mercredi 26 juillet 2023

Les apports de l’apprentissage social et émotionnel dans la gestion des comportements

Quels peuvent être les apports de l’apprentissage social et émotionnel face aux approches écologiques et comportementales en gestion de classe ?

(Photographie : zuvson)





Spécificités de l’apprentissage social et émotionnel


L’approche de l’apprentissage social et émotionnel est une approche générale de la promotion de la santé mentale et du bien-être qui n’est pas spécifique à la gestion de la classe et à la discipline scolaire. 

Elle représente un champ large qui englobe des programmes regroupant des approches générales comme l’éducation positive, la psychologie positive, le développement émotionnel, la communication non violente, et d’autres approches également appartenant au champ de la psychologie sociale.

L’approche de l’apprentissage social et émotionnel regroupe d’autres programmes spécifiques comme ceux visant à prévenir un certain nombre de problèmes de santé mentale et de comportements à risque. Ceux-ci incluent le risque de grossesse chez les adolescentes, l’abus d’alcool et de drogues, le harcèlement, la violence à l’école ou le suicide.

En ce qui concerne la gestion de la classe, cependant, l’approche de l’apprentissage social et émotionnel est peut-être mieux vue dans des approches américaines comme Responsive Classroom (https://www.responsiveclassroom.org/) et le Caring Schools Community (https://ies.ed.gov/ncee/wwc/Intervention/103). 

Par rapport à l’approche écologique, l’approche de l’apprentissage social et émotionnel se concentre beaucoup plus sur la façon dont les élèves pensent, ressentent et agissent. Les actions et les processus mobilisés par les enseignants sont considérés comme importants. Cependant, ils ne sont qu’un des multiples facteurs. À côté de ceux-ci, nous trouvons les caractéristiques individuelles des élèves, de leurs pairs, de la culture, du développement, de la maison, de l’école et de la communauté. Ces différents facteurs fonctionnent de manière transactionnelle et dynamique pour déterminer le comportement des élèves.

Ces facteurs externes de risque et de protection influencent indirectement le comportement des élèves. Leurs effets sont largement déterminés par les processus sociaux, cognitifs et émotionnels. 

Il y a une position centrale de l’approche de l’apprentissage social et émotionnel :
  • D’un côté, les enseignants peuvent prévenir les problèmes de comportement en utilisant les techniques mises en évidence précédemment dans les approches écologique et comportementale. 
  • De l’autre, ils peuvent également les prévenir en développant chez les élèves les compétences sociales et émotionnelles associées à l’autodiscipline et en établissant des relations étroites et de soutien. 
En procédant de la sorte, les enseignants peuvent prévenir certains problèmes de comportement et favoriser la santé mentale non seulement pendant l’enfance et l’adolescence, mais indirectement également à l’âge adulte. 



Effets favorables de l’approche de l’apprentissage social et émotionnel


Une méta-analyse de Durlak et ses collègues (2011) s’est centrée sur la comparaison de programmes d’apprentissage social et émotionnel face à des conditions de contrôle impliquant chaque fois des élèves. Ils ont mis en évidence que les programmes d’apprentissage social et émotionnel menaient à des résultats significativement plus favorables dans six domaines :
  • Les compétences sociales et émotionnelles : par exemple, la régulation des émotions, la prise de recul et la résolution de problèmes sociaux
  • Les attitudes envers soi et envers les autres : par exemple, l’estime de soi, la perception des relations avec les enseignants, l’appartenance à l’école et le climat de l’école
  • Le comportement social positif
  • Les problèmes de comportement : par exemple, les perturbations majeures et mineures, la non-conformité, la violence et le harcèlement
  • La détresse émotionnelle
  • Les performances scolaires
Des programmes de gestion de classe conformes à l’approche de l’apprentissage social et émotionnel vont comporter des techniques de prévention centrées sur des approches écologique et comportementale. 

Cependant, en général, l’approche de l’apprentissage social et émotionnel est plus proche de l’approche écologique que de l’approche comportementale. En effet, l’application de ces techniques n’est pas aussi prescrite, raffinée, directive et systématique que dans l’approche comportementale.

La plus grande distinction entre l’approche de l’apprentissage social et émotionnel et les deux autres approches réside peut-être dans l’importance accrue qu’elle accorde à deux stratégies et techniques de prévention : 
  • Des interventions et des activités qui visent à développer spécifiquement les compétences liées à l’apprentissage social et émotionnel
  • L’établissement de relations.



