mercredi 6 mars 2024

Liens entre effet d’imagination et effet de l’interactivité entre éléments

L’effet d’imagination et l’effet de l’interactivité des éléments font tous deux partie de la théorie de la charge cognitive.

(Photographie : Feiyi Wen)





L’interactivité des éléments


Considérons qu’un élève doive apprendre une liste de mots de vocabulaire avec leurs traductions dans une langue étrangère ou alternativement qu’il doive étudier une liste de définitions. Chaque élément de cette liste peut être appris sans référence aux autres. 

Le contenu d’apprentissage est ici composé de nombreux éléments non liés qui peuvent être compris et appris séparément ou en série. Dans cette situation, l’interactivité des éléments est considérée comme faible. 

Considérons qu’un élève doive apprendre à résoudre un problème stœchiométrique en chimie. Ce processus va lui demander de pouvoir mobiliser en même temps différents éléments (concepts, règles) reliés. La résolution implique des étapes et l’application d’une procédure. Différents paramètres interviennent à différents moments. 

Le contenu d’apprentissage est ici composé de différents éléments qui doivent être pris en compte simultanément pour apprendre à les comprendre. Dans cette situation, l’interactivité des éléments est considérée comme élevée. 

Un degré élevé d’interactivité des éléments va de pair avec une charge cognitive intrinsèque élevée. Les contenus à apprendre nécessitant l’assimilation simultanée de nombreux éléments d’information présentent une charge cognitive intrinsèque élevée. Ceux-ci doivent être pris en compte simultanément avant que la compréhension ne se produise. 

C’est le degré d’interactivité des éléments qui permet de mesurer la complexité des instructions dans une situation d’apprentissage. 



Distinguer le niveau de difficulté d’une tâche et le degré d’interactivité entre éléments


Le niveau d’interactivité des éléments dans le cadre d’une tâche d’apprentissage n’est pas équivalent à la difficulté de celle-ci.

La difficulté d’une tâche peut être définie comme le temps et les efforts nécessaires pour apprendre à accomplir une tâche. 

Une tâche dont l’interactivité des éléments est faible peut être difficile. Une tâche dont l’interactivité des éléments est élevée peut être facile. 

Par exemple, s’il faut apprendre un grand nombre de mots de vocabulaire dans une langue qui est nouvelle pour nous, cette tâche est à faible interactivité, mais elle peut se révéler difficile. 

Elle peut être plus difficile, c’est-à-dire plus longue à apprendre. Elle peut nous demander plus d’efforts qu’une série de tâches à forte interactivité, comme apprendre à utiliser une nouvelle application, ou à programmer un appareil électronique.



L’effet de l’interactivité entre éléments


L’effet de l’interactivité entre éléments est à mettre en lien avec différents autres effets appartenant à la théorie de la charge cognitive :
  1. L’effet de non-spécification du but : il est plus efficace de ne pas trop spécifier le but d’un problème à résoudre, mais de laisser à l’élève la possibilité d’interpréter la tâche.
  2. L’effet du problème résolu : il est souvent préférable d’étudier un problème résolu que de résoudre un problème pour apprendre.
  3. L’effet du problème à compléter ; au lieu de demander aux élèves de résoudre un certain nombre de problèmes, il est plus efficace d’alterner problèmes résolus et problèmes à résoudre.
  4. L’effet d’attention partagée : il est conseillé d’éviter toutes les informations supplémentaires (comme les images décoratives ou les animations) qui se trouvent à proximité des éléments à comprendre et qui peuvent distraire l’apprenant.
  5. L’effet de modalité : il est préférable de présenter deux sources d’information dans des modalités différentes (par ex. auditive et visuelle) plutôt que d’utiliser une seule modalité.
  6. L’effet de redondance : l’information redondante (qui consiste à donner les mêmes contenus sous des formes différentes ou répétitives) a tendance à détériorer l’apprentissage.
  7. L’effet d’imagination : imaginer comment on va réaliser une procédure peut parfois être aussi efficace que sa mise en œuvre effective.
L’effet de l’interactivité entre éléments se manifeste lorsque ces effets de la charge cognitive ne peuvent être obtenus que dans des conditions de charge cognitive intrinsèque élevée plutôt que faible. 

La charge cognitive intrinsèque est déterminée par l’interactivité des éléments du contenu. Lorsqu’elle est élevée, il y a de nombreux éléments à mettre en relation pour comprendre la situation.

L’effet de l’interactivité entre éléments ne se manifeste pas pour des tâches simples.



