lundi 13 novembre 2023

Planification d’une évaluation sommative au service des apprentissages

La manière dont la fonction sommative de l’évaluation est orchestrée a une influence sur les apprentissages effectifs des élèves et sur la manière dont l’enseignant va piloter son enseignement.

(Photographie : Parker Stewart)





Le fait que l’évaluation est continue et distribuée au cours de l’année ou le fait qu’elle se conclut par une session d’examen sur l’ensemble de la matière correspondent à des situations très différentes. Voici une exploration de cette question développée au départ d’un article de Pritesh Raichura (2018).



Cinq principes liés à l’efficacité d’un processus d’évaluation sommative


Un premier principe est de bien distinguer les fonctions formative et sommative de l’évaluation dans le cadre de l’enseignement. 

Un deuxième principe porte sur l’importance des contenus : 
  • Les compétences ne sont pas générales, mais sont fondées sur des connaissances qui appartiennent à un domaine spécifique.
  • De plus, ces compétences spécifiques ne sont pas transférables dans des contextes très différents. La seule forme de transfert que nous pouvons espérer est le quasi-transfert ou transfert proche. 
  • Les élèves devraient être capables de transférer les connaissances apprises dans un domaine voisin et similaire à ceux dans lesquels ils se sont exercés. 
  • La planification de l’enseignement porte sur le développement de connaissances et de compétences spécifiques et non de compétences générales.   

Un troisième principe est que la prise en compte des contraintes de notre système cognitif :
  • Les limites se situent au niveau de la mémoire de travail pour les connaissances nouvelles.
  • Cependant lorsqu’elles sont transférées en mémoire à long terme, ces limites pour la mémoire de travail disparaissent. 
  • Dès lors, un enseignement explicite est plus efficace que des activités en classes fondées sur une pédagogie d’influence constructiviste pour enseigner aux élèves des connaissances et des compétences spécifiques à un domaine.

Un quatrième principe est que la pratique de tâches complexes :
  • La pratique de tâches complexes lors de l’apprentissage ressemblant au type de questions sur lesquelles l’évaluation sommative portera peut ne pas être efficace.
  • La pratique délibérée de tâches, dans un contexte formatif, qui décomposent les compétences en leurs éléments constitutifs, est souvent plus efficace. 
  • Nous voulons donner aux élèves de nombreuses occasions de s’exercer à des tâches qui peuvent ne pas ressembler à l’objectif final souhaité, mais qui les aideront à progresser dans chacune des composantes qui constituent l’objectif final.

Un cinquième principe porte sur l’influence de la matière sur la démarche d’évaluation :
  • Certaines matières se prêtent à un modèle d’évaluation de la difficulté, où les élèves passent des examens avec des questions de difficulté croissante (par exemple, les sciences ou les mathématiques).
  • D’autres matières se prêtent à un modèle dans lequel tous les élèves sont examinés sur la même tâche, leurs performances étant comparées à des descripteurs de différents niveaux (par exemple, le français ou les langues modernes étrangères).



Une approche modulaire de l’évaluation


Considérons par exemple un cours de mathématiques ou de sciences dans le secondaire. Ces programmes de cours peuvent être scindés en unités d’enseignement distinctes. Une structuration logique de l’évaluation dans ce cadre consiste à faire passer une évaluation sommative à la fin de chaque unité d’enseignement, par exemple après 3 à 5 semaines de cours.

L’année entière se retrouve ainsi divisée en unités distinctes, chacune étant séparée par une évaluation sommative. En cas d’échec, les élèves peuvent avoir accès à des moments prédéterminés dans l’année à une seconde chance accompagnée d’une remédiation préalable organisée dans le cadre de l’école. 

Dans ce système, au moins une évaluation formative précède chaque évaluation sommative initiale. Les différentes notes obtenues sont communiquées par le biais d’un bulletin. Dans ce dispositif, les élèves peuvent obtenir une rétroaction sur l’évaluation formative, mais généralement la rétroaction la plus détaillée sera celle qui accompagne la note sommative. 



Répondre aux risques d’une trop grande fréquence des tests sommatifs pour en améliorer leur fiabilité


L’objectif d’un test sommatif est d’obtenir une information à partager sur un apprentissage. Un test sommatif est un instantané de l’état d’avancement de l’apprentissage des élèves. Il permet d’établir des comparaisons entre les cohortes d’élèves et à l’intérieur de celles-ci.

