lundi 19 février 2024

Comprendre la notion de problème et son usage en enseignement explicite

Avant de s’intéresser à l’apprentissage de la résolution de problèmes, qui est une finalité en mathématiques, il est intéressant de s’entendre sur le sens de ce terme et sur les usages qui en découlent. 

(Photographie : moji2)



Définir la notion de problème


La définition choisie pour un problème dans ce blog est celle d’une tâche qu’on ne sait pas réaliser d’emblée.

Il n’existe en effet pas de consensus clair sur ce qui constitue un problème. Comme l’écrivent Hodgen et ses collègues (2018), il existe un grand écart dans les conceptions entre : 
  • D’un côté, l’idée que toute tâche présentée à des élèves peut être définie comme un « problème »
  • De l’autre, l’idée qu’il s’agit d’un problème lorsque l’on présente aux élèves une tâche pour laquelle ils n’ont pas de méthode immédiatement applicable. Ils doivent donc concevoir et poursuivre leur propre approche. 
Ce qu’il importe de faire est de distinguer le problème de l’exercice. Tous deux sont des tâches. La résolution de problèmes se distingue de celle des exercices, car les seconds sont familiers. 

Nous pouvons donc considérer comme problèmes des tâches pour lesquelles les élèves peuvent posséder les connaissances requises pour les résoudre, mais qu’ils n’ont pas encore rencontrées.

À partir du moment où un élève a appris à résoudre un type de problème particulier, celui-ci devient un exercice. La distinction se place au niveau de l’apprentissage :
  • Si des élèves s’exercent à résoudre des problèmes, y arrivent, mais n’apprennent rien, ceux-ci restent des problèmes. 
  • Si nous enseignons à des élèves comment résoudre certains types de problèmes et qu’ils pratiquent avec succès par la suite, ceux-ci deviennent des exercices.
De fait, la résolution de problèmes n’est intéressante que si elle mène à un apprentissage et élimine de fait certains problèmes. 



Résolution de problèmes, enseignement explicite et connaissances préalables


La difficulté que représente un problème pour un élève donné peut être en rapport avec son degré de familiarité envers la tâche. Au moins, celle-ci est familière, au plus la probabilité qu’il puisse le résoudre diminue.

Il existe un lien direct entre la capacité d’un élève à résoudre un problème ou à faire face à une situation nouvelle dans un domaine particulier, et ses connaissances préalables dans ce même domaine :
  • La présence de nombreuses connaissances intégrées facilite la résolution de problèmes.
  • L’absence de connaissances préalables inhibe et amoindrit nettement la capacité à résoudre des problèmes avec succès.
Dans une classe, les élèves vont se distinguer en fonction de leurs connaissances préalables et de la progression de leurs apprentissages nouveaux. Ce facteur peut être atténué ou aggravé en fonction de la forme pédagogique sélectionnée par l’enseignant. Les stratégies d’enseignement efficace ont par définition pour objet d’atténuer cette hétérogénéité.

Il reste que par cette hétérogénéité existante, de fait, au sein d’une classe, une même tâche peut être un problème complexe pour certains élèves et un exercice d’application accessible pour d’autres. Le degré de familiarité de l’élève avec la tâche détermine son statut et sa capacité à le résoudre.

Si une tâche est complètement familière et sa résolution immédiatement identifiée par un élève, il s’agit d’un exercice. C’est quelque chose qu’un élève comprend. Nous sommes alors dans la consolidation. L’enjeu de la réalisation d’exercice est de transformer une compréhension en un apprentissage durable en mémoire à long terme. 

Cependant, aussi longtemps que l’élève fait face à des problèmes qu’il n’identifie pas directement, il ne peut pas être dans la consolidation.

Dès lors, pour l’enseignant, ce qui compte n’est donc pas que les élèves puissent résoudre des problèmes spécifiques par eux-mêmes, mais qu’ils apprennent la marche à suivre pour le faire. Cela demande de mettre l’accent sur l’apprentissage de problèmes résolus par un processus de modelage et de pratique guidée.

Nous pouvons œuvrer à augmenter le degré de familiarité par un enseignement direct et explicite. La capacité à résoudre des problèmes augmentera de fait chez tous les élèves par l’acquisition de connaissances spécifiques dans le domaine.

N’ayant pas un accès direct aux connaissances des élèves, nous ne pouvons donc pas aisément établir qu’un problème donné est familier alors qu’un autre ne l’est pas.

La meilleure manière de procéder est par conséquent de coupler une démarche d’enseignement explicite avec des processus d’évaluation formative. L’accent peut de cette manière être mis pour tous les élèves sur l’acquisition des connaissances mêmes qui permettent de résoudre des problèmes en augmentant leur familiarité avec ceux-ci.



Un continuum de degré de familiarité


Il est plus utile de considérer les problèmes comme existant selon un continuum de familiarité, du plus familier au moins familier. Cette distribution peut exister pour un élève donné entre différents problèmes. 

Cette distribution peut également exister pour un problème donné entre différents élèves. Dans cette perspective, les élèves vont se distribuer le long de cet axe. Logiquement, si l’enseignement joue son rôle dans un domaine donné, en fonction de l’évolution de leurs connaissances et de leur pratique dans un domaine, les problèmes sont appelés à devenir de plus en plus familiers.

L’enjeu pour l’enseignant est de faire progresser ses élèves dans leurs apprentissages. Dès lors, les problèmes doivent être conçus comme un moyen et non une finalité. Il s’agit de les familiariser peu à peu avec des problèmes de plus en plus complexes.

