lundi 7 août 2023

Pistes liées à l’évaluation formative

Synthèse d’un état des lieux des questions liées à l’exploitation en école de l’évaluation formative par Sluijsmans (2020).

(Photographie : foliorumviridis)








Le processus cyclique de l’évaluation formative


L’évaluation formative est un processus interactif et cyclique dans lequel l’enseignant, par le biais d’une didactique efficace :
  • Obtient un aperçu opportun de la situation des élèves.
  • Détermine ce dont ses élèves ont besoin pour passer à l’étape suivante.

L’objectif principal de l’évaluation formative est de soutenir les élèves dans leur processus d’apprentissage (Popham, 2008) :
  • Jusqu’à ce qu’ils aient atteint un certain objectif d’apprentissage
  • Tout en soutenant leur motivation à apprendre 

Une fois cet objectif d’apprentissage atteint, un nouveau peut être enseigné.

Dans le processus d’évaluation formative, trois questions clés sont centrales. Elles permettent de recueillir les informations nécessaires de la bonne manière, au bon moment et dans le bon but.

Ces questions aident l’enseignant et l’élève à recueillir les informations nécessaires sur le processus d’apprentissage des élèves. Sur la base de ces informations, l’enseignant et l’élève peuvent changer et adapter leur stratégie :
  • Quels sont les objectifs d’apprentissages des élèves ? 
  • Où se situent-ils actuellement par rapport aux objectifs d’apprentissage ? 
  • Quelles actions sont nécessaires pour aider les élèves à progresser ?



Le processus continu de l’évaluation formative


L’évaluation formative n’est pas un instantané, mais un processus continu. L’évaluation formative permet d’avoir d’obtenir une information à un moment donné sur l’apprentissage en cours. Cependant, la nature volatile et changeante de l’apprentissage dans ses premiers stades, entre compréhension, consolidation et oubli, fait que l’information récoltée perd rapidement sa pertinence et doit être rapidement utilisée. 

L’évaluation formative peut se faire simplement, de manière informelle, par exemple, en vérifiant régulièrement la compréhension des élèves en classe et en leur fournissant un retour d’information dans la foulée. 

Ce recueil d’informations sur le processus d’apprentissage des élèves remplit deux fonctions :
  • Les enseignants ont besoin de ces informations pour déterminer ou adapter leurs stratégies d’enseignement.
  • Les élèves ont besoin de ces informations pour déterminer ou adapter leurs stratégies d’apprentissage. 
Lorsque les élèves sont constamment soutenus par une évaluation formative au cours du processus d’apprentissage des objectifs du programme scolaire (Willingham, Pollack & Lewis, 2002) :
  • Moins d’élèves abandonnent.
  • Leurs chances d’obtenir des résultats positifs aux tests sommatifs augmentent.
  • La motivation des élèves s’accroît.
Une note chiffrée peut donner un aperçu d’un certain degré de maîtrise, mais est généralement pauvre en informations. Par exemple : « Tu as fait 80 % des calculs correctement ». Pour autant, elle ne permet pas à elle seule de savoir quels sont les 20 % de la matière du cours qui ne fonctionnent pas bien et pourquoi. L’évaluation formative, associée à une rétroaction permet d’y voir plus clair. 

Lorsqu’une école promeut l’évaluation formative, cela ne signifie pas que toutes les notes sont bannies. Les élèves ne reçoivent une note pour remplir une fonction sommative, par exemple en vue d’une transition ou d’un diplôme, que lorsque toutes les possibilités d’apprendre et de mieux maîtriser la matière ont été activées. L’évaluation formative assure la pleine réussite de l’évaluation sommative.



