Un enseignement efficace ne se limite pas à transmettre aux élèves le contenu d’un cours. Il implique également d’enseigner aux étudiants comment apprendre, réfléchir et utiliser l’information. Voici la première partie d’une synthèse d’un article de Stephen L. Chew (2021) sur ce thème.
(Photographie : Hadar Ariel Magar)
Envisager l’enseignement d’un point de vue cognitif
De nombreux enseignants partent du principe que leur responsabilité en matière d’apprentissage des élèves s’arrête à la présentation d’informations exactes et actualisées de manière claire et organisée accompagnée de pratique. Toutefois, les recherches montrent clairement que les enseignants peuvent avoir une grande influence, tant positive que négative, sur l’apprentissage des élèves et sur ce qu’ils apprennent.
Cependant, il n’existe pas de meilleure méthode d’apprentissage universelle. La meilleure approche dépend plutôt de l’interaction d’une myriade de facteurs, notamment :
- Les processus cognitifs tels que l’attention, la mémoire de travail et les fonctions exécutives
- Les connaissances préalables de l’élève
- Le contenu à apprendre et la façon dont il est enseigné
- Les stratégies d’apprentissage maîtrisées par l’élève
- Les objectifs d’apprentissage et la manière dont ils sont évalués.
Comprendre et enseigner explicitement comment mieux apprendre, un enjeu collectif pour les enseignants
La recherche cognitive a clairement démontré et délimité la supériorité de certaines stratégies d’apprentissage face à d’autres, avec différents profils d’élèves et une large gamme de contenus. À ce titre, nous disposons d’une base de connaissances scientifiques signifiante sur la manière de mieux apprendre en autonomie.
Toutefois, spontanément, intuitivement et en suivant des conseils courants, habituels et génériques, les élèves vont se retrouver à surutiliser et à privilégier des stratégies sous-optimales ou mal planifiées lorsqu’ils étudient et s’engagent dans un apprentissage autonome à domicile.
Les élèves choisissent souvent la méthode d’étude la plus facile à mettre en œuvre et qui rassure. Souvent, priment dès lors, le fait de relire, de souligner, de recopier, de bachoter ou de réaliser une synthèse d’un cours. Les élèves tendent à se concentrer sur la quantité et la durée d’étude en mobilisant spécifiquement tout le temps directement disponible avant une échéance. Ils pensent assez peu à la qualité de l’étude, à son pilotage et à une répartition stratégique dans le temps. Ils n’utilisent pas les bonnes stratégies cognitives en temps et en heure et ne les régulent pas optimalement avec des stratégies métacognitives efficaces.
Nous pouvons postuler que s’ils étaient formés selon le principe d’un enseignement explicite de l’apprentissage autonome, tous les élèves pourraient devenir plus performants et plus responsables. Leurs enseignants sont les mieux à même de soutenir cet objectif.
Dès lors, il apparait utile que les enseignants et les élèves développent et partagent une compréhension précise et commune sur la façon dont nous apprenons. Cela suppose l’existence de modèles adaptés, de connaissances et d’un vocabulaire accessible en commun.
C’est d’autant plus fondamental que la recherche montre qu’à la fois les élèves et les enseignants ont souvent des croyances erronées qui nuisent à la pleine efficacité des apprentissages. Des études révèlent que les enseignants ne comprennent souvent pas les stratégies d’apprentissage efficaces et que la croyance en des mythes et à des conceptions erronées sur l’apprentissage est monnaie courante.
Les enseignants manquent souvent de connaissances pour enseigner aux élèves comment apprendre efficacement. Or, les élèves peuvent bénéficier de l’enseignement explicite de compétences d’étude soutenues empiriquement.
Par conséquent, former les enseignants sur ces questions est prioritaire pour qu’ils puissent à leur tour former leurs élèves efficacement. Dès lors, les enseignants ne devraient pas seulement enseigner la matière d’un cours. Ils devraient également mobiliser et enseigner les stratégies d’apprentissage les plus efficaces pour apprendre ces contenus.
Un autre obstacle courant est même lorsque les élèves connaissent des stratégies d’étude efficaces, ils peuvent ne pas les utiliser pour diverses raisons. Elles sont contre-intuitives, demandent des efforts, de la concentration. De plus, les bénéfices ne sont pas ressentis à court terme, mais seulement à moyen et long terme.
