mercredi 13 décembre 2023

L’enjeu complexe de l’apprentissage autonome pour les élèves

Au fur et à mesure que les élèves progressent du primaire puis vers le secondaire, l’apprentissage autonome à domicile prend de plus en plus d’importance et vient suppléer à ce qui se passe en classe. Les élèves rentrent dans une zone grise où ils doivent acquérir peu à peu un vaste ensemble de stratégies et de compétences avec une qualité d’encadrement qui peut être fort variable.

(Photographie : Virginia Woods-Jack)



Trois idées clés et un avertissement pour soutenir l’apprentissage


L’apprentissage des élèves est particulièrement motivé par la perspective de se préparer à une évaluation fixée à une échéance donnée et qui présente des enjeux, qui au fil des années tendent à s’accroitre.

Trois idées clés sont à la base de la préparation à une évaluation :
  • Pour retenir des connaissances, je dois y avoir réfléchi en profondeur :
    • Comme l’a écrit Daniel Willingham, « La mémoire est le résidu de la pensée ».
    • Acquérir des connaissances en mémoire à long terme, impose que celles-ci aient été soumises à un traitement cognitif en mémoire de travail.
    • Lire son cours, faire des flashcards, un résumé Cornell, étudier des problèmes résolus, faire des exercices, sont différentes pistes utiles.
  • Pour développer des apprentissages durables, m’exercer à les récupérer régulièrement de mémoire est la meilleure stratégie :
    • C’est l’effet test. Si nous voulons rendre durables et approfondir nos connaissances, il est préférable de s’engager dans une pratique de récupération plutôt que de simplement étudier à nouveau des contenus à deux conditions : 
    • Le retour d’information est également important, nous devons savoir si nous avons ou non répondu correctement à chaque question. En cas d’erreur diagnostiquée, nous pouvons corriger notre raisonnement ou mémoriser les connaissances manquantes en établissant les liens adéquats en mémoire à long terme.
    • La pratique de récupération ne fonctionne que pour ce qui est testé, c’est-à-dire pour ce que l’on récupère lorsque nous répondons aux questions. Des connaissances non récupérées auxquelles nous ne réfléchissons pas ne profiteront pas de l’effet test.
  • Pour mobiliser des connaissances à bon escient celles-ci doivent être bien organisées dans ma mémoire à long terme :
    • L’organisation des connaissances est ce qui permet leur utilisation correcte au bon moment et dans le bon contexte. 
    • Des connaissances bien organisées et bien reliées entre elles deviennent plus flexibles et utilisables dans une variété de contextes.  
    • De nouvelles connaissances ont besoin d’être intégrées au sein de schémas en mémoire à long terme en lien avec des connaissances préalables.
    • Répondre à des questions d’élaboration, s’expliquer, justifier ou expliquer à quelqu’un sont de bons moyens d’y parvenir.
Un avertissement important en ce qui concerne l’apprentissage est que notre métacognition, nos intuitions sur ce que nous connaissons ou ne connaissons pas sont faillibles. Lorsque nous devons mémoriser des contenus, notre cerveau va nous pousser à sélectionner des stratégies d’apprentissage qui lui semblent faciles et qui semblent mener au succès à moindre coût. Souvent, nous allons négliger des stratégies d’apprentissage plus efficace.

Les stratégies efficaces nécessitent de fournir des efforts et nous font faire face à des difficultés désirables qui soutiennent notre apprentissage.

La pratique de la récupération est une stratégie cognitive efficace qui génère de telles difficultés désirables. Pour notre cerveau, spontanément, elle donne l’impression de ne pas fonctionner de manière optimale. Il tentera de nous dissuader de nous investir dans cette direction, car la pratique de récupération est exigeante et nous confronte aux limites de notre connaissance. Toutefois, elle représente la meilleure démarche si nous voulons réellement renforcer notre mémoire. 



L'importance d'une bonne combinaison des stratégies d’étude


Pour étudier, les élèves vont mobiliser, tester, explorer et adopter un ensemble de stratégies plus ou moins efficaces et plus ou moins adaptées à leurs objectifs.

