jeudi 15 février 2024

Accompagner les nouveaux enseignants en début de carrière

Un programme de mentorat bien conçu, facilité par un mentor compétent et enthousiaste, fait une énorme différence dans le sentiment de réussite d’un enseignant en début de carrière (Holloway, 2001).

(Photographie : Carlos Chavarría)





Le défi de l’accompagnement des nouveaux enseignants


Une particularité de la profession d’enseignant est son taux d’abandon durant les premières années d’exercices. De nombreux nouveaux enseignants rencontrent des difficultés d’un niveau tel qu’ils changent de carrière. 

Cela signifie qu’ils partent sans avoir acquis le niveau de confiance, d’équilibre, de compétence, de professionnalisme et d’expérience. Ils ne se sentent pas suffisamment à l’aise face aux défis changeants qui se posent à eux dans leur établissement. Globalement, cela se traduit pour le secteur de l’enseignement par la perte d’une main-d’œuvre diversifiée et experte.

La stabilité des établissements scolaires peut se trouver compromise si de nombreux enseignants partent avant d’avoir atteint leur plein potentiel et bifurquent vers une nouvelle trajectoire.

Il faut du temps pour être un enseignant efficace. De nouveaux enseignants doivent relever tant de défis jusqu’à ce qu’ils aient acquis ces connaissances, que cela peut les amener à changer de voie ou à se contenter de performances standards. Cela se traduit par une perte de qualité au niveau du secteur éducatif, qui serait évitée si ces mêmes enseignants étaient mieux accompagnés sur le développement de l’expertise.



Apprendre à enseigner et rester dans l’enseignement comme processus sociaux


Dans le cadre d’un mentorat bien conçu, de nouveaux enseignants peuvent bénéficier de l’espace qui leur est offert pour grandir, réfléchir, continuer à observer les autres et travailler en collaboration avec leurs collègues.

Le mentorat est le plus efficace lorsqu’il repose sur des relations personnelles positives entre les enseignants novices et ceux qui ont plus d’expérience. 

Les collègues experts deviennent de bons mentors (de manière formelle ou informelle) lorsqu’ils permettent aux nouveaux enseignants de tester leur identité émergente et de renforcer leur confiance en affirmant leur développement et leur croissance professionnels.

Les bons mentors veillent à ce que les nouveaux enseignants reconnaissent qu’ils ne doivent jamais se sentir isolés et qu’ils peuvent toujours trouver de l’aide dans la profession. Les mentors sont importants et de nombreux enseignants apprécient le mentorat. 



L’importance de la qualité du mentorat


Toutes les formes de mentorat ne créent pas un environnement d’apprentissage professionnel positif. Naturellement, nous associons le fait d’être un bon enseignant à celui d’être un bon mentor. Cependant bien que ces deux conditions puissent se rencontrer, elles ne coïncident pas nécessairement.  

Pour être un mentor expert qui encadre des enseignants en début de carrière, il faut être conscient de la manière dont les novices apprennent, au sein et à partir d’environnements de travail complexes. 

Cela nécessite également la création d’espaces réflexifs et productifs. Au sein de ceux-ci, les tâches et dilemmes pratiques et urgents peuvent être ancrés dans une base de connaissances professionnelles solide et en lien avec des valeurs partagées et façonnées.

Le mentorat ne doit pas être une simple obligation administrative. Le mentorat doit s’inscrire dans un paysage éducatif professionnel dans lequel les nouveaux enseignants et les mentors remettent en question des pratiques professionnelles restrictives, déficientes, inefficientes ou contreproductives. 

Toute personne ayant une expérience adéquate de l’enseignement ne peut assumer ce rôle de mentor sans formation ni soutien. L’apprentissage professionnel de nouveaux enseignants et des mentors doit être considéré avec sérieux. L’enseignement en école est une démarche soutenue par une équipe éducative. Les nouveaux enseignants doivent donc pouvoir compter sur le soutien de mentors et d’autres personnes à l’école et ailleurs.



La notion de mentor pour nouveaux enseignants


Nous pouvons considérer qu’un mentor est quelqu’un qui utilise une partie de son temps et son expertise pour développer et guider une autre personne qui est moins expérimentée que lui.

La fonction de mentor implique certaines qualités qui peuvent aider leurs mentorés à se développer et à s’épanouir. Kerry et Mayes (1995) définissent certaines de ces qualités comme la capacité à :
  • Prendre soin
  • Être un modèle
  • Encourager
  • Conseiller
  • Se concentrer sur le développement professionnel de la personne guidée
  • Maintenir une relation bienveillante dans le temps
Les mentors sont des agents du changement dans leurs écoles, puisqu’ils sont les collègues experts auprès desquels les nouveaux enseignants peuvent apprendre. Ce pouvoir s’accompagne d’une grande responsabilité et gagne à s’inscrire dans les principes du modèle de coaching pédagogique.



La dimension du coaching pédagogique pour le mentor


Le coaching pédagogique est un facteur d’efficacité dans le cadre d’un développement professionnel. Dans le cadre d’une méta-analyse, Kraft et ses collaborateurs (2018) ont révélé les effets positifs du coaching sur la pratique pédagogique. 

Le coaching pédagogique repose sur l’idée qu’un enseignant travaille avec un autre expert formé pour l’aider à apprendre, à adopter de nouvelles pratiques d’enseignement et à fournir un retour d’information. Ce mentor combine l’expertise en matière d’enseignement et de contenu. Il n’existe pas de modèle de coaching standard pour l’approche du mentorat, mais celui de Jim Knight (2016) est souvent mis en avant. 

