(Photographie : Nostalgia for Infinity)
La difficulté avec la rétroaction est qu’elle n’est pas facile à donner. Si nous nous y prenons mal, nous risquons de faire plus de mal que de bien.
Une rétroaction corrective, directive ou épistémique
Guasch et ses collègues (2013) ont distingué et comparé trois formes de rétroaction :
- Le retour d’information correctif :
- Il peut être considéré comme un type de rétroaction en boucle unique qui donne, lorsqu’un apprenant fournit une réponse incorrecte, ce qu’aurait dû être la bonne réponse.
- L’élève sait si sa réponse est bonne ou mauvaise, et quelle réponse était attendue.
- Le retour d’information directif :
- Il peut être considéré comme un type de rétroaction en double boucle qui donne des indications sur la manière dont les réponses peuvent être améliorées ou mieux réalisées.
- Il informe l’apprenant sur la manière de faire quelque chose afin qu’il puisse effectuer la tâche correctement.
- Par exemple : « Tu as mal résolu le problème, tu peux le faire mieux en procédant de la sorte », ou encore « Ta réponse n’était pas fausse, mais voici une meilleure façon de résoudre le problème ».
- Le retour d’information épistémique (relatif à la connaissance ou à la cognition) :
- Il peut être considéré comme un type de retour d’information en triple boucle qui aide les apprenants à apprendre/acquérir des connaissances.
- Il informe ou stimule l’apprenant pour qu’il réfléchisse au « pourquoi » de l’exécution d’une tâche.
- Par exemple : « Dans cette étape, tu sembles avoir commis une erreur ; compte tenu de X, que pourrais-tu faire différemment ? » ou « Pourquoi as-tu choisi de procéder de cette manière ? Existe-t-il d’autres approches qui pourraient donner une réponse différente ou meilleure ? »
- Avec un retour d’information épistémique, nous ne disons pas comment l’élève peut mieux faire. Nous essayons de laisser réfléchir l’élève par lui-même à la manière dont il peut agir différemment ou mieux. Nous pouvons leur donner un indice afin de les aider.
Guasch et ses collègues (2013) ont montré que, même si cela prend plus de temps, le retour d’information épistémique fonctionne mieux. Le retour d’information directif arrive en seconde position. Le retour d'information correctif est celui qui a le moins d'impact sur l'amélioration ultérieure de l'apprentissage.
Un retour d’information qui nuit à l’apprentissage
Comme le met en évidence Shank (2017), différents types de retour d’information nuisent à l’apprentissage.
Par exemple, les compliments et les récompenses sont susceptibles d’entraver la motivation intrinsèque, mais surtout, ils ne sont pas vraiment utiles à l’apprentissage, car ils contiennent peu d’informations sur la tâche.
Des éléments tels que la comparaison normative avec d’autres élèves (par exemple, les classements), les menaces ou le découragement peuvent provoquer de l’anxiété. Ils menacent l’estime de soi, ce qui n’est pas vraiment bénéfique pour l’apprentissage (Shute, 2008).
Il est important d’être conscient de tout cela. Il peut sembler intuitivement juste de féliciter quelqu’un.
Si nous le faisons, souvent, nous le faisons pour nous-mêmes. Il est illusoire de penser que nous soutenons l’apprentissage d’un élève lorsque nous le faisons. Il y a de grandes chances que l’effet global soit contre-productif.
S'assurer de rendre la rétroaction efficace
La rétroaction n’est pas un produit, mais elle fait partie d’un processus dans lequel :
- Le résultat (sortie)... :
- Ce que l'enseignant ou l'élève fait suite à la rétroaction
- ... d’une opération (processus)...
- Le rétroaction n'est possible que dans la mise en oeuvre d'une réflexion de l'élève qui génère des preuves d'apprentissage
- ... est renvoyé (retour d’information) à l’entrée.
- La mise en oeuvre de la rétroaction est censée améliorer l'apprentissage.
En tant que donneurs de rétroaction, nous devons être très conscients de l’objectif d’apprentissage et des critères de réussite attenants. Plus précisément, nous devons vous assurer que le retour d’information est lié aux dimensions critiques de l’objectif d'apprentissage.
La rétroaction doit être orientée vers les dimensions qui garantissent la réussite. Ce qui est également important ici, c’est que le retour d’information communique « l’écart spécifique entre les connaissances et les compétences actuelles et les connaissances et compétences visées en précisant comment atteindre l’objectif » (Shank, 2017).