Dès lors, les enseignants gagnent à travailler collectivement ces questions en partageant les mêmes modèles de l’apprentissage, du fonctionnement de la mémoire et en utilisant le même vocabulaire pour les concepts et les stratégies abordées.
Les enseignants peuvent par exemple aider en modélisant et en mobilisant régulièrement l’utilisation de techniques d’apprentissage efficaces. Ces techniques sont par exemple la pratique de récupération espacée ou l’utilisation efficace du retour d’information et l’auto-évaluation, dans le cadre de l’enseignement. Pour être efficace, le processus ne peut pas être ponctuel, mais inscrit dans un temps long.
L’enjeu à l’échelle d’une école d’un modèle commun de l’apprentissage
Au sein d’une école, l’ensemble des enseignants sont amenés à un moment ou un autre à comprendre les difficultés des élèves et à donner des conseils sur leurs méthodes d’apprentissage.
Pour maximiser l’impact, il est intéressant que l’ensemble des enseignants parlent d’un même langage, utilisent le même vocabulaire et défendent les mêmes principes. L’enjeu est énorme, pour des raisons de cohérence, de cohésion et d’impact sur l’amélioration de l’apprentissage des élèves.
Or, il y a un manque de diffusion de modèles de l’apprentissage fondés sur les sciences cognitives. Dès lors, nous courons le risque que les enseignants se réfèrent à des croyances erronées ou à des modèles de l’apprentissage non fondés sur des données probantes. La conséquence est qu’ils risquent de ne pas donner les meilleurs conseils à leurs élèves.
Nous pouvons nous demander quel cadre simplifié du traitement de l’information, fondé sur des données probantes, permettrait de faciliter la prise de conscience chez un maximum d’enseignants et d’élèves.
L’enjeu collectif est de pouvoir expliquer de manière uniforme comment se déroule l’apprentissage aux enseignants et aux élèves. L’enjeu est que les deux groupes puissent utiliser ces connaissances ensemble pour collaborer à améliorer les habitudes d’étude.
Dans ce cadre, l’objectif est que chacun puisse prendre conscience des goulets d’étranglement de notre système cognitif et des pièges liés à l’apprentissage, comme les ont mis en évidence les sciences cognitives :
- Les goulets d’étranglement sont des contraintes du système cognitif humain, telles que la nature sélective de l’attention et la capacité limitée de la mémoire de travail, qui entravent l’apprentissage.
- Les croyances erronées sont des pièges courants dans lesquels les élèves tombent et qui nuisent à leur apprentissage, comme le multitâche et l’excès de confiance.
L’enjeu de l’amélioration des stratégies d’apprentissage des élèves est double :
- Premièrement, les élèves doivent recevoir des instructions sur les compétences d’étude efficaces. Cela implique :
- D’établir un ensemble général de compétences indépendant d’un contexte de cours particulier.
- De les pratiquer sous forme appliquée et contextualisée dans le cadre des cours.
- Deuxièmement, les enseignants doivent être formés à des stratégies d’apprentissage efficaces afin :
- D’éviter la dimension contreproductive où la compréhension des enseignants est défaillante. Ils peuvent donner aux élèves des conseils incorrects ou des conseils vagues et peu utiles qui ruinent l’entreprise dans son ensemble :
- Le risque est que les enseignants véhiculent des mythes d’apprentissage, tels que les styles d’apprentissage ou les intelligences multiples.
- Le risque est que les élèves soient formés à des stratégies d’apprentissage inefficaces et ignorent certaines stratégies d’apprentissage efficaces.
- D’utiliser ces connaissances pour enseigner plus efficacement dans le cadre de leurs cours.
- De pouvoir transmettre et renforcer ces compétences chez leurs élèves afin qu’ils puissent rencontrer leur plein potentiel d’apprentissage autonome et améliorer leurs compétences en apprentissage autorégulé.
Les avantages du format de l’organisateur graphique
Le concept d’organisateur graphique a été introduit à l’origine par Ausubel (1960) dans le but d’aider les élèves à apprendre.
