vendredi 2 juin 2023

Un processus d’acquisition et de soutien au développement de compétences cognitives et métacognitives

Comment aider les élèves à réguler leurs apprentissages ?

(Photographie : John Spinks)



Objectifs d’un enseignement explicite de l’apprentissage autonome


Lorsque des élèves comprennent comment la mémorisation fonctionne, ils deviennent susceptibles de mieux décider quelles stratégies sont les plus propices à l’apprentissage en fonction du contexte et de leurs objectifs.

Ils deviennent capables : 
  • À court terme, d’augmenter leur efficacité et leurs chances de mieux réussir une évaluation donnée.
  • À moyen terme, d’augmenter leur efficience et faire un meilleur usage de leur temps de travail autonome disponible.
  • À long terme, d’améliorer leurs performances en développant de bonnes habitudes d’étude qui leur seront utiles tout au long de votre parcours scolaire et même au-delà, dans le cadre de leur vie professionnelle. 
Le choix des stratégies doit se porter sur le développement d’un apprentissage durable et en profondeur. Elles doivent par conséquent aider les élèves à distribuer leurs apprentissages et à différencier les approches de manière à réaliser une bonne intégration des connaissances et compétences dans leur mémoire à long terme. Le but est de faciliter leur récupération ultérieure. Il s’agit de déterminer le bon équilibre entre un apprentissage à long terme et une performance adéquate lors des évaluations sommatives et certificatives. 



Le jugement sur l’apprentissage dans le cadre de la métacognition


La connaissance des principes de base du fonctionnement de la mémoire et de la science de l’apprentissage peut aider les élèves à faire des choix plus éclairés sur leur processus d’étude. 

Avant, pendant et après le processus d’apprentissage, les élèves peuvent prendre des décisions et poser des ajustements. La manière dont ils évaluent leur propre processus d’apprentissage et posent un jugement est déterminante. 

La recherche nomme cette évaluation un jugement sur l’apprentissage. Dans les études portant sur ce thème, les élèves effectuent une tâche [par exemple, la lecture d’un texte ou l’étude de paires de mots] et estiment leurs résultats probables lors d’un test portant sur ce contenu. 

Les jugements sur l’apprentissage sont influencés par : 
  • Leurs compétences métacognitives : ce que les élèves pensent savoir sur le fonctionnement de leur cerveau.
  • Leur expérience personnelle d’étude.
  • Leurs croyances et les conseils d’autrui.
Les différentes influences peuvent être plus ou moins correctes et sont sensibles à des biais cognitifs.

Une expérience intéressante est celle de Rhodes et Castel [2008]. Les deux chercheurs ont demandé à des étudiants d’étudier des mots dont la moitié était composée de lettres de taille 18 et l’autre moitié de lettres de taille 48, dans un ordre aléatoire. Pour chaque mot, les élèves ont évalué sur une échelle de 0 à 100 la probabilité qu’ils se souviennent de ce mot lors d’un futur test. 

Par la suite, les élèves ont été soumis à un test de rappel libre au cours duquel ils ont noté tous les mots dont ils se souvenaient. 

Le jugement sur l’apprentissage des mots avec une taille de police de 48 était plus élevé que ceux des autres mots, mais cette estimation s’est avérée incorrecte. Lors du test, les élèves se sont souvenus d’environ le même nombre de mots des deux tailles de police.

Une caractéristique courante du jugement sur l’apprentissage est qu’il est généralement plus élevé que les performances réelles des élèves. Il existe une tendance à surestimer l’apprentissage.



Une vue d’ensemble des compétences métacognitives


La planification et la régulation du processus d’apprentissage nécessitent des compétences métacognitives que les élèves ne développent pas nécessairement de manière spontanée ou optimale.

Ces compétences métacognitives regroupent notamment :
  • L’activation des connaissances antérieures pertinentes
  • La sélection et la maîtrise de stratégies d’étude efficaces
  • La capacité à organiser le temps d’étude disponible
  • La fixation d’objectifs.
  • La régulation de l’apprentissage :
    • Comment puis-je atteindre mes objectifs ?
    • Où en suis-je par rapport à mes objectifs ?
    • Comment puis-je adapter mon processus d’apprentissage pour les atteindre ?
    • Ai-je atteint les objectifs d’apprentissage ? 
  • Un bon équilibre entre objectifs de maîtrise et de performance avec un accent sur les premiers.  
    • Ces deux types d’objectifs favorisent l’engagement, mais un trop grand accent sur les objectifs de performance pourrait amener à choisir des stratégies d’étude qui aident à atteindre un objectif à court terme. Dans ce cas, un élève peut obtenir de bons résultats au test, mais la matière n’est pas assimilée à long terme. 
    • Les élèves qui font de la maîtrise de l’apprentissage un objectif prioritaire sont plus susceptibles de choisir des stratégies d’étude qui visent à se souvenir plus longtemps et mieux de la matière. 



Processus d’enseignement explicite d’une stratégie d’apprentissage autonome


Comme dans le cadre classique de l’enseignement explicite des contenus, celui d’une stratégie d’apprentissage autonome suit un processus de transfert de la responsabilité de l’enseignant vers l’élève.  Il tient compte de la charge cognitive et engage l'élève activement tout en tenant compte de sa bonne compréhension des processus.


