mercredi 7 février 2024

La stratégie de sensibilisation à la qualité, une composante intégrante de l’action formative

La stratégie de sensibilisation des élèves à la qualité de l’apprentissage est une stratégie précieuse à intégrer dans la conception d’un enseignement efficace, en particulier pour les compétences complexes. 

(Photographie : New Tomorrows)





La stratégie de sensibilisation à la qualité


La démarche de sensibilisation des élèves à la qualité attendue dans leurs productions, leurs réponses et leurs actions exige du temps et de l’énergie à l’enseignant. Cependant, cet investissement en vaut la peine. Il lui permettra également de gagner du temps à long terme. 

L’enjeu de cette démarche et qu’elle débouche sur un certain nombre de routines intégrées en classe et reprises au sein des stratégies d’autorégulation des apprentissages qui pourront être mobilisées par la suite dans d’autres contextes. 

Le travail sur la sensibilisation à la qualité gagne à devenir une partie intégrante de notre conception de l’éducation. En effet, à la base, enseigner ne suffit pas. Nos élèves ont besoin de comprendre exactement ce qu’ils doivent apprendre, étudier et réaliser. De cette manière, ils pourront mieux se préparer aux examens et épreuves sommatives qui les attendent sur la ligne d’horizon.

Pour répondre à cette demande de sensibilisation à la qualité, différentes stratégies et pratiques ont été développées au sujet de la communication des attentes de l’enseignant pour l’apprentissage et l’évaluation. 

Différentes stratégies de sensibilisation à la qualité peuvent être utilisées de manière singulière ou être associées pour répondre à cette plus globale demande. Elles ont chacune leurs avantages et leurs limites. 

Nous allons les passer en revue :
  1. Communiquer les objectifs d’apprentissage
  2. Proposer des listes de critères
  3. Proposer des grilles d’évaluation
  4. Partager et discuter au départ d’exemples de productions 
Nous allons expliciter chacune de ces stratégies particulières et plus particulièrement décrire leurs limites d’efficacité. 



Limites et intérêt à la communication des objectifs d’apprentissage


Le fait de communiquer les objectifs d’apprentissage consiste à les inclure dans les notes de cours, au début ou à la fin, ou intégrées au cœur du chapitre. L’idée est de les mettre à disposition des élèves afin de les aider à faire le lien entre ce qui leur a été enseigné et ce qui sera évalué sommativement.

C’est une pratique courante dans les cours, qui est au fil du temps a pu devenir liée à des obligations administratives. Par exemple, au début du cours, l’enseignant écrit l’objectif d’apprentissage au tableau ou le montre dans la présentation PowerPoint. Il peut également associer une liste d’objectifs d’apprentissage à un plan du cours, dans ses notes de cours ou les reprendre dans un environnement d’apprentissage électronique. 

Le cadre administratif impose généralement que l’enseignant ait répondu et communiqué sur la question suivante. Que doivent savoir ou être capables de faire les élèves à la fin du cours ou dans un certain laps de temps ? 

Le risque de cette démarche est qu’elle aboutisse plus à des objectifs pédagogiques vagues qu’à des intentions d’apprentissage spécifiques. En tant qu’enseignant dans une discipline, à la lecture de tels objectifs, nous avons immédiatement une image personnelle de ce que cela représente en matière d’apprentissage pour les élèves. Pour l’élève, qui n’a pas l’expertise de la matière enseignée, c’est généralement beaucoup moins clair.

Ainsi lorsque communiquer les objectifs d’apprentissage reste au niveau de la conformité administrative, cela peut ne pas permettre d’inculquer aux élèves une conscience de la qualité attendue.

En tant qu’enseignants en mathématiques, nous pouvons par exemple afficher en classe l’objectif suivant : « Je peux représenter le graphique d’une fonction du second degré à partir de son expression analytique ». Cela permet de clarifier l’objectif du cours. 