Cinq stratégies pour intégrer l’évaluation formative


Ces cinq stratégies (Wiliam & Thompson, 2008) permettent de mettre en évidence des outils concrets pour les enseignants afin d’intégrer l’évaluation formative dans leur propre enseignement : 
  • Clarifier les objectifs d’apprentissage et les critères de réussite
    • L’enseignement commence par expliquer clairement à ses élèves, au début du processus d’apprentissage, ce qu’il attend d’eux. 
    • Le manque de clarté quant aux objectifs d’apprentissage et aux critères de réussite est souvent la raison pour laquelle les élèves n’obtiennent pas de bons résultats aux tests sommatifs (Black & William, 1998).
  • Mener des discussions efficaces avec les élèves et organiser des activités qui délivrent en retour des informations sur le processus d’apprentissage en cours
    • L’élément central de cette stratégie est de bien comprendre comment les élèves réfléchissent. 
    • Sur cette base, il est possible de donner aux élèves des indications sur comment ils peuvent franchir une nouvelle étape, comment ils peuvent adapter leur stratégie d’apprentissage.
  • Délivrer un retour d’information pour un apprentissage ultérieur
    • L’enseignant donne à ses élèves une rétroaction afin qu’ils sachent comment procéder pour atteindre les objectifs d’apprentissages. 
    • Le fait d’apprendre à recevoir et être capable d’agir sur la rétroaction renforce le développement de la littératie de rétroaction. 
  • Soutenir l’apprentissage des pairs 
    • Cette stratégie implique que les élèves se donnent mutuellement une rétroaction sur leurs productions. 
    • Le fait de donner et de recevoir un retour d’information de la part de ses pairs crée une responsabilité mutuelle et augmente également l’engagement et les performances des élèves. 
    • Le retour d’information par les pairs est également utile, car les élèves comprennent bien le langage des autres, cela active l’apprentissage vicariant.
  • Encourager les élèves à prendre la responsabilité de leurs propres apprentissages.
    • L’enseignant recueille des informations sur la mesure dans laquelle les élèves sont déjà capables de réguler leur propre processus d’apprentissage. 
    • L’enseignant soutient ses élèves dans le développement de capacités d’autorégulation en lien avec les objectifs d’apprentissage.



Obtenir des preuves de l'apprentissage des élèves pour adapter l'enseignement


L’évaluation formative nécessite l’utilisation de la didactique liée à la matière enseignée afin de déterminer quelles informations sont à recueillir à quel moment concernant la progression de l’apprentissage des élèves.

L’enseignant détermine à quels moments du cours, un retour d’information est nécessaire pour savoir si la stratégie pédagogique doit être adaptée : 
  • À quoi dois-je faire réfléchir mes élèves de manière active à ce stage ? 
  • Quand dois-je accomplir une étape spécifique du programme liée à l’un ou l’autre objectif d’apprentissage ?
  • Quand puis-je introduire les nouveaux contenus et considérer les contenus actuels en voie d’acquisition  ?
  • Quels sont les moments où je sais que les élèves prennent souvent un mauvais virage ou font des erreurs typiques ? 
C’est plus particulièrement lors des moments charnières du cours qu’il est important de recueillir des informations auprès des élèves sur leur compréhension. Nous voulons éviter tout retard, tout apprentissage d’erreurs ou toute frustration ou baisse de motivation ultérieure.

Dans le cadre de l’évaluation formative, l’enseignant possède au départ, deux grandes pistes pour procéder :
  • L’évaluation formative informelle : 
    • Elle a lieu durant le cours et équivaut à la vérification de la compréhension en enseignement explicite dont elle est une composante majeure.
    • L’enseignant soutient l’attention et l’engagement de tous les élèves dans l’apprentissage et recueille des preuves auprès de chacun. Il leur pose des questions ou vérifie leurs réponses écrites.
    • Spécifiquement, la vérification de la compréhension en classe devrait être la principale source d’information pour un enseignant. Toutefois, cette dimension n’est pas toujours pleinement exploitée comme elle le pourrait.
  • L’évaluation formative formelle : 
    • Elle correspond à des productions ou à des évaluations des élèves réalisées en classe hors de classe que l’enseignant récupère pour analyser en dehors de la classe. 
    • L’enseignant en assure une correction complète ou se contente de les consulter. L’objectif pour lui est de récolter des informations sur des apprentissages plus complexes et à une échelle globale.
    • La difficulté de ces démarches est que le cadre doit assurer que les élèves se responsabilisent par rapport à ces productions formatives.
Ayant récolté toutes les informations par voie formelle ou informelle, l’enseignant pose un diagnostic et peut décider d’adapter si cela est nécessaire la stratégie pédagogique adoptée. 

Au-delà de cette dimension formelle et informelle de l’évaluation qui associe l’enseignant et ses élèves, deux autres développements ultérieurs sont d’offrir aux élèves des opportunités d’être des ressources pour l’apprentissage de leurs pairs. Nous voulons également les amener à s’évaluer sur les contenus enseignés dans le but de leur permettre de pleinement piloter leur apprentissage autonome hors de la classe.



