Le temps est un facteur clé au niveau de l’enseignement et de la planification des contenus dans la finalité de l’établissement d’apprentissages durables
(Photographie : picsfromsiberiangirl)
Viser un apprentissage durable sélectif plutôt qu’un survol complet du programme
Les programmes scolaires sont en règle générale riches en compétences et en connaissances. Pressés par le temps, animés par la volonté de tout enseigner, les enseignants peuvent avoir tendance à vouloir avancer trop vite.
Or, un apprentissage durable nécessite des récupérations distribuées dans le temps dans le cadre du temps en classe. Cette dimension impose de poser des priorités, car le temps est le facteur limitant et tous les contenus ne peuvent pas être traités de la sorte.
Dès lors, pour soutenir de manière optimale l’apprentissage des élèves deux conditions s’imposent :
- Être certains de ce qui compte le plus dans le programme.
- Mettre en œuvre ces contenus de la manière la plus efficace possible.
Nous pouvons par conséquent nous donner trois impératifs :
- Nous concentrer sur les connaissances et compétences essentielles des programmes :
- Préciser ce que les élèves doivent apprendre
- Identifier les liens entre les idées
- Créer des planifications détaillées et flexibles qui soutiennent l’apprentissage des élèves à l’échelle d’une unité de matière.
- Rendre les éléments de nos planifications réutilisables d’une année d’une classe à l’autre, utiles et partageables avec nos collègues.
D’après les observations de Graham Nuthall (2007), un élève doit rencontrer, à au moins trois occasions différentes, l’ensemble des informations dont il a besoin pour comprendre un concept. Si l’information est incomplète, ou si elle n’a pas été rencontrée à trois occasions différentes, l’élève peut ne pas apprendre le concept.
L’implication directe est que l’apprentissage des élèves dépend principalement de l’information à laquelle ils sont exposés et de la forme avec laquelle elle est délivrée. Par conséquent, les activités doivent être soigneusement conçues pour que les élèves ne puissent pas éviter d’interagir avec ces informations pertinentes.
Un élément clé est de convertir l’ampleur du programme en objectifs spécifiques (objectifs pédagogiques et objectifs d’apprentissage). À partir de là, nous concevons la planification de manière à offrir aux élèves des opportunités répétées pour atteindre ces objectifs.
Notre rôle n’est pas de simplement couvrir le programme d’études, mais de planifier un enseignement qui permettra aux élèves d’apprendre les concepts définis en termes généraux par le programme d’études (Young, 2014).
Par conséquent, notre planification doit être spécifique et axée sur l’acquisition des connaissances et des compétences.
Les enjeux de l’acquisition des connaissances et de la participation à une communauté de connaissances en lien
Nous devons établir quels sont les contenus les plus importants que nos élèves doivent apprendre dans notre cours.
Selon Sfard (1998), l’apprentissage peut être vu selon la double métaphore de :
- L’acquisition d’unités de base de connaissances qui peuvent être accumulées, progressivement affinées et combinées pour former des structures cognitives toujours plus riches.
- La participation à une communauté de connaissances dans un domaine, qui nous rend capables de communiquer dans la langue de cette communauté et d’agir de manière autonome selon ses normes particulières. La participation est possible grâce à la maitrise des connaissances.
Sfard suggère que les deux métaphores ne sont pas exclusives. Acquérir des connaissances et les utiliser avec une flexibilité accrue permet aux élèves à gagner en autonomie et à participer en les introduisant dans des communautés de spécialistes.
L’acquisition et la participation reposent sur le fait que les élèves acquièrent progressivement de l’aisance, automatisent des procédures simples et développent des modèles mentaux plus complexes.
L’acquisition de connaissances permet aux élèves de participer aux domaines qu’ils souhaitent maitriser, ce qui nécessite d’identifier les connaissances les plus importantes.
L’importance des conditions liées aux objectifs d’apprentissage
Les élèves ont besoin d’objectifs d’apprentissage qui leur précisent les connaissances à acquérir et les compétences à développer. Ils ont également besoin de critères de réussite qui les aident à identifier des modèles de succès, à travers lesquels les enseignants communiquent le niveau de qualité attendu.
Une planification efficace des objectifs d’apprentissage doit être étonnamment précise. Or, les objectifs vagues sont courants dans l’enseignement, ce qui mine la planification.
À côté de la performance (objectif d'apprentissage) et de critères de réussite, le troisième élément est représenté par la définition des conditions durant lesquelles se passera l'évaluation.
Imaginons qu’un enseignant ait comme objectif que ses élèves puissent comparer deux fractions pour identifier la plus grande
Wiliam (2010) rapporte la comparaison suivante d’une expérience de Hart (1981) :
- 90 % des élèves étaient capables de comparer 3/7 et 5/7
- 75 % des élèves étaient capables de comparer 3/4 et 4/5
- 15 % des élèves étaient capables de comparer 5/7 et 5/9
Ainsi, même un objectif d’apprentissage apparemment précis n’établit pas ce que les élèves devraient être capables de faire. Les conditions ne sont pas précisées or leur impact peut être énorme.
Une norme claire préciserait les conditions. Elle déterminerait quels types de fractions les élèves doivent maitriser : celles dont les dénominateurs sont partagés, celles dont les dénominateurs sont différents ou celles dont les dénominateurs sont différents et inhabituels.
