jeudi 18 janvier 2024

Mise en œuvre de l’alignement curriculaire et de la taxonomie d’Anderson et Krathwohl

Afin de rendre les pratiques de notation à haute valeur informative, on travaille autour de trois approches complémentaires : l’alignement curriculaire, la planification à rebours, et l’évaluation critériée.

(Photographie : Livaniana)



L’alignement curriculaire théorise la cohérence nécessaire entre l’enseignement, l’apprentissage et l’évaluation. 

Pour entrer dans cette logique, les enseignants réfléchissent du point de vue des compétences du programme dont ils visent la maitrise par leurs élèves. L’enjeu est d’expliciter l’implicite des programmes.



L’alignement curriculaire des tâches d’apprentissage


Une cohérence des tâches avec les objectifs pédagogiques du programme


Si les enseignants savent ce qu’ils font avec leurs élèves, ils ont souvent de la difficulté à l’expliciter. Parfois, le lien entre les tâches et les compétences n’est pas clair, ces deux aspects manquent de recouvrement.

Des enseignants peuvent passer un temps considérable à mener à bien avec leurs élèves des activités qui ne correspondent pas aux contenus et aux objectifs pédagogiques du programme. Elles peuvent être peu porteuses d’apprentissages clés, ou sont dans le programme d’une autre année scolaire. 

Il faut pouvoir se prémunir de telles dérives et du gaspillage de ressources qui l’accompagne. Les tâches d’apprentissage doivent s’aligner sur le programme à travers des objectifs d’apprentissage.


Un traitement exhaustif des programmes


La logique des objectifs d’apprentissage demande un traitement exhaustif des programmes. 

Cela nous amène à nous poser la double question :
  • Devons-nous enseigner, faire apprendre ou évaluer tout ce qu’il y a dans le programme ?
  • Est-ce que nous enseignons, faisons apprendre ou évaluons des éléments qui ne se trouvent pas dans le programme ?
Dans des programmes souvent trop riches, la perspective de l’établissement de connaissances durables et approfondies impose de déterminer les éléments essentiels du programme et de leur donner une place prioritaire. Une fois cela fait, nous pouvons passer à la détermination des objectifs d’apprentissage.



La détermination des tâches emblématiques et prioritaires


La priorisation des tâches


Si nous ne pouvons pas tout enseigner, tout faire apprendre ou tout évaluer avec le même degré de maitrise se pose la question de la priorisation.

Quels sont les contenus importants et les contenus secondaires ? Quelles sont les compétences de base, et les compétences incontournables dans la discipline ?

À la réalisation et à la maitrise de quelles tâches emblématiques, est-ce que ces contenus importants correspondent ? 

Dans chaque discipline, il y a des activités d’apprentissage qui reviennent souvent et qui sont très importantes. C’est par exemple, écrire un texte en français, comprendre un texte en langues, réaliser une démarche scientifique en sciences, résoudre un problème en mathématiques, etc. 

Il est important de mettre l’accent là-dessus, de libérer suffisamment de temps pour ces tâches emblématiques et d’amenuiser le temps consacré à des tâches pas non fondamentales comme des projets. 


L’accent sur l’alignement curriculaire.


Le programme est décliné en objectifs d’apprentissage qui servent de base pour concevoir les tâches d’apprentissage du cours et les tâches mobilisées lors de l’évaluation. 

L’évaluation concerne des éléments du programme qui ont été travaillés en classe. 

Ce qui est évalué a été enseigné et pratiqué en classe et correspond à des éléments emblématiques et identifiés. Tout écart à ce niveau se fait potentiellement au détriment de l’élève. Le respect de l’alignement curriculaire permet de s’assurer de la mise en œuvre de pratiques d’évaluation sommative et de notation qui sont cohérentes.



La taxonomie d’Anderson et Krathwohl


Table taxonomique


 

Dimensions de la connaissance

Dimensions du processus cognitif

Se remémorer

Comprendre

Appliquer

Analyser

Évaluer

Créer

 

Connaissances factuelles

 

 

 

 

 

 

Connaissances conceptuelles

 

 

 

 

 

 

Connaissances procédurales

 

 

 

 

 

 

Connaissances métacognitives

 

 

 

 

 

 

 

 

Sous-dimensions des connaissances

 

Dimensions et sous-dimensions

Connaissances factuelles : les éléments de base que les élèves doivent

connaitre pour être familiers avec un domaine d’une discipline ou 

pour pouvoir comprendre l’énoncé d’un problème à l’intérieur de

celle-ci

Connaissance de la terminologie

Connaissances d’éléments et de détails spécifiques

Connaissances conceptuelles : les relations entre les éléments

de base d’une structure plus large, qui leur permettent 

de fonctionner ensemble.

