mercredi 23 août 2023

L’importance accordée aux explications dans le cadre d’un enseignement explicite

Une vision d'ensemble sur l'importance accordée à la conceptions des explications et à leur adéquation avec le contexte des élèves et de la classe en enseignement explicite.

(Photographie : Dakota Sumpter)





La durée des explications en enseignement explicite


Enseigner de manière segmentée, par petites étalpes en alternant modelage et pratique guidée, jusqu'à atteindre 80% de réussite en classe, prend du temps. 

Barak Rosenshine (2012) s’est intéressé à cette question du rapport entre le temps et l'efficacité de l’enseignement dans ses travaux. Il a constaté que les enseignants les plus efficaces passaient plus de temps à présenter de nouvelles matières et à guider la pratique des élèves que les enseignants les moins efficaces.

Dans une étude sur l'enseignement des mathématiques, les enseignants les plus efficaces ont consacré en moyenne vingt-trois minutes sur les quarante du cours, à donner des explications à leurs élèves sous différentes formes. Dans le cadre d'un enseignement explicite, ces explications se déroulent dans le cadre du modelage, de la pratique guidée et de la vérification de la compréhension.

Les enseignants moins efficaces n’y consacraient que onze minutes sur les quarant d'un cours, soit moins de la moitié que le temps consacré par les enseignants plus efficaces. 

Les enseignants les plus efficaces ont utilisé ce temps supplémentaire pour fournir des explications complémentaires, donner de nombreux exemples, vérifier la compréhension des élèves et fournir un enseignement suffisant pour que les élèves puissent apprendre à travailler de manière autonome sans difficulté.

Dans une étude, les enseignants les moins efficaces n'ont posé que neuf questions au cours d'une période de 40 minutes. Par rapport aux enseignants performants, les enseignants les moins efficaces ont donné des présentations et des explications beaucoup plus courtes, puis ont distribué des feuilles d'exercices et ont demandé à leurs élèves d'y travailler . Les enseignants les moins efficaces ont ensuite été observés en train de passer d'un élève à l'autre pour expliquer la matière.

Si la durée des explications de l’enseignant semble être un facteur important pour l’efficacité de l’enseignement, toutes les explications ne sont pas égales. Une explication peut être très intéressante et détaillée, mais cela ne signifie pas qu’elle soutiendra la compréhension et l’apprentissage des élèves qui la reçoivent.

Bien expliquer demande de la planification, de la clarté et une bonne conception qui tiennent compte du contexte et des objectifs d’apprentissage visés. Bien expliquer demande également de la réflexion et de l’attention, chez l’enseignant, mais également chez ses élèves.



Planifier les explications avec soin


Si comprendre et maîtriser une notion et une procédure est un prérequis pour pouvoir l’expliquer à quelqu’un d’autre, celui-ci n’est pas suffisant pour l’enseigner efficacement à vingt ou trente élèves différents.

La maîtrise et l’expertise dans un domaine peuvent nous faire souffrir de la malédiction de la connaissance. Cette dernière peut nous rendre trop confiants face aux difficultés que rencontrent les novices que sont nos élèves dans l’apprentissage. Ayant intégré tous les contenus enseignés dans des schémas intégrés, flexibles et approfondis, nous ne ressentons plus la charge mentale liée à leur apprentissage.

Pour cette raison, la précision, la planification et la préparation des explications sont nécessaires. L’improvisation sera mauvaise conseillère. Il est important d’avoir anticipé et préparé comment expliquer des contenus à des élèves novices. 

La conception de l’explication nécessite planification et réflexion. Nous devons réfléchir préalablement et attentivement à ce que nous voulons que nos élèves sachent ou soient capables de faire à la fin de notre explication. La première étape consiste à déterminer les objectifs d’apprentissage et les critères de réussite.

Ces objectifs d’apprentissage identifiés, nous nous investissons dans une conception à rebours des activités, des tâches et des supports destinés à l’apprentissage. 

La démarche de conceptions pédagogique exige également d’examiner les besoins en matière de connaissances préalables. Par le biais d’une évaluation diagnostique, nous devrons vérifier s’ils les possèdent déjà. Le retour d’information nous permet de déterminer s’ils ont besoin d’en savoir plus. En cas de nécessité, nous pouvons prévoir un préenseignement ou un nouvel enseignement avant d’accéder à ce que nous souhaitons leur expliquer. 

La réactivation des connaissances antérieures est d’une importance vitale pour construire une explication. Les recherches de Barak Rosenshine (2012) suggèrent également que les enseignants les plus efficaces consacrent une part importante de la leçon à la récapitulation des contenus préalablement enseignés.



