dimanche 10 septembre 2023

Fondations conceptuelles des émotions et de leur régulation

Dans la perspective de l’enseignement, nous nous intéressons principalement aux dimensions cognitives, qu’elles soient liées aux contenus enseignés ou aux comportements que nous souhaitons voir nos élèves adopter.

(Photographie : Tommy Keith)



Cependant, nous avons que les interactions, l’établissement de relations et des processus de rétroaction et de renforcement jouent un rôle important dans un contexte scolaire. Les émotions sont un ingrédient de ces différents processus qui peuvent les faciliter comme les compliquer. Exploration d’un article de James J. Gross (2015) sur ces questions.



Différentes formes d’états affectifs


Selon la définition du CNRTL, l’affect est une disposition affective élémentaire (par opposition à intellectuelle), que l’on peut décrire par l’observation du comportement, mais que l’on ne peut analyser.

L’affect est un terme générique pour décrire les états psychologiques qui impliquent une évaluation, définie comme une discrimination relativement rapide de nature positive ou négative pour une personne.

Les états affectifs peuvent englober :
  • Des réactions de stress :
    • Les réactions de stress sont provoquées par des circonstances considérées comme éprouvantes.
    • Les réactions de stress font généralement référence à des états affectifs négatifs provoqués par la sensation d’une incapacité à gérer pleinement les exigences d’une situation.
  • Des émotions :
    • C’est par exemple la colère, l’amusement ou la tristesse.
    • Les émotions font référence à des états affectifs négatifs et positifs spécifiques. 
    • Les émotions représentent des changements fluctuants de l’état affectif.
    • Les émotions sont généralement suscitées par des événements spécifiques et donnent lieu à des tendances de réaction comportementale généralement pertinentes pour ces événements.
  • Des humeurs :
    • C’est par exemple le fait de se sentir grincheux, abattu, heureux ou en pleine forme.
    • Les humeurs perdurent souvent plus longtemps que les émotions. 
    • Les humeurs sont plus diffuses que les émotions, bien qu’elles puissent donner lieu à des tendances générales d’approche ou de retrait face à certains contextes. 
    • Les humeurs semblent pouvoir biaiser la cognition.
    • Les humeurs correspondent à un climat émotionnel omniprésent et soutenu.



Le modèle modal de l’émotion (Gross, 2015) 


Gross (2015) propose un modèle modal de l'émotion qui décrit ses processus de régulation.

Il distingue :
  • La génération d’émotions :
    • La manière dont les individus rencontrent, perçoivent, évaluent et répondent émotionnellement au contexte
  • La régulation d’émotions : 
    • Elle permet aux personnes de choisir une stratégie de régulation émotionnelle suite à :
      • L’évaluation de leurs émotions
      • La modification potentielle de leurs objectifs.
    • Elle permet de mettre en œuvre une stratégie qui plus adaptée aux objectifs.

Trois points de convergence exisent dans la conceptualisant des émotion. 

1. Les émotions induisent des changements

Les émotions impliquent des changements vaguement couplés dans les domaines :
  • De l’expérience subjective :
    • Le cœur de l’émotion est l’expérience subjective, mais les émotions impliquent des tendances à agir de certaines manières et à ne pas agir d’autres manières. 
  • Du comportement :
    • Les comportements liés aux émotions comprennent des changements de comportement facial, de posture et des comportements instrumentaux spécifiques à une situation, tels que le retrait ou la lutte.
  • De la physiologie périphérique :
    • Les émotions impliquent également des changements autonomes et neuroendocriniens qui anticipent et fournissent un soutien métabolique.
    • Les comportements liés aux émotions sont également la conséquence de l’activité somatique liée aux émotions.

2. Les émotions se développent dans le temps

Les émotions sont généralement considérées comme se développant en quelques secondes ou minutes. 


Une façon de saisir cette dynamique est d’utiliser le modèle modal de l’émotion.  Le modèle modal de l’émotion réunit des caractéristiques communes à de nombreuses approches différentes de l’émotion. 


La figure ci-dessus présente la séquence situation-attention-évaluation-réponse spécifiée par le modèle modal :
  • La séquence commence par une situation psychologiquement pertinente.
  • Cette situation mobiliser notre attention, car elle se réfère soit :
    • Aux caractéristiques de l’environnement externe (par exemple, un chien menaçant qui s’avance vers nous en grognant durant une promenade à la campagne)
    • À l’activation de représentations internes (par exemple, la pensée que je pourrais être poursuivi par un chien menaçant). 
  • Qu’elles soient externes ou internes, les situations sont étudiées et une évaluation est ménée en fonction de leur signification par rapport aux objectifs actuels de l’individu. 
  • Cette évaluation contextuelle donne lieu à une réponse qui prend la forme de changements vaguement couplés des systèmes de réponse expérientielle, comportementale et physiologique qui caractérisent les émotions.