Connaissances des classifications et des catégories

Connaissances des principes et des généralisations

Connaissances des théoriesmodèles et structures

Connaissances procédurales : comment faire quelque choseméthodes de

recherche et critères d’utilisation des compétencesalgorithmestechniques

et méthodes

Connaissance des compétences et des algorithmes spécifiques à un sujet.

Connaissances des techniques et des méthodes spécifiques à un sujet

Connaissance des critères pour déterminer quand utiliser les procédures appropriées.

Connaissances métacognitives : connaissance de la cognition 

en général et conscience et connaissance de sa propre cognition

Connaissance stratégique

Connaissance de la schématisation 

en tant que moyen de saisir la structure

 d’une unité de matière dans un manuel

connaissance de l’utilisation d’heuristiques.

Connaissance des tâches cognitives, y compris les connaissances contextuelles

contextuelles et conditionnelles appropriées

Connaissance des types de tests administrés 

par certains enseignantsconnaissance des 

exigences cognitives des différentes tâches.

Connaissance de soi

Connaissance du fait que la critique des essais

 est une force personnellealors que la rédaction

 d’essais est une faiblesse personnelle ;

conscience de son propre niveau de 

connaissances.

 

 

Catégories et processus cognitifs

 

1. Se souvenir : récupérer les connaissances pertinentes dans la mémoire à long terme

 

1.1. Reconnaître

Identifier

Localiser dans la mémoire à long terme les connaissances qui correspondent au matériel présenté

1.2 Rappeler

Récupérer

Récupérer les connaissances pertinentes dans la mémoire à long terme

 

2. Comprendre : construire le sens des messages pédagogiques, y compris la communication

oraleécrite et graphique

2.1 Interpréter

Clarifierparaphraserreprésentertraduire

Passer d’une forme de représentation à une autre

 

2.2 Exemplifier

Illustrerinstancier

Trouver un exemple spécifique ou une illustration d’un concept ou d’un principe

 

2.3 Classifier

Catégorisersubsumer

Déterminer l’appartenance d’une chose à une catégorie

2.4 Résumer

Résumergénéraliser

Résumer un thème général ou un point important

 

2.5 Déduire

Conclureextrapolerinterpolerprédire

Tirer une conclusion logique à partir d’informations présentées

2.6 Comparer

Contrastermettre en correspondancefaire correspondre

Détecter des correspondances entre deux idéesdeux objets ou des choses similaires

2.7 Expliquer

Construire des modèles

Construire un modèle de cause à effet d’un système

 

3. Appliquer : réaliser ou utiliser une procédure dans une situation donnée

 

3.1 Exécuter

Effectuer

Appliquer une procédure à une tâche familière

 

3.2 Mettre en œuvre

Utiliser

Appliquer une procédure à une tâche non familière

4. Analyser : décomposer le matériel en ses éléments constitutifs et déterminer comment ces 

éléments sont liés entre eux et à une structure globale. 

4.1 Différencier

Discriminerdistinguerfocalisersélectionner

Distinguer les parties pertinentes des parties non pertinentes ou les parties importantes des parties non importantes du matériel présenté.

4.2 Organiser

Trouver la cohérenceintégrersouligneranalyserstructurer

Déterminer comment les éléments s’intègrent ou fonctionnent au sein d’une structure

4.3 Attribuer

Déconstruire

Déterminer un point de vueun parti pris, des valeurs ou une intention sous-jacente au matériel présenté

5. Évaluer : porter des jugements fondés sur des critères et des normes

 

5.1 Contrôler

Coordonnerdétectersurveillertester

Détecter les incohérences ou les erreurs dans un processus ou un produit ; déterminer si un processus ou un produit a une cohérence interne ; détecter l’efficacité d’une procédure lors de sa mise en œuvre.

 

5.2 Critiquer

Juger

Détecter les incohérences entre un produit et des critères externesdéterminer si un produit a une cohérence externe ; détecter l’adéquation d’une procédure à un problème donné.

 

6. Créer : assembler des éléments pour former un ensemble cohérent ou fonctionnel ; 

réorganiser des éléments en un nouveau modèle ou une nouvelle structure.