Un autre problème à résoudre est que la rétroaction, aussi adéquate soit elle est une perte de temps lorsque les élèves n’en font rien. Plus la rétroaction est utilisée, plus elle est utile et efficace.
Butler et ses collègues (2014) ont montré l’avantage d’une intervention simple qui consiste à faire du retour d’information une partie explicite du processus d’apprentissage. Dans ce cadre, les élèves examinent le retour d’information et en font obligatoirement quelque chose. Cette intégration conduit à une amélioration significative de l’apprentissage.
C’est par exemple, l’utilisation du retour d’information épistémique (relatif au développement des connaissances ou à la mobilisation des stratégies congitives) dans le cadre d’un quiz. Celui-ci permet à l’élève de progresser jusqu’à la bonne réponse. Elle gagne à s'accompagner d'une invitation à effectuer à nouveau une tâche de la même famille sur la base du retour d’information. La réussite de cette nouvelle tâche permet de confirmer le progrès dans l'apprentissage.
Dans tous les cas, pour un enseignant, il est important d’assurer un suivi de la rétroaction. Il est utile de prévoir un mécanisme pour vérifier si le retour d’information a été suivi d’effet.
Le bon retour d’information délivré au bon moment, pris en compte et appliqué par l’apprenant fonctionne. Une intervention simple, comme celle de demander aux élèves de le prendre en compte et d’agir concrètement sur celui-ci dans la foulée conduit à des améliorations significatives de l’apprentissage.
De même, le temps entre ce que l’apprenant produit et le retour d’information est crucial. Plus les élèves attendent de traiter la rétroaction, moins ils en prennent compte et moins l’effet est important.
En tant qu’enseignant, il est utile de se poser quelques questions :
- Lorsque nous donnons une rétroaction, est-ce que nous vérifions lors de la ou des leçons suivantes s’il a été traité et s'est traduit par une progression dans l'apprentissage des élèves ?
- Est-ce que nous vérifions si la même erreur est commise lors d’une tâche de suivi à la quelle nous nous assurons de confronter les élèves ?
- Est-ce que nous renforçons positivement l’élève qui prend en compte sérieusement la rétroaction? Est-ce que nous intervenons auprès des élèves qui ne font rien avec notre rétroaction pour nous assurer de leur engagement ?
Caractéristiques de la rétroaction en fonction du niveau de connaissance de l’apprenant dans un domaine
Dans le même ordre d’idées, le temps qui s’écoule entre ce que l’apprenant produit et le retour d’information que nous lui donnons en retour est crucial (Shank, 2017) :
- Pour les apprenants novices, pour les apprenants qui ont un faible niveau de connaissances ou de compétences, plus le délai entre la tâche et la rétroaction s’allonge, plus l’effet tend à diminuer.
- Pour les apprenants plus avancés et plus autonomes, il en va différemment. Dans ce contexte, il est souvent préférable de retarder le retour d’information pour donner à l’apprenant le temps d’effectuer un traitement mental, car il pourrait découvrir lui-même les lacunes.
Le meilleur moment pour donner un retour d’information est celui où l’apprenant peut réellement utiliser les informations du retour d’information.
Les apprenants novices vont également bénéficier davantage d’un retour d’information directif que les apprenants plus avancés. Ce sera particulièrement le cas lorsque la rétroaction est spécifique à la tâche et fournit des informations sur des réponses ou des comportements particuliers au-delà de leur exactitude. La rétroaction est plus efficace lorsqu’elle fournit des informations sur la manière d’améliorer la réponse ou la solution.
Pour les apprenants avancés, le retour d’information peut être plus épistémique ou prendre la forme de conseils et d’indices. Étant donné que les apprenants avancés ont une compréhension plus approfondie, ce type de retour d’information peut être suffisant pour qu’ils trouvent la solution par eux-mêmes.
Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas donner un retour épistémique aux apprenants novices ou un retour directif aux apprenants avancés. Cela attire notre attention sur le fait que nous devons faire attention à la manière dont nous formulons nos questions et garder à l’esprit que l’apprenant novice a besoin de plus d’étayage. Cela signifie que nous devons bien réfléchir à comment bien structurer la rétroaction, car l’objectif est de guider l’apprenant dans la bonne direction.
