mercredi 28 février 2024

Mobiliser le double codage dans le cadre du modelage en enseignement explicite

Le double codage peut être un outil pédagogique très efficace lorsqu’il est bien utilisé. Ainsi, le fait de coupler des notes de cours avec des représentations visuelles simples et claires génère un impact puissant sur l’apprentissage des élèves.

(Photographie : Jessica Auer)



Le traitement des informations verbales et visuelles selon la théorie du double codage


Le double codage (« dual coding » en anglais) est une théorie en psychologie cognitive développée par le psychologue canadien Allan Paivio dans les années 1970.

Le double codage se fonde sur l’idée que l’information sera mieux traitée par un individu lorsqu’elle est présentée à la fois de manière verbale et visuelle. Nous disposons de deux systèmes de traitement de l’information dans notre mémoire de travail :
  • Codage verbal : l’information est stockée sous forme de mots et de langage.
  • Codage imagé : l’information est stockée sous forme d’images mentales.
L’association d’une information à la fois à un mot et à une image permet de créer une représentation plus riche et plus durable dans la mémoire. 

Que nous lisons un texte, quand nous écoutons quelqu’un, quand nous parlons à voix haute ou quand nous pensons tranquillement à nous-mêmes, le processus est le même. Nous utilisons une voix intérieure pour nous aider à traiter l’information verbale (Conrad, 1964).

Il est difficile de lire un texte et d’écouter quelqu’un d’autre parler par-dessus le texte parce que la lecture et l’écoute d’informations verbales exigent toutes deux que nous utilisions notre voix intérieure. Ainsi, bien qu’un texte ou un écrit soit visuel, nous le traitons davantage comme une information auditive dans notre esprit.

Toutes les informations auditives ne sont pas verbales. La musique, bien qu’auditive, n’est pas nécessairement verbale. Le double codage ne va concerner que les informations visuelles et verbales. 

L’implication pédagogique est que pour faciliter la compréhension et la mémorisation de nouvelles connaissances, nous gagnons à utiliser simultanément :
  • Des représentations verbales, sous forme de mots
  • Des représentations non verbales, sous forme d’éléments visuels tels que des images, des graphiques, des vidéos, des gestes ou des schémas. 
Concrètement, en plus d’expliquer un concept ou une idée verbalement, l’enseignant fournit également des illustrations ou des schémas pour le visualiser.

L’approche comporte quelques limites :
  • Les explications orales sont transitoires et peuvent être perdues rapidement par l’auditeur s’il ne dispose pas de traces écrites. 
  • Les explications écrites peuvent être en concurrence pour les ressources en attention avec celui des informations visuelles.



La présentation des concepts et des processus


La présentation des concepts et des processus dans le cadre d’un enseignement explicite peut s’appuyer sur les principes du double codage.

Considérons par exemple une définition de la photosynthèse qui serait introduire auprès d’élèves du secondaire :
La photosynthèse est l’ensemble des réactions chimiques qui permettent aux plantes vertes, qui contiennent de la chlorophylle, de convertir l’énergie lumineuse en énergie chimique, sous forme de glucose. Au cours de ce processus, les feuilles vertes captent le gaz carbonique, utilisent de l’eau et rejettent de l’oxygène.
Dans l’introduction de la définition d’un concept. Un premier élément d’importance pour l’enseignant est de s’assurer que pour les élèves tout le vocabulaire utilisé et intelligible.

Nous pouvons supposer que l’ensemble des éléments de la définition ont été introduits préalablement à l’aide d’exemples. Dans un second temps, la définition du concept est alors formalisée. Le concept peut être expliqué oralement en prenant la définition présente dans les notes de cours des élèves.

Si le concept est nouveau pour les élèves, se limiter à cette explication a toutes les chances de générer une surcharge mentale. C’est pourquoi chacune de ses composantes a dû être introduite par des exemples précédemment.

Toutefois, si nous introduisons la définition telle quelle, en l’expliquant oralement, et si nous demandons dans la foulée à un élève d’expliquer la photosynthèse, il a de grandes chances de rencontrer des difficultés.

Une meilleure manière de faire est d’accompagner les explications avec une représentation selon les principes du double codage qui rassemble et intègre toutes les composantes précédemment introduites.

