L’usage d’exemples et de contre-exemples est crucial dans le cadre du modelage et de la pratique guidée dans le but d’établir la compréhension et de soutenir l’apprentissage.
(Photographie : Nejma Kachaou)
La théorie du double codage (apprentissage multimodal) et la théorie de la charge cognitive (effet du problème résolu) nous démontrent son utilité.
Voici quelques pistes de conceptions inspirées par Pritesh Raichura (2019).
L’importance d’aborder l’abstraction par des exemples
Les exemples concrets sont importants pour enseigner des idées abstraites :
- Ils favorisent la mémorisation en associant des représentations visuelles et des indices aux concepts abstraits
- Ils favorisent la compréhension d’un concept abstrait dans le sens où celui-ci sera le seul point commun d’exemples diversifiés. Ce processus guide la pensée de l’élève vers les idées sous-jacentes communes plutôt que vers des éléments superficiels dissemblables.
Prenons la définition de l’homéostasie, un concept important du programme de biologie dans le secondaire.
L’homéostasie est l’état de stabilité des conditions internes, physiques, chimiques et sociales maintenues par les systèmes vivants (Betts et col, 2022).
Pour un biologiste, cette définition abstraite est très parlante et forme pour eux un seul chunk bien intégré en mémoire à long terme. Pour un non-biologiste, elle est vide de sens et évoque quelques idées éparses et non nécessairement connectées.
Si un enseignant en biologie démarre un cours sur l’homéostasie auprès de ses élèves en leur donnant cette définition, il s’agit d’un début de leçon inefficace. En commençant par une définition généralisée, il présente une chaîne de mots essentiellement vides de sens.
Une explication claire ayant pour ambition de faire comprendre un concept abstrait commencera toujours par des exemples concrets.
L’homéostasie a l’avantage de pouvoir être déclinée selon de multiples exemples :
- Lorsque nous avons trop chaud, nous transpirons, nous retirons des vêtements ou nous cherchons un environnement plus frais pour diminuer notre température.
- Lorsque nous avons trop froid, nous frissonnons, nous portons des vêtements plus chauds ou nous cherchons un environnement plus chaud pour augmenter notre température.
- Lorsque nous avons soif, nous buvons.
- Lorsque nous avons faim, nous mangeons.
- Lorsque nous sommes fatigués, nous nous reposons.
- Etc.
Lorsque certains de nos paramètres internes s’éloignent de leur norme, notre corps met en place des processus qui permettent de ramener le paramètre en question dans la norme.
Utiliser des exemples concrets pour illustrer un concept abstrait présente plusieurs atouts.
Le premier point est que l’usage d’exemples spécifiques d’un concept abstrait va permettre d’introduire le vocabulaire qui lui est lié dans des contextes faciles à comprendre parce qu’ils sont très concrets. Les élèves peuvent saisir ce qu’ils représentent au départ de leurs connaissances préalables et se familiariser avec ce vocabulaire en lui donnant un sens concret.
Le second point d’importance est que les exemples concrets donnent aux élèves un sujet de réflexion qui va leur permettre dans un second temps d’aborder la définition générale du concept abstrait. Ils pourront ensuite la visualiser dans plusieurs cas de figure spécifiques.
Si les élèves n’étaient pas confrontés à ces exemples, ils n’auraient aucun lien avec la définition et ne pourraient donc pas la comprendre. Une définition généralisée/abstraite sans référence à quelque chose de spécifique et de concret est dépourvue de sens.
Partir des exemples concrets permet de construire le sens de la définition abstraite. Partir de la définition abstraire amène les élèves à découvrir par eux-mêmes le sens de la définition en courant le risque d’approximations et de conceptions erronées.
L’importance de la combinaison entre exemples et contre-exemples
Imaginons que pour introduire la notion de condensation, un enseignant en physique utilise les exemples suivants :
- De la vapeur se forme sur le miroir d’une salle de bain
- De la buée se forme sur les fenêtres d’une voiture quand on y entre un matin frais.
- L’apparition de gouttes d’eau sur l’extérieur d’une bouteille froide.
Tous ces exemples présentent bien une caractéristique spécifique de la condensation :
- Un gaz se transforme en liquide lorsqu’il est refroidi.
Malheureusement, ils présentent deux autres caractéristiques non spécifiques de la condensation :
- C’est chaque fois l’eau qui subit la condensation.
- La condensation a lieu chaque fois sur une surface lisse en verre.
