum des interventions.

De l’autre côté sont mises en avant la défense des élèves, l’émancipation, la compréhension, l’affectivité, l’autonomie ou l’écoute des besoins des élèves. 

Ces deux positions toutefois s’accordent sur l’importance des relations et de la cohérence. 

Être cohérent et privilégier la relation correspond au style de parentage démocratique qui se montre chaleureux et à l’écoute de son enfant, tout en lui offrant un bon encadrement. Il fixe des règles claires et cohérentes, appliquées avec constance. Ce style parental conjugue affection et encadrement.

Être cohérent et privilégier la relation dans le cadre d’un groupe d’élèves demande également la capacité d’être strict pour que les règles de comportement soient à la fois observées et respectées. 

Un membre du personnel en école peut choisir sélectivement d’ignorer certaines règles de l’école. Peut-être qu’il ne les aime pas. Peut-être qu’il n’est pas d’accord avec elles. Peut-être qu’il pense qu’il comprend la situation mieux que les autres. Dans tous les cas, en agissant de la sorte, il sape toute l’approche de l’école.

Potentiellement, il rend les choses plus difficiles pour ses collègues et sape leurs efforts. Il envoie comme message aux élèves que les règles de l’école peuvent être ignorées. Cette situation est dangereuse et peut conduire à l’émergence d’enseignants héros, de mentors, voire de gourous, qui s’en sortent mieux que les autres et donnent un faux sentiment de faisabilité dans la gestion de classe.



Mettre en œuvre un système cohérent et durable pour la gestion du comportement


L’enjeu est de créer une approche durable de la gestion du comportement dans laquelle le personnel peut s’épanouir, aimer ce qu’il fait et ne pas s’épuiser à la tâche. 

Un système de gestion du comportement doit permettre aux membres du personnel les plus inexpérimentés d’enseigner sans que ses leçons soient interrompues ou détournées de leur objectif principal.

L’école avec ses missions se conçoit comme un espace et une entité distincte à part entière avec des règles de fonctionnement propres et différents rôles et responsabilités au sein du personnel. 

L’école est définie par une culture qui représente une éthique, des valeurs, une vision et des missions. Il est important que l’ensemble du personnel et plus encore la direction se sentent en phase avec cette culture dans ses convictions propres, car c’est nécessaire pour pouvoir faire preuve de cohérence et défendre les décisions. 

L’alignement de notre mission professionnelle sur la culture de l’établissement est fondamental pour notre sentiment d’appartenance et notre épanouissement au sein de l’école dans laquelle nous travaillons.



Se noyer, nager ou surfer


Dans le cadre d’un poste de responsabilité au sein d’une école, ou dans le fait d’être un enseignant, une position privilégiée s’accompagne d’une grande responsabilité.

Un modèle souvent mobilisé est celui de la noyade, de la nage et du surf :
  • Nager, c’est se contenter de maintenir la tête hors de l’eau, ce qui est la sensation courante. 
  • Sombrer, c’est la sensation d’être sous la surface de l’eau, d’être dépassé, de ne pas pouvoir suivre et d’étouffer
  • Surfer, c’est le fait d’avoir le sentiment d’être au sommet de son art et que rien ne peut l’arrêter.
Il est naturel et bénéfique de faire l’expérience de chacun de ces états à un moment ou à un autre pour apprendre à s’adapter et à prendre du recul, pour finalement développer de l’expertise. 

Être en position de responsabilité correspond à une situation ou nous représentons l’ordre et endossons un rôle de référence à ce sujet. 

D’une certaine manière, nous devons inspirer l’ordre, ce qui implique une forme d’exemplarité, de modèle.

Dans cette position, il ne s’agit pas de tout faire, de tout gérer et de tout contrôler en permanence. Il s’agit de s’employer à faire ressortir le meilleur des autres et de les soutenir. En parallèle, cela implique de montrer l’exemple. Nous devons montrer que nous faisons ce que nous exigeons des autres par notre rôle. Servir de modèle, c’est également bâtir la relation, c’est mériter et conserver le respect. Il nous fait passer de la parole aux actes et être au service.