Bien que cela puisse avoir une certaine fonction dans le processus d’apprentissage, avec la simple lecture de la phrase en début de cours, les élèves de cet enseignant ne visualiseront pas ce l’objectif signifie. Il est même probable que cela ne les aidera pas à évaluer s’ils sont sur la bonne voie. Or l’autonomie face aux apprentissages est la dimension que nous entendons soutenir et développer.

Un autre objectif de leçon serait de schématiser une cellule végétale ou de résoudre un problème portant sur les dimensions des triangles quelconques. Lorsqu’un élève reçoit des indications, cela lui donne une idée générale sur les actions qu’il va devoir réaliser, mais aucune sur le degré de précision attendu ou sur la complexité de la tâche. Il ne sera jamais certain d’avoir fait assez bien. 

Lorsque des termes spécifiques au sujet ne signifient rien pour nous, nous n’avons aucun moyen de vérifier où nous nous situons par rapport à un objectif qui n’est toujours pas clair pour nous. Nous pouvons de même ignorer le degré de complexité attendue.

Par conséquent, nous pouvons estimer que des objectifs d’apprentissage délivrés seuls ne suffisent pas à donner une conscience de la qualité à tous les élèves.



Limites et intérêts aux listes de critères et aux grilles d’évaluation


Un moyen courant de surmonter le problème lié à la communication des objectifs d’apprentissage consiste à indiquer clairement à quoi ressemble la qualité attendue. Pour cela, nous utilisons des listes de critères de réussite (ou liste de vérification ou listes de contrôle) ou des grilles d’évaluation.

Les critères de réussite peuvent offrir clairement plus de prise aux élèves. Cependant, beaucoup d’entre eux auront encore du mal à déterminer exactement quand ils sont dans le bon et quand ils se trompent. En effet, bien que ces critères de réussite puissent être très clairs pour un expert, un novice dans ce domaine se posera encore toutes sortes de questions. 

Les grilles d’évaluation représentent le niveau supérieur aux listes de critères pour essayer de contourner cette ambiguïté. Dans ces grilles d’évaluation, nous décrivons pour chaque critère ce à quoi un élève doit satisfaire et nous classons cette description en fonction du niveau (par exemple insuffisant/satisfaisant/bon). Une grille d’évaluation est plus claire qu’une liste de critères.

Un inconvénient possible des grilles d’évaluation est qu’elles contiennent nécessairement une abondance d’informations. Cette complexité constitue un obstacle pour de nombreux élèves. Ils peuvent se demander ce que signifient exactement certaines précisions.

Les grilles d’évaluation peuvent également faire obstacle à l’autonomie des élèves. Les grilles d’évaluation leur facilitent la vie en leur donnant des indications sur ce que doivent contenir leurs réponses. Par conséquent, les élèves peuvent souhaiter recevoir des grilles d’évaluation pour tout, afin de savoir exactement sur quoi ils doivent se concentrer (souvent pour obtenir une note minimale). 

De plus, les grilles d’évaluation ont un caractère artificiel dans la mesure où elles n’existent pas dans les conditions du monde réel pour les produits ou les tâches que les individus doivent accomplir. En outre, de nombreux aspects d’une tâche ne peuvent pas être facilement capturés dans une grille d’évaluation ou une liste de critères. À ce titre, il est complexe d’y faire rentrer une caractéristique de qualité holistique. Par exemple, la créativité est une caractéristique plus globale et s’imbrique dans d’autres critères. Même si nous traduisons ces caractéristiques en un critère, quel poids devrions-nous lui accorder dans notre évaluation par rapport aux autres critères ?

Les grilles d’évaluation sont destinées à donner aux élèves une idée de ce qui sera évalué et de la manière dont leur travail sera évalué. 

Il semble logique que les grilles d’évaluation aient principalement deux rôles à jouer :
  • Dans une dimension formative, car la rétroaction qu’elles génèrent est un soutien à l’apprentissage. 
  • Dans une dimension sommative pour assurer la cohérence des résultats.



La stratégie de sensibilisation à la qualité dans le cadre de l’action formative


L’action formative est un processus de corégulation :
  • L’enseignant adapte les activités d’enseignement pour optimiser l’apprentissage de ses élèves
  • Les élèves utilisent l’action formative pour mieux réguler leurs apprentissages en prenant en compte leur efficacité.