Imaginons qu’un enseignant ait comme objectif d’enseigner la deuxième loi du mouvement de Newton, selon laquelle la force est la masse multipliée par l’accélération.
Quelle est la norme attendue (Parkes et Zimmaro, 2016) ?
- Les élèves doivent-ils mémoriser la formule ou juste savoir l’utiliser ?
- L’enseignant leur dira-t-il quand l’appliquer à des données ou leur donnera-t-on un scénario en attendant qu’ils reconnaissent qu’elle s’applique ?
- Les élèves doivent-ils être capables de l’utiliser pour justifier une réduction des limitations de vitesse ?
- Les élèves doivent-ils connaître les limites de la loi dans le cadre de la relativité restreinte ?
Les conditions doivent être clairement définies.
Certaines matières ont des corpus de connaissances plus clairement spécifiés que d’autres. L’enseignant toutefois doit décider ce qu’il attend des élèves pour planifier en toute confiance. L’enseignant doit identifier des objectifs d’apprentissage, des conditions et des critères de réussite qui l’aideront à répartir le temps et à concevoir des évaluations.
Nous visons le sens, les liens et la compréhension auprès de nos élèves, mais nous devons préciser les connaissances qui doivent être apprises en parallèle et leur domaine d’application.
En tant qu’enseignants, nous sommes confrontés à des choix similaires, qui consistent à condenser de vastes domaines de connaissances dans un temps limité.
À ce titre, il est utile d’établir des priorités de manière explicite, transparente et collective, plutôt que de manière tacite, spontanée et individuelle. Préciser ce que les élèves doivent apprendre nous permet également de centrer nos connaissances sur le sujet et nous prépare à cibler et à partager ce à quoi ressemble la réussite.
Nous devons préciser les connaissances de base que nous voulons que nos élèves apprennent afin de comprendre les concepts sous-jacents. C’est la dimension de l’acquisition.
Identifier les liens entre les concepts centraux d’une matière pour développer une maitrise solide des connaissances
L’acquisition de connaissances spécifiques ne suffit pas, nous voulons que les élèves les maitrisent.
Nous voulons que nos élèves utilisent ces connaissances de manière analytique, critique et créative.
S’il est important de déterminer les connaissances que nous voulons voir nos élèves acquérir, il est clairement essentiel également de savoir dans quels contextes ils doivent les maitriser. Nous devons enseigner et préciser comment les élèves doivent organiser, connecter et appliquer leurs connaissances.
Nos élèves ne peuvent pas avoir une connaissance approfondie de tout, mais nous souhaitons qu’ils convertissent des éléments de connaissance isolés en modèles mentaux connectés et utiles.
Trois dimensions sont importantes dans la définition de la maitrise de connaissances factuelles :
- Établir des liens :
- Nous voulons aider nos élèves à établir des liens entre les différents sujets d’une même matière, d’une année à l’autre et même d’une matière à l’autre.
- Nous les aidons à appliquer ce qu’ils ont appris et à donner un sens au programme scolaire dans son ensemble.
- Développer la connaissance des concepts sous-jacents :
- Nous voulons que les connaissances factuelles des élèves évoluent vers une compréhension des concepts abstraits sous-jacents.
- Acquérir les concepts seuils d’une discipline
Planifier à l’échelle d’unités de matière et non à l’échelle de l’heure de cours
Il est plus utile de planifier une matière à l’échelle d’une unité que de la morceler par heure de cours.
En pensant un cours à l’échelle d’une unité entière nous pouvons prendre en compte plus naturellement des processus liés à l’apprentissage. Ces processus sont l’acquisition, la maitrise, la récupération, l’élaboration et l’approfondissement progressif des connaissances.
La performance de l’élève pendant l’enseignement est un mauvais indicateur d’un apprentissage durable. La pratique de récupération espacée des idées clés est par contre essentielle.
La planification des unités permet de revenir sur les idées clés, ce qui augmente les chances de compréhension des élèves et aide ceux qui ont été absents.
Planifier à l’échelle de l’unité accroit la cohérence de l’ensemble tandis que lorsque nous morcelons à l’échelle d’heures de cours nous enseignons des idées isolées. Un plan à l’échelle d’unité l’aide à créer des séquences cohérentes qui forment un récit que les élèves peuvent structurer et se rappeler. La planification des unités permet de préfigurer, de souligner et de réitérer les liens entre les idées et de s’attaquer aux conceptions erronées d’une manière plus soutenue.
La planification des unités permet d’identifier à l’avance comment les élèves vont apprendre les idées clés. Elle prend en compte ce que les élèves ont appris jusqu’à présent et la nécessité d’opportunité de récupérations espacées.
Mis à jour le 07/03/2024
Bibliographe
Harry Fletcher-Wood, Responsive Teaching, Routledge, 2018
Nuthall, G. (2007). The hidden lives of learners. Wellington, NZ: New Zealand Council for Educational Research.
Young, M. (2014). The progressive case for a subject-based curriculum. In Young, M., Lambert, D., Roberts, C. and Roberts, M. (eds.), Knowledge and the future school: Curriculum and social justice. London: Bloomsbury, Ch. 4
Sfard, A. (1998). On two metaphors for learning and the dangers of choosing just one. Educational Researcher, 27(2), pp. 4–13.
Wiliam, D. (2010). What counts as evidence of educational achievement? The role of constructs in the pursuit of equity in assessment. Review of Research in Education, 34, pp. 254–284.
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