Les organisateurs graphiques présentent un aperçu cohérent des relations entre les concepts à apprendre. Ils fournissent un cadre schématique avec des catégories proximalement supérieures qui subsument les concepts.
Traditionnellement, dans une démarche d’enseignement explicite, l’organisateur graphique est montré aux élèves avant la présentation des concepts et l’enseignant y revient régulièrement.
L’organisateur graphique inclut tous les concepts nécessaires pour atteindre l’objectif d’apprentissage, en montrant à la fois la profondeur et l’étendue nécessaires de la matière.
L’organisateur graphique peut prendre plusieurs formes, mais il doit être facile à comprendre, autant en ce qui concerne les concepts que pour les relations entre les concepts.
Les organisateurs graphiques peuvent être composés uniquement par du texte écrit, mais les diagrammes graphiques ou les cartes conceptuelles sont un format couramment utilisé. Il est prouvé que la combinaison entre textes et représentations visuelles est supérieure au texte seul pour l’apprentissage.
L’utilisation d’un organisateur graphique bien conçu peut améliorer considérablement l’apprentissage. Stull et Mayer (2007) ont constaté qu’il était plus efficace de fournir aux élèves des organisateurs graphiques plutôt que de leur demander de créer les leurs. Ils ont testé l’impact des organisateurs graphiques sur l’apprentissage d’informations de complexité faible, moyenne ou élevée. Ils n’ont trouvé aucune différence dans le rappel de l’information avec l’utilisation d’organisateurs graphiques. Ils ont trouvé un transfert d’information significativement meilleur avec l’utilisation d’organisateurs graphiques à tous les niveaux de complexité de l’information.
Un défi de la conception de l’organisateur graphique consiste à créer une illustration graphique en utilisant les principes de l’apprentissage multimédia ou du double codage.
Un organisateur graphique pour modéliser l’apprentissage
Il y a un intérêt évident à mobiliser un organisateur graphique comme vecteur de modélisation de l’apprentissage, car le format est particulièrement précieux pour développer une vision intégrée des différents phénomènes mis en évidence.
Son objet est de traduire la recherche et la théorie cognitives sous une forme à la fois accessible et utilisable par les élèves et les enseignants.
Ni les enseignants ni les élèves n’ont besoin d’avoir une compréhension détaillée des théories psychologiques ou une maîtrise technique des résultats de recherche. Ils ont simplement besoin d’une compréhension générale et fonctionnelle, étayée par la recherche, qui puisse les aider à enseigner et à apprendre plus efficacement.
L’organisateur graphique proposé par Stephen L. Chew (2021) est basé sur un modèle simplifié de traitement de l’information avec trois étapes de mémoire :
- La mémoire sensorielle
- La mémoire de travail
- La mémoire à long terme.
Il ajoute deux phénomènes fondamentaux que sont l’attention et la répétition (récupération) élaborée.
Il met en évidence le traitement principalement ascendant de l’apprentissage :
- Des informations issues de l’environnement entrent dans le système cognitif par le biais de nos sens et arrivent dans la mémoire sensorielle.
- La mémoire sensorielle capture les informations sensorielles entrantes pendant un bref moment.
- L’information subit alors le traitement sélectif de l’attention, qui remplit deux fonctions :
- Sélectionne les informations pertinentes en vue d’un traitement ultérieur.
- Elle filtre essentiellement les informations qui ne font pas l’objet d’une attention particulière
- Elle permet aux élèves de se concentrer sur des stimuli importants.
- L’information peut circuler dans les deux sens dans le système dans le sens où l’attention peut être sélective et cibler des stimuli dans l’environnement plutôt que d’autres.
- Les informations qui passent par l’attention arrivent ensuite dans la mémoire de travail :
- La mémoire de travail est consciente et a une capacité limitée.
- Dans la mémoire de travail, si une information n’est pas répétée, elle est oubliée en quelques secondes.
- Les informations en mémoire de travail peuvent être à la fois répétées et traitées de différentes manières :
- La répétition élaborée est le moyen le plus efficace de rendre les informations permanentes en les transférant en mémoire à long terme.
- La répétition élaborée peut être réalisée de multiples façons, comme :
- Le traitement sémantique
- La répétition espacée
- La pratique de récupération
- Etc.