Une liste de vérification pour la planification et la conception des explications


Pour panifier nos explications, nous devons nous poser les questions suivantes :
  1. Quelles sont les connaissances et compétences spécifiques préalables que les élèves doivent maîtriser pour comprendre le sujet qui leur sera enseigné ? Possèdent-ils ces connaissances ? 
  2. Comment les explications peuvent-elles les aider efficacement à se représenter ce qui est dit ? Quels sont les besoins en matière d’exemples et de contre-exemples pour explorer la profondeur, la complexité et le domaine d’application des contenus ? 
  3. Comment l’usage de représentations incluant les principes du double codage, des cartes conceptuelles ou des organisateurs graphiques peut-il venir soutenir la compréhension et un apprentissage profond ?
  4. Quels sont les éléments de contenu les plus en rapport avec des conceptions erronées ou des erreurs typiques ? Comment pouvons-nous anticiper l’apparition de telles difficultés ? 
  5. Comment combiner les contributions visuelles et orales aux explications ? Comment prendre en compte plus largement les principes de l’apprentissage multimédia pour améliorer nos explications en classe ?
  6. De quels éléments les élèves doivent-ils se souvenir plus spécifiquement à la fin de l’explication ? Quels sont les éléments clés, les conceptions seuils et à quels moments des questions charnières devront être posées à tous les élèves ?
  7. Comment mobiliser les objectifs d’apprentissage de manière récurrente au sein des explications pour amener les élèves à les utiliser comme éléments de référence dans leurs démarches d’apprentissage autonome ? 
  8. Comment introduire les explications de contenus complexes par étape de manière à ménager leur mémoire de travail ? 
  9. Comment introduire des analogues, des exemples, des contre-exemples, une narration pour faciliter la compréhension des élèves ?
  10. Comment utiliser l’effet du problème résolu et mobiliser des exemples de productions exemplaires dans le cadre de l’enseignement en classe ?



Anticiper les erreurs typiques et s’adapter au contexte


Lorsque nous avons une bonne idée des connaissances préalables de nos élèves, et que nous nous sommes identifié les erreurs typiques liées aux contenus des cours que nous enseignons, nous devenons mieux à même d’adapter nos explications. 

David C. Berliner et ses collègues (1988) ont montré que les enseignants qui étaient très efficaces dans leur école et leur environnement habituels pouvaient se retrouver en difficulté et se montrer inefficaces face à une classe différente.

Nos explications se construisent à partir des connaissances préalables de nos élèves. Si nos suppositions sur les connaissances de nos élèves sont inexactes, la qualité des explications s’écroule.

L’apprentissage étant invisible, la seule façon de s’assurer de ce que les élèves connaissent ou comprennent est de les interroger. Les quiz d’entrée et tickets de sortie sont idéaux pour ces démarches. Nous pouvons alors vérifier rapidement et à l’échelle de la classe ce qu’ils ont réellement mémorisé et ce qu’ils peuvent se rappeler sur demande.

Nous pouvons également essayer d’adapter nos explications afin de prendre en compte de manière anticipée les conceptions erronées que les élèves sont susceptibles d’avoir. Nous les corrigeons avant qu’elles ne deviennent apprises et ancrées. 

Cette expérience gagne à être partagée entre enseignants d’une même discipline. Cette prise de conscience vient de l’expérience acquise après avoir expliqué le même concept plusieurs fois et traité des conceptions erronées récurrentes.



Soutenir la mémoire de travail


Les ressources limitées de la mémoire de travail représentent un goulet d’étranglement pour l’apprentissage des élèves. Nous devons absolument le prendre en compte :
  • Nous devons segmenter l’apport des nouvelles informations aux élèves : 
    • Si nous donnons aux élèves trop d’informations nouvelles, nous risquons de surcharger leur mémoire et une grande partie de ce que nous disons sera oubliée. 
    • Nous devons trouver des moyens de rester dans les limites de leur mémoire de travail afin de nous assurer qu’ils peuvent se souvenir de ce que nous avons dit et l’appliquer à leur travail.
  • Nous devons limiter les distractions :
    • Éliminer les distracteurs visuels à l’avant de classe
    • Réduire les comportements perturbateurs en classe grâce à l’instauration de routines et à des démarches préventives en gestion de classe (enseignement explicite des attentes comportementales, renforcement, rétroaction positive spécifique, vigilance, continuum d’interventions, etc.)
    • Traquer les éléments distractifs, inutiles ou redondants au sein de nos explications.
    • Soutenir l’attention en classe grâce aux techniques de vérification de la compréhension.
  • Au cours de notre explication, nous pouvons noter ou afficher les points clés au tableau pendant que nous parlons, afin qu’ils puissent s’y référer par la suite. 
  • Nous pouvons également faire référence régulièrement à un organisateur graphique au fil de la progression au sein d’un thème.
  • L’utilisation d’un visualiseur peut être un moyen utile de nous assurer que nous pouvons ajouter et projeter des notes sans tourner constamment le dos à la classe et sans interrompre le flux de votre explication.
  • Mobiliser à bon escient les principes et propriétés issus de la théorie du double codage, de la théorie de la charge cognitive et de la théorie de l’apprentissage multimédia.
  • Soutenir la consolidation des connaissances au fil du temps grâce à une pratique distribuée et à des opportunités de pratique de récupération.

Mis à jour le 14/02/2024

Bibliographie


Mark Enser, Making Every Geography Lesson Count, 2019, Crown House

Barak Rosenshine, Principles of Instruction: Research-Based Strategies That All Teachers Should Know, American Educator, 36(1) (2012): 12–19 https://www.aft.org/sites/default/files/periodicals/Rosenshine.pdf.

David C. Berliner et al., Implications of Research on Pedagogical Expertise and Experience for Mathematics Teaching. In Douglas A. Grouws and Thomas J. Cooney (eds), Perspectives on Research on Effective Mathematics Teaching (Reston, VI: National Council of Teachers of Mathematics, 1988), pp. 67–95.

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