Le plein enjeu de l’action formative implique d’accroitre le rôle des élèves dans ce processus.

Dès lors, il est important de sensibiliser les élèves à la qualité de l’action formative. La meilleure manière d’y arriver et de leur permettre d’en faire l’expérience. Nous voulons que les élèves développent leur aptitude à fournir et à recevoir une rétroaction.



L’orientation d’une action formative vers un objectif d’apprentissage


L’action formative est une action orientée vers un objectif d’apprentissage. Le processus n’a de sens qu’à la lumière d’un certain objectif à long terme aboutissant à un apprentissage durable. 

Cet objectif peut être un type de tâche ou de production que les élèves doivent éventuellement être en mesure de réaliser de manière autonome pour démontrer qu’ils maitrisent certaines connaissances et compétences. 

L’action formative dirigée par l’enseignant est simple : 
  • Les étapes de l’action formative visent à déterminer où en sont nos élèves sur la voie de la maitrise de cet objectif d’apprentissage, et ce qu’il reste à faire pour l’atteindre. 
  • Le caractère orienté vers un objectif d’apprentissage de l’action formative est normalement simple à mettre en œuvre pour l’enseignant à partir du moment où il répond à un alignement curriculaire. Nous définissions clairement ce que nous souhaitons atteindre, en lien avec le programme, et nous voulons savoir si nos élèves sont sur la bonne voie et progressent. 
L’action formative dans laquelle l’élève joue un rôle plus autonome est plus complexe : 
  • Pour qu’un élève puisse savoir s’il est sur la bonne voie, il a besoin d’avoir une idée précise du travail attendu de sa part et de ce que recouvre l’objectif d’apprentissage concerné.
  • Parfois, définir le niveau attendu peut être simple : 
    • Si nous devons enseigner la course à pied en cours de gymnastique, nous pouvons dire aux élèves quel doit être le temps d’arrivée pour obtenir un résultat satisfaisant après un certain temps de pratique, par exemple. Les élèves peuvent en s’exerçant, déterminer, grâce aux temps intermédiaires, s’ils sont sur la bonne voie. 
    • Par exemple, si les élèves doivent étudier la nomenclature en chimie ou les temps primitifs dans un cours de langues, l’autoévaluation est aisée.
  • Pour la plupart des tâches, la question de savoir quand le travail est de qualité suffisante, mais aussi si les élèves sont sur la bonne voie, est beaucoup plus complexe. C’est là que deviennent importants les critères qui accompagnent les objectifs d’apprentissage et le partage d’exemples de productions y correspondant.



L’enjeu d’assurer une sensibilisation à la qualité


Lorsque les élèves posent des questions telles que : « Dois-je savoir cela ? », « Que dois-je faire exactement ? », « Ai-je bien fait cela ? », cela montre principalement qu’ils recherchent des attentes claires. Ils ne sont pas conscients de la qualité. Ils n’ont pas une bonne image mentale du niveau de qualité que l’on attend d’eux, ou de ce à quoi ressemblent les différents niveaux de qualité. 

La conscience de la qualité est une condition non négligeable pour que les élèves puissent s’améliorer.

Les élèves doivent développer une conscience suffisante du niveau de qualité attendue pour être en mesure de s’évaluer pendant le processus. Ils doivent pouvoir prendre de manière autonome des mesures pour s’améliorer, et finalement d’exécuter de manière autonome des tâches dans de nouveaux contextes et situations.

Les enseignants doivent développer une conscience équivalente, mais à un tout autre niveau, liée à l’apprentissage de leur matière par leurs élèves et à la manière de les aider à surmonter les difficultés auxquelles ils font face. Cette condition est également un défi. 

Les enseignants passent des années à développer un sens de la qualité. En plus de leur expertise en la matière, ils développent également une expertise en matière d’évaluation de l’apprentissage de leurs élèves. Pour la développer, ils effectuent des centaines d’évaluations par an.

Cela leur donne un aperçu de la gamme de qualité existante et de ce qu’ils peuvent espérer de mieux de leurs élèves. 