- La mémoire à long terme est l’entrepôt permanent des connaissances :
- Sa capacité est illimitée, mais pour pouvoir se rappeler des informations, les élèves doivent avoir une stratégie de récupération efficace.
- L’information peut toujours être oubliée en cas d’échec de la récupération.
- Les élèves qui ne disposent pas d’une stratégie de récupération efficace ne peuvent pas se souvenir de l’information, même si elle se trouve dans la mémoire à long terme.
L’intérêt d’un organisateur graphique est qu’il contient un condensé d’informations très pertinentes rassemblées et structurées dans un diagramme instructif qui peut être utilisé à la fois par les enseignants et les élèves. Il a le potentiel d’aider les enseignants et les élèves à développer un schéma de la façon dont les gens apprennent.
Dans la plupart des cas, les enseignants et les élèves ont seulement besoin de comprendre un principe général soutenu par la théorie. S’ils savent que le fait d’oublier puis de réapprendre des informations renforce la mémorisation à long terme, ils peuvent alors utiliser des stratégies telles que la pratique espacée, l’entremêlement et la rétroaction différée.
L’organisateur graphique représente graphiquement le déroulement de l’apprentissage. Il met en évidence les goulets d’étranglement et les pièges qui pourraient compromettre l’apprentissage. Non seulement il signale ces problèmes potentiels, mais il fournit également des solutions :
- Un point d’étranglement est une limitation ou une contrainte du système cognitif avec laquelle les élèves doivent composer pour apprendre, comme la capacité limitée de la mémoire mobile à retenir les informations.
- Un piège est une erreur courante que les élèves commettent lorsqu’ils étudient. Ces pièges sont souvent dus à des hypothèses et des intuitions erronées sur la façon dont les gens apprennent.
L’objectif de cet organisateur graphique est d’aider les enseignants à comprendre l’apprentissage et de leur permettre de concevoir une meilleure pédagogie. À partir de là, ils peuvent enseigner à leurs élèves comment étudier efficacement.
Pour les élèves, l’organisateur graphique est destiné à les aider à éviter les pièges courants de l’apprentissage. Ils développent des compétences d’étude flexibles et efficaces qu’ils pourront par la suite mobiliser dans n’importe quelle situation d’apprentissage.
L’avantage de l’organisateur graphique est de correspondre à un schéma de la façon dont les gens apprennent. Un schéma est un cadre organisé de connaissances à long terme. Lorsqu’il est activé, il facilite l’encodage et l’apprentissage de nouveaux concepts connexes, favorise l’inférence, le raisonnement et la résolution de problèmes dans ce domaine et guide le rappel des informations pertinentes.
Le fait de prendre des faits individuels et de créer un schéma cohérent, un processus appelé schématisation, a des effets profonds sur le rappel à long terme et l’utilité de l’information.
Les enseignants qui ont développé un schéma précis de l’apprentissage peuvent concevoir et mettre en œuvre une pédagogie adaptée à un contexte éducatif particulier, diagnostiquer les problèmes et apporter les ajustements nécessaires, et concevoir des évaluations significatives.
Les élèves ayant un schéma précis de l’apprentissage peuvent développer des stratégies d’apprentissage efficaces pour tout contexte de cours, identifier et éviter les mauvaises stratégies d’étude, et réguler leur apprentissage.
L’attention, un goulet d’étranglement
En matière d’attention, ce que l'on nomme effort mental ou concentration correspond à une ressource limitée. À ce titre, l'attention représente une contrainte majeure pour l’apprentissage.
Chaque élève dispose d'une quantité limitée de concentration qu’il utilise à tout moment, idéalement à ce qui est enseigné ou ce qu'il doit apprendre, mais potentiellement à tout autre chose ce qui hypothèque sa compréhension et ses progrès.
L'accomplissement d'une tâche nécessite de lui attribuer une certaine quantité d’effort mental pour pouvoir être réalisée. C'est ce qu’on appelle la charge cognitive.
Les élèves peuvent facilement être dépassés lorsque la charge cognitive d’une tâche qu'ils essaient de réaliser dépasse leur effort mental disponible. La situation se complique encore lorsque des élèves essaient de réaliser plusieurs tâches en même temps (on parle alors de multitâche).
