vendredi 20 octobre 2023

Des clés pour construire une culture éducative positive à l’échelle d’un établissement

Un enseignant peut créer sa culture, positive et personnelle, à l’échelle de sa classe. Cependant, un mode de pensée commun, des approches systémiques à l’échelle de l’école, un contrôle centralisé et un effort concerté de tout le personnel sont nécessaires pour avoir un impact global.

(Photographie : Todd Hido)



L’enseignement et l’apprentissage du comportement, de même que son renforcement, sont nécessaires pour adopter des normes communes. Des enseignants isolés ne peuvent pas faire grand-chose, la démarche doit être systémique.



Construire une culture positive 


La culture, le climat scolaire, la qualité du comportement, la qualité de l’enseignement, la motivation, l’engagement et la réussite scolaire sont liés à l’échelle d’un établissement. 

Un des objectifs dans la construction d’une culture scolaire est que les élèves se comportent bien et adoptent des objectifs de maîtrise face aux apprentissages. Ils le font parce qu’ils savent que c’est la bonne chose à faire pour eux, plutôt que par crainte d’une sanction.

L’enseignant obtient plus de temps de qualité pour le consacrer à sa matière et à l’apprentissage des élèves en face de lui. La valeur ajoutée est particulièrement élevée pour les nouveaux enseignants et une majorité d’enseignants y trouvera un bénéfice professionnel et personnel palpable.

Un facteur de réussite est que la question du comportement devient un sujet de conversation fréquent et récurrent entre les membres du personnel. Le comportement, le nôtre et celui des autres fait partie de qui nous sommes. Nous aspirons ce que des normes communes soient très largement adoptées.

Un changement dans la culture nécessite une explicitation et un partage des raisons pour lesquelles nous sommes ensemble. Il permet d’expliquer et de renforcer les raisons pour lesquelles nous agissons d’une certaine manière. Il impose un temps de définition.



Un programme pour l’enseignement explicite du comportement et des attentes


L’enseignement explicite du comportement est un aspect souvent négligé, mais essentiel dans le bon fonctionnement d’une école. Régulièrement, les écoles consacrent souvent l’essentiel de leurs ressources gestion des problèmes de comportement ou d’apprentissage, mais souvent assez peu pour la formation des élèves à ces attentes et pour le pilotage du système.

La construction d’une culture positive implique un enseignement explicite du comportement social et scolaire à l’intérieur de l’école. 

Nous voulons montrer aux élèves à quoi ressemble un bon comportement, mais aussi pourquoi ce comportement est bénéfique pour eux et leur entourage. 

L’enseignement explicite du comportement nécessité la préparation et la planification programme d’enseignement des attentes. Le comportement est traité comme un programme scolaire. Il s’appuie sur les valeurs communes d’une école pour assurer la cohérence. Chaque axe du développement du projet s’appuie sur les autres. 

Ce programme nécessite de définir les différents comportements à enseigner, de les superposer, de les intégrer, de les revisiter, de créer un langage commun. Il impose de présenter des modèles de comportement et de montrer ce à quoi cela ressemble à l’école. Cela implique une concertation, l’établissement d’un consensus, d’une adhésion et un développement professionnel des enseignants sur le sujet. Cette formation des enseignants est nécessaire, car aux comportements enseignés sont associées des pratiques et des stratégies pour les soutenir, les développer, les renforcer et les maintenir.

La démarche a l’intérêt de rendre l’environnement plus ordonné, sécurisé, positif et prévisible, ce qui se traduit en un effet positif sur le bien-être des élèves et des enseignants. Ce système vise à donner à tous les membres du personnel les moyens de gérer le comportement en classe.

Grâce à ce programme commun, les élèves entendent le même langage et les mêmes attentes dans leurs cours que les enseignants soient expérimentés ou nouveaux.



L’impact des gains marginaux et du renforcement positif


Un autre challenge est que nous ne gagnerons l’adhésion du personnel et des élèves que dans la mesure où ils perçoivent que le coût d’opportunité est en leur faveur. Il faut que les efforts consentis à rentrer dans le projet se traduisent à moyen terme en bénéfices subjectifs et objectifs.