6.1 Générer

Poser des hypothèses

Proposer une hypothèse alternative basée sur des critères

6.2 Planifier

Concevoir

Élaborer une procédure pour accomplir une tâche

6.3 Produire

Construire

Inventer un produit

 

 



L’enjeu de la mobilisation de la taxonomie d’Anderson et Krathwohl


Un enjeu de l’alignement curriculaire est la concordance entre les tâches d’apprentissage, les tâches d’évaluation et les objectifs d’apprentissage en ce qui concerne le niveau de complexité et de connaissance mobilisé.

La taxonomie d’Anderson et Krathwohl peut contribuer à s’assurer d’un meilleur alignement, car elle est explicite dans le niveau de tâche et de connaissance visé par une tâche.

Elle permet de réaliser un meilleur alignement curriculaire en vérifiant une concordance entre le niveau de complexité attendu dans l’objectif d’apprentissage et celui présenté dans la tâche d’apprentissage ou d’évaluation. 

Elle permet de déterminer ce qui tient de la récupération, de la compréhension, de l’application, de la compréhension, de l’analyse, de la résolution de problème, etc. 

Les programmes scolaires ne se prêtent pas toujours aisément à cette mobilisation de la taxonomie d’Anderson et Krathwohl et par conséquent, la recherche de concordance va demander un investissement de la part des enseignants.

Grâce à cette taxonomie, les enseignants peuvent comprendre et rendre visibles les niveaux de complexité auxquels ils soumettent leurs élèves. 

La taxonomie permet de mettre en évidence certaines inadéquations. Certains enseignent privilégient des niveaux de complexité trop élevés sans le réaliser :
  • Par exemple, lorsqu’un enseignant demande aux élèves certaines productions très élaborées ou les confronte à de la résolution de problèmes nouveaux, les élèves peuvent se retrouver en difficulté même s’ils maitrisent différentes connaissances et procédures.
  • Inversement, certains enseignants peuvent survaloriser la mémorisation à des degrés de précision et de détail excessifs, sans examiner d’autres utilisations de ces mêmes connaissances. 
Le fait d’analyser les tâches données aux élèves à travers la fenêtre taxonomique permet de mettre en évidence des disparités. Cela se fait dans un sens ou dans l’autre, entre ce que les élèves sont amenés à faire et ce qu’indique le programme.

La réflexion sur le niveau taxonomique des tâches et des objectifs d’apprentissage permet de réfléchir à la cohérence avec le programme. La démarche permet de hiérarchiser les apprentissages et leur progression lors de l’enseignement. Elle permet d’analyser la manière de monter en complexité dans l’apprentissage.



Enjeux de la mise en œuvre de l’alignement curriculaire


L’alignement curriculaire est un enjeu important :
  • Les enseignants doivent réfléchir sur ce qu’ils attendent de leurs élèves du point de vue de l’apprentissage. 
  • Une difficulté peut être d’expliciter et de définir quels sont les objectifs d’apprentissage et parmi ceux-ci lesquels sont fondamentaux. 
  • Une seconde étape consiste à concevoir et à planifier l’enseignement à partir de là, ce qui demande également de prendre en compte les difficultés habituelles ou potentielles que peuvent rencontrer les élèves. 
Ce processus amène à enseigner différemment. Les enseignants se retrouvent à mettre l’accent sur des éléments ou des pratiques négligées précédemment et inversement. 

La maitrise d’objectifs d’apprentissage ciblés devient le sujet d’interaction principal avec les élèves. 

Grâce à la taxonomie d’Anderson et Krathwohl, les enseignants peuvent réfléchir à ce qu’implique comme étapes préalables la maitrise d’un objectif d’apprentissage particulier. La réflexion part du point de vue de ce qui se passe dans la tête de l’élève lorsqu’on l’amène à développer la pleine maitrise d’une tâche. 


Mis à jour le 03/05/2024

Bibliographie


Anderson, L. W., & Krathwohl, D. R. (2001). A Taxonomy for Learning, Teaching and Assessing: A Revision of Bloom’s Taxonomy of Educational Objectives: Complete Edition. New York: Longman.

Pasquini, R. (2021). Quand la note devient constructive. Évaluer pour certifier et soutenir les apprentissages. Presses de l’Université Laval. http://hdl.handle.net/20.500.12162/4900

Pasquini, R. (2023). Développer des pratiques d’évaluation sommative et de notation : enjeux théoriques et pragmatiques. https://youtu.be/NmgkRqzYMbo

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