Des interventions et des activités pour développer les compétences liées à l’apprentissage social et émotionnel


Comme l’approche comportementale, l’approche de l’apprentissage social et émotionnel cible les compétences sociales. Cependant, au lieu de se concentrer sur les comportements observables de conformité, elle cible un large éventail de comportements prosociaux et antisociaux et les processus sociaux cognitifs et émotionnels qui les sous-tendent. 

Les deux approches diffèrent également dans les techniques utilisées pour enseigner les compétences sociales et développer l’autodiscipline. 

L’approche comportementale s’appuie principalement sur l’enseignement explicite et sur des techniques de l’analyse appliquée du comportement. L’approche de l’apprentissage social et émotionnel privilégie des moyens supplémentaires issus des théories cognitivo-comportementales et émotionnelles. 

Parmi les processus sociaux, cognitifs et émotionnels qui sont ciblés dans les programmes de l’apprentissage social et émotionnel et dont il a été démontré qu’ils sous-tendent les comportements antisociaux et prosociaux, on trouve :
  • La colère et sa régulation
  • Les sentiments de responsabilité, tels que les émotions de culpabilité et de honte.
  • Le raisonnement moral et la motivation 
  • La conscience et la sensibilité aux émotions d’autrui et aux problèmes sociaux et moraux
  • La reconnaissance de l’intention d’autrui et le biais d’attribution négatif
  • La génération de solutions alternatives et l’évaluation de leurs conséquences
  • Les mécanismes du désengagement moral 
  • La perception du sentiment d’efficacité personnelle 
  • Le bonheur, le sentiment de valeur personnelle et la satisfaction de la vie
Ces processus sociaux cognitifs et émotionnels se retrouvent dans cinq compétences sociales et émotionnelles fondamentales mises en avant dans les programmes de l’apprentissage social et émotionnel : 
  • La conscience de soi
  • L’autogestion des émotions et du comportement
  • La conscience sociale
  • Les compétences relationnelles
  • La prise de décision responsable

Un certain nombre de programmes d’enseignement intégrés, tels que les programmes américains Second Step (https://www.secondstep.org/) et Promoting Alternative Thinking Strategies (PATHS https://pathsprogram.com/), qui bénéficient d’un soutien empirique, se sont avérés efficaces pour enseigner ces compétences.

Les recherches montrent que les interventions sont plus efficaces pour atteindre une gamme de résultats sociaux, motionnels et scolaires positifs lorsqu’elles sont adaptées au développement des élèves et fondées sur des preuves.

Les leçons sont séquencées :
  • Elles sont enseignées étape par étape au cours d’une même année scolaire et d’une année à l’autre
  • Elles sont actives, car les élèves jouent un rôle actif plutôt que passif dans l’apprentissage
  • Elles sont ciblées, car un temps suffisant est consacré au développement des compétences
  • Elles sont explicites, car les objectifs sont clairement formulés. 

L’intégration, ou l’infusion, de leçons dans le programme des différentes matières est également souvent recommandée. Elle est probablement pratiquée par de nombreux enseignants, soit délibérément, soit dans le cadre du programme d’études caché. 

Que ce soit dans le cadre d’un ensemble de programmes d’études ou dans le cadre du programme d’études, les leçons sont enseignées à la fois directement et indirectement. Elles utilisent une combinaison de techniques pédagogiques, mais surtout des techniques dans lesquelles les élèves sont activement impliqués. 

Il s’agit notamment :
  • De l’application des étapes de résolution de problèmes sociaux à des problèmes réels dans la classe
  • De discussions sur le raisonnement moral
  • De la prise de perspective sociale
  • De la formation à la relaxation
  • De la formation à la gestion de la colère
  • De la formation à la communication

Les élèves ont de nombreuses occasions de mettre en pratique les compétences enseignées et d’en apprendre de nouvelles. Cela peut avoir lieu lors de réunions de classe, dans le cadre de la médiation par les pairs, lors de la résolution de conflits et pendant les activités extrascolaires ou lors de la mobilisation de l’apprentissage coopératif.



Établissement de relations et prévention des problèmes de comportement


Dans le cadre de l’approche de l’apprentissage social et émotionnel, le développement et le maintien de relations chaleureuses, proches et solidaires sont essentiels. Ils permettent de maintenir l’ordre, de développer l’autodiscipline et de faciliter les interventions lors de perturbations. 

L’importance des relations dans la gestion de la classe est également reconnue dans les approches écologique et comportementale. Elle reçoit beaucoup moins d’attention dans ces deux approches et est davantage considérée comme un produit des techniques de gestion de la classe, en particulier le renforcement positif, plutôt que comme une technique préventive en soi. 