1) Nous pouvons utiliser l’idée que la mémoire est le résidu de la pensée comme clé dichotomique pour séparer :
  • Les stratégies qui font réfléchir au sens : 
    • Résumer, décrire les grandes lignes, créer des exemples, répondre à des questions, élaborer, s’expliquer, etc.
  • Les stratégies qui ne garantissent pas une réflexion sur le sens :
    • Relire ses notes
    • Recopier son cours
    • Surligner ses notes
    • Étudier par cœur
2) Nous pouvons utiliser l’idée que la récupération en mémoire comme clé dichotomique pour séparer :
  • Les approches qui demandent de retrouver des informations en mémoire : elles garantissent un apprentissage.
  • Les approches qui permettent de localiser des informations sur des supports : elles ne garantissent pas un apprentissage.
3) Nous pouvons utiliser l’idée que l’organisation aide la mémoire comme clé dichotomique pour séparer :
  • Les stratégies qui nous permettent d’organiser et d’intégrer les contenus sur papier :
    • La réalisation d’un résumé Cornell
    • La consultation d’une carte conceptuelle ou d’organisateur graphique
    • La réalisation d’un set de flashcards
  • Les stratégies qui nous permettent d’organiser et d’intégrer les contenus en mémoire : 
    • La récupération
    • L’étude de problèmes résolus
    • L’élaboration
    • La métacognition
L’usage de ces trois idées clés montre que : 
  • Certaines stratégies présentent des faiblesses évidentes
  • Aucune stratégie ne permet de répondre parfaitement à tous les besoins d’apprentissages en même temps.
Un apprentissage autonome efficace se base par conséquent sur une combinaison adéquate et optimale de différentes stratégies efficaces sélectionnées pour leurs spécificités complémentaires en fonction des objectifs. 

Un élément peut apporter un peu de confusion. Certaines des stratégies les moins utiles et les plus utilisées comme le fait de souligner ou de relire ses notes peuvent dans certaines conditions continuer à avoir un certain intérêt. 

Par exemple, le fait de relire nos notes avec une profonde concentration, en réfléchissant au contenu et en établissant des liens au fur et à mesure est clairement bénéficiaire. Mais c’est difficile à faire et principalement utile lorsque le but premier est de comprendre et de saisir un sens qui nous échappe ou que nous avons oublié. 

Le fait de souligner ses notes peut faire apparaitre des liens ou mettre en évidence des idées clés qui nous avaient échappé. Mais cela ne suffira pas à les retenir.

Non seulement nous devons convaincre les élèves d’utiliser des stratégies efficaces, mais difficiles, mais nous devons également les former à utiliser à bon escient les stratégies moins efficaces dans les conditions où elles présentent une réelle valeur ajoutée. 



Trois étapes dans un processus d'apprentissage


L’apprentissage autonome se fait essentiellement en trois étapes : 
  • Comprendre : 
    • L’encodage consiste à récupérer, à organiser et à comprendre les informations à apprendre.
  • Apprendre : 
    • Le stockage et la consolidation visent à intégrer les connaissances en mémoire à long terme.
  • Apprendre durablement et en profondeur : 
    • La récupération et la reconsolidation visent à rendre les connaissances durables, flexibles, approfondies et aisément mobilisables dans tous les contextes pertinents.
Des stratégies comme la pratique de récupération et l’auto-explication sont centrales pour leur efficacité. Cependant, au moment où nous les mobilisons pour mémoriser ou consolider des connaissances, nous devons déjà avoir réfléchi à la signification et à l’organisation des contenus. Nous devons déjà avoir nettement entamé l’étape de compréhension et avoir abouti à un apprentissage initial. 

Nous devons comprendre le contenu, comment il est organisé et ce qu’il signifie, avant de pouvoir nous investir dans un processus de récupération et d’élaboration.

Pour comprendre des idées et des connaissances, nous devons saisir comment elles sont organisées. Pour comprendre comment le contenu est organisé, nous devons réfléchir à ce qu’il signifie.

C’est le traitement cognitif dans lequel nous nous engageons qui est le réel critère d’apprentissage. Le fait de vouloir ou non apprendre importe peu face à ce à quoi nous réfléchissons effectivement. Tout ce qui compte pour la mémoire, c’est le traitement cognitif significatif que nous effectuons. Si nous nous investissons dans un traitement cognitif génératif, nous apprendrons. 

L’erreur à ne pas commettre est de ne réfléchir vraiment à la signification du contenu d’un cours que lorsque l’évaluation se profile. Ces activités d’établissement de la compréhension initiale ne sont pas simplement des préliminaires au véritable d’étude et de mémorisation, elles en sont une part essentielle.

Ce n’est pas au moment de l’étude à proprement parler qu’il convient de combler les lacunes de la compréhension du sens et de l’organisation de la matière. 

C’est dangereusement tard et le risque est même que ce soit trop tard et qu’il ne reste plus qu’une seule alternative, celle d’une mémorisation par cœur et superficielle. 

Comprendre et percevoir pleinement l’organisation des connaissances dans un cours sont déjà des activités d’étude et offrent une longueur d’avance qui va favoriser la pertinence et l’efficacité de la pratique de récupération.


Mis à jour le 06/04/2024

Bibliographie


Daniel Willingham, Outsmart your brain, 2023, Gallery Books.

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