Notre comportement et notre adhésion à la culture de l’école sont un domaine clé dans lequel se construit une réputation. C’est là que se gagne ou se perd la confiance professionnelle que nous inspirons. Si nous sommes défaillants, nous perdrons l’adhésion des élèves ou du personnel.

L’enjeu est de créer un environnement d’apprentissage positif dans lequel les élèves peuvent apprendre et dans lequel les enseignants peuvent enseigner.

Dans cette perspective, les chefs d’établissement sont directement responsables des systèmes et des normes de comportement au sein de l’établissement. Les enseignants ont la responsabilité de leur application. 

Le chef d’établissement doit être le moteur de la conception, de l’élaboration et de la mise en œuvre du système comportemental et de l’approche comportementale de l’établissement. Le chef d’établissement doit participer à la formation du personnel et des élèves et partager la vision et l’approche du comportement avec toutes les autres parties prenantes. Tout chef d’établissement qui s’y soustrait manque à son devoir professionnel.

Les chefs d’établissement doivent être directement impliqués dans la création et la mise en œuvre de tout système de comportement au sein de l’école. Sans cela, ils ne s’approprient pas le processus ou en confient la conception à des membres du personnel moins expérimentés.



La dimension de l’éthique au niveau de la direction


Le projet d’établissement et les valeurs d’une école sont importants. Ce sont des documents clés auxquels nous devons toujours revenir. Mais il en va de même pour l’éthique de la direction.

Samuel Strickland (2022) résume la réflexion sur l’éthique de l’école en sept questions auxquelles une direction devrait prendre le temps de réfléchir :
  • Souhaitons-nous créer un environnement favorable à l’épanouissement de tous ? 
  • Souhaitons-nous que les élèves et le personnel coopèrent ?
  • Voulons-nous une culture scolaire fondée sur le respect mutuel ?
  • Voulons-nous une communauté scolaire (au sens large et au sens local) qui respecte l’école ?
  • Pensons-nous que les enseignants peuvent en être à perdre leurs moyens et à s’énerver sur les élèves ?
  • Croyons-nous qu’il faille préparer les élèves au monde des adultes en matière d’autonomie et de responsabilisation ?
  • Souhaitons-nous une culture du défi face aux projets et aux difficultés pour les résoudre ?
Pour chacun des points, si la réponse est positive, comment agissons-nous concrètement pour y parvenir ?

En définissant clairement une philosophie et des attentes à l’échelle d’une école, une direction peut mieux comprendre l’adéquation entre ses objectifs et ses actions. 

Une fois cette réflexion menée, il s’agit de prendre le temps de communiquer au sein de la communauté scolaire sur l’éthique, les valeurs et la culture de l’école. Nous devons définir précisément les comportements correspondants que nous voulons y observer.



Concevoir des routines à l’échelle de l’école


Les routines mises en place dans l’ensemble d’un établissement en disent long sur l’implication de la direction, sur l’établissement, sa culture et ses valeurs.

Elles traduisent l’importance et la nature des normes et des attentes dans l’établissement et le degré de cohérence et de cohésion du personnel. Elles reflètent également les priorités. 

Voici quelques questions qui se rapportent aux routines en école : 
  • Comment les élèves arrivent-ils dans l’école au début ou au milieu de la journée et comment se préparent-ils à entrer en classe ?
  • Comment les élèves se déplacent-ils d’un local à l’autre entre deux cours ?
  • Que font les élèves qui entrent dans un local et comment en sortent-ils ?
  • Quelles routines, liées à l’enseignement, sont adoptées par une majorité d’enseignants afin de maximiser le temps d’apprentissage ?
  • Quel est le comportement attendu des élèves dans les couloirs et autres lieux communs de l’école ?
  • Comment les élèves se comportent-ils quand la direction s’adresse à eux, en classe ou en assemblée ? 
  • Comment s’organise le temps du repas ?
  • Que font les élèves lorsqu’une heure de cours est annulée ou lorsqu’ils ont une heure de fourche sur la journée ?
Il est dangereux de supposer que les élèves et le personnel sauront simplement comment agir de la manière attendue avec cohérence, et que les élèves apprendront simplement à le faire sans qu’on le leur enseigne explicitement.