Si la charge cognitive dépasse l’effort mental disponible, les élèves sont dépassés et leurs performances chutent brutalement ce qui hypothèque tout apprentissage. La charge cognitive est souvent élevée lorsque les élèves essaient d’apprendre des informations nouvelles et complexes sans guidage de l’enseignant.
Les distractions qui accaparent l’effort mental sont nuisibles à l’apprentissage, car l’apprentissage de nouvelles informations représente une charge cognitive élevée.
Les élèves peuvent atténuer le goulet d’étranglement de l’effort mental en s'engageant dans une pratique délibérée qui aide à développer l’automaticité. Lorsque les élèves s'entrainent, ils transfèrent leurs connaissances en mémoire à long terme et atteignent le state de surapprentissage. À ce moment, là, ils peuvent réaliser des tâches de manière quasiment automatique, ce qui fait que la charge mentale exigée diminue nettement. Elle peut alors être réservée à d'autres actions nouvelles.
Plus les élèves pratiquent et utilisent les informations, moins l’effort mental est nécessaire pour les rappeler et les utiliser. Les élèves doivent s’efforcer de rendre les nouvelles connaissances automatiques, ce qui signifie qu’ils doivent surapprendre les informations et les étudier bien au-delà de leur capacité initiale à se les rappeler.
À défaut d’automatismes, les élèves peuvent essayer de structurer leur environnement d’étude et utiliser différentes formes d'étayage pour réduire les distractions et éviter d’être submergés
Le focus étroit de l’attention, un goulet d’étranglement
Dans le domaine de l’attention, le focus étroit de l’attention constitue un second point d’étranglement.
L’attention sélective permet à une personne de concentrer sa conscience sur un stimulus spécifique. Ce faisant, elle perd la capacité de percevoir les stimuli en dehors de sa focalisation.
Ce fait rend les élèves vulnérables aux distractions, notamment par des stimuli plus accrocheurs et potentiellement intéressants que ce qui se passe en classe ou pendant une session d’étude.
Lorsque nous essayons de diviser l’attention entre différentes sources, ce que l’on appelle communément le multitâche, notre capacité à percevoir l’une ou l’autre source faiblit. La façon la plus simple d’aborder l’attention sélective est de réduire ou d’éliminer les distractions. Les élèves devraient réduire le nombre de distractions dans leur environnement d’étude. La simple présence d’un smartphone peut réduire la capacité de concentration et d’apprentissage.
Les élèves devraient développer des habitudes d’étude qui impliquent la réduction et l’évitement des distractions.
Le système cognitif humain est conçu pour se concentrer sur un seul stimulus à la fois mais ce stimulus peut à la fois avoir une dimension visuelle et auditive contigüe.
Contourner le goulet d’étranglement de la mémoire de travail par le chunking
Le goulet d’étranglement de la mémoire de travail
La mémoire de travail est avec l’attention, l’une des deux principales contraintes pour l’apprentissage. La mémoire de travail possède une capacité limitée à retenir les informations.
La capacité limite de la mémoire de travail s’élève à trois ou quatre chunks d’information nouvelles (Cowan, 2010). Ces informations sont maintenues jusqu’à 30 secondes et finissent par disparaitre et être remplacées par d’autres à moins d’être répétées en boucle.
Un chunk est une unité de connaissance en mémoire de travail. Elle est composée d’informations organisées et cohérentes entre elles.
Concrètement, nous pouvons retenir au maximum environ 7 unités de connaissances nouvelles dans notre mémoire de travail. Cependant s’il s’agit de traiter également ces informations, le nombre d’unités gérables se réduit à 3 à 4. Le traitement consistant à combiner, à contraster, à élaborer ou à manipuler ces unités.
Notre mémoire de travail est assimilable à notre conscience. Ce qu’elle contient est ce que nous avons à l’esprit actuellement.
Se concentrer et répéter machinalement
Cet état de fait représente une source de la frustration et d’incompréhension pour de nombreux élèves. Ils n’ont qu’une idée en tête souvent, c’est de pouvoir mémoriser les informations qu’ils ont en tête actuellement pour les récupérer plus tard. Ils tombent alors dans le piège d’essayer de répéter plusieurs fois les mêmes informations, pour les mémoriser, avec le secret espoir qu’elle atterrissent durablement dans leur mémoire à long terme.
