(Photographie : happymiko)
L’effet du nouveau départ lié à la volonté
La popularité des résolutions du Nouvel An n’est pas neutre. Nous sommes plus enclins à nous attaquer à de nouveaux objectifs immédiatement après des repères temporels importants. Les élèves aiment par exemple prendre de bonnes résolutions au début d’une année scolaire ou à la suite d’un bulletin ou d’une période de vacances.
Dai et ses collègues (2014) ont mis en évidence l’effet du nouveau départ qui est susceptible d’aider les individus à surmonter d’importants problèmes de volonté limitant souvent la réalisation de leurs objectifs.
Ils ont montré que les recherches sur Google concernant le régime, les visites à la salle de sport et les engagements à poursuivre des objectifs augmentent toutes à la suite de repères temporels. Ces repères temporels sont par exemple, le début d’une nouvelle semaine, d’un nouveau mois, d’une nouvelle année ou d’un nouveau semestre, un anniversaire ou un jour férié.
Ces points de repère délimitent le passage du temps. Ils créent de nombreuses nouvelles périodes de comptabilité mentale chaque année, qui relèguent les imperfections du passé à une période antérieure. Ils incitent les gens à avoir une vue d’ensemble de leur vie et motivent ainsi les comportements aspirationnels.
Les individus peuvent mettre à profit leurs sentiments de nouveau départ lors de repères temporels naturels pour concrétiser leurs bonnes intentions. Ils peuvent également être en mesure de prendre eux-mêmes un nouveau départ en créant stratégiquement des tournants dans leur histoire personnelle, tels qu’un déménagement, le changement de travail ou d’école, ou une rupture amoureuse.
En prenant en compte ce phénomène, nous pouvons imaginer de nouvelles façons de pousser efficacement les gens à commencer à poursuivre leurs aspirations. Par exemple, les messages conçus pour promouvoir les comportements aspirationnels peuvent avoir plus d’impact à des moments de redémarrage. Ces moments peuvent être par exemple, au début d’un nouveau mois, juste après les vacances. Les destinataires du message seront alors plus intéressés par la réalisation de leurs objectifs à long terme.
De même, le fait de présenter certains jours comme des occasions de prendre un nouveau départ peut aider les individus à faire des choix qui maximisent leurs chances de réaliser leurs aspirations. Ces jours peuvent être les anniversaires, le début d’une nouvelle semaine, d’un nouveau mois ou d’une nouvelle année.
Une question importante liée aux implications pratiques des effets de nouveau départ est de savoir combien de temps les sentiments de nouveau départ persistent après l’incidence d’un repère temporel. Les données suggèrent que la motivation élevée atteint un pic le premier jour. Elle décline rapidement par la suite, alors qu’une seconde composante de la motivation s’estompe beaucoup plus progressivement au cours de chaque semaine, mois, année et semestre.
Toutefois, même les sentiments fugaces de nouveau départ qui suivent des repères temporels peuvent s’avérer précieux pour au moins deux raisons. Tout d’abord, l’abondance des occasions de prendre un nouveau départ tout au long de l’année offre aux gens des chances répétées de tenter un changement positif. De cette manière, même s’ils échouent dans un premier temps, ils peuvent réussir par la suite. Deuxièmement, des augmentations transitoires de la motivation peuvent être suffisantes pour aider les gens à atteindre des objectifs ponctuels importants.
L’effet d’excès de confiance lié à la volonté
L’effet d’excès de confiance est un biais cognitif dans lequel la confiance subjective d’une personne dans ses jugements est nettement supérieure à la précision objective de ces jugements, en particulier lorsque la confiance est relativement élevée.
L’excès de confiance est un exemple d’un mauvais étalonnage des probabilités subjectives.
Les données montrent que la confiance dépasse systématiquement la précision, impliquant que les gens sont plus sûrs d’avoir raison qu’ils le devraient.
Nous avons tendance à surestimer la force de notre volonté. S’il est certainement possible de faire appel à la volonté, les défaillances en matière de maîtrise de soi sont monnaie courante dans la vie de tous les individus, à l’exception des plus disciplinés.
Qu’il s’agisse de se mettre au travail ou d’arrêter de se laisser distraire par son téléphone portable, la plupart des élèves auront du mal à agir dans leur propre intérêt. Ce sera d’autant plus le cas lorsqu’ils sont confrontés à des options plus immédiatement satisfaisantes. Pourquoi se tester quand on peut relire son cours ? Pourquoi s’exercer à résoudre un exercice quand on peut avoir la solution devant soi ? Pourquoi travailler aujourd’hui alors que l’échéance est dans une semaine ?
Cela s’explique notamment par notre faible capacité à prévoir comment nous nous sentirons dans l’avenir. Nous nous disons que nous prendrons de meilleures décisions demain, même si nous y échouons continuellement aujourd’hui.
