Le multitâche est un facteur négatif lorsque un élève essaie s'employe à apprendre en autonomie, ce qui rend important le fait de tâcher le gérer.
(Photographie : Shawne Brown)
Comprendre le défi du multitâche du point de vue de l’élève
Il peut être difficile pour un élève de s’asseoir pour faire ses devoirs ou étudier, surtout s’il trouve la matière difficile ou ennuyeuse. Pour rendre la tâche plus agréable, il peut laisser ouvert un écran de télévision ou mettre de la musique en arrière-plan, il peut parcourir les médias sociaux ou envoyer un message à un ami. Il s’agit là de divers exemples de comportements multitâches. Ce sont diverses tentatives d’accomplir plus d’une tâche à la fois.
Toutefois, le terme « multitâche » est trompeur. Au lieu d’effectuer plusieurs tâches en même temps, l’élève va passer en réalité d’une tâche à l’autre. Il peut passer quelques minutes à étudier, puis regarder quelques instants la télévision, puis revenir à l’étude, puis envoyer un message sur son smartphone et ainsi de suite. En réalité, il n’est jamais en train d’étudier et de faire autre chose en même temps. Il étudie assez mal et apprend assez peu !
Comme notre attention ne peut se porter que sur une seule tâche à la fois, la polyvalence signifie que nous interrompons constamment la tâche en cours en passant de l’une à l’autre. Le changement de tâche est donc une description plus appropriée du fonctionnement de notre attention.
Lorsque nous passons d’une tâche à l’autre, notre travail n’est pas aussi efficace. Nous mettons plus de temps à terminer la tâche, nous faisons plus d’erreurs et nous apprenons moins.
Lorsque nous nous concentrons sur une seule tâche à la fois, nous l’accomplissons plus rapidement, nous commettons moins d’erreurs et nous apprenons plus.
Le fait de se concentrer sur une seule tâche à la fois permet d’obtenir de meilleurs résultats. Mais il n’est pas toujours facile de se concentrer sur une seule tâche à la fois.
Nous pouvons facilement être distraits :
- Par des objets dans notre environnement : notre téléphone, d’autres appareils ou des personnes.
- Pas nos propres pensées : anxiété, autres échéances, projets et rêveries
Être conscient de ces éléments nous aidera à comprendre que nous devons à la fois nous conditionner mentalement et chercher à adapter notre environnement afin d’éviter les distractions et de tirer le meilleur parti de votre apprentissage.
Un effet néfaste du multitâche sur l’apprentissage lié à des taches complexes
Yeykelis et ses collaborateurs (2014) ont mesuré le comportement multitâche à partir d’enregistrements des changements de contenu sur des ordinateurs personnels au cours d’une journée. Les résultats ont montré que les changements se produisaient toutes les 19 secondes.
Cela signifie que nous avons une tendance naturelle à ne regarder un contenu spécifique que pendant un très court laps de temps avant de passer à autre chose. De plus, les chercheurs ont mis en évidence que le niveau d’excitation augmentait dans les secondes précédant le passage d’une tâche professionnelle à une tâche plus divertissante (par exemple, consulter les médias sociaux). Cette excitation ne se manifestait pas dans le sens inverse.
L’une des raisons pour lesquelles nous avons tendance à passer d’une tâche à l’autre et plus particulièrement vers une tâche plus agréable est qu’il est gratifiant de le faire.
Le passage d’une tâche à l’autre semble particulièrement susceptible de se produire lorsque nous devons maintenir notre attention sur une tâche exigeante. Ses conséquences sont alors néfastes pour l’apprentissage. L’assimilation d’informations complexes et l’établissement de liens entre différentes idées nécessitent en effet toute notre attention de manière stable et prolongée.
L’impact négatif de l’anxiété et ambigu de la dérive mentale sur l’apprentissage
Si certains changements de tâches se produisent par le biais d’instruments tels que les médias sociaux, ils peuvent également se produire dans le cadre de nos propres pensées. Il est difficile de rester concentré sur quelque chose lorsque nous sommes distraits par des rêveries, des échéances ou de l'anxiété. Lorsque nous nous laissons distraire par nos propres pensées internes, nous finissons par rebondir entre la tâche à accomplir et nos pensées distrayantes. Cette alternance de tâches mobilise les ressources attentionnelles que nous pourrions autrement utiliser pour l’apprentissage.
