dimanche 10 mars 2024

Le défi de la pratique espacée pour l’apprentissage autonome

La planification des sessions d’apprentissage autonome est un élément essentiel de la gestion de votre temps et de la consolidation des contenus en mémoire.

(Photographie : 3-14)



Espacer plutôt que bachoter


Pour un élève, devoir étudier pour se préparer à des évaluations est une responsabilité commune. Dans ce cadre, avoir la capacité de bien planifier son temps d’étude est ce qui peut faire la différence entre un échec et une réussite.

La disponibilité du temps pour l’étude se trouve mise en concurrence avec d’autres activités sociales, sportives ou de loisirs. Si un élève n’établit pas de priorités et ne planifie pas ses séances d’étude, il risque de ne pas le faire du tout ou de ne le faire que dans la dernière ligne droite (bachotage). Cela se traduit par une expérience assez stressante qui diminue les chances de succès.

De plus, planifier des sessions d’étude plus courtes et les répartir dans le temps présente des avantages notables en matière d’apprentissage. Cela active l’effet d’espacement qui permet de rendre les apprentissages plus durables. Comme les nouveaux contenus s’appuient sur des connaissances préalables, il s’agit d’un investissement à long terme très productif. Développer des connaissances préalables durables facilite l’apprentissage ultérieur de nouveaux contenus. 



Les bienfaits de la pratique espacée


La pratique espacée est une question de planification du temps disponible et d’intégration dans l’horaire de l’élève hors du temps d’école. L’objectif principal est de lutter puis de dépasser l’habitude d’attendre la veille d’un test ou d’un examen pour étudier dans la dernière ligne droite, en une seule séance (bachotage). 

Au lieu de cela, nous divisons le temps d’étude en plus petites parties. Nous espaçons les sessions d’étude de manière à ce que nous consacrions la même quantité d’étude, mais répartie au fil des jours et des semaines.

L’espacement des sessions d’étude est très utile pour mémoriser des connaissances plus durablement. S’il est inévitable et même utile d’oublier, l’espacement des sessions de travail va ralentir progressivement la vitesse à laquelle se manifeste l’oubli. Parallèlement, la qualité de l’apprentissage et sa profondeur augmentent.

En espaçant nos séances d’étude, nous réduisons la quantité d’informations oubliées au fil des semaines et de mois. Cela nous permet de mieux apprendre au fil du temps et d’obtenir de meilleurs résultats à un examen final cumulatif. Non seulement nous réussirons toutes nos évaluations intermédiaires, mais également l’examen final cumulatif avec de meilleurs résultats, tout en fournissant bien moins d’effort dans la dernière ligne droite que si nous optons pour le bachotage. Par conséquent, nous arrivons plus reposés et moins stressés à l’examen final.



L’avantage d’une relecture espacée sur une relecture d’affilée


De nombreuses études se sont intéressées à l’effet d’espacement. L’espacement des sessions d’étude est l’une des techniques les plus étudiées. Cette stratégie fonctionne pour de nombreux apprentissages différents. 

Rawson et Kintsch (2005) ont effectué un test auprès d’étudiants (N = 423). Dans le cadre de deux expériences, ceux-ci ont lu un texte :
  • Une fois
  • Deux fois de manière successive
  • Deux fois avec une semaine d’intervalle.
Les étudiants ont été testés :
  • Soit immédiatement
  • Soit deux jours après l’étude. 
Lors d’un test immédiat, les performances étaient plus élevées après une lecture groupée (bachotage) qu’après une lecture unique. Les performances de la relecture distribuée n’étaient pas significativement plus élevées qu’après la lecture groupée (bachotage). 

Par contre, lors du test différé deux jours plus tard, les performances étaient plus élevées après une lecture distribuée qu’après une lecture unique (simple ou groupée). Les étudiants ayant participé aux sessions espacées se remémoraient de presque deux fois plus d’éléments que les étudiants ayant bachoté. 