Les gains marginaux consistent en de petites améliorations qui s’agrègent pour aboutir à une amélioration globale significative. Le concept de gains marginaux est mobilisé plus particulièrement dans le cadre de l’enseignement explicite des comportements aux élèves. Il s’agit de leur expliquer de quelle manière les changements introduits seront bénéfiques tout en étant en adéquation avec les normes de l’école.

Une autre dimension importante est celle du renforcement. À la suite de l’enseignement explicite des nouveaux comportements, nous devons soutenir son acquisition et le développement de bonnes habitudes. Cela passe par un système de renforcement positif, par une rétroaction positive spécifique, par une reconnaissance et éventuellement un système de récompenses. 

Tous les membres du personnel de l’école sont amenés à enseigner aux élèves comment se comporter. Ils leur expliquent pourquoi cela leur est bénéfique. Ils sont vigilants sur l’application et à renforcent les comportements positifs lorsqu’ils les voient.



Une démarche collective, concertée, organisée et centralisée


Le changement de culture scolaire nécessite un effort concerté de la part de toute l’école. Cela ne peut se faire par le biais d’une assemblée ponctuelle et par la distribution d’un document explicatif. Cette démarche nécessite elle-même un enseignement systématique et explicite. La mise en œuvre va demander un effort concerté de la part de tout le personnel de l’école. 

L’enjeu est que le bon comportement devienne une partie intégrante de l’identité de l’école, que les normes installées soient liées aux valeurs et à la culture de l’école. Nous voulons créer et maintenir une culture scolaire positive où les élèves sont motivés pour se comporter correctement et se sentent appartenir.

La démarche impliquera un développement professionnel pour le personnel, avec pratique délibérée et rétroaction. Une équipe de pilotage doit gérer le travail de conception qui implique le développement de ressources centralisées et le suivi du projet. Nous devons développer un langage commun pour que tous enseignent explicitement le comportement et parlent de l’unicité de l’école. 

Un continuum des interventions et des conséquences formatives communes doivent également être définis. Nous devons également faire respecter les comportements attendus. Lorsqu’un élève est à l’origine de perturbations, il faut lui expliquer pourquoi adopter ce comportement fait partie de sa responsabilité pour faire de cette école un meilleur endroit pour tout le monde, lui inclus. Des procédures claires doivent être appliquées et suivies par avec cohérence et cohésions par les enseignants pour assurer une uniformité du suivi.

Nous voulons que les enseignants puissent promouvoir et appliquer sans relâche la culture scolaire. Nous voulons qu’à la fois les élèves et le personnel connaissance clairement la manière d’y parvenir. C’est là que se trouve le plus grand challenge : traduire un projet sur le papier en expérience réelle de terrain.

Un bulletin d’information, des ressources publiées, des temps de développement professionnel et des réunions d’information permettent de rappeler à l’ensemble du personnel les priorités.

Les enseignants ont besoin d’un vadémécum de référence pour la mise en œuvre de chaque aspect. De même, des affiches doivent être créées et diffusées à destination des élèves. Un support d’enseignement explicite doit être mis à disposition des enseignants avec des exemples sur la manière de procéder avec un langage commun.

Le développement de ressources centralisées est important pour deux raisons :
  • Assurer l’uniformité des pratiques et des attentes, et diffuser une vision claire de la culture scolaire. Nous devons savoir exactement ce à quoi ressemble un bon comportement et le communiquer de manière claire et cohérente. 
  • Faciliter l’accessibilité et la mise en œuvre des interventions par les enseignants qui ont déjà une charge de travail importante. Il est inefficace d’attendre des enseignants qu’ils conçoivent leurs propres ressources pour développer des contenus et une approche pédagogique pour l’enseignement explicite du comportement. Leur donner un support de présentation et d’enseignement au moins une semaine à l’avance leur permet de se préparer à utiliser ou à adapter cette ressource. De plus lorsqu’un nouvel enseignant arrive, disposer de ressources explicatives précises et complètes est précieux.