Les élèves essaient de surmonter la limite de capacité de leur mémoire de travail en se concentrant sur les informations actuellement présentes à l’esprit en se les répétant.
C’est une erreur. Concentrer son attention sur quelques éléments et se les répéter en boucle n’est pas une bonne façon de surmonter le goulet d’étranglement de la mémoire de travail.
Si le traitement s’arrête à ce stade, il sera le plus souvent vain et ce qui sera retenu risque d’être rapidement oublié ou d’être plus fonctionnel.
Le phénomène de chunking
La solution à la limite de capacité de la mémoire mobile consiste à organiser les informations en grands morceaux ou chunks en fonction de nos connaissances préalables.
Ce processus est appelé chunking (Gobet, 2005) :
- Par exemple, il serait difficile de mémoriser une chaîne de lettres aléatoire, telle que « P-T-M-A-O-P-I-H-O-S-E-P ». Chaque lettre agit comme un chunk et 12 chunks dépassent largement la capacité de la mémoire de travail.
- Cependant, nous pouvons activer des connaissances préalables en rapport dans notre mémoire à long terme. La mémorisation de la même chaîne de lettres arrangée pour épeler un mot familier, tel que « H-I-P-P-O-P-O-T-A-M-E-S » est facile.
- Maintenant, toutes les lettres sont organisées grâce à l’activation de connaissances à long terme en quelque chose de familier et de significatif qui correspond à un seul chunk.
Pour surmonter la limite de capacité de la mémoire de travail, les élèves doivent élaborer pour organiser les nouvelles informations en chunks significatifs en se fondant sur leurs connaissances préalables. Cette démarche permet la compréhension et par la suite l’apprentissage.
Cette démarche peut être particulièrement difficile pour les apprenants novices dans un domaine, car ils n’ont pas l’expertise nécessaire pour construire des chunks de taille importante et peuvent manquer de certaines connaissances fondamentales.
Pour apprendre plus efficacement et mieux, l’enjeu est d’augmenter progressivement la taille des chunks. De cette manière, nous pouvons mieux piloter le goulet d’étranglement de la mémoire de travail. Par un processus de chunking, d’élaboration et de récupérations ultérieures, les nouveaux contenus sont peu à peu transférés durablement en mémoire à long terme. Ils peuvent alors à leur tour être mobilisés pour construire des chunks plus complexes avec de nouveaux contenus.
Tout ce processus suppose l’activation et la construction de connaissances en mémoire à long terme par la création de lien avec des connaissances préalables grâce à un traitement qui se déroule en mémoire de travail.
C’est la mémoire à long terme qui est le siège de l’apprentissage et joue un rôle crucial dans notre compréhension de notre environnement. Cependant, elle est accédée et pilotée à partir de la mémoire de travail.
L’oubli, un goulet d’étranglement
La rapidité de l’oubli constitue un goulet d’étranglement pour l’apprentissage :
- Au niveau de la mémoire de travail, l’oubli se produit en moins de trente secondes :
- Si nous ne nous employons pas à répéter l’information mentalement pour la conserver en mémoire de travail grâce à la boucle phonologique
- Si nous le l’intégrons pas dans des chunks en lien avec des connaissances préalables pour la transférer en mémoire à long terme.
- Au niveau de la mémoire à long terme, l’oubli se produit à des rythmes différents selon les conditions :
- L’oubli peut être dû à l’interférence d’autres souvenirs qui rendent les connaissances précédemment apprises moins directement disponibles. À ce niveau, nos connaissances évoluent au fur et à mesure de leurs récupérations et de leurs réactivations à partir de la mémoire à long terme vers.
- L’oubli peut être dû à un manque d’intégration avec des connaissances préalables. Nous avons mémorisé parfois par cœur des connaissances, mais elles cessent d’être aisément accessibles par la suite, car peu de liens signifiants existent et peu d’indices de récupération existent.