Ces résultats ont trois implications significatives : 
  • Les personnes qui relisent immédiatement oublient non seulement une grande partie de ce qu’elles avaient lu, mais la relecture est en fait une perte de temps. 
  • Non seulement l’espacement des sessions d’étude est plus efficace pour l’apprentissage, mais il est aussi plus efficient. Nous pouvons passer la même quantité de temps répartie sur plusieurs semaines et apprendre beaucoup plus que si nous passons la même quantité de temps à étudier la nuit précédant l’examen. 
  • Le bachotage peut être efficace à court terme. Toutefois, nous voulons être en mesure d’utiliser ce que nous avons appris lors d’examens ultérieurs, dans des cours ultérieurs ou dans votre vie. Dès lors, il est préférable de planifier des sessions d’étude plus courtes et réparties dans le temps.



Une planification des sessions de récupération en expansion


Selon le principe de la courbe de l’oubli d’Ebbinghaus, dans le cadre d’une pratique espacée, les sessions de récupération peuvent être de plus en plus distantes. Au fur et à mesure, on oublie moins rapidement et on retient plus longtemps.

C’est pourquoi il est utile de définir un calendrier de récupération en expansion. Dans ce type de programme, les pauses entre une session d’étude et la suivante s’allongent progressivement au fil du temps. 

Par exemple :
  • Un chapitre de biologie a été enseigné le lundi
  • Nous étudions et récupérons une première fois ce chapitre le mardi soir. 
  • Nous récupérons une deuxième fois le contenu le jeudi soir. 
  • Nous récupérons une troisième fois le contenu le jeudi soir de la semaine suivante.
Les intervalles de récupération augmentent au fil du temps. Une dernière récupération a lieu la veille de l’évaluation. 

La première phase d’étude initiale a intérêt à être poussée selon certains modèles, il est conseillé de réaliser une triple récupération lors de la première session d’étude (programme 3 + 3 de Rawson et Dunlosky, 2011). 

Mis à part le fait que les intervalles grandissent, il n’y a pas de règle absolue. L’idée est de récupérer lorsque nous commençons à oublier et que la démarche demande un certain effort. Si nous attendons trop longtemps, nous oublierons trop de connaissances. Si nous récupérons trop vite, l’opération sera aisée et sans impact sur la durabilité de l’apprentissage. 

La bonne durée est fonction de la personne qui revoit et des contenus à récupérer. La meilleure manière de planifier est d’ajuster au fur et à mesure en gardant l’idée d’une expansion des écarts. 

L’important lorsqu’un élève se met à étudier est évidemment qu’il mémorise les nouveaux contenus. Cependant, il est tout aussi important qu’il récupère également les contenus qu’il a appris précédemment afin de mieux les consolider en mémoire à long terme. L’opération lui permet également de mémoriser à nouveau les contenus qu’il n’a pas été capable de récupérer.



Un cadre de la pratique de récupération espacée pour prendre en compte l’oubli


L’important est d’espacer les sessions d’étude et d’alterner entre la récupération des contenus antérieurs et l’étude des nouveaux contenus. Constituer un calendrier d’apprentissage en expansion est qu’un moyen parmi d’autres. 

Il doit y avoir un effet cumulatif entre récupération et mémorisation. L’idée est d’augmenter au fur et à mesure le temps entre deux récupérations pour des contenus donnés de manière à bien utiliser le temps dont nous disposons.

La pratique de récupération espacée est l’une des stratégies qui demandent le plus d’efforts et d’organisation :
  • D’un côté, les élèves disposent d’un temps limité pour revoir et il n’est pas efficient de récupérer des contenus trop régulièrement, car il n’y aura pas d’avantages supplémentaires pour la durabilité. 
  • De l’autre, des récupérations régulières et progressivement plus espacées sont nécessaires et utiles pour rendre les connaissances réellement plus durables, mais celle-ci doivent avoir lieu avant que l’oubli ne se soit trop manifesté. 
Espacer les sessions d’étude de plus en plus signifie également que nous oublierons une partie du contenu entre les sessions. Paradoxalement, ce type d’oubli temporaire est ce qui rend cette stratégie si bénéfique. 

De plus, certains oublis nous donneront une meilleure idée de nos points faibles et de ce que nous savons et de ce que nous ne savons pas encore. Cela nous permet de mieux concentrer nos efforts d’étude sur la matière que nous n’avons pas encore réellement comprise et apprise.



