jeudi 28 mars 2024

Piloter la pratique de récupération

Comment programmer la pratique de récupération en tant que technique d’apprentissage ? Pourquoi fonctionne-t-elle ? Comment optimiser son usage ?

(Photographie : uroko)



La pratique de récupération comme technique d’apprentissage


La pratique de récupération consiste à ramener des souvenirs de la mémoire à long terme vers la conscience, c’est-à-dire vers notre mémoire de travail. Cette opération est rendue possible grâce à un apprentissage antérieur. 

Nous nous souvenons de quelque chose que nous avons appris précédemment. Un point fort de cette démarche est qu’elle sera également l’activité qui sera mise en œuvre lors de l’évaluation.

Toutefois, la pratique de récupération est plus qu’un processus de vérification de l’apprentissage. Il y a intérêt à amorcer rapidement le processus. La pratique de récupération fait partie du processus d’apprentissage. En réalité, il est possible et il est recommandé de s’engager délibérément dans la récupération de connaissances préalables tout en apprenant de nouvelles informations. 

Par exemple, plutôt que de lire plusieurs fois le chapitre d’un manuel, on peut le lire une première fois attentivement. Ensuite, on le met de côté et on tente de se rappeler son contenu. La pratique de récupération peut prendre de nombreuses formes, y compris la réalisation d’autoévaluations, l’utilisation de flashcards ou la rédaction ouverte sur une feuille blanche de connaissances dont on peut se souvenir.

Par rapport aux stratégies d’étude qui n’impliquent pas le rappel d’informations, la pratique de la récupération génère généralement des connaissances plus durables et plus accessibles en mémoire à long terme. 

Cette constatation est appelée effet test. De multiples méta-analyses confirment que les avantages de la récupération de la mémoire sont solides. La pratique de la récupération est bénéfique pour l’apprentissage tout au long de la vie, chez des individus âgés de 18 mois jusqu’à plus de 60 ans.

L’effet bénéfique est augmenté si les apprenants ont la possibilité de vérifier s’ils se souviennent correctement des informations après la pratique de récupération. Par exemple, ils peuvent voir les bonnes réponses ou réétudier le support d’apprentissage original en cas d’erreur. Le retour d’information peut être crucial pour aider à corriger les inexactitudes et à combler les lacunes de connaissances. 

La pratique de récupération peut être mise en œuvre avec succès de nombreuses façons :
  • Le rappel libre
  • Les questions à choix multiples
  • Les réponses fermées
  • Les vrais ou faux
  • Les questionnaires en lignes
  • Les flashcards de papier ou virtuelles.
  • Des systèmes de réponse à l’échelle de la classe
  • Des jeux qui intègrent la récupération de la mémoire
  • Le rappel mental d’informations sans produire de réponse manifeste
La pratique de récupération est plus bénéfique que l’étude, la relecture ou la copie d’informations. Les avantages de la pratique de récupération ont également été observés par rapport à des stratégies d’apprentissage actives telles que la prise de notes ou la schématisation conceptuelle. 

Il est intéressant de combiner la pratique de récupération avec des activités d’apprentissage qui requièrent la création de nouveaux contenus, telles que des observations attentives de problèmes résolus, l’apprentissage génératif ou l’élaboration. Ces associations peuvent apporter des avantages d’apprentissage encore plus importants que la simple pratique de récupération. 



Différentes hypothèses sur les mécanismes de l’effet test


Il existe de multiples hypothèses complémentaires pour comprendre la pertinence de la pratique de récupération :
  • La pratique de la récupération est bénéfique parce que les autres méthodes d’apprentissage n’impliquent pas la récupération. Toutefois, tous les tests — et pratiquement toutes les situations qui nécessitent l’utilisation de connaissances ou de compétences déjà acquises — en impliquent une. Par conséquent, il est avantageux de pratiquer la récupération à la fois pendant l’apprentissage, sa révision et finalement lors d’un test ultérieur. 
  • Les apprenants peuvent se souvenir d’aspects contextuels des informations à apprendre grâce à la pratique de récupération, ce qui améliore leur mémorisation.
  • Le processus de récupération pourrait impliquer le rappel non seulement d’informations correctes, mais aussi d’autres informations. Ce sont par exemple, les connaissances ou pensées antérieures de l’apprenant. Elles contribuent à servir de repères de mémoire pour les informations apprises lors d’un test ultérieur.
  • L’acte de récupération pourrait également créer une nouvelle trace en mémoire pour l’expérience de récupération qui est distincte de la mémoire de la rencontre initiale avec l’information. Elle pourrait également augmenter le nombre de voies neuronales qui peuvent être utilisées pour accéder à l’information correcte.
  • La pratique de la récupération pourrait indirectement bénéficier à l’apprentissage en révélant ce que les apprenants connaissent, ne connaissent pas encore ou ont oublié.