Selon la théorie du contrôle attentionnel (Berggren & Derakshan, 2013), l’anxiété interfère avec le bon fonctionnement de la mémoire de travail. Par conséquent, les personnes très anxieuses sont censées obtenir de moins bons résultats dans les tâches cognitives exigeantes qui requièrent un traitement cognitif efficace.
Bar-Haim et ses collaborateurs (2007) ont réalisé une méta-analyse de 172 études sur l’anxiété (N = 2 263 anxieux, N = 1 768 non anxieux). Ils ont examiné les conditions limites des biais attentionnels liés à la menace dans l’anxiété. L’anxiété amène à prêter attention à davantage d’informations non pertinentes. Ce biais est d’une ampleur comparable dans différents types de populations anxieuses et n’est pas observé chez les individus non anxieux.
L’esprit humain est enclin à vagabonder. Si nous prenons les cas d’un élève qui doit apprendre, l’anxiété est particulièrement coûteuse et malheureuse, de même que les distractions internes qui mènent à un comportement multitâche. McVay & Kane (2009) ont montré que le taux d’errance mentale prédit les erreurs de négligence de but dans la tâche.
Toutefois, dans certaines situations, cette errance mentale est bénéfique et adaptative. Selon Dane (2018), la dimension négative ou positive de l’errance mentale dépend de son contenu, c’est-à-dire des types spécifiques de pensées générées. S’il est important de rester concentré sur la tâche à accomplir, mais il y a des moments où il faut laisser son esprit vagabonder et se déconcentrer. La rêverie et le vagabondage sont normaux, sains et peuvent même parfois nous être bénéfiques. Les périodes où l’esprit n’est pas concentré peuvent favoriser la créativité, la planification et de fait la réalisation d’objectifs.
Par conséquent, s’il est important de pouvoir se concentrer et de réduire les changements de tâches, il ne faut pas s’inquiéter si l’on n’est pas concentré tout le temps.
Comment mieux éviter le multitâche et se concentrer sur ses apprentissages
Différentes actions peuvent être prises de manière routinière pour réduire les distractions lors d’une session d’étude ciblée, et pour en améliorer l’efficacité, ce qui permettra d’en diminuer la durée globale.
Les conseils prennent en compte les deux aspects suivants :
- Nous sommes facilement distraits
- Nous vivons dans un monde où nous utilisons les médias sociaux pour communiquer couramment avec notre entourage.
Un élément central est de définir et développer une routine. La mise en place d’une routine préalable à la session d’étude peut faciliter l’adoption d’un état d’esprit propice à l’étude. C’est-à-dire que nous allons toujours faire les mêmes actions avant de nous mettre à étudier, ce qui nous permet de nous créer une bulle mentale isolée de notre environnement.
Lorsque nous suivons une routine juste avant et pendant que nous étudions, au fil du temps, ces actions deviennent des signaux qui indiquent à notre cerveau qu’il est temps :
- De se déconnecter des urgences incessantes de notre environnement.
- De nous détendre face à nos inquiétudes
- De nous concentrer sur nos objectifs d’apprentissage.
Les indices contextuels jouent un rôle important dans la facilitation du changement de comportement. Non seulement ils favorisent la mémorisation, mais ils peuvent également contribuer à rendre le nouveau comportement automatique par la formation de nouvelles routines.
La routine que nous installons peut varier d’une personne à l’autre, mais certains conseils généraux sont communs. Ils consistent à s’assurer que la routine est quelque chose d’agréable et relaxant pour la personne qui l’adopte.
Différentes applications peuvent être utilisées :
- Cold Turkey est une application pour ordinateur dans laquelle l’utilisateur définit la durée pendant laquelle l’accès à des sites internet (dont les médias sociaux) est bloqué.
- Forest, une application pour téléphone qui reprend le principe de la technique Pomodoro et bloque également l’accès aux applications distractives.
Une autre technique utile est la création de groupes de responsabilisation avec des pairs. Le fait d’étudier à deux ou en groupe peut renforcer la responsabilisation :
- Il peut être motivant de se fixer un objectif pour une session d’étude et de s’engager dans un temps de concentration à plusieurs avec des temps de pauses planifiés que vous passerez ensemble.