Commencer par communiquer sur ce que signifie étudier efficacement dans le cadre de la stratégie cognitive ou métacognitive


Nous voulons :
  • Sensibiliser les élèves à l’importance d’étudier efficacement. 
  • Créer un environnement de classe dans lequel les stratégies cognitives, métacognitives ou d’organisation sont délibérément et naturellement abordées :
    • Quelles stratégies d’apprentissage utilisent-ils pour traiter certains contenus ou développer certaines compétences liées à la matière enseignée et pourquoi ?
    • Peuvent-ils raisonnablement atteindre leurs objectifs d’apprentissage en agissant ainsi ? 
    • Pensent-ils que leurs stratégies d’apprentissage sont toujours efficaces ? 
    • Est-ce qu’ils font un planning et est-ce qu’ils arrivent à la suivre ? 
    • Sont-ils conscients de l’importance d’étudier par étapes et de se tester ? 
  • Activer les connaissances préalables des élèves sur la stratégie cognitive, métacognitive ou d’organisation que nous voulons leur enseigner ensuite. 
  • Identifier et apporter une correction aux idées fausses et aux conceptions erronées qu’ils peuvent avoir intégrées et apprises.


Poursuivre par le modelage de la stratégie  


Nous voulons :
  • Rendre explicite la stratégie que nous allons leur faire pratiquer concrètement dans le cadre des tâches d’apprentissages incluses dans notre enseignement. 
  • Expliquer aux élèves en quoi consiste la stratégie modélisée et pourquoi elle est efficace.
  • Montrer comment utiliser cette stratégie :
    • En étant un modèle.
    • En laissant les élèves voir comment nous utilisons cette stratégie en tant qu’expert.
    • En raisonnant à haute voix en utilisant le je :
      • En nommant et en identifiant les étapes suivies.
      • En explicitant tout le processus de réflexion, nous laissons voir pourquoi nous prenons telle décision à tel moment.
      • L’enjeu est de rendre le plus explicite possible pour l’élève, les automatismes implicites de l’expert. 


Poursuivre par la pratique guidée puis autonome de la stratégie


  • Faire pratiquer les élèves de manière guidée en vérifiant leur compréhension :
    • Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que nos élèves soient capables d’utiliser spontanément cette stratégie après un seul moment d’enseignement.
    • Nous leur offrons un soutien [étayage], que nous réduisons lentement au fur et à mesure que les élèves acquièrent plus d’expertise.
  • Faire pratique les élèves de manière autonome, en offrant une rétroaction : 
    • Nous leur donnons de nombreuses occasions de s’exercer et de recevoir un retour d’information afin qu’ils puissent s’adapter si nécessaire. 
    • Un retour d’information efficace indique aux élèves comment combler l’écart entre leur situation actuelle dans leur processus d’apprentissage et le but qu’ils doivent atteindre [l’objectif d’apprentissage]. 
    • De cette manière, les élèves ont l’occasion de mettre à jour leurs schémas de connaissances à la fois sur le déploiement de la stratégie et sur le contenu de matière.
  • Nous donnons aux élèves des opportunités de réaliser la valeur ajoutée de la stratégie à laquelle nous les formons.



Processus de consolidation d’une stratégie d’apprentissage autonome


Après avoir sensibilisé et former à une stratégie, évaluer son utilisation 


Nous voulons :
  • Encourager les élèves à se demander s’ils ont atteint leurs objectifs et s’ils ont choisi la stratégie d’apprentissage la plus appropriée. 
  • Les laisser réfléchir à la manière dont ils ont utilisé une stratégie avec succès ou non et au moment où ils pourront la réutiliser ou mieux la mobiliser à l’avenir.

Il n’est pas nécessaire de mener cet exercice de réflexion de manière systématique. En y consacrant régulièrement du temps, nous pouvons aider les élèves à prendre conscience, à prendre du recul et à réfléchir sur quelle stratégie fonctionne dans quel contexte et pourquoi, le tout à leur échelle personnelle.



Viser le transfert de la responsabilité de l’usage de la stratégie cognitive ou métacognitive et la transformer en routine


Nous voulons :
  • Comme premier enjeu fondamental, transférer la responsabilité de l’utilisation des stratégies cognitives et métacognitives de l’enseignant vers l’élève. 
  • Pour cela, que dans une première phase, l’enseignant assume un rôle de guide, puis un rôle de soutien et enfin un rôle de surveillance. 
  • Comme second objectif fondamental, l’acquisition de routines par les élèves, c’est-à-dire le développement de bonnes habitudes d’étude.

Le comportement habituel joue un rôle important dans la réalisation ou non des objectifs à long terme des élèves. Nous ne pouvons pas miser uniquement sur leur bonne volonté. Le fait de se concentrer sur l’établissement de solides habitudes d’étude offre la possibilité de rendre les élèves moins dépendants des aléas quotidiens, de leur volonté et moins sensibles à la distraction.

Toute habitude se compose de trois éléments qui forment un processus cyclique. Celui-ci en se répétant crée une habitude qui à force devient une option comportementale par défaut : 
  • Un indice ou antécédent, c’est-à-dire un élément ou un facteur dans l’environnement proche qui déclenche une réaction.
  • La répétition d’une série d’actions qui suivent cet indice très régulièrement.
  • Un renforcement positif (ou une rétroaction positive spécifique) qui joue le rôle de récompense tangible ou intangible.

Mis à jour le 04/01/2024

Bibliographie


Hoof, T., Surma, T., & Kirschner, P. A. (2021). Leer studenten studeren met succes. Antwerpen: Thomas More-hogeschool. 

Rhodes, M. G., & Castel, A. D. [2008]. Memory predictions are influenced by perceptual information: evidence for metacognitive illusions. Journal of experimental psychology: General, 137 [4], 615. 

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