Premièrement, il peut aider à identifier les élèves qui sont plus en retard que les autres. Il peut mettre en évidence les classes qui pourraient avoir besoin d’un soutien plus important et les sujets que les élèves trouvent particulièrement difficiles. 

Deuxièmement, il permet aux différentes parties prenantes de se rendre mutuellement des comptes.

Lorsque les tests sommatifs interviennent toutes les 3 à 5 semaines, la brièveté des intervalles entre les évaluations rend difficile la réalisation de l’un ou l’autre de ces objectifs. 

L’instantané ne permet de rendre des comptes que sur une partie de la matière et il manque de recul. En outre, les données sont susceptibles de surestimer l’apprentissage des élèves puisque l’examen ne teste que ce que les élèves ont appris récemment. Il peut mesurer plus une performance qu’un apprentissage durable.

Afin d’appréhender véritablement l’apprentissage au fil du temps, nous devons tenir compte de la définition de l’apprentissage en sciences cognitives : « un changement dans la mémoire à long terme ». 

Pour mesurer les changements à long terme, les évaluations doivent :
  1. Être espacées sur des périodes beaucoup plus longues.
  2. Être cumulatives
  3. Être répétées
Un élève doit être évalué sur des connaissances ou des compétences spécifiques de manière répétée et ces évaluations doivent être réparties sur une plus longue période tout en s’accompagnant d’une démarche cumulative.

La démarche semble impossible à mettre en œuvre dans le cadre d’une séparation entre évaluations formatives et évaluations sommatives. Par contre, elle devient complètement envisageable dans le cadre d’un dispositif incluant une note constructive.

De cette manière, nous récoltons des données sur les progrès et les apprentissages manifestés par les élèves dans le cadre de ces évaluations. Ces données correspondent mieux à des apprentissages durables plutôt qu’à des performances ponctuelles, ce qui augmente leur fiabilité.



Assurer la maîtrise d’une unité de matière enseignée


Lorsque nous soumettons nos élèves à une évaluation sommative en fin de parcours d’enseignement, nous supposons que les élèves ont maîtrisé le contenu et qu’ils seront capables de l’appliquer, plus tard, dans de nouveaux contextes.

En réalité, si nous donnons des évaluations sommatives à des intervalles trop courts, nous mesurons la performance plutôt que l’apprentissage. Dès lors, les élèves n’arrivent pas à un stade de maîtrise durable et suffisant pour les contenus enseignés. 

Au contraire, nous devons prévoir suffisamment de temps de pratique distribuée espacés sur une longue période pour offrir aux élèves des opportunités de récupération des contenus. Une matière trop découpée avec des évaluations sommatives fréquentes qui clôturent une matière ne permet pas de le faire. 

En matière de maîtrise, il est nettement plus utile d’évaluer de manière sommative un contenu enseigné il y a quelques mois et récupéré régulièrement depuis.

Dans le cas d’évaluations sommatives intermédiaires, nous devons tout de même assurer que les élèves aient des opportunités de revoir l’apprentissage par la suite, ce qui demande des aménagements spécifiques. 

La solution est une révision régulière par le biais d’une pratique de récupération entremêlée et espacée. Celle-ci peut se faire par le biais de quiz récapitulatifs au début de chaque leçon. Ces exercices donnent aux élèves l’occasion de récupérer les connaissances acquises lors des leçons précédentes dans le cadre du sujet actuel et, souvent, de sujets enseignés il y a longtemps.



L’association de la rétroaction et des tests sommatifs


Pour de nombreuses questions utilisées dans les évaluations sommatives, différents facteurs peuvent expliquer pourquoi un élève n’a pas répondu correctement : 
  • Incompréhension de l’énoncé
  • Conception erronée
  • Erreur de traitement
  • Manque de connaissances

Une difficulté est que les questions types d’une évaluation sommative qui évaluent la maîtrise finale d’un ensemble d’objectifs ne sont pas conçues dans une perspective diagnostique permettant de déterminer avec précision des difficultés spécifiques. 

Dès lors, donner un retour d’information formatif aux élèves sur des tâches sommatives est confus, car il est probable que la raison pour laquelle l’élève a répondu de manière incorrecte n’est pas prise en compte. Il reste justifié sur des questions de connaissances toutefois.

Dans tous les cas, la rétroaction sur l’évaluation sommative finale aboutit à des constats. La rétroaction devrait arriver bien plus tôt dans le processus et jouer pleinement son rôle diagnostic avec des questions appropriées durant la phase d’enseignement et non au terme de celle-ci. Si l’élève ne peut pas améliorer ses résultats en prenant compte de la rétroaction, il perd un grand facteur de motivation à le faire. 