- Ces temps de pause sont également l’occasion d’échanger sur la progression réalisée ou sur le fait de poser des questions sur les points qui bloquent éventuellement.
L’étude avec des pairs peut également se faire à distance par vidéoconférence. De plus, tous les membres de votre groupe d’étude n’ont pas besoin de travailler sur le même sujet. En fait, chacun peut étudier ou travailler sur son propre travail pendant ces sessions, à son propre rythme et avec ses propres objectifs d’apprentissage.
Des principes généraux pour faire face au risque du multitâche
Nous pouvons définir quelques principes généraux qui aident à lutter contre les risques du multitâche :
- En ce qui concerne une tâche d’apprentissage donnée, il n’existe pas de situation multitâche qui ne se traduise pas par un impact sur la qualité et le temps pris par l’apprentissage. Le fait de passer d’une tâche à l’autre compromet l’attention et diminue les performances ultérieures.
- Il importe que chaque session d’étude, chaque moment qui est concentré compte et soit utilisé efficacement. Étudier en évacuant les sources de distraction permet une meilleure rentabilité et augmente la probabilité d’atteindre ses objectifs d’étude plus rapidement. Éviter de travailler inefficacement à cause de distracteurs permet parallèlement de consacrer plus de temps aux loisirs par la suite.
- Réduire les distractions peut s’avérer difficile, car nous vivons dans un monde de connexion sociale permanente et nous sommes soumis à des flux constants d’information ainsi qu’à des pensées distrayantes. Dès lors, il s’agit d’utiliser des techniques ou des applications qui peuvent vous aider à réduire les distractions provenant de différentes sources.
- Il convient de reconnaitre nos limites et la technique Pomodoro est précieuse pour cela. Au-delà du fait qu’il est important de pouvoir se concentrer et d’ignorer les distractions lorsque le travail scolaire l’impose, il est naturel de parfois avoir du mal à nous concentrer. Il est inévitable d’être distrait lorsque nous sommes stressés et anxieux, ou lorsque nous sommes excités et heureux. Une certaine dérive mentale peut même être bénéfique pour l’apprentissage.
Le multitâche dans la perspective des processus attentionnels
On peut distinguer l’attention sélective et l’attention partagée :
- L’attention sélective :
- Elle peut se déployer d’au moins deux manières :
- En nous concentrant sur un petit nombre d’éléments, on parle d’attention focalisée.
- En diffusant l’attention sur un groupe d’éléments pris dans leur ensemble, on parle d’attention diffuse.
- L’attention sélective a pour enjeux de ne pas se laisser distraire par d’autres objets ou activités qui réclament également notre attention.
- Elle est un enjeu important en classe où un bon usage de l’attention sélective facilite l’apprentissage et l’enseignement.
- L’attention partagée :
- Elle représente notre capacité à diviser son attention, c’est-à-dire à partager son attention entre plusieurs activités, est essentielle à la réalisation simultanée de plusieurs tâches.
- L’engagement conjoint dans plusieurs activités nécessite de répartir logiquement ses ressources attentionnelles en fonction des exigences de chaque activité.
- Elle correspond à une situation de multitâche. Son évitement est un enjeu important en classe, car elle peut avoir un impact négatif sur l’apprentissage.
Dans un cadre scolaire, le multitâche qui divise notre attention se révèle nuisible aux processus cognitifs. Il entraîne des temps de réponse plus lents, davantage d’erreurs dans la tâche et une moins bonne mémoire.
Cependant, la sélection naturelle a développé notre capacité à nous investir dans un comportement multitâche, c’est qu’elle est une capacité très importante à travers l’attention diffuse. Par exemple, lorsque nous nous déplaçons en voiture, en vélo ou en trottinette, nous devons rester attentifs à l’apparition soudaine d’obstacles potentiels. À tout moment, notre attention doit pouvoir être détournée par une distraction externe afin d’éviter un accident.