Procéder à un ajustement pédagogique en enseignement explicite


Dans une perspective d’enseignement explicite, l’enseignant doit pouvoir déterminer clairement quand un ajustement de la stratégie pédagogique en cours est nécessaire.

Le diptyque formé par le modelage et la pratique autonome vise à amener les élèves à un taux de réussite de 80 % dans les tâches qui leur sont confiées. Lors de la pratique autonome, celui-ci est censé atteindre les 90 à 95 %.

Ces pourcentages sont des indicateurs pour constater s’il faut poursuivre ou arrêter la pratique guidée ou la pratique autonome. 

Par exemple, si 75 % du groupe n’obtient pas au moins 80 % des réponses justes lors de la pratique guidée, celle-ci doit se poursuivre. Par contre, si la même situation se produit lors de la pratique autonome, la stratégie pédagogique peut justifier une adaptation.

S’il existe une raison réelle d’ajuster la stratégie d’enseignement, l’enseignant détermine alors ce qui est nécessaire pour éviter que des élèves :
  • N’apprennent pas.
  • Se démotivent
  • Perdent confiance en leurs propres capacités. 
L’objectif de l’ajustement est de donner à l’élève de meilleures chances d’apprendre dans de bonnes conditions. Typiquement lorsque le problème se produit en pratique autonome, l’enseignant, après avoir diagnostiqué la difficulté, reprend le modelage et la pratique guidée, mais de manière plus intensive, en cherchant à améliorer la segmentation des apprentissages.



Recueil d’information aux moments charnières par des questions diagnostiques


Si l’identification des moments charnière est claire, il reste à l’enseignant de choisir les activités didactiques pertinentes pour recueillir les bonnes informations sur le processus d’apprentissage des élèves.

Une situation classique concerne l’activation des connaissances antérieures des élèves. Lorsqu’il aborde une nouvelle matière, l’enseignant a besoin de déterminer exactement ce que les élèves savent déjà. Différentes méthodes pour découvrir les connaissances déjà présentes chez les élèves. 

L’activation des connaissances et expériences antérieures, combinée à un retour d’information orienté vers l’action, motive les élèves à poursuivre leur apprentissage et renforce leur confiance en leurs propres capacités (Abel & Bäuml, 2020). 

Différentes pratiques permettent d’aider les élèves à retrouver les connaissances qu’ils ont acquises jusque là dans le domaine concerné :
  • Un brain dump
  • Un ticket de sortie
  • Un quiz d’entrée 
  • L’usage d’ardoises effaçables
Associée à la notion de moment charnière, se trouve celle de question diagnostique. Pour vérifier si les élèves comprennent, poser les bonnes questions est un principe didactique essentiel. L’essence d’une bonne question diagnostique est de découvrir à quel moment du parcours d’apprentissage l’élève ne comprend plus la matière, afin d’ajuster ensuite l’enseignement et la stratégie d’apprentissage en conséquence (Christodoulou, 2016). 

Les questions diagnostiques ne doivent pas être trop complexes. Elles sont posées au début d’un nouveau processus d’apprentissage, sinon l’enseignant risque de ne pas être en mesure de savoir où les élèves, dans le processus de résolution, commettent une éventuelle erreur de raisonnement. Ces questions sont en lien avec un moment charnière. Pour progresser dans les apprentissages, des connaissances antérieures doivent être acquises.

Des questions à choix multiples bien construites peuvent être adaptées à des fins diagnostiques. L’enseignant formule des réponses en sachant qu’elles sont souvent choisies par les élèves, mais incorrectes. Une mauvaise réponse donne alors à l’enseignant des informations directes sur le point précis sur lequel l’élève a besoin d’un enseignement supplémentaire. 



L’évaluation formative dans l’alignement constructif ou curriculaire


L’évaluation formative doit être utilisée dans et entre les cours. Par conséquent, elle doit s’inscrire dans un alignement constructif ou curriculaire. Les objectifs, les activités d’apprentissage et l’évaluation sont parfaitement alignés.

L’évaluation formative doit être intégrée dans un programme cohérent. Par exemple, les objectifs d’apprentissage utilisent un niveau de langage pleinement compréhensible par les élèves. Lorsque les objectifs pédagogiques sont parfaitement intelligibles pour les enseignants et parfois obscurs pour les élèves, il s’agit d’une forme de malédiction de la connaissance. 

Dans la même logique, les enseignants peuvent montrer à leurs élèves des exemples de la performance souhaitée afin qu’ils sachent ce que l’on attend d’eux et quels sont les critères de réussite. 