Une rétroaction en tant que telle, décontextualisée a peu de valeur. Ce qui est essentiel, c’est que l’enseignant indique et sache clairement que telle est l’intention de sa rétroaction.

En outre, chacune de ces composantes distinctes de l’évaluation sommative correspondant chaque fois à un objectif d’apprentissage doit avoir été préalablement enseignée explicitement. Elle doit avoir été accompagnée d’une vérification de la compréhension et avoir été évaluée de manière formative, le tout à travers une pratique délibérée. Ces processus génèrent un retour d’information réellement en soutien à l’apprentissage et à un enseignement adaptatif.

Parfois, la rétroaction ne permet pas à l’élève de s’améliorer, mais se limite à des constats. C’est le cas :
  • Lorsque la rétroaction est principalement délivrée a posteriori dans le cadre d’une évaluation sommative qui clôture le processus d’enseignement et d’apprentissage.
  • Lorsque la rétroaction porte sur des compétences non explicitement enseignées auparavant et non accompagnées d’une évaluation formative. 



L’évaluation sommative doit s’inscrire dans le cadre d’un alignement curriculaire


L’évaluation sommative doit porter sur les objectifs d’apprentissage et les critères de réussites qui guident la conception du cours, l’enseignement en classe, l’apprentissage autonome des élèves, l’évaluation formative et la rétroaction. 

Les contenus de l’évaluation sommative ne doivent pas se décider dans la dernière ligne droite et dans la précipitation, sans quoi nous risquons de ne pas toujours tester ce que nous avions l’intention de faire.

Nous devons être également certains de ne pas inclure dans les évaluations sommatives des compétences et des contenus qui n’ont pas nécessairement été enseignés aux élèves de manière explicite, ou qui sont hors programme. Toute compétence et toute connaissance doit avoir été pratiquée délibérément par les élèves dans le cadre de l’enseignement.

Pour nous assurer de la qualité de l’évaluation sommative :
  • Nous devons clairement définir les connaissances convenues à la fois déclaratives et procédurales dans le cadre des objectifs d’apprentissage.
  • Nous devrions rédiger l’évaluation sommative au début de l’unité de cours correspondante.
De cette manière, nous pouvons obtenir dès le départ une clarté des processus d’évaluation sommative. Nous savons avant de commencer à enseigner explicitement et avant d’offrir l’étayage nécessaire aux élèves, quels sont les types de questions pour lesquelles ils devront être capables de répondre.

Pour autant, cela ne signifie pas que les enseignants doivent avoir accès aux questions et savoir exactement ce qui va se passer, sinon nous finissons (inconsciemment ou non) par enseigner en fonction du test. Mais les familles et types de questions sommatives doivent être connus d’emblée par les enseignants.

Dans cette logique, développer des tâches d’évaluation formative diagnostique permet aux enseignants d’isoler et de décomposer des connaissances spécifiques en temps opportun et d’offrir en retour une rétroaction corrective si nécessaire.



Penser l’évaluation et la planification du programme scolaire parallèlement


L’évaluation et la planification du programme scolaire sont inextricablement liées. Elles doivent être modifiées l’une en même temps que l’autre.

À partir du moment où des évaluations sommatives intermédiaires découpent le programme scolaire en parties, d’autres exigences se posent : 
  • Quel doit être le contenu des quiz et donc de la pratique de récupération distribuée ?
  • Comment nous assurer que l’alignement curriculaire et les objectifs d’apprentissage sont bien développés ? 
  • Comment allons-nous nous assurer que les élèves s’exercent suffisamment pour maîtriser le contenu en fonction des critères de réussite ?
  • Comment allons-nous enseigner et encadrer les révisions pour que les élèves continuent à consolider les contenus au fil du temps ?
  • Comment évaluerons-nous de manière formative et régulièrement nos élèves pour révéler leurs points faibles et leur donner un retour d’information formatif ?
  • Comment évaluer de manière sommative les élèves afin de démontrer la maîtrise des élèves ?


Mis à jour le 20/03/2024

Bibliographie


Pritesh Raichura, Evolution of Our Science Assessment Model: CogSci & Christodoulou, 2018, https://bunsenblue.wordpress.com/2017/06/05/evolution-of-our-science-assessment-model-cogsci-christodoulou/

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