Cette caractéristique de notre système attentionnel devient toutefois un problème lorsque nous ne pouvons pas cesser d’être alertés par de nouveaux stimuli non pertinents. Nous nous laissons facilement distraire par une pensée passagère, un bruit soudain ou un stimulus saillant dans notre environnement, par exemple une notification par courrier électronique. Nous devons contrer cette partie de notre système attentionnel.
L’attention focalisée, désigne notre capacité à nous concentrer sur une tâche et à ignorer les autres stimuli présents. Lorsque nous parlons de réduire le multitâche, nous parlons souvent d’améliorer notre concentration et de ne nous occuper que d’une seule tâche à la fois.
Arriver à activer notre attention focalisée devrait permettre d’améliorer nos performances de réponse, de réduire les erreurs et d’améliorer l’apprentissage. Mais ce processus peut nous rendre aveugles à d’autres évènements qui se produisent dans notre environnement. C’est par exemple la raison pour laquelle l’utilisation du smartphone au volant est interdite, car elle est source d’accidents en détournant notre attention d’obstacles potentiels.
Réduire l’impact de la tendance au multitâche
Comme nous sommes amenés à étudier avec un système cognitif sensible aux phénomènes de l’attention diffuse et de l’attention focalisée, nous ne pouvons pas complètement échapper aux distractions et aux erreurs d’inattention.
Il existe cependant différentes manières d’échapper à leurs conséquences :
Concernant le cours à étudier à proprement parler :
- Se concentrer sur les informations les plus importantes d’une matière et ne pas se laisser distraire par des détails ou des éléments secondaires vers lesquels notre attention diffuse pourrait nous pousser.
- Utiliser les objectifs d’apprentissage comme guide d’étude pour être certain de ne pas passer à côté d’éléments essentiels qui échapperaient à notre attention focalisée.
Concernant la conception de l’enseignement :
- L’évitement du multitâche a également des implications pour l’enseignant concernant la conception des cours et des supports de cours.
- Nous pouvons améliorer l’apprentissage en concevant nos cours et nos plans de cours de manière à minimiser les distractions et à mettre en évidence les informations importantes.
Concernant le cadre d’apprentissage autonome :
- Les élèves peuvent améliorer leur cadre d’apprentissage en réduisant les distractions [smartphone, accès internet, télévision, radio, musique, bruits…].
- Cela nécessite souvent de trouver des compromis, car il n’est pas toujours possible d’évacuer toutes les distractions. D’autres personnes vivent dans le même espace et continuent leurs occupations parfois bruyantes.
- Autant que possible, il est utile d’aménager un espace de travail séparé et isolé pour aider à rester concentrés et à se concentrer sur les tâches.
Mis à jour le 27/05/2024
Bibliographie
Megan Sumeracki, Cynthia Nebel, Carolina Kuepper-Tetzel, Althea Need Kaminske, Ace That Test, A Student’s Guide to Learning Better, Routledge, 2023
Althea Need Kaminske, Multitasking and Selective Attention, 2020, https://www.learningscientists.org/blog/2020/9/10-1
Yeykelis, L., Cummings, J. J., & Reeves, B. (2014). Multitasking on a single device: Arousal and the frequency, anticipation, and prediction of switching between media content on a computer. Journal of Communication, 64(1), 167–192. https://doi.org/10.1111/jcom.12070
Berggren, N., & Derakshan, N. (2013). Attentional control deficits in trait anxiety: Why you see them and why you don’t. Biological Psychology, 92, 440–446. https://doi.org/10.1016/j.biopsycho.2012.03.007
Bar-Haim, Y., Lamy, D., Pergamin, L., Bakermans-Kranenburg, M. J., & Van Ijzendoorn, M. H. (2007). Threat-related attentional bias in anxious and nonanxious individuals: A meta-analytic study. Psychological Bulletin, 133, 1–24. https://doi.org/10.1037/0033-2909.133.1.1
McVay, J. C., & Kane, M. J. (2009). Conducting the train of thought: Working memory capacity, goal neglect, and mind wandering in an executive-control task. Journal of Experimental Psychology: Learning, Memory, and Cognition, 35:196–204. https://doi.org/10.1037/a0014104
Dane, E. (2018). Where is my mind? Theorizing mind wandering and its performance-related consequences in organizations. Academy of Management Review, 43(2), 179–197. https://doi.org/10.5465/amr.2015.0196
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