L’effet d’imagination et sa mise en œuvre


L’effet d’imagination se produit lorsque les élèves apprennent davantage lorsqu’on leur demande d’imaginer (répéter mentalement), plutôt que d’étudier, des procédures ou des concepts.

Par exemple, si l’on apprend à des élèves d’école primaire à utiliser un horaire de bus, deux possibilités existent :
  • On peut leur demander soit d’étudier les concepts et les procédures liés à l’utilisation de l’horaire.
  • On peut leur demander d’imaginer ces concepts et procédures. 
L’effet d’imagination est illustré par des performances supérieures à la suite d’instructions imaginatives. 

Le terme « imaginer » peut inclure des stratégies visant à répéter une performance mentale ou un mouvement d’apprentissage d’une activité, d’un processus ou d’un concept. Une stratégie d’imagination peut être utilisée lorsque certaines sections du contenu pédagogique ne se prêtent pas à une procédure de visualisation. L’auto-explication peut inclure des éléments d’imagination dans la mesure où, pour auto-expliquer une procédure, il peut être nécessaire de l’imaginer. La pratique de récupération peut mobiliser l’effet d’imagination.



L’importance du retour d’information dans le cadre de l’effet d’imagination


En imaginant des procédures ou des concepts sans regarder les supports pédagogiques, les apprenants obtiennent un retour d’information sur les aspects de l’information qu’ils ne connaissent pas encore, ce qui permet une répétition plus approfondie. 

Cette procédure peut être plus efficace que de s’engager dans des « études » supplémentaires. Dans une étude supplémentaire, les apprenants peuvent juger prématurément qu’ils ont appris. Ils peuvent ignorer les aspects de l’information qui nécessitent une répétition supplémentaire en faveur de l’information qui ne nécessite pas d’apprentissage supplémentaire. 

L’imagination peut orienter l’attention vers les aspects du contenu qui requièrent le plus de ressources de la mémoire de travail. En conséquence, des schémas de meilleure qualité devraient être construits dans la mémoire à long terme. 



L’impact de l’effet d’imagination sur le stockage en mémoire à long terme


Selon la théorie de la charge cognitive, l’effet d’imagination se produit parce que les apprenants qui imaginent l’information sont poussés à traiter les schémas pertinents dans leur mémoire de travail. Ce processus contribue à la construction et à l’automatisation des schémas dans la mémoire à long terme. 

L’apprentissage par l’imagination de procédures ou de concepts met fortement l’accent sur le stockage des informations dans la mémoire à long terme. Ce processus se passe en empruntant des informations plutôt qu’en les créant par le biais d’une procédure aléatoire de génération et de test. 

L’objectif du processus d’imagination est de faciliter le transfert de l’information vers la mémoire à long terme :
  • Si l’information est simplement due à une faible interactivité des éléments, elle peut être facilement transférée dans la mémoire à long terme sans utiliser de stratégie de facilitation particulière. 
  • Lorsqu’il s’agit de matériel complexe, à forte interactivité, plus difficile à transférer dans la mémoire à long terme, il peut être plus important pour les apprenants d’utiliser une stratégie qui facilite l’assimilation de l’information.



Liens entre l’effet d’imagination et l’effet d’interactivité entre les éléments


L’effet de l’imagination est plus fort dans les cas où l’interactivité des éléments est élevée que dans ceux où elle est faible. Les apprenants à qui l’on demande d’imaginer un contenu à forte interactivité seront plus performants que les apprenants à qui l’on demande simplement d’étudier le même contenu.

Les différences dans l’interactivité des éléments entraient des différences dans la charge cognitive intrinsèque :
  • Imaginer un contenu à faible interactivité, et donc à faible charge cognitive intrinsèque, ne confère aucun avantage mesurable. 
  • Imaginer un contenu à forte interactivité et à forte charge cognitive intrinsèque est bénéfique. Cela permet aux multiples éléments en interaction de se combiner en un seul élément schématique qui a pu être traité plus facilement par la mémoire de travail.
Demander aux étudiants d’apprendre en imaginant les concepts et les procédures qui leur sont présentés peut faciliter l’apprentissage. L’effet est d’autant plus certain qu’il s’agit d’informations complexes imposant une lourde charge cognitive. À l’opposé, l’imagination de contenus dont l’interactivité des éléments est faible apporte peu d’avantages pédagogiques.



Bibliographie


Wayne Leahy ; John Sweller. (2008). The imagination effect increases with an increased intrinsic cognitive load. , 22(2), 273–283. doi:10.1002/acp.1373

Tricot, A. (2021). Articuler connaissances en psychologie cognitive et ingénierie pédagogique. Raisons éducatives, 25, 141–162. https://doi.org/10.3917/raised.025.0141

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