Dans cette perspective, il est nécessaire pour les enseignants de collaborer avec leurs mentors et d’apprendre de leur expertise. Elle suit le principe selon lequel le coaching est un cycle, au centre duquel se trouvent l’engagement et l’apprentissage des élèves. Il implique de prévoir du temps pour la planification et les observations, ainsi que pour mettre en œuvre le changement et réfléchir en fin du cycle. Dans ce processus, les facteurs de réussite doivent être spécifiques.

Les accompagnateurs pédagogiques doivent également être bien informés et apporter ce que Knight (2016) appelle un « manuel pédagogique » fondé sur la recherche. Grâce à cela, ils peuvent être des collègues experts, qui apportent les meilleures pratiques pédagogiques dans leurs écoles et transmettent leur expertise à leurs mentorés.



Caractéristiques d’un mentor efficace d’après les nouveaux enseignants


Dans le cadre de son livre, Hughes (2021) a réalisé différentes études qualitatives en interrogeant notamment de nouveaux enseignants sur le mentorat dont ils ont bénéficié. Elle met en évidence dix caractéristiques essentielles pour les mentors.

Un premier essentiel est l’accessibilité du mentor. Cette accessibilité donne au nouvel enseignant la confiance nécessaire pour poser des questions et tenter de nouvelles approches face à ses difficultés en prenant des risques. En cas de difficulté, le nouvel enseignant doit sentir qu’il pourra avoir de l’aide, dans le cadre d’une relation professionnelle suffisamment bonne pour aborder le sujet et obtenir en retour soutien et conseils. Le mentor est compatissant, il donne des conseils et fournit des critiques constructives. Il établit une bonne relation initiale avec le nouvel enseignant qui sait qu’il peut venir vers lui à tout moment. Le mentorat peut demander du temps et de l’énergie en conséquence lorsqu’il est bien mené. 

Un deuxième élément essentiel est la volonté du mentor d’être impartial. Le mentor fait preuve autant que possible d’objectivité en essayant de limiter la subjectivité lors de l’observation des cours et de sa rétroaction, et à travers l’expression des attentes et la détermination d’objectifs. À ce titre, faire référence à des modèles fondés sur des données probantes favorise ce processus.

Un troisième élément essentiel pour le mentor est sa capacité à exprimer des attentes élevées. Tout le monde peut améliorer son enseignement, même lui, s’il bénéficie du soutien nécessaire et fournit les efforts attendus.

Un quatrième élément nécessaire est l’expérience. Cette caractéristique est nécessaire, mais non suffisante. Un bon mentor n’a pas seulement les connaissances spécifiques à la matière, mais également l’expérience de l’enseignement en classe pour aider dans les scénarios les plus délicats. L’expérience en enseignement contribue à la qualité des mentors. Il y a une connaissance du contexte, de l’enseignement en classe et des difficultés rencontrées avec et par les élèves. Un mentor avec moins d’expérience d’enseignement n’aura pas le même degré de connaissance et de recul. Le mentor est un collègue expert. Il doit avoir l’expérience nécessaire pour conseiller un nouvel enseignant, et il doit être un expert dans son domaine afin de pouvoir modéliser les meilleures pratiques et transmettre son savoir-faire à ceux qui débutent dans la profession. Les collègues experts incarnent également la résilience dont les nouveaux enseignants ont besoin s’ils souhaitent rester dans l’enseignement. Ils ont traversé de nombreuses tempêtes et possèdent la ténacité nécessaire pour jouir d’une longue carrière en tant qu’enseignant.

Un cinquième élément est que le mentor est une personne véritablement passionnée par l’enseignement et en phase avec la culture et le fonctionnement de son établissement scolaire. La dernière chose dont un enseignant a besoin est une personne qui a perdu toute passion et tout enthousiasme pour l’enseignement et qui rayonne de négativité envers son établissement.

Un sixième élément est qu’un mentor ne va pas demander au nouvel enseignant de faire quelque chose qu’il ne serait pas prêt à faire lui-même. 

Un septième élément est que le mentor va poser des questions qui vous font réfléchir, plutôt que de donner des réponses. 

Un huitième élément est que le mentor est une personne qui consacre du temps au mentorat. Il a une fonction identifiée et un rôle à remplir à ce sujet.  

Un neuvième élément est qu’un bon mentor se souvient à quel point il peut être difficile d’entrer dans le monde de l’enseignement. Il vise à aider le nouvel enseignant à se frayer un chemin avec succès. Il sait où en est le nouvel enseignant dans son parcours. Il se pose constamment les bonnes questions : 
  • Quelles sont les compétences qu’il possède et qu’il peut utiliser à bon escient pour renforcer sa confiance en lui ?
  • Quelles situations, quels contextes, quelles interactions doivent-ils expérimenter davantage afin de mieux comprendre comment un bon enseignant pourrait réagir ?

Un dixième élément est que la relation entre le mentor et le novice se dégrade très souvent lorsque le mentor est trop agressif ou prescriptif. Le mentor essaye de modeler le nouvel enseignant pour qu’il corresponde exactement à sa vision d’un bon enseignant, une imitation de lui-même, privant ainsi le nouvel enseignant de son pouvoir d’action.



Bibliographie


Haili Hughes, Mentoring in schools, Crown House, 2021

Holloway, J. H. (2001) “The benefits of mentoring”. Educational Leadership, 58(8): 85–86.

Kerry, T. and Mayes, A. S. (1995) Issues in Mentoring. London: Psychology Press.

Kraft, M. A., Blazar, D. and Hogan, D. (2018) “The effect of teacher coaching on instruction and achievement: a meta-analysis of the causal evidence”. Review of Educational Research, 88(4): 547–588.

Knight, J. (2016) “Teach to win: seven success factors for instructional coaching programs”. Education Digest, 81(5): 27–32.

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