Une rétroaction qui active l’élève et ne disparaît pas au fond du cartable
Une rétroaction bien conçue est à délivrer rapidement. Elle doit contenir des informations qu’un apprenant peut utiliser dans ses activités d’apprentissage pour progresser dans ses prochaines productions ou évaluations. De cette manière, les élèves ne se sentent pas jugés par les commentaires de l’enseignant, mais l’envisagent comme un soutien utile ou nécessaire. La rétroaction permet de soutenir leur autonomie et leur responsabilisation face aux apprentissages à acquérir.
Le retour d’information ne doit pas seulement être efficace et technique. Il doit également être satisfaisant pour l’affect et mettre en évidence les progrès déjà réalisés. Un retour d’information n’est pas une somme de constat, mais un ensemble de poses concrètes pour soutenir la progression du processus d’apprentissage. À l’opposé, une évaluation qui se conclut par une note chiffrée sans explications n’est pas d’une grande utilité pratique et immédiate pour les élèves.
La rétroaction doit reconnaitre les connaissances que les élèves possèdent déjà et les écarts en lien avec les objectifs d’apprentissage à maitriser. Elle leur donne les clés pour s’investir, réfléchir et apprendre davantage de manière plus approfondie. La rétroaction les confronte aux efforts à fournir et aux stratégies à mobiliser nécessaires pour la maitrise attendue.
La rétroaction s’inscrit dans un dispositif d’évaluation formative qui impose que l’enseignant recueille des preuves de l’apprentissage de ses élèves de manière à pouvoir diagnostiquer et proposer des pistes à propos :
- De la manière dont un élève réfléchit ou mobilise certaines stratégies.
- Des conceptions erronées et des lacunes en matière de connaissances mises en évidence.
En développant une bonne compréhension de là où en sont ses élèves, un enseignant peut mieux profiler une rétroaction en fonction de son expertise en lien avec l’apprentissage de sa matière. La rétroaction pourra leur être utile et inspirera leur réflexion et leurs démarches.
Nous voulons éveiller la perspicacité des élèves et leur faire comprendre qu’ils peuvent aller de l’avant. De cette façon, nous aidons l’élève à mieux réfléchir. La rétroaction vise à améliorer le processus d’apprentissage en partant de là où en est l’élève. Elle ne vise pas à culpabiliser et évite de détériorer l’image que l’élève a de lui-même.
Dès lors, le retour d’information sur le développement des connaissances nécessite un étalement et une distribution dans le temps. Divers temps d’interaction sont nécessaires entre l’élève, d’autres élèves et l’enseignant. Elle doit également soutenir le développement de capacités d’autorégulation.
En tant qu’enseignant, en donnant notre avis dans le cadre de la rétroaction, nous assurons une expérience d’apprentissage complète aux élèves. Nous les aidons à s’approcher d’un apprentissage optimal qui entraîne un engagement plus important de chacune des parties.
Pour l’enseignant, le danger des exigences de la rétroaction est de s’épuiser à la tâche.
Il s’agit dès lors de faire appel à une expertise de l’enseignant pour maximiser son impact en fonction des différents facteurs et ressources disponibles. Il importe également d’assurer un cadre d’engagement pour les élèves pour que la rétroaction ne finisse pas au fond du cartable.
Il n’existe pas une forme de rétroaction qui sera toujours universellement efficace pour chaque profil d’élève. La manière dont un élève y réagit sera toujours liée :
- À ses connaissances préalables
- À sa culture
- À son éducation
- À ses expériences d’apprentissage passées
- À ses capacités
- À son sentiment d’efficacité personnelle
- À ses habitudes de travail.
- Etc.
Un élève très sensible, doué, hyperactif ou dyslexique ne réagira pas de la même manière à une rétroaction donnée que son voisin qui possède d’autres caractéristiques. La façon dont nous délivrons la rétroaction et son contenu dépend également de nous et de notre élève, et de la qualité de la relation. Il est par conséquent utile de mobiliser des pratiques universelles susceptibles d’être efficaces pour un maximum d’élèves à l’échelle de la classe.
S’assurer de la prise en compte et de l’efficacité du retour d’information
En tant qu’enseignants, nous souhaitons que nos élèves prennent en compte nos réactions. Ce n’est pas toujours le cas.
De manière générale, beaucoup d’enseignants n’exigent pas que leurs élèves fassent vraiment quelque chose de vos commentaires. Dès lors, les élèves pensent que lorsqu’ils reçoivent une note et des commentaires à la suite d’une évaluation ou à la remise d’une production, le travail est fait.