L’effet test et l’effet du problème résolu face au transfert lointain


La pratique de la récupération favorise la rétention et le transfert en mémoire lorsque les connaissances doivent être utilisées d’une manière similaire à celle en lien avec leur apprentissage (transfert proche). 

Cependant, les résultats sont mitigés dans les situations qui se rapprochent d’un transfert lointain. Certaines études montrent que la pratique de récupération pour les problèmes de raisonnement déductif n’améliore pas nécessairement la capacité à tirer des conclusions à partir des prémisses individuelles qui ont été étudiées.  

Dans le domaine de la résolution de problèmes procéduraux, les apprenants novices acquièrent et appliquent généralement mieux les solutions à de nouveaux problèmes s’ils étudient des exemples de problèmes entièrement résolus sans s’engager dans une quelconque récupération. Cette approche est opposée à l’utilisation de la pratique de récupération en essayant de résoudre les problèmes par eux-mêmes. 

Il semble qu’il existe des conditions limites entre l’effet test et l’effet du problème résolu en ce qui concerne les situations de transfert lointain.

Lorsque les apprenants s’entraînent à retrouver plusieurs fois le même scénario de problème et les étapes nécessaires pour le résoudre avec succès, la mémoire des procédures de solution et la capacité à résoudre des problèmes similaires sont améliorées.

La question clé semble être la disponibilité et le repérage d’indices d’analogie lors de la pratique de récupération. Des recherches montrent que lorsqu’un indice est fourni, la mémoire améliorée par la récupération d’une solution ou d’une procédure facilite son transfert vers un nouveau domaine. 

La pratique de la récupération n’améliore pas automatiquement la capacité à remarquer la pertinence d’une information et à décider de l’appliquer dans une nouvelle situation. Cependant, elle peut contribuer au transfert en améliorant la mémoire des informations qui sont finalement nécessaires au transfert. 

La récupération est plus bénéfique lorsqu’elle réussit raisonnablement à rappeler des informations précises et pertinentes. Il est probable qu’une bonne combinaison de l’effet test et de l’effet du problème résolu se rencontre dans l’effet du problème à compléter. L’effet du problème à compléter fait passer l’élève progressivement d’une situation où il étudie un problème résolu à celle où il effectue seul une résolution complète.



La méthode du réapprentissage successif


Les pratiques d’espacement et de récupération peuvent être combinées pour améliorer l’apprentissage plus efficacement que l’une ou l’autre stratégie seule. 

La méthode du réapprentissage successif correspond à une pratique de récupération distribuée au cours de plusieurs sessions séparées de plusieurs jours, voire de plusieurs semaines. Elle peut générer un apprentissage plus puissant et durable que la pratique de la récupération massée.

La récupération répétée d’informations dans des intervalles de temps espacés produit des avantages durables et pérennes pour l’apprentissage, par rapport à la simple révision des informations dans les mêmes intervalles de temps. 

La récupération d’informations sur des intervalles de temps plus longs est également plus efficace que la récupération d’informations sur des intervalles de temps plus courts. 

Le réapprentissage successif est une stratégie d’apprentissage simple et efficace, en particulier pour renforcer la rétention de matériel factuel (par exemple, des termes de vocabulaire et des définitions). 

Le réapprentissage successif implique une session initiale au cours de laquelle les apprenants essaient de retrouver les informations qu’ils sont en train d’apprendre, puis reçoivent un retour d’information pour vérifier leur exactitude. Ils répètent la pratique de récupération jusqu’à ce qu’ils soient capables de se rappeler toutes les informations selon un critère prédéterminé (par exemple, 100 % correctes). 