Un autre facteur positif est d’utiliser un organisateur graphique qui offre un aperçu schématique au début d’une période d’enseignement. Dans une telle vue d’ensemble, l’enseignant indique clairement le contenu auquel les élèves peuvent s’attendre pendant les cours. De cette façon, les élèves perçoivent plus aisément et plus explicitement les liens différents contenus d’un même ensemble. 



Une culture de l’apprentissage à l’école


La mise en œuvre de l’évaluation formative dans une école n’est pas facile et nécessite beaucoup de pratique et de temps. Elle nécessite une culture dans laquelle l’équipe est prête à prendre le temps de passer d’une culture de performance à une culture d’apprentissage (Popham, 2008). 

Pour y parvenir, il faut une culture d’apprentissage et de professionnalisme à l’école. Une telle culture d’apprentissage comporte un certain nombre d’éléments clés, à savoir : 
  • Fixer des objectifs et des critères de réussite ensemble, 
  • Concevoir l’enseignement et l’évaluation ensemble
  • Regarder, consulter et offrir une rétroaction constructive sur le travail de chacun

Dans ce type d’approche, des équipes d’enseignants travaillent selon un rythme fixe sur des objectifs déterminés. Les recherches sur les effets de cette méthode montrent que cette méthode de coopération renforce la culture scolaire et l’enthousiasme de l’équipe, mais qu’elle a aussi besoin de temps pour s’épanouir (Jong et coll., 2020).

L’enjeu est de parvenir à une mise en œuvre structurelle de l’évaluation formative. Il est tout d’abord important qu’il existe au sein d’une équipe une image commune de ce qu’elle implique — et surtout de ce qu’elle n’implique pas (Popham, 2008). 

Si des images différentes de l’évaluation formative existent au sein d’une équipe, il y a un risque que des idées fausses apparaissent. Les bonnes informations peuvent ne pas être collectées. Par conséquent, des décisions formatives incorrectes risquent d’être prises.

La deuxième étape consiste à renforcer le processus d’apprentissage des enseignants. Par exemple, il est important que les enseignants aient la possibilité de choisir l’aspect de l’évaluation formative qu’ils souhaitent maîtriser en premier. De même, ils doivent pouvoir prendre des mesures réalisables, qui peuvent être concrétisées à court terme (Wiliam, 2016). 

Afin de renforcer le processus d’apprentissage des enseignants, il est nécessaire de déterminer en équipe s’il existe un terreau suffisant pour des changements et des améliorations structurels de l’enseignement. Le rôle du chef d’établissement est crucial à cet égard. L’apprentissage de la mise en forme de l’évaluation formative dans la pratique scolaire quotidienne demande du temps et de la persévérance.


Mis à jour le 06/02/2024

Bibliographie


Sluijsmans, D. M. A. (2020). Toetsing als kans om te leren. Een thematisch overzicht naar het waarom, wat, wanneer en hoe van formatief evalueren. Den Haag: NRO.

Abel, M., & Bäuml, K. T. (2020). Would you like to learn more? Retrieval practice plus feedback can increase motivation to keep on studying. Cognition, 201. https://doi.org/10.1016/j.cognition.2020.104316

Black, P., & William, D. (1998). Assessment and classroom learning. Assessment in Education: Principle, Policy, & Practice, 5(1), 7–74.

Christodoulou, D. (2016). Making good progress. The future of Assessment for Learning. Oxford: University Press.

Jong, A., de, Knijff, R., Lockhorst, D., Bulder, E., Klein, T., & van Tartwijk, J. (2020). Wat is de kracht van leerKRACHT? Oplegger bij 2e infographic van effectonderzoek. Utrecht: Universiteit Utrecht/Oberon.

Popham, W. J. (2008). Transformative assessment. Alexandria, VA: ASCD.

Wiliam, D. (2016). Leadership for teacher learning. Bristol: Learning Science Ltd.

Willingham, W. W., Pollack, J. M., & Lewis, C. (2002). Grades and test scores: Accounting for observed differences. Journal of Educational Measurement, 39(1), 1–37.

Wiliam, D; Thompson, M; (2008) Integrating Assessment with Learning: What Will It Take to Make It Work? In: Dwyer, CA, (ed.) The Future of Assessment: Shaping Teaching and Learning. (pp. 53–82). Routledge: New York, NY, USA. 

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