Cela leur permet également d’évaluer et de comparer différentes formes de mise en œuvre d’une production par rapport au même modèle. De fait, deux productions peuvent souvent être réalisées de manière très différente et avoir le même niveau de qualité.

Nous nous appuyons sur cette expertise, en plus de notre connaissance de la matière, lorsque nous évaluons le chemin déjà parcouru et le chemin encore à parcourir pour un élève et que nous formulons une rétroaction adéquate.

Nous devons d’une certaine manière transmettre une partie du résultat de cette expertise à nos élèves. Nous devons rendre visibles pour eux des exemples de succès et le chemin pour les atteindre. Si nous voulons que les élèves ou les étudiants donnent un retour d’information entre eux ou à eux-mêmes, ils doivent avoir une certaine conscience de la qualité. 



Partager le conscience de la qualité pour éviter la malédiction de la connaissance


Partager la conscience de la qualité consiste à faire comprendre aux élèves la nature des attendus liés aux objectifs d’apprentissage. Nous leur montrons et analysons avec eux les caractéristiques d’exemples de productions réussies ou imparfaites. L’idée est que les élèves puissent alors mieux orienter leurs efforts et leurs stratégies liés aux apprentissages à maîtriser.

La conscience de la qualité est considérée comme une condition importante pour un rôle majeur de l’élève comme agent autonome dans un processus d’évaluation formative.

Malheureusement, les enseignants ne sont pas suffisamment conscients de son importance. Paradoxalement, leur propre expertise constitue un obstacle à cet égard. C’est une des formes que prend la malédiction de la connaissance. Globalement, plus nous en savons sur un sujet, plus nous le maîtrisons de manière fluide, plus il est difficile de se mettre à la place d’un novice qui n’en connait encore que peu. De plus, nous oublions également les efforts que nous avons nous-mêmes dû mettre en œuvre lorsque nous étions novices.

Avec l’expertise, nous perdons la capacité d’aborder de nouveaux problèmes avec un regard neuf. Il devient difficile d’imaginer ne pas savoir ce que nous savons déjà. Il est complexe et difficile de nous souvenir des questions que nous nous posions lorsque nous étions débutants.

Cette malédiction fait que les possibilités liées à l’évaluation formative ne sont pas suffisamment et pas spontanément exploitées. Malheureusement, en ne nous investissant pas dans la sensibilisation à la qualité, nous ne nous investissons pas non plus dans l’autonomie des élèves. Si pour nous ce à quoi représente une production attendue liée à un objectif d’apprentissage, c’est loin d’en être le cas pour nos élèves.

En ne sensibilisant pas les élèves à ce qu’est la réussite et en ne les guidant pas sur le meilleur chemin pour y arriver, nous ne résolvons ni leurs difficultés ni les nôtres. Nous sommes contraints d’être nous-mêmes une conscience ambulante de la qualité attendue, comme une oasis dans le désert alors que notre mission serait de l’irriguer, de transmettre et de partager cette dimension. De plus en conservant la conscience de la qualité pour nous, nous arrivons à une situation contreproductive où les élèves restent trop dépendants de nous quant à l’évaluation de la qualité de leurs productions.

Partager des exemples illustrant les niveaux de qualité attendue des productions liées à un objectif d’apprentissage est par conséquent un facteur important dans un processus d’évaluation formative ou d’enseignement direct, explicite ou adaptatif.



L’importance de la conscience de la qualité s’accroit avec la complexité des tâches


Lorsque les tâches et productions exigent des compétences plus élevées et une approche plus globale, la sensibilisation à la qualité des élèves devient encore plus importante. 

Si un élève doit rédiger une production narrative, de nombreux aspects qualitatifs entrent en jeu, de la structure des phrases à l’orthographe en passant par la grammaire. Cependant, la construction de l’histoire et la créativité sont également importantes. La qualité d’une production n’est pas la somme ou le produit de tous ces facteurs, mais réside dans leur configuration globale. Chaque élément doit jouer son rôle et contribuer à la qualité globale.