3. Les émotions peuvent être soit utiles, soit nuisibles, selon le contexte. 


Les émotions peuvent être utiles :
  • Elles guident de manière appropriée le traitement sensoriel. 
  • Elles améliorent la prise de décision. 
  • Elles fournissent des informations concernant la meilleure ligne de conduite. 
  • Elles nous informent sur les intentions comportementales des autres. 
  • Elles motivent des comportements socialement appropriés qui modifient de manière souhaitable la situation ayant donné lieu à l’émotion. 
  • Par exemple ce sont : 
    • Des moments de peur qui nous amènent à éviter des risques ou à agir dans une démarche de prévention.
    • Des moments de bonheur ou de proximité qui renforcent des amitiés et des sentiments de connivence. 
    • Des moments de colère qui nous poussent à nous battre pour des causes qui nous tiennent à cœur. 
Les émotions peuvent être nuisibles :
  • Elles sont d’une intensité, d’une durée, d’une fréquence ou d’un type inadapté à une situation particulière, qui fait qu’elles faussent la cognition et le comportement.
  • C'est le caractère nuisible de certaines émotions négatives qui motive souvent une réflexion sur la régulation des émotions.
  • Par exemple ce sont :
    • Des sentiments de colère qui conduisent à des réaction appropriés qui amène à se faire du mal ou à faire du mal à autrui.
    • Des réactions de rire ou d'humour inappropriées qui peuvent se révéler offensantes dans certains contextes.
    • De l’anxiété qui peuvent paralyser un élève lors d’une évaluation ou un adulte lors d'un entretien ou une présentation. 




Processus de régulation des émotions 


Les états affectifs tels que les émotions semblent souvent aller et venir à leur guise. 

Cependant, nous pouvons exercer un certain contrôle lorsqu’un état affectif porte directement sur un objectif important.

La régulation de l’affect peut être considérée comme un terme général qui reprend : 
  • L’adaptation : 
    • L’accent est mis sur l’atténuation des réactions au stress selon un horizon temporel relativement long.
  • La régulation des émotions : 
    • Elle recoupe la gestion du stress, mais fait référence aux tentatives d’influencer les émotions que l’on a, le moment où on les a, et la façon dont on les vit ou dont on les exprime.
  • La régulation de l’humeur : 
    • L’accent est mis sur la modification des états émotionnels subjectifs.
Il semble y avoir un chevauchement considérable entre ces processus réglementaires.



L’importance d’un objectif pour influencer la trajectoire des émotions


La caractéristique déterminante de la régulation des émotions est l’activation d’un objectif pour influencer la trajectoire des émotions :
 
Cet objectif peut être :
  • L’aboutissement souhaité, par exemple ne plus être triste.
  • Le moyen d’une autre finalité, par exemple avoir l’air motivé pour être convaincant auprès de quelqu’un.

La régulation peut être :
  • Intrinsèque : l’objectif est de réguler ses propres émotions
  • Extrinsèque : l’objectif est de réguler les émotions d’une autre personne
  • Intrinsèque et extrinsèque à la fois.

En général, nous voulons :
  • Réguler à la baisse les émotions négatives
  • Réguler à la hausse les émotions positives


Les objectifs de la régulation des émotions peuvent inclure la diminution ou l’augmentation d’une émotion négative ou d’une émotion positive. 

La diminution de l’émotion négative semble être l’objectif de régulation le plus courant dans la vie quotidienne, suivi par l’augmentation de l’émotion positive. On parle de régulation hédonique (cellules blanches).

La régulation contre-hédonique (dans les cellules grises) est souvent motivée par des objectifs instrumentaux, comme essayer de paraître calme après une grande réussite, ou augmenter son niveau d’influence pour recadrer une situation. La régulation contre-hédonique peut également être motivée par des impératifs culturels plus larges concernant les émotions qui doivent être montrées ou ressenties dans des contextes particuliers.

Parfois, les gens modifient l’intensité de leurs émotions en augmentant ou en diminuant l’expérience émotionnelle ou le comportement. C’est le cas lorsque nous voulons cacher nos émotions ou les rendre plus évidentes. Nous avons également la possibilité de masquer une émotion par une autre, par exemple, en nouant sur le côté humoristique d’une situation embarrassante.

Pour atteindre ces objectifs ou ces finalités, les gens emploient des stratégies de régulation des émotions (les moyens d’atteindre ces fins).



Mis à jour le 23/02/2024


Bibliographie


James J. Gross (2015) Emotion Regulation: Current Status and Future Prospects, Psychological Inquiry: An International Journal for the Advancement of Psychological Theory, 26:1, 1–26, DOI: 10.1080/1047840X.2014.940781 

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