Pour y parvenir, nous utilisons un visualiseur, ce qui nous permet d’associer le visuel et l’oral dans nos explications. Par exemple, dans le cadre de la définition de la photosynthèse, nous représentons étape par étape : 
  • Le schéma d’une plante verte dans un pot
  • À partir de là, nous précisions sur le schéma les trois entrants à partir de flèches :
    • La lumière qui provient du soleil et touche les feuilles
    • L’eau qui est présente dans le sol et pénètre dans la plante par les racines
    • Le gaz carbonique qui se trouve dans l’air et s’échange au niveau des feuilles de la plante.
  • Nous précisions ensuite sur le schéma les deux produits à partir de flèches :
    • L’oxygène qui est produit dans les feuilles et retourne dans l’air
    • Le glucose qui est conservé à l’intérieur de la plante
Si nous demandons dans la foulée à un élève d’expliquer la photosynthèse, le taux de réussite sera bien plus élevé. Il pourra se reposer sur la représentation graphique qu’il vient de reproduire dans ses notes de cours.

De même, cette représentation graphique simplifiera son apprentissage de la définition, car elle soutient son appropriation en représentant les liens directs entre les éléments essentiels.

La présence de la représentation visuelle et du texte pourrait être un cas de redondance, mais ces deux représentations ne remplissent pas les mêmes objectifs. En réalité, le texte et l’image sont tous deux essentiels : 
  • Les élèves mobilisent le texte pour acquérir un langage plus scolaire et propre à la discipline.
  • Les élèves mobilisent le graphique pour retenir les termes essentiels, le sens, les liens et la structure de la réponse.
Une image et une explication verbale seule ne peuvent suffire pour développer un apprentissage profond. Nous avons tendance à nous exprimer oralement avec moins de rigueur qu’à l’écrit or nous voulons que les élèves puissent développer les deux aspects.

Le double codage permet d’avoir une vision d’ensemble de la définition grâce au schéma. La définition permet alors d’enrichir la qualité de la compréhension en enrichissant le vocabulaire de l’élève.

En dehors de son utilité pour des concepts et des processus, le double codage peut également être mobilisé pour des procédures et des arbres décisionnels qu’il peut clarifier de nouveau par le biais d’une représentation graphique. 

Les représentations graphiques basées sur les principes du double codage permettent de résumer clairement les choix logiques, ce qui aide les élèves à mémoriser. De nouveau, le processus peut impliquer une certaine simplification, les notes de cours textuelles permettant parallèlement d’expliciter clairement le détail des différentes démarches. 



Des principes de présentation à appliquer issus du double codage


Voici différents principes qui illustrent la marche à suivre pour intégrer le double codage dans le cadre du modelage en enseignement explicite : 
  1. Un diagramme doit rester très simple, en se concentrant uniquement sur les éléments et connecteurs importants pour l’explication. Cela permet d’éviter les distractions qui entraînent une surcharge cognitive.
  2. Si la clarté importe, la précision est elle-même importante. Nous devons éviter de sacrifier la précision à la clarté lorsque cela est pertinent. Il y a des limites à la simplification. 
  3. Les informations textuelles et verbales viennent compléter l’image. Elles sont intégrées directement à l’intérieur de celle-ci sauf si elles provoquent une surcharge ou sont redondantes.
  4. Toute image, tout choix de couleur ou tout élément graphique ne doit être inclus que s’il est nécessaire, signifiant et non redondant dans la représentation.
  5. Toute information ou précision non utile ou secondaire doit être omise.  
  6. Les informations doivent être regroupées, structurées et mises en lien.
  7. La hiérarchie est représentée visuellement ou par la taille des lettres.
  8. Lorsque l’enseignant introduit une représentation, il vérifie la compréhension e ses élèves tout au long de ses explications pour stimuler leur attention et leur réflexion.



Bibliographie


Althea Need Kaminske, Learning in a Museum, 2019 https://www.learningscientists.org/blog/2019/6/13-1

Conrad, R. (1964). Acoustic confusion in immediate memory. British Journal of Psychology, 55, 75-84.

Pritesh Raichura, Dual-coding in Science, 2017, https://bunsenblue.wordpress.com/2017/05/13/dual-coding-in-science/

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