Il faut tout prendre en compte en même temps. Lorsqu’on évalue si quelque chose est d’une qualité suffisante, il faut tenir compte non seulement des connaissances explicites, mais aussi d’un grand nombre de connaissances implicites.

Si un élève doit réussir quelque chose par lui-même, il est important qu’il ait une bonne idée de ce à quoi il travaille, de la globalité et de chacune des parties. Il doit savoir ce à quoi il doit faire attention en cours de route.



Insuffler un sens de la qualité par des exemples et un dialogue


Si nous voulons que nos élèves travaillent sur une production ou une tâche avec un degré d’autonomie croissant, ils doivent développer un sens suffisant de la qualité dès le début d’un tel processus. 

La solution pour développer à temps le sens de la qualité consiste à leur faire comparer divers exemples d’une production attendue ou de la tâche complexe, de la performance finale ou du comportement souhaité. Nous organisons ensuite un dialogue à ce sujet. Cette comparaison doit se faire dans le cadre d’un dialogue.

La comparaison d’exemples est nécessaire pour donner aux élèves un bon sens de la qualité. Nous leur montrons ce que d’autres élèves d’une année précédente ont réalisé face à une certaine mission. 

Nous utilisons ensuite ces exemples pour avoir une discussion structurée avec la classe sur les caractéristiques de qualité. 

Les deux éléments sont nécessaires :
  • La comparaison d’exemples permet d’obtenir des informations qu’il est moins facile de transmettre par d’autres moyens.
  • Le dialogue est nécessaire, car certaines élèves peuvent avoir des idées auxquelles d’autres n’auraient pas pensé. Le croisement des points de vue permet parfois de découvrir de nouvelles perspectives.
Communiquer la conscience de la qualité en comparant et en discutant des exemples ne contribue pas seulement à clarifier en temps voulu la performance finale attendue, mais surtout à développer l’autorégulation des élèves. La connaissance de la qualité attendue améliore également leur capacité à comprendre le retour d’information et à le convertir en une étape d’amélioration, et à se fournir eux-mêmes ou entre eux un retour d’information pertinent. 



Atouts des exemples dans l’acquisition d’un sentiment de qualité


En tant qu’êtres humains, nous ne sommes pas doués pour les jugements absolus, mais nous sommes doués pour les jugements relatifs, c’est-à-dire comparatifs. 

Un exemple simple est que nous avons du mal à juger de la taille d’une personne, mais nous pouvons facilement voir si elle est plus grande qu’une autre. Cela vaut également lorsque nous sommes confrontés à des questions plus complexes et que nous devons procéder à une évaluation de qualité. 

Ce n’est que lorsque nous voyons différents exemples de productions d’élèves les uns à côté des autres que la qualité prend vie et fait sens, tout comme les aspects qui la composent. De plus, en ayant une conversation sur nos observations, nous pouvons mieux comprendre la difficile notion de qualité.

La recherche sur cette méthode de travail avec des exemples et un dialogue a révélé un certain nombre d’avantages :
  1. Les élèves comprennent mieux, voient et entendent exactement ce que l’on attend d’eux dans une production.
  2. Les élèves comprennent mieux les attentes de l’enseignant plus particulièrement celles qui ne peuvent être saisies dans les listes de critères ou les grilles d’évaluation.
  3. En utilisant des exemples, les élèves deviennent plus conscients de leur propre travail et de leur réflexion. Ils traduisent les idées des exemples dans leur propre travail et deviennent plus conscients de ce qu’ils font. En d’autres termes, ils développent des compétences d’autorégulation.
  4. La réflexion sur des exemples motive les élèves et leur donne confiance en eux et en leurs propres capacités. En voyant ce que d’autres ont réussi et ce que d’autres ont réalisé, ils se sentent plus sûrement capables de le réaliser eux-mêmes.
  5. Les élèves comprennent mieux le sujet lorsque les exemples sont en rapport avec celui-ci.