Pour ralentir l’oubli en mémoire à long terme deux tactiques utiles sont à mobiliser :
- Nous pouvons surapprendre des informations, c’est à dire continuer à pratiquer jusqu’à développer des automatismes, ce qui assure un apprentissage initial plus fort et plus ancré.
- Nous pouvons nous engager dans des opportunités de récupérations ultérieures et distribuées qui permettront de renforcer l’apprentissage initial.
L’oubli continuera toujours à se produire toujours. Cependant, un apprentissage initial plus fort signifie que la mémoire dure plus longtemps. La récupération répétée ou un surapprentissage successif, tous deux de manière espacée, peuvent aider à réduire les effets de l’interférence et à ralentir de plus en plus le processus de l’oubli.
Dès lors, la pratique de récupération dans les conditions de l’évaluation future est une bonne façon d’apprendre, associée à un surapprentissage lorsque les connaissances deviennent fragiles.
Une autre façon de réduire l’interférence consiste à créer un souvenir hautement distinctif qui se démarque des autres souvenirs, mais l’approche peut difficilement être généralisée. De plus, la force de cet apprentissage distinctif fait qu’on y repensera régulièrement par la suite, ce qui fonctionne comme une pratique de récupération.
Le multitâche, un piège à éviter pour des apprentissages efficaces
Lorsque les élèves essaient d’étudier tout en étant en mode multitâches (avec leur smartphone, avec de la musique en bruit de fond ou en regardant une vidéo), il le font en présence de distractions. Dans tous les cas, cela réduit de manière nette leurs apprentissages, en qualité et en quantité.
Le système cognitif humain n’est pas construit pour apprendre, comprendre ou réalisé une tâche complexe en mode multitâche. Quand nous voulons apprendre, comprendre ou réaliser une tâche complexe d'une bonne manière, il a besoin de pouvoir se concentrer sur un seul stimulus à la fois, tout le temps nécessaire, sans être interrompu.
Une manière de bien comprendre la problématique du multitâche est de lui considérer comme synonyme l'a notion de "changement de tâche" qui lui est automatiquement associée dès qu'il s'agit d'essayer de devoir accorder son attention à plus d’une activité en même temps.
Un élève qui travaille en mode multitâche, change de tâche sans arrêt. Cette image met mieux en relief une évidente inefficacité.
Cela nous amène à admettre qu'en contexte d'apprentissage autonome, le multitâche est nécessairement un problème conséquent, plus courant qu'auparavant avec la pléthore de distractions numériques qui entourent les élèves et attire leur attention. Le multitâche est particulièrement néfaste pour les élèves qui essaient de se concentrer et d’apprendre, et c'est comme ça qu'il faut le leur présenter.
La conclusion claire d’un grand nombre de recherches est nette. Le multitâche réduit l’apprentissage et nuit à la réussite scolaire.
Certains élèves peuvent avoir l’impression d’être doués pour le multitâche parce qu’ils le font souvent, mais cette croyance est erronée. Le système cognitif humain n’est pas construit pour être multitâche, mais pour se concentrer sur un seul stimulus à la fois.
Ceres, les gens peuvent probablement effectuer deux tâches automatiques à la fois, mais étudier implique généralement une tentative particulièrement exigeante d’apprendre des informations complexes et non familières. Cette démarche est non compatible avec le mode multitâche.
Éviter le problème du multitâche n’est pas une question de volonté. La bonne volonté est fallible. C'est surtout une question de suppression des distractions de l’environnement et de développement de bonnes habitudes. Les élèves devraient réduire le nombre de distractions dans leur environnement d’étude. En outre, ils devraient développer des habitudes d’étude qui impliquent la réduction et l’évitement des distractions.
Les stratégies inefficaces, un piège pour l’apprentissage
Un écueil à l’apprentissage est que les élèves privilégient trop souvent des stratégies d’étude parmi les moins efficaces pour un apprentissage à long terme.
Les élèves peuvent employer différentes stratégies de répétition ou d’apprentissage sur les informations contenues dans la mémoire de travail. Certaines stratégies de répétition ne font que maintenir les informations à jour dans la mémoire de travail. C’est par exemple le fait de relire son cours, de se faire expliquer à nouveau la matière, de recopier des résolutions d’exercices ou son cours. C’est également le fait de surligner, de remettre en forme ses notes ou de produire une synthèse.