Cohérence dans l’application des normes


S’il importe de définir et expliciter les normes et les attentes que nous souhaitons voir faire partie de la culture de votre école, il est tout autant indispensable de s’assurer d’être cohérent dans leur application.

Une vigilance active s’impose et l’engagement dans des actions lorsque ces normes ne sont pas respectées, pour tout le personnel. 

Une norme établie peut ne pas être défendue par un adulte lorsqu’elle est enfreinte ou ignorée par un élève ou un groupe d’élèves. Dès lors, la déclaration leur est faite que ces règles n’ont pas d’importance pour lui. L’impact est d’autant plus élevé que le membre du personnel est censé montrer un comportement exemplaire.

En ce qui concerne les règles, les attentes, les valeurs et les normes d’une école, un principe doit être gardé en tête : nous permettons ce que nous encourageons et nous encourageons ce que nous permettons.

Un double élément clé est de ne jamais ignorer un comportement déclaré comme inacceptable et de renforcer les efforts faits pour l’adoption des comportements attendus.



L’importance de la communication dans l’établissement de normes


La conception et la mise en œuvre d’une norme à l’échelle d’un établissement sont deux démarches distinctes et d’une importance équivalente. Le succès dépend à la fois d’une bonne conception et d’une mise en œuvre de qualité.

Les deux démarches doivent être bien planifiées, bien réfléchies et bien communiquées. La précipitation est vouée à l’échec. 

En prenant des décisions et en opérant des changements qui portent sur les normes, nous devons accorder au personnel le respect professionnel du temps. 

Dans la majorité des cas, la prise de décision sur des changements au niveau des normes de comportements demande de longues réflexions. Celles-ci doivent être réparties dans le temps, passées à faire des recherches, à discuter, à envisager et à procéder à des ajustements sur les changements prévus. C’est un travail de longue haleine.

Si nous n’accordons pas le même temps de réflexion au personnel, ils n’auront pas la même possibilité d’envisager les choses de la même manière que vous. Il faut leur laisser l’espace pour affiner leur compréhension des normes attendues et les intégrer pleinement à leur propre système de pensée dans le cadre scolaire.

Lancer une mesure qui entrera rapidement en vigueur peut être une approche séduisante, mais il est peu probable qu’elle remporte l’adhésion et se traduise dans les faits. De plus, la démarche manque de transparence et d’ouverture et est ressentie comme une imposition contraignante et arbitraire.

Il est essentiel de fonder la norme attendue sur les valeurs et la culture de l’école et justifier pourquoi elle est importante et susceptible de générer un impact notable. Il est essentiel de communiquer sur la norme en relation avec la culture de l’école jusqu’à ce qu’elle devienne une norme collective.

La communication est un domaine que tous les membres du personnel aiment critiquer. Cependant, a contrario, une communication efficace engendre la confiance et un sentiment de sécurité.

En communiquant les changements dès le début, le personnel a le temps de réfléchir et de planifier la manière dont il mettra en œuvre le changement de manière prudente et mesurée. 

Si nous voulons que les comportements et la culture de l’école changent vraiment pour le mieux, vous avez besoin d’une communication claire et limpide. Supposer que les gens comprendront un changement et seront capables de le mettre en œuvre avec peu d’accompagnement et peu de formation est une erreur.

Dans le cadre de l’établissement d’une norme, il importe de la laisser s’imprégner dans l’esprit des gens. Il est utile de leur permettre de se poser des questions et de faire part de leurs préoccupations.

Il faut considérer ces questions et ces préoccupations pour ce qu’elles sont. Parfois, il ne s’agit pas de personnes qui essaient de bloquer le projet, mais souvent, ces questions et ces préoccupations ont pour but de lever des inquiétudes et de mieux comprendre ce qui est visé. La motivation qui sous-tend ces questions est souvent, en fin de compte, de pouvoir soutenir le projet.



Bibliographie


Sam Strickland , The Behaviour Manual an Educators Guidebook, John Catt, 2022

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