Les relations enseignant-élève reçoivent la plus grande attention dans l’approche de l’apprentissage social et émotionnel. Les relations entre élèves et, dans une moindre mesure, les relations enseignant-parent sont aussi généralement ciblées.



L’importance des relations entre l’enseignant et ses élèves


De nombreux chercheurs en psychologie du développement et en sciences de l’éducation soutiennent que l’établissement de relations positives entre les enseignants et les élèves devrait être l’objectif principal des efforts de prévention en gestion de classe.

Ce point de vue est soutenu par des études démontrant que les relations positives entre enseignants et élèves sont liées à un certain nombre de résultats sociaux, émotionnels et d’apprentissages pour les élèves. 

Par exemple, les élèves qui perçoivent des relations positives entre l’enseignant et les élèves :
  • Sont plus assidus
  • Font preuve d’un plus grand engagement scolaire
  • Rencontrent une meilleure réussite scolaire
  • Sont motivés pour agir de manière responsable et prosociale.
  • Adoptent moins de comportements oppositionnels et antisociaux, y compris de harcèlement.

Le fait que les élèves se comportent moins mal lorsque les relations avec leurs enseignants sont positives est vrai pour tous les élèves, quel que soit le degré du comportement problématique.

La valeur préventive des relations enseignant-élève est particulièrement importante pour les élèves qui ne bénéficient pas d’autres sources de soutien stables et solides, de la part de leurs parents, de leurs pairs et de leurs amis proches.

Les relations entre enseignants et élèves sont également importantes pour la prévention (et le développement de l’autodiscipline). Grâce à une meilleure relation, les élèves sont plus susceptibles d’intérioriser les valeurs de leurs enseignants lorsqu’ils perçoivent ces derniers comme étant bienveillants, chaleureux, justes, respectueux et solidaires.

De nombreuses recherches montrent que les relations chaleureuses et solidaires entre enseignants et élèves constituent un atout protecteur pour ces derniers. Elles ralentissent les effets négatifs de multiples facteurs de risque pour les élèves présentant des problèmes d’extériorisation et d’intériorisation.



L’impact des relations entre pairs


Les relations positives entre élèves, telles qu’elles se manifestent dans les amitiés et l’acceptation par les pairs, sont associées à un certain nombre de résultats scolaires et socioémotionnels positifs.

Comme c’est le cas pour les relations entre enseignants et élèves, les relations positives entre élèves contribuent à atténuer l’impact négatif des facteurs de stress.

Les relations entre les élèves influencent également la gestion de la classe par le biais des normes de la classe. Les élèves sont plus susceptibles de mal se comporter dans les classes où les comportements perturbateurs et agressifs sont socialement acceptés ou normalisés. Cela est vrai indépendamment des connaissances ou du répertoire d’aptitudes sociales des élèves.

Il est bien établi que les connaissances et les aptitudes ne sont pas suffisantes pour un comportement prosocial. Il est logique de penser que de nombreux problèmes de comportement pourraient être évités en établissant des relations entre élèves qui ne soutiennent ni ne valorisent les comportements antisociaux et agressifs. Il s’agit de faire en sorte que les enseignants soient attentifs aux affiliations avec les groupes de pairs et en ciblant les croyances, valeurs et normes antisociales dans la classe où elles existent. 



Relations entre enseignants et parents


Les relations entre l’enseignant et les parents sont aussi souvent ciblées pour être améliorées dans les programmes qui sont conformes à l’apprentissage social et émotionnel

Dans ce cadre, la recherche montrant une forte influence des parents sur le développement scolaire, social et émotionnel de leurs enfants.

En ce qui concerne la gestion de la classe et le comportement des élèves, la plupart des recherches empiriques dans ce domaine se sont concentrées sur la communication et la collaboration. Celles-ci portent sur la correction des problèmes de comportement plutôt que dans leur prévention. 

En ce qui concerne l’amélioration du comportement, les techniques qui impliquent une communication entre la maison et l’école se sont avérées efficaces, comme l’utilisation de rapports quotidiens (Check In/Check Out).


Mis à jour le 31/01/2023

Bibliographie


Bear, G. G. (2015). Preventive and classroom-based strategies. In E. T. Emmer & E. J. Sabornie (Eds.), Handbook of classroom management (2nd ed., pp. 15–39). New York, NY: Routledge

Durlak, J. A., Weissberg, R. P., Dymnicki, A. B., Taylor, R. D. and Schellinger, K. B. (2011), The Impact of Enhancing Students’ Social and Emotional Learning: A Meta-Analysis of School-Based Universal Interventions. Child Development, 82: 405–432. https://doi.org/10.1111/j.1467-8624.2010.01564.x

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