Planifier et organiser la pratique espacée


Un premier élément essentiel pour s’investir dans une pratique espacée au fil du temps est premièrement de réserver des plages horaires qui lui seront dédiées :
  • Si elles ne sont pas planifiées et bloquées à l’avance d’autres urgences prendront le dessus. 
  • Si la pratique espacée n’est pas réalisée pendant une semaine par exemple, il sera plus complexe de la remettre en route. L’oubli aura fait son œuvre et la quantité d’effort et de temps demandée augmentera pour compenser le manque.
Ne pas planifier et ne pas respecter la planification rend la pratique de récupération encore plus difficile à mettre en œuvre et à rectifier.

Il implique de réserver et de nous assurer de moments où nous pouvons étudier de façon constante, sans distraction afin que d’autres éléments ne viennent pas entraver notre planification. L’étude et la pratique de récupération sont des stratégies intensives qui demandent toute notre attention et toutes nos ressources cognitives. 

Au-delà, nous avons beaucoup plus de chances d’atteindre nos objectifs si nous les mettons par écrit. Par conséquent, nous devons garder une trace de ce que nous avons étudié ou récupéré, et quand nous l’avons fait de manière à assurer une bonne gestion des processus. 

L’enjeu est de planifier des sessions d’étude fréquentes. Même si nous sommes très occupés, il est préférable de passer 10 à 20 minutes chaque soir à réviser des connaissances plutôt que de consacrer beaucoup de temps à une seule séance d’étude. La flexibilité de l’usage de flashcards facilite l’usage de périodes courtes. 

Un premier facteur est de prévoir plusieurs séances d’étude réparties sur une période plus longue et d’éviter les séances de bachotage intensif juste avant l’examen.  

Un second facteur est qu’une fois que des contenus ont été étudiés, il faut les récupérer régulièrement pour approfondir l’apprentissage. Sans cela, la session d’étude initiale sera gâchée par l’oubli.

Un troisième facteur utile est de ne former des groupes d’étude pour se soutenir mutuellement et moralement. Il peut être difficile de s’en tenir à un programme d’étude. L’un des avantages de former un groupe d’étude est que nos pairs peuvent nous aider à nous responsabiliser. Grâce à un groupe d’étude, nous pouvons plus facilement acquérir de bonnes habitudes d’étude.

Un quatrième facteur consiste à commencer par s’investir dans une pratique de récupération qui permet de réviser les éléments de connaissances antérieures. Lorsque nous nous investissons dans une session de travail, nous ne devons pas nous contenter de réviser la matière de la journée ou de la semaine. Nous devons également revoir les anciennes matières afin qu’elles restent fraîches dans votre mémoire. 

Le fait de revenir régulièrement à des documents plus anciens et de les étudier en même temps que des documents plus récents vous aidera également à établir des liens qui pourraient vous échapper. Cela permet de construire continuellement de nouvelles connaissances à partir d’anciennes. Après avoir revu les éléments antérieurs, nous étudions les éléments nouveaux et les réactivations de connaissances préalables faciliteront ce processus.

Planifier des séances d’étude et s’y tenir peut être un défi. Tâcher de prendre l’habitude de faire des séances d’étude plus courtes au fil du temps et peut-être de trouver des pairs pour établir cette nouvelle routine d’étude ensemble sont deux pistes favorables. 



Bibliographie


Megan Sumeracki, Cynthia Nebel, Carolina Kuepper-Tetzel, Althea Need Kaminske, Ace That Test, A Student’s Guide to Learning Better, Routledge, 2023

Rawson, K. A., & Kintsch, W. (2005). Rereading effects depend on time of test. Journal of Educational Psychology, 97(1), 70–80. https://doi.org/10.1037/0022-0663.97.1.70 

Rawson, K. A., & Dunlosky, J. (2011). Optimizing schedules of retrieval practice for durable and efficient learning: How much is enough? Journal of Experimental Psychology: General, 140 (3), 283–302. https://doi.org/10.1037/a0023956

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