Dès que ce type de répétition cesse, l’oubli est rapide, car il y a très peu de récupération d’informations avec la mémoire à long terme. Cette fiable mobilisation se traduit par peu de consolidation et si des éléments sont retenus, les liens avec les connaissances préalables sont peu développés ce qui fait que la nouvelle information sera peu récupérable.
Pour rendre l’information permanente, les élèves doivent utiliser une stratégie d’étude qui transfère l’information de la mémoire de travail à la mémoire à long terme et amène cette dernière à mobiliser leurs connaissances préalables.
Ils doivent privilégier les stratégies cognitives basées sur la récupération et sur l’élaboration plutôt que celles qui reposent sur la répétition pour atteindre la maitrise de leurs objectifs d’apprentissage. Toutefois, les stratégies de répétition ne sont pas à exclure. Elles ont un rôle à jouer dans la première phase d’organisation, de structuration et de compréhension des contenus à apprendre. Par la suite, elles perdent grandement leur intérêt. Elles ne seront utiles que pour vérifier l’exactitude de ce qui a été récupéré ou élaboré précédemment à partir d’échanges entre leur mémoire de travail et leur mémoire à long terme.
Souvent, les élèves préfèrent nettement utiliser les stratégies d’apprentissage les moins efficaces pour l’apprentissage à long terme, comme le fait de relire sans réfléchir, le bachotage et le surlignage. Ces méthodes ont tendance à être faciles à mettre en œuvre et permettent au cerveau d’économiser des ressources. Les stratégies d’apprentissage qui sont efficaces pour créer des souvenirs durables sont plus laborieuses et impliquent généralement une sorte d’élaboration ou de manipulation significative de l’information. Elles monopolisent des ressources pour le cerveau et ont tendance à le fatiguer, à bon escient cependant.
Il existe un large éventail de stratégies d’étude efficaces, telles que le chunking (par l’organisation et la structuration des informations), la pratique espacée, la pratique de récupération, l’auto-explication ou l’entremêlement, entre autres.
L’excès de confiance, un piège pour l’apprentissage
Un autre écueil est que les élèves ont tendance à être trop confiants lorsqu’ils jugent leur propre niveau de compréhension, en particulier les élèves plus faibles.
L’excès de confiance amène les élèves à arrêter d’étudier prématurément, en croyant qu’ils ont une compréhension profonde alors qu’en fait leurs connaissances sont superficielles, incomplètes et comportent des idées fausses.
De mauvaises stratégies d’étude peuvent conduire à un excès de confiance, car l’élève a passé de longues heures à étudier sans vraiment apprendre. L’excès de confiance est plus susceptible de se produire pour les apprenants novices qui ont moins de connaissances sur un domaine et sont donc de mauvais juges de leur niveau de compréhension.
Pour réduire l’excès de confiance et d’améliorer la métacognition, nous pouvons fournir aux élèves de multiples occasions d’obtenir un retour sur leur niveau de compréhension. Dans la foulée, nous les faisons réfléchir à ce retour, nous modélisons des stratégies métacognitives pour les élèves, nous utilisons la pratique de récupération en classe et nous leur enseignons comment utiliser l’autodiagnostic de manière appropriée.
Mis à jour le 08/02/2024
Bibliographie
Chew, S. L. (2021, June 17). An Advance Organizer for Student Learning: Choke Points and Pitfalls in Studying. Canadian Psychology/Psychologie canadienne. Advance online publication. http://dx.doi.org/10.1037/cap0000290
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Stull, A. T., & Mayer, R. E. (2007). Learning by doing versus learning by viewing: Three experimental comparisons of learner-generated versus author-provided graphic organizers. Journal of Educational Psychology, 99(4), 808–820. https://doi.org/10.1037/0022-0663.99.4.808
Cowan, N. (2010). The magical mystery four: how is working memory capacity limited, and why? Current Directions in Psychological Science, 19(1), 51–57. https://doi.org/10.1177/0963721409359277
Gobet, F. (2005). Chunking models of expertise: Implications for education. Applied Cognitive Psychology, 19(2), 183–204. https://doi.org/10.1002/ acp. 1110
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