Une dimension holistique à l’enseignement du comportement


Le travail sur la culture est multiforme pour porter ses fruits. Par exemple, nous ne pouvons pas faire grand-chose au niveau de l’efficacité de l’enseignement et de l’apprentissage autonome sans une bonne gestion du comportement. Nous ne pouvons pas faire grand-chose au niveau du comportement sans une approche holistique qui aborde les aspects liés au bien-être, au projet personnel de l’élève et à la citoyenneté. 

La plupart des écoles ont tendance à structurer les personnes et les missions de manière à ce que des responsables différents puissent co-exister. Elles portent sur l’enseignement (et la remédiation), l’apprentissage (et la méthode de travail), le comportement (et le suivi disciplinaire) ou les dimensions du bien-être mental et physique.

Cette subdivision entend une séparation entre ces dimensions alors qu’en réalité elles sont pour une part interdépendantes. Les élèves doivent comprendre l’importance de coopérer, de s’efforcer d’atteindre les normes les plus élevées, d’être proactifs en cours, de s’intégrer socialement et d’assumer une responsabilité collective. Tous ces éléments correspondent à la promotion d’une culture d’apprentissage et de coopération qui veille à influencer positivement l’attitude des élèves vis-à-vis des différentes formes d’apprentissage.



La prise en compte de l’autonomie des enseignants


Le sentiment d’autonomie des enseignants est fortement associé à une meilleure satisfaction professionnelle. Les enseignants ont besoin de sentir qu’ils sont libres dans leur classe, tout en contribuant à un effort concerté de l’ensemble de l’établissement pour fournir la meilleure éducation possible aux élèves.

Une résistance à l’idée de changer la culture et donc le comportement peut être liée à la perception d’un conflit possible entre l’autonomie de l’enseignant et les systèmes globaux de l’école. 

Un premier facteur à prendre en considération est que les systèmes à l’échelle d’une école peuvent saper la spécificité d’une matière lorsqu’ils sont mal conçus ou inadaptés. Les initiatives systémiques ne doivent pas entraver le travail des enseignants sans fournir de bénéfice excédentaire évident en échange. 

Un second facteur est l’image romantique de l’enseignant non conformiste qui occupe le devant de la scène dans la classe avec ses méthodes innovantes, qui se fonde sur son charme et son charisme. Une structure organisationnelle stricte viendrait mettre en péril de telles initiatives profitables aux élèves. Des approches systémiques seraient une entrave à la liberté pédagogique.

La réalité est bien différente et le degré d’autonomie en classe est relatif. Nous avons besoin de systèmes organisationnels pour dégager le temps et l’espace nécessaires à l’enseignant. Nous avons également besoin d’une atmosphère calme et attentive, qui nécessite des systèmes globaux et une cohérence d’une leçon à l’autre. Les élèves en ont également besoin. Ils préfèrent, l’ordre, le calme, la structure et la cohérence de leur environnement au quotidien, d’un cours à l’autre. Les approches à l’échelle de l’école apportent ces dimensions. Ils suppriment les obstacles pour les enseignants et favorisent une forte culture scolaire de responsabilité collective, avec un effort concerté des élèves et des enseignants pour améliorer les normes dans toute l’école.

Les bonnes approches systémiques qu’elles se consacrent au comportement, à l’enseignement ou à l’apprentissage, doivent pouvoir s’appliquer à toutes les leçons sans nuire à la spécificité de la matière. Elles ne doivent pas être intégrées à la hâte et doivent être utiles à tous les enseignants, quel que soit leur contexte. Le raisonnement sous-jacent doit être clair et évident pour les élèves, le pourquoi (raisonnement) et le comment (logistique) leur étant expliqués de manière cohérente jusqu’à ce que les nouvelles habitudes s’installent. Les élèves voient le raisonnement, intériorisent la logistique et la suivent sans effort. Lorsque les élèves suivent automatiquement ces systèmes, les obstacles sont supprimés pour les enseignants, qui peuvent ainsi se concentrer sur leur enseignement, leurs élèves et leur sujet.