Ce ne sont pas des caractéristiques principales que nous voulons que les élèves généralisent. Il s’agit d’une caractéristique superficielle qui se trouve être partagée par les exemples utilisés.
Les élèves ont tendance à généraliser à partir des exemples auxquels ils sont exposés. Il existe un risque réel que certains élèves se mettent à penser à tort que toute surface de verre mouillée, par exemple par de la pluie, serait un exemple de condensation.
Une première manière d’éviter cette généralisation est d’accompagner les exemples de contre-exemples.
Nous pouvons présenter comme contre-exemple des gouttes de pluie sur une fenêtre. Les élèves comprennent ainsi que ce n’est pas l’idée de gouttelettes d’eau sur du verre qui est importante. C’est l’idée d’un gaz qui devient liquide qui importe, ce qui n’est pas le cas lorsqu’une goutte de pluie frappe une vitre. Nous pouvons également utiliser d’autres liquides. Nous pouvons également prendre le contre-exemple de la formation de givre sur une fenêtre ou le dépôt de suie sur une surface.
Il est très utile d’opposer un exemple à un contre-exemple qui présente les mêmes caractéristiques de surface, afin d’illustrer la différence entre les caractéristiques essentielles et les caractéristiques de surface.
Il est également important d’utiliser plusieurs exemples pour mettre en évidence les caractéristiques communes que nous souhaitons voir les élèves généraliser spontanément. Les contre-exemples peuvent aider à mettre en évidence les limites d’un concept.
Dans le cadre de notre exemple sur la condensation, il est par conséquent utile d’avoir des exemples avec une condensation concernant un liquide différent de l’eau ou une condensation sur une surface différente du verre.
Détermination du nombre d’exemples
Les exemples doivent couvrir un large domaine et être dissemblables pour le faire. Nous devons utiliser une grande variété d’exemples signifiants et courants qui recouvrent une majorité de situations illustrant concrètement le concept abstrait. Nous voulons couvrir le cadre des conditions d’application de l’objectif d’apprentissage.
Nous devons échantillonner l’étendue du domaine du concept abstrait. Nous voulons que nos élèves puissent transférer leur compréhension conceptuelle dans le plus grand nombre de situations possible, couvertes par les conditions de nos objectifs d’apprentissage.
Pour déterminer combien d’exemples il est nécessaire de présenter, un bon moyen est de vérifier la compréhension des élèves au fur et à mesure du modelage et de la pratique guidée.
Après quelques exemples démontrés (modelage), nous leur posons quelques questions d’application pour voir s’ils parviennent à appliquer le concept (pratique guidée) :
- Si les élèves n’y parviennent pas avec un large taux de réussite (80 %), il est probable qu’ils ont besoin d’exemples supplémentaires.
- S’ils y parviennent, nous pouvons poser quelques questions supplémentaires en leur demandant d’appliquer le concept dans un scénario plus complexe impliquant un transfert proche.
Dans tous les cas, nous voulons nous assurer que les élèves deviennent capables de mobiliser le concept de manière autonome dans les cas d’application typiques.
Plus nous leur posons de questions, plus nous leur demandons à tous d’appliquer, plus nous pouvons être certains qu’ils ont compris.
Une liste de vérification pour le partage d’exemples
- J’introduis le concept à l’aide d’exemples concrets avant d’utiliser une généralisation abstraite.
- J’utilise des contre-exemples concrets pour illustrer les conditions limites du concept.
- Je connais les conceptions erronées et les erreurs typiques que les élèves peuvent faire et je conçois les exemples et les contre-exemples pour les contrer.
- J’utilise une variété d’exemples et de contre-exemples permettant de recouvrir les conditions de mes objectifs d’apprentissages.
- Je prépare des questions à poser pendant et au terme de mon explication pour vérifier que les élèves ont bien compris et sont prêts pour la pratique autonome.
- Je partage et j’échange à propos de mes exemples et contre-exemples avec mes collègues.
- Je continue à présenter des exemples et des contre-exemples jusqu’à obtenir 80 % de réussite en pratique guidée.
Mis à jour le 30/05/2024
Bibliographie
Pritesh Raichura, 2019, Clear Teacher Explanations I: examples & non-examples, https://bunsenblue.wordpress.com/2019/10/20/clear-teacher-explanations-i-examples-non-examples/
J. Gordon Betts, Kelly A. Young, James A. Wise, Eddie Johnson, Brandon Poe, Dean H. Kruse, Oksana Korol, Jody E. Johnson, Mark Womble, Peter DeSaix, Anatomy and Physiology 2e, OpenStax, 2022
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