Techniques de comparaison des exemples


Il est préférable d’utiliser des exemples et d’en parler le plus tôt possible dans le processus, par exemple avant que les élèves ne commencent à s’engager eux-mêmes dans un travail. En même temps, pas trop tôt, car il y a le risque qu’ils ne puissent pas encore en saisir le sens.

Il existe plusieurs façons d’utiliser la combinaison d’exemples, de dialogue et de liste de critères ou de grilles d’évaluation. 

Les exemples ont une valeur d’ancrage. Nous montrons aux élèves des travaux typiquement bons et des erreurs et problèmes typiques à éviter afin de dialoguer à leur sujet. Ces exemples sont déjà dans notre tête d’enseignant en raison de votre expertise. Nous avons une idée de ce qui est un bon exemple et de ce qui est un contre-exemple, et là où les choses peuvent mal tourner. Il peut être intéressant de construire nous-mêmes ces bons et mauvais exemples et de les utiliser comme sujet de discussion. De cette manière, les élèves gardent en tête ce à quoi doit correspondre leur production et ce qu’il leur faut absolument éviter.

Cependant, les exemples gagnent à provenir préférentiellement d’élèves des années antérieures. Ils sont alors anonymisés. Ils sont plus authentiques et plus crédibles pour les élèves lorsqu’ils viennent d’autres élèves comme eux. L’avantage pour l’enseignant est qu’il lui suffit de les recueillir parmi la multitude de copies qu’il passe en revue. 

Une piste possible, s’il y a un climat de coopération et de respect mutuel dans la classe, est d’utiliser des exemples actuels anonymisés de productions d’élèves. La condition est qu’il y a suffisamment de bons exemples et d’erreurs typiques intéressantes. Les élèves sont toujours curieux de voir et d’apprendre de ce que leurs pairs ont fait. Si nous appliquons cette stratégie dans une série de tâches consécutives, la classe peut également voir les progrès qu’elle a réalisés.



Le risque de l’imitation


Un inconvénient possible de l’utilisation d’exemples est que les élèves peuvent imiter certains aspects superficiels des exemples sans trop réfléchir. Les élèves peuvent viser des productions très similaires aux bons exemples alors qu’une diversité de ceux-ci existe également.

Par conséquent, nous devons veiller à donner des tâches suffisamment différentes aux élèves pour que l’imitation de facteurs superficiels ne soit pas possible, mais que les élèves doivent se mettre à réfléchir en profondeur. 

Une découverte plus récente est que ce problème peut également être contourné dans une certaine mesure. Il s’agit de demander aux élèves de créer d’abord leur propre concept et de le comparer ensuite avec les concepts d’autres élèves.

Dans un article de synthèse, To et ses collègues (2021) se sont intéressés à l’utilisation intégrée d’exemples et de stratégies telles que les grilles d’évaluation, l’évaluation par les pairs ou l’autoévaluation. Ils ont mis en évidence qu’il s’agissait d’une caractéristique pédagogique majeure pour améliorer la compréhension des normes par les élèves et leur autocontrôle. De plus, certains éléments suggèrent que l’utilisation combinée d’exemples et de ces stratégies pourrait améliorer les performances scolaires des élèves et le développement de leur autorégulation. 

Leur principale implication pédagogique recommande que les élèves produisent une ébauche de travail avant d’être exposés aux copies types. De cette manière, ils peuvent comparer leur propre travail avec les copies types et ensuite apporter des améliorations indépendamment des enseignants. Il apparait par conséquent que ces modèles de réussite ou d’erreurs typiques ne doivent pas être introduits immédiatement dans un processus d’apprentissage.



Combiner l’utilisation des grilles d’évaluation et des listes de critères avec les exemples et le dialogue


Les grilles d’évaluation et les listes de critères présentent un intérêt accru lorsque nous les utilisons en combinaison avec des exemples et un dialogue. Ils peuvent alors jouer un rôle positif et structurant.

Nous pouvons utiliser le dialogue sur les exemples pour élaborer ensemble, avec les élèves, des listes de critères ou des grilles d’évaluation. 