En tant qu’enseignants, c’est quelque chose que nous tendons naturellement à faire, à proposer à nos des élèves des problèmes par ordre croissant de complexité. Si nous voulons que nos élèves résolvent des problèmes avec succès, nous devons nous assurer qu’ils apprennent à maitriser les connaissances nécessaires, étape par étape. Si cette progression est trop rapide, nous risquons une surcharge cognitive qui hypothéquera la poursuite de l’apprentissage.



Distinguer exercices, problèmes accessibles et inaccessibles


La résolution de problème dépend de l’acquisition de connaissances factuelles, procédurales et conceptuelles. 

Nous pouvons classer les tâches données aux élèves en trois types : 
  • Exercices : 
    • L’élève a les connaissances requises et a déjà rencontré des tâches similaires.
    • Les exercices font l’objet de pratiques de récupération régulières (quiz de problèmes accessibles).
    • L’enjeu est au niveau de la consolidation.
  • Problèmes accessibles : 
    • L’élève a les connaissances requises et n’a pas encore rencontré le problème auparavant.
    • Dans un enseignement explicite, ce type de problème peut intervenir lors de la pratique coopérative ou par la suite dans le cadre d’une découverte guidée.
    • L’élève peut résoudre ce problème, éventuellement avec un étayage.
    • L’enjeu est au niveau de l’apprentissage.
  • Problèmes inaccessibles : 
    • L’élève n’a pas encore les connaissances requises et ne peut donc résoudre le problème.
    • Ce type de problème doit faire l’objet d’un enseignement explicite avec modelage, pratique guidée et pratique autonome.
    • Des approches pertinentes sont celles des problèmes résolus, des problèmes à compléter ou de la non-spécification du but, telles que promues dans le cadre de la théorie de la charge cognitive.
    • Sans un étayage et un guidage précis de l’enseignant, l’apprentissage à partir de ces problèmes est compromis.



Le format de problème à milieu ouvert


Un format de problème intéressant en mathématiques est celui des problèmes ouverts au milieu. Il s’agit de problèmes pour lesquels un début et une fin sont donnés et pour lesquels l’enjeu est de montrer comment à partir des données de l’énoncé, on peut établir la conclusion.

L’avantage est que trouver la solution n’est plus l’enjeu final, celui-ci se trouve déplacé vers le processus de réflexion. Le seul élément auquel il faut veiller est que l’élève ne puisse pas déduire ou deviner la démarche à partir de la réponse. 

L’autre intérêt est que le processus incite à la rigueur. En cas de faute de calcul, la réponse finale ne sera pas obtenue, ce qui poussera l’élève à plus d’autorégulation. 



L’échelonnement des problèmes


La question centrale pour un enseignant dans la préparation de ses activités d’enseignement est de quantifier la difficulté :
  1. Des problèmes accessibles qu’il va proposer à ses élèves lors de la pratique autonome
  2. Des problèmes inaccessibles qu’il va proposer à ses élèves lors du modelage et de la pratique guidée  
Il s’agit donc de tâches pour lesquelles il n’y a pas pour l’élève de méthode immédiatement applicable. Les élèves doivent par conséquent déterminer (seuls pour le cas 1 ou avec le guidage de l’enseignant pour le cas 2) quelle approche appliquer, sélectionner les données présentées et les traiter. 

La difficulté vient du fait que tous les élèves n’ont pas les mêmes connaissances au même moment. Toute nouvelle tâche dans une nouvelle matière constitue à un moment donné un problème inaccessible puis devient accessible pour finalement être réduite au statut d’exercice de consolidation.

À côté de la nécessaire démarche de discrimination qui implique que l’élève relève des indices dans l’énoncé pour déterminer parmi la panoplie de procédures qu’il connait laquelle est pertinente, il y a une autre dimension. 

Même si l’élève a déterminé la procédure pertinente à appliquer, elle peut ne pas être directement applicable de manière classique, mais peut demander un raisonnement préalable. Ceci constitue une seconde dimension au problème qui peut s’ajouter à la première.

Ce qui est un problème pour un élève ne le sera pas pour un autre et vice versa, le tout en fonction de leurs connaissances antérieures. Cette situation montre que des procédures d’apprentissage collaboratif dans le cadre d’une pratique coopérative pour des groupes hétérogènes sont potentiellement intéressantes. 

De fait, les problèmes ne peuvent pas réellement être considérés comme une entité séparable de tâches qui seraient des tâches d’application que sont les exercices. Au sein d’un cours, ils représentent plutôt un continuum le long duquel les élèves progressent, de tâches simples vers des tâches de plus en plus complexes et diversifiées.

La capacité de résolution de problèmes est intimement liée à la maitrise de connaissances. Un élève n’est pas bon ou mauvais en mathématiques, il va se distinguer par l’ampleur et la profondeur de ses connaissances et par ses capacités à la mobiliser (mémoire de travail, attention, vitesse de traitement…).

Engager les élèves dans des démarches de résolution de problèmes dans un domaine spécifique a pour objectif d’augmenter leurs connaissances dans ce domaine et rentre de nouveaux contextes plus familiers et accessibles.



Mis à jour le 19/05/2024

Bibliographie


Emma Mccrea, Making Every Math Lesson Count, 2019, Crown House
 
Hodgen, J., Foster, C., Marks, R., & Brown, M. (2018). Evidence for Review of Mathematics Teaching: Improving Mathematics in Key Stages Two and Three: Evidence Review. London : Education Endowment Foundation.

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