Cette première session est suivie par d’autres sessions de réapprentissage consistant à retrouver les informations et à recevoir un retour d’information jusqu’à ce que l’information puisse être rappelée à nouveau selon le même critère. 

L’apprentissage à long terme est plus efficace lorsque les sessions de réapprentissage sont espacées dans le temps. Par exemple, une étude a fait état d’avantages significatifs lorsque des étudiants de premier cycle se livraient à des réapprentissages successifs de termes et de définitions d’introduction à la psychologie tous les quelques jours. Le rendement était moindre dans le cas des sessions de réapprentissage, un même nombre de fois, sans essayer de récupérer l’information (Rawson et coll., 3013). 

Une autre étude a montré que les notes d’examen des étudiants de premier cycle dans un cours de biopsychologie étaient améliorées de plus d’une lettre après un réapprentissage successif des informations du cours tous les quelques jours. La condition de comparaison était l’utilisation de leurs propres méthodes d’étude (Janes et all., 2020). 

Les avantages du réapprentissage successif (par rapport à la même quantité d’apprentissages en une seule session) peuvent être réduits pour l’apprentissage de compétences telles que l’application de procédures mathématiques (Rawson et all., 2020). Cependant, la technique semble assez efficace pour améliorer la rétention en mémoire d’informations factuelles assez simples. 

Le pouvoir du réapprentissage successif peut être renforcé par un entraînement supplémentaire à la récupération lors de la première session. Dans une étude, des étudiants de premier cycle se sont entraînés à rappeler des termes et des définitions d’introduction à la psychologie. Ils ont ensuite reçu un feedback en cas d’erreur jusqu’à ce qu’ils se souviennent correctement de chaque terme une ou trois fois. Ils ont ensuite participé à trois autres sessions de réapprentissage au cours desquelles ils se sont souvenus correctement de chaque terme une fois (Rawson et coll., 2011)
 

Bien qu’il ait été plus difficile et plus long de rappeler chaque terme correctement trois fois au cours de la première session, ce travail supplémentaire a porté ses fruits. Les informations qui avaient été rappelées correctement trois fois lors de la première session étaient plus faciles à rappeler lors de toutes les sessions de réapprentissage suivantes. Elles devenaient plus susceptibles d’être exactes dès la première tentative que les informations qui n’avaient été rappelées qu’une seule fois. 

Plus précisément, les éléments ayant fait l’objet d’une pratique de récupération précoce supplémentaire ont été rappelés du premier coup environ 15 % plus facilement deux jours plus tard lors de la première session de réapprentissage. La taille d’effet du d de Cohen était de 0,63. L’avantage de la pratique de récupération précoce supplémentaire a persisté au cours des deux sessions de réapprentissage suivantes, huit et dix jours plus tard. 

Le réapprentissage successif combine les avantages de l’espacement et de la récupération et renforce la rétention de la mémoire pour les informations factuelles.



Bibliographie


Carpenter, S. K., Pan, S.C. & Butler, A.C. The science of effective learning with spacing and retrieval practice. Nat Rev Psychol 1, 496–511 (2022). https://doi.org/10.1038/s44159-022-00089-1

Rawson, K. A., Dunlosky, J. & Sciartelli, S. M. The power of successive relearning: improving performance on course exams and long-term retention. Educ. Psychol. Rev. 25, 523–548 (2013) 

Janes, J. L., Dunlosky, J., Rawson, K. A. & Jasnow, A. Successive relearning improves performance on a high-stakes exam in a difficult biopsychology course. Appl. Cognit. Psychol. 34, 1118–1132 (2020). 


Rawson, K. A., Dunlosky, J. & Janes, J. L. All good things must come to an end: a potential boundary condition on the potency of successive relearning. Educ. Psychol. Rev. 32, 851–871 (2020).

Rawson, K. A. & Dunlosky, J. Optimizing schedules of retrieval practice for durable and efficient learning: how much is enough? J. Exp. Psychol. Gen. 140, 283–302 (2011). 

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