Toutefois, l’adhésion à des systèmes scolaires complets peut s’acquérir et se maintenir par l’expérience positive qu’en font les enseignants. Celle-ci se traduit par l’accroissement de leur capacité d’action sur le cœur de leur métier (enseigner). Elle se retrouve également dans l’acquisition d’un contrôle sur des facteurs qui pouvaient leur échapper précédemment comme certains comportements ou certains aspects de leur charge de travail. Les systèmes globaux de l’école, avec un raisonnement clair partagé par l’enseignant et les élèves, permettent un espace large à la liberté pédagogique. Sans ce cadre, rien ne garantit que chaque enseignant puisse disposer de cette autonomie pour donner le meilleur de lui-même. 

La véritable autonomie de l’enseignant, pour tous les enseignants d’une école, repose sur un cadre de routines et de systèmes de classe à l’échelle de l’école, avec un langage partagé. La logique et la logistique sont assemblées. Dans ce cadre, les enseignants peuvent être eux-mêmes experts, charismatiques et autonomes.



Agir sur l’engagement des élèves en classe


L’idée n’est pas de se limiter au comportement des élèves, mais d’agir également sur leur engagement dans les apprentissages. Pareillement au comportement, il faut une culture scolaire incroyablement forte pour atteindre des niveaux de participation élevés des élèves.

Cela nécessite un effort concerté de la part de tous les enseignants pour créer une culture où personne ne refuse de répondre aux questions et où tous les élèves s’engagent pleinement dans les tâches écrites. La mise en place des stratégies liées à la vérification de la compréhension en enseignement explicite va dans ce sens. 

Il est utile d’œuvrer pour obtenir un effort concerté de la part de tous les enseignants pour améliorer les normes dans toute l’école, liées à l’engagement des élèves. Comme pour le comportement des systèmes et approches globales sont essentiels pour accroître la participation des élèves, l’objectif étant que tous soient le plus souvent engagés cognitivement dans les apprentissages.

Le programme scolaire, un excellent comportement et les explications de l’enseignant constituent une base solide. Sans cela, la participation des élèves est vouée à l’échec. Par conséquent, les écoles doivent adopter une approche progressive de l’enseignement et de l’apprentissage pour obtenir une participation cohérente des élèves. La seule façon d’y parvenir, pour tous les enseignants et à toutes les périodes de la journée scolaire, est de mettre en place des structures d’enseignement et d’apprentissage soigneusement étudiées. 

Cela passe par la définition de routines d’entrée et de sortie de classe, suivie par les enseignants, de même qu’une gestion du matériel et des interactions en classe. 

Ce n’est qu’une fois que ces éléments ont été systématiquement présents dans toutes les leçons qu’il a été possible d’accroître la participation des élèves. Sans cela, des obstacles tels que les perturbations de faible intensité et le manque de temps empêcheront toujours les élèves d’être constamment actifs sur le plan cognitif.

Une fois ces bases posées, il était possible de déployer un effort concerté pour accroître la participation des élèves, afin de garantir que chaque élève soit actif sur le plan cognitif tout au long du temps scolaire.

La démarche demande de la concertation. L’enjeu est que tous les enseignants impliqués visent la pleine participation des élèves. Cela demande d’établir un langage commun par exemple face à la responsabilité pour les élèves de toujours essayer de répondre aux questions afin de favoriser la discussion et de permettre de réaliser des progrès ensemble. Parallèlement, les enseignants ont la responsabilité de s’assurer que tous les élèves sont cognitivement actifs. Comme pour le comportement, la justification de ces démarches repose sur les valeurs et la culture de l’école. La formation du personnel est également essentielle pour introduire le vocabulaire et former aux stratégies.


Mis à jour le 11/03/2024

Bibliographie


Louis Everett, 2021, https://justonethingafteranotherblog.wordpress.com/2021/

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