Une première approche est qu’il est intéressant d’envisager de lancer une discussion sans critères ou avec une rubrique vide. En examinant les exemples et en en discutant, les élèves peuvent établir des critères pour eux-mêmes et remplir une grille d’évaluation. Lors d’une mise en commun en groupe classe, cela peut se traduire par une liste de critères ou une grille d’évaluation, avec l’avantage que les élèves comprennent pleinement de quoi il s’agit.

Une deuxième approche consiste à utiliser le dialogue sur des exemples pour comprendre les critères ou les grilles d’évaluation. C’est intéressant si la liste de critères ou la grille d’évaluation préexiste et que nous n’avons pas la latitude de le faire avec la classe. Dans cette situation, nous pouvons utiliser la combinaison d’exemples et de dialogues pour faire comprendre ce que signifient certains critères ou éléments de la grille d’évaluation.

Une troisième approche consiste à demander aux élèves d’appliquer la liste de critères ou la grille d’évaluations à des exemples de productions bien choisis. En évaluant les productions anonymisées de condisciples actuels ou antérieurs, les élèves développent une certaine expertise en matière d’évaluation, et de grilles d’évaluation ou les listes de critères acquièrent ainsi un sens. 



Utiliser les objectifs d’apprentissage comme éléments d’évaluation


Un défaut des grilles d’évaluation même en combinaison avec des exemples et un dialogue est leur complexité. Elles peuvent contenir tellement d’informations que les élèves peuvent ne pas être en mesure de se contrôler eux-mêmes, avoir une idée encore insuffisante du résultat final et ne pas savoir quelle pourrait être une bonne étape suivante. 

Une approche consiste à simplifier la grille d’évaluation en un seul point sur lequel nous, en tant qu’enseignants, voulons attirer l’attention. Ce point réduit est un élément de contrôle qui correspond à un objectif d’apprentissage. 

Cet objectif d’apprentissage décrit le comportement évalué et les preuves qui seront mises en évidence dans la production. En tant que norme, il est soit atteint ou soit non atteint. Il attire l’attention sur une cible.

Cette attention sur une cible permet d’entamer une réflexion :
  • L’objectif d’apprentissage semble-t-il pleinement atteint ?
  • Qu’est-ce qui fonctionne déjà ?
  • Qu’est-ce qui peut être amélioré ?
En limitant la grille d’évaluation à un seul ou plusieurs points singularisés, nous offrons aux élèves un point de mire, sur lequel porter attention, mais aussi pour se donner mutuellement de la rétroaction



Qualité et exigences des processus


Il est important que les élèves puissent prendre conscience de la qualité de la performance finale.

Il est tout aussi important de prendre conscience de la qualité du processus. Si un élève s’évalue et prend conscience de faiblesses éventuelles dans ses productions, comment peut-il atteindre la performance finale qu’il vise ? Il lui faut prendre conscience du processus dans lequel il doit s’engager. De même, parfois, il y a plusieurs voies possibles pour atteindre un objectif. Nous devons pouvoir dire pourquoi vous pensez que l’une de ces voies mènera à un meilleur produit qu’une autre.

Il ne s’agit pas seulement de comprendre et saisir ce qu’il faut atteindre, mais aussi comprendre la manière de le faire. Non seulement la production est importante, mais également le chemin pour y parvenir d’autant plus que parfois certaines étapes sont implicites.

Ici également, l’utilisation d’exemples et le dialogue peuvent être utiles. Nous devons documenter le processus également et en proposer un enseignement explicite.

Il est également important de rendre explicites nos considérations implicites :
  • Comment savoir si nous avons bien fait les choses et si nous nous en sortons bien ?
  • Comment savoir ce qui doit encore être amélioré ? 
  • Comment nous évaluer par rapport à ces critères ?

Mis à jour le 13/05/2024

Bibliographie


René Kneyber, Dominique Sluijsmans, Valentina Devid, Blanca Wilde López, Formatief handelen, van instrument naar ontwerp, Phronese, 2022

To, J., Panadero, E., & Carless, D. (2021). A systematic review of the educational uses and effects of exemplars. Assessment & Evaluation in Higher Education. DOI: 10.1080/02602938.2021.2011134. 

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