En tant qu’enseignants, nous voulons que nos élèves interprètent attentivement nos commentaires, les passent en revue et les utilisent. Nous voulons qu’ils s’en servent pour progresser dans leurs apprentissages.
Ce cadre peut prendre différentes formes :
- Demander aux élèves de soumettre un nouveau devoir dans lequel ils commenceront à travailler à partir de nos commentaires
- Leur donner une autre chance de passer un test avec des questions différentes, en fonction de la réalisation d’un travail de préparation.
- Réintégrer les questions qui ont posé problème dans les quiz d’entrée de cours.
Nous devons donner aux élèves des occasions d’apprendre, de pratiquer et de récupérer en mémoire leurs connaissances ou les compétences. Cela renforce le processus d’apprentissage.
Le retour d’information ne peut pas être ponctuel, mais inscrit dans un temps long. Pour qu’un niveau de performance se traduise en apprentissages, les élèves vont devoir passer par des phases d’oubli et d’ajustements.
Le retour d’information doit être rapide, tout au long du processus d’apprentissage. Donner un retour d’information deux semaines après une production ou une évaluation n’a pas beaucoup de sens. De plus, le retour d’information doit se concentrer sur les points les plus importants, et non sur tous les détails, sur quelques priorités et non sur une multitude de sous-objectifs. De même, il doit s’assurer que les élèves disposent de temps pour traiter correctement ces points.
Le retour d’information gagne à avoir une double forme écrite et verbale. Ces deux dimensions se complètent :
- Lorsque les commentaires sont uniquement oraux, ils sont trop volatiles. L’élève les oublie et ne peut pas y revenir. Cependant, la rétroaction orale a plus de chances d’être nuancée.
- Lorsque les commentaires sont uniquement écrits, il se peut qu’ils ne soient pas clairs pour l’étudiant. Ils peuvent être trop courts ou impersonnels.
Dans tous les cas, pour que les élèves puissent progresser, ils doivent connaitre les prochaines étapes dans lesquelles s’engager. Le retour d’information établit ce qui fonctionne, ce qu’il faut améliorer et comment le faire. Il a besoin d’être précis.
Si nous nous contentons de signaler les erreurs, nous risquons d’avoir un effet négatif sur l’image de soi et la motivation de l’élève. Cependant, nous pouvons signaler les erreurs que si nous soulignons également suffisamment les succès. Cependant, toujours envelopper un commentaire négatif entre deux ou trois commentaires positifs est une absurdité. Dans la rédaction de la rétroaction, nous tenons compte de notre connaissance de l’élève. En mettant honnêtement en évidence les aspects négatifs d’une performance, nous remplissons notre responsabilité. Cependant, l’enseignant doit alors aborder le problème différemment avec l’élève pour le responsabiliser en lui disant quoi faire concrètement pour s’améliorer.
Dans tous les cas, il est utile de ne pas faire de remarques personnalisées dans nos commentaires, mais de nous concentrer sur le contenu. Qu’est-ce que l’apprenant a compris et appliqué correctement, qu’est-ce qu’il n’a pas compris, pourquoi et, surtout, comment l’aider à trouver une meilleure solution au problème la prochaine fois. Il est important de concentrer l’attention de l’apprenant sur l’apprentissage plutôt que sur l’obtention de points.
Lorsqu’ils accompagnent la rétroaction, les points peuvent distraire l’élève. En cessant de donner une note globale, nous centrons la rétroaction sur son rôle qui est d’améliorer l’apprentissage. De plus, ne plus donner de points aide les enseignants à prendre leur tâche de rétroaction au sérieux.
L’apprentissage doit redevenir une valeur réelle. Les pistes données par la rétroaction doivent être adaptées à la situation de l’élève.
MIS à jour le 13/11/2023
Bibliographie
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Guasch, T., Esposa, A., Alvareza, I. M., & Kirschner, P. A. (2013).Effects of Feedback on collaborative writing in an online learning environment: Type of feedback and the feedback-giver. Distance Education, 34, 324–338.
Butler, A. C., Marsh, E. J., Slavinsky, J. P., & Baranium, R. G. (2014, available online). Integrating science and technology improves learning in a STEM classroom. Educational Psychology Review.
Shank, P. (2017). Practice and feedback for deeper learning. Learning Peaks LLC.
Shute, V. J. (2008). Focus on formative feedback. Review of educational research, 78(1), 153–189. Retrieved from https://files.eric.ed.gov/fulltext/EJ1111586.pdf
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