Ce biais d’excès de confiance persiste chez nous même lorsque nous le remarquons chez les autres.
La situation est aggravée par notre tendance à élaborer des récits pour expliquer nos actions passées. Aussi ténue soit-elle, nous avons presque toujours une raison pour expliquer nos réactions, ce qui rend encore plus difficile de reconnaître les mauvaises décisions antérieures et d’en tirer des leçons.
La conclusion la plus évidente est que nous ne pouvons pas nous reposer uniquement sur notre bonne volonté. C’est un outil peu efficace pour nous aider à atteindre nos objectifs. Si nous voulons augmenter nos chances de réussite, nous devons nous concentrer sur le processus au moins autant que sur le résultat.
La mise en œuvre de routines
Comme l’écrit James Clear (2018), les objectifs sont utiles pour définir une direction, mais les systèmes sont plus efficaces pour progresser. De nombreux problèmes surviennent lorsque nous passons trop de temps à réfléchir à nos objectifs et pas assez à concevoir nos systèmes pour parvenir à les atteindre.
Nous devons adopter et développer une architecture de processus plutôt que de nous reposer sur notre bonne volonté régulièrement faillible.
Cette architecture de processus repose sur quatre principes :
- Concevoir des routines
- Établir des habitudes
- Assurer le succès
- Communiquer sur nos objectifs
Nous commençons par identifier un objectif prioritaire qui bénéficiera du processus pour son adoption.
Le premier principe consiste à traduire notre objectif en une série d’actions reproductibles. Dans le cadre de la conception d’une routine, nous réfléchissons à ce que nous devons faire exactement de manière récurrente pour l’atteindre. Cela revient à définir une série d’étapes sous forme d’une liste de contrôle. Que faire, quand le faire, dans quel ordre ? De cette manière, chaque étape est un petit pas qui appelle l’autre et la réalisation de l’objectif devient moins insurmontable.
Le deuxième principe consiste à établir une habitude. En répétant les mêmes étapes régulièrement dans le temps, elles commencent à demander moins d’effort, car nous développons des automatismes. Nous commençons à les réaliser en nous reposant moins sur notre volonté et en y faisant moins attention.
Un atout pour transformer une action récurrente en une habitude est de l’accompagner régulièrement d’un signal déclencheur net. Nous appliquons cette série d’actions après un autre comportement ou une autre action qui est déjà habituelle. Nous appliquons cette série d’actions au même moment et au même endroit dans la mesure du possible.
Le troisième principe est de mettre en évidence le succès, la satisfaction et le bénéfice croissant qu’est susceptible de nous donner la réalisation de ces actions. Lorsque nous connaissons le succès, nous sommes plus susceptibles de revenir à cette action. Pour cela, nous devons faire en sorte que nos habitudes soient facilement réalisables et pas à la merci de contextes concurrents. Nous devons les prévoir simples de manière à ce que nous réduisions le risque d’échouer tout en engrangeant le bénéfice. Par la suite, au fur et à mesure, nous pouvons augmenter progressivement le défi à mesure que notre taux de réussite devient plus sûr et que la valeur ajoutée devient claire.
Le quatrième principe consiste à communiquer autour de nous sur la transformation de bonnes résolutions en routines. Nos attitudes et nos actions sont influencées par les personnes qui nous entourent (bien plus que nous ne le pensons). Dans la mesure du possible, nous gagnons à nous entourer de personnes ayant le même objectif et les mêmes habitudes. En incluant d’autres personnes dans notre propre enjeu, d’une certaine manière nous nous sentons redevables de tenir et nous pouvons même collaborer sur certains enjeux. Ces personnes peuvent également nous renforcer positivement dans l’adoption de ces routines.
Dans l’ensemble, cette démarche est beaucoup plus efficace que le fait de simplement miser sur notre bonne volonté pour atteindre nos objectifs. Si elle marche à l’individuel, elle fonctionne également à l’échelle d’une classe ou d’une école avec la prise en compte de la culture et des valeurs.
Elle réduit également le besoin d’autorégulation permanente et nous permet de nous concentrer davantage sur l’instant présent. L’architecture de processus renforce à la fois l’intention et l’attention.
Mis à jour le 04/05/2024
Bibliographie
Peps Mccrea, Willpower is overrated, 2023, https://snacks.pepsmccrea.com/p/willpower-is-overrated
Hengchen Dai, Katherine L. Milkman, Jason Riis (2014) The Fresh Start Effect: Temporal Landmarks Motivate Aspirational Behavior. Management Science 60(10):2563–2582.
https://doi.org/10.1287/mnsc.2014.1901
Excès de confiance. (2023, décembre 10). Wikipédia, l’encyclopédie libre. Page consultée le 02:48, décembre 10, 2023 à partir de http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Exc%C3%A8s_de_confiance&oldid=210408170.